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lundi 30 septembre 2013

Inscrire la poésie dans le quotidien

Plusieurs me diront qu'ils ne lisent pas de poésie. Peut-être se sentent-ils intimidés, ont-il peur de ne pas tout comprendre, de ne pas savoir comment réagir? Pourtant, la poésie ne se décrypte pas, elle se ressent. Bien sûr, nous avons tous un souvenir plus ou moins heureux des séances d'analyse réalisées jadis, alors que les professeurs nous forçaient à distendre le propos à son maximum pour y déceler figures de style, allitérations, répétitions, mots-valises et autres. Certains auront aussi peut-être peiné à mémoriser L'albatros, Le vaisseau d'or, Le dormeur du val... Si ces textes avaient été appris réellement « par cœur », avec une mémoire venant du cœur,  la donne aurait sans aucun doute été autre.

La poésie a été écrite pour dire autrement, bouleverser, déranger, faire pleurer, mais surtout pour s'incarner dans le réel, être entendue. Quand on laisse ses yeux courir sur une page, on ne résout que la moitié de l'équation posée par le poème. Il faut l'écouter pour percevoir la respiration que l'auteur a souhaité y donner, réaliser physiquement comment certains vers ne peuvent s'enchaîner, qu'ils ont besoin de résonner d'abord - jamais d'être raisonnés -, avant d'être balayés par une assonance, un oxymore.

Présenté devant une salle bondée toute la fin de semaine à la 5e Salle, Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent nous rappelle que la poésie demeure un geste qui doit s'inscrire dans le quotidien, que les gens ont besoin d'y communier de temps en temps, si pas tous les mois, toutes les semaines. J'ai rarement été témoin d'une écoute aussi attentive, que ce soit au concert ou au théâtre. Personne ne bronchait, mais tous étaient visiblement fascinés par ce qu'ils entendaient. Plusieurs ont d'ailleurs accepté l'invitation des participants de venir avaler un petit sandwich « pas de croûte » ou de prendre un verre de punch, arrosé d'un trait généreux d'alcool après la représentation. 

Comment refuser un tel breuvage quand il vous est offert par la grande Patricia Nollin, qui m'a prouvé en quelques phrases que l'Ulysse de James Joyce n'était certes pas aussi indigeste que je l'avais cru et qui a réussi à transformer La soupe aux poireaux de Marguerite Duras en moment de réflexion sur la vie? Comment ne pas vouloir serrer dans ses bras Simon Lacroix et Yves Morin qui ont offert une relecture mémorable à tout point de vue de la Troisième Gnossienne de Satie? Comment ne pas ouvrir dès le retour Rimbaud, ce poète que j'avais eu tant de peine à apprivoiser en cours de littérature à l'université, après avoir entendu Céline Bonnier transcender son Bateau ivre? Comment ne pas sentir sa gorge se nouer quand Jean-François Casabonne déclame Je voudrais pas crever de Vian, frémir après Dieu merci ce n'est pas moi d'Evelyne de la Chenelière ou N'aie pas peur maman de Robin Aubert, applaudir l'association Patrice Desbiens/Koriass dans Le vent de Sudbury, pleurer pendant qu'Éric Robidoux lit Je t'écris de Gaston Miron, avant de danser un extrait de La pornographie des âmes de Dave St-Pierre avec Clara Furey?


(le projet, dans une mouture antérieure)



***

À l'aller, j'avais pris soin de glisser dans mon sac Coït de Chantal Neveu, un recueil brillant, ludique, musical par la façon dont il s'articule, se démultiplie, se découvre de façon presque insidieuse, qu'on le lise à l'horizontale ou à la verticale. Après tout, quand un lien fort s'établit entre deux êtres, ne devrait-il pas permettre au corps, au cœur  à la tête et à l'âme de s'aligner en un même axe, une même asymptote?


je ne vois pas / le la / des pulses / internes / des colonnes d'air / des réflexes / des volumes sonores / des aberrations / séparée de l'instrument / les notes / de programme / ne disent rien de cela / des mesures / des nombres / des variations toniques percussives / des équivalences électroniques / des lignes rythmiques / une percée / sforzando / là / oui / c'est cellulaire / ce que cela rend possible / une immense ouverture / une séquence / ample / délicatesse moléculaire / descrescendo / ce n'est pas la musique


Une façon tout en délicatesse, en force retenue, de clore ce très beau mois de septembre au Québec... Merci à Karine d'avoir de nouveau proposé ce challenge!

vendredi 27 septembre 2013

Salves: le fil de la vie

Salves bouscule, questionne, déroute. Le ballet exige une participation active du spectateur qui doit puiser dans des référents historiques, artistiques, sociaux, psychologiques. Il ne laisse aucun répit, se dévoile par bribes, autant de flashs cinématographiques qui, le temps que l’on en assimile les multiples strates, sont balayés par un autre. Tissés à même une trame bruitiste, qui ne laisse que bien peu de répit au conscient – qui cherche à décrypter les bribes de discours, les propos, essaie de situer dans le temps ce qu’il entend –, de courts tableaux, parfois en apparence futiles, souvent d’une rare puissance, se font et se défont, se répètent, se métamorphosent, autant de confrontations insidieuses avec la petite et la grande histoires.
Entre danse et théâtre, cinéma et arts visuels, ce spectacle de la compagnie Maguy Marin, que l'on pourrait croire échevelé, est pourtant construit avec une rare rigueur. Les répétitions de motifs, assemblés de façon musicale comme autant de leitmotive, servent de ponctuation, renforçant un propos, un geste, instillant le doute, la réflexion, incitant à toujours puiser plus loin que ce que l’œil perçoit pour atteindre un niveau de compréhension autre, à la fois plus réfléchi et plus instinctif.
Dès les premiers instants, la notion de fil, à la fois simple et enchevêtré, est clairement établie : fil narratif, fil d’une histoire qui répète ses erreurs sans jamais apprendre, fil d’Ariane qui permet de s’orienter dans cet univers souterrain, fil ténu qui nous relie à notre voisin, notre contemporain, alors que nous avançons, souvent seuls au milieu de la foule, freinés par les circonstances, les idéaux de nos dirigeants, une situation économique ou sociale, bridés dans notre élan comme ces corps qui s’élancent et se figent dans une position parfois sculpturale, parfois grotesque.
Arrêt sur image, sur situation, sur émotion. Retour sur la guerre, seule logique apparente du dernier siècle. Prise de position franche contre la toute-puissance de la religion catholique, les dirigeants qui écrasent le peuple. Réflexion sur l’art, à travers la présence de peintures aux passés sulfureux, mais aussi à travers l’assemblage même du ballet. Ici, la danse n’est que très rarement synonyme de beauté, de réconfort. Elle déstabilise, irradie, fauche, habite si l’on accepte un certain lâcher-prise.
Le regard que Maguy Marin pose sur notre monde ne se veut pourtant pas uniquement glauque. Salves parle aussi de solidarité (réelle ou soufflée par un régime plus ou moins totalitaire), de reconstruction (comme ces fragments rouges, dont on ne comprend pas la fonction au début, qui deviendront de nouveau vases dans lesquels glisser des fleurs), de liens qui se tissent et se défont, d’humanité. « Quand on est dans la merde jusqu’au cou,  il ne reste plus qu’à chanter », peut-on lire sur le tableau d’école. On peut aussi choisir de se taire et de danser.

mercredi 25 septembre 2013

Le murmure du coquelicot: impression mitigée

Depuis le 19e siècle, on rêve à l’œuvre d’art totale (Gesamtkunstwerk), union entre les disciplines artistiques à la portée métaphysique. Peut-on associer le côté spectaculaire du cirque à celui intimiste du théâtre, les lier par des prestations musicales? Croyant pouvoir répondre par l’affirmative, l’inspirant collectif Les 7 doigts de la main n’a pu résister à l’invitation de Lorraine Pintal d’habiter autrement les planches du TNM.
Peut-on passer en quelques secondes des oh! et ha! d’émerveillement suscités par une prouesse circassienne au silence intérieur nécessaire pour apprivoiser une histoire d’enfance hypothéquée, d’amours déçues, de projets avortés? Les attentes étaient probablement trop élevées et, malgré quelques tableaux particulièrement réussis (le numéro de mat chinois, celui de trapèze à deux, les duos juxtaposés entre guitaristes et acrobates), on sort de la salle déçu, en se demandant toutefois comment Le murmure du coquelicot aurait pu relever son pari.

Pour lire le reste de ma critique, c'est ici...
Pour voir un extrait du spectacle sur le site de La Presse.

mardi 24 septembre 2013

Lakmé: pour Audrey Luna

Sujet brûlant d’actualité, le fanatisme religieux s’inscrit au cœur de Lakmé, opéra de Léo Delibes créé en 1883, présenté samedi en ouverture de saison de l’Opéra de Montréal. La première ministre Pauline Marois, qui assistait au spectacle, le jour même du 50e anniversaire de l’inauguration de la Grande Salle (qui deviendra quelques années plus tard Salle Wilfrid-Pelletier), n’a cependant pas à s’inquiéter que cette production alimente de nouvelles polémiques autour de la Charte des valeurs. On parle ici de la lecture datée, volontairement colonialiste, d’une histoire d’amour condamnée dès le premier regard, entre le bel officier Gérald et la fille du brahmane Nilakantha. Comme plusieurs avant (et depuis) elle, Lakmé pense que la pureté de son amour le sauvera (allant jusqu’à lui faire boire l’eau sacrée qui lie éternellement les amants). Elle paiera de sa vie sa désillusion, mais exemptera cet amoureux ingrat du courroux paternel.

Photo: Yves Renaud
L’Opéra de Montréal reprend ici décors et costumes du spectacle présenté à Montréal en 2007 (coproduction avec Opera Australia), qui avait ravi public et critique avec Aline Kutan dans le rôle-titre. La scénographie reste particulièrement chargée: jardin presque trop luxuriant au premier acte, bambous et feuillages encadrant l’espace de jeu, scène de ville utilisant plusieurs des mêmes éléments, dans lequel le très kitsch char de la déesse Dourga tournera en rond au deuxième, cabane rustique un peu plus convaincante au dernier acte. Le tout laisse bien peu de place à la distribution et au chœur, bien préparé et paré de couleurs vives, pour évoluer.

Le propos et la mise en scène statique d’Alain Gauthier pourraient agir comme autant d’irritants, mais c’est sans compter sur le charme qui opère dès qu’Audrey Luna – inoubliable Ariel dans The Tempest de Thomas Adès, présenté en août 2012 à Québec – ouvre la bouche.

Pour lire le reste de ma critique sur le site de la revue Jeu...

lundi 23 septembre 2013

La preuve ontologique de mon existence: verdict suspendu

« Coups de poing, coups de pieds, harcèlement amoureux, poignées de cheveux arrachées à ma tête – ce sont des preuves que les autres existent. Vous les verrez, vous les sentirez.» Dès les premiers instants de La preuve ontologique de mon existence, on comprend que l’on plongera dans un camaïeu de noirs, palette que Joyce Carol Oates a de tout temps privilégiée.

Adolescente en fuite, Shelley vit maintenant enfermée dans un lieu sordide, sous la coupe de Peter V., qui vend ses services à des hommes d’une affligeante banalité, mais en manque de violence. Elle a cherché à disparaître, à oublier sa famille. Elle a fini par s’annihiler en faisant disparaître les kilos, en consommant des psychotropes.  Dépossédée d’elle-même, elle ne se définit plus qu’en tant que possession, celle de Peter, qu’elle croit aimer, celle de Martin son nouveau «mari» qui ne peut, lui, se définir qu’en la frappant.

Le spectateur a d’abord l’impression que la pièce s’articule autour du personnage de Shelley (campé lors de la première off Broadway en 1972 par Eileen Dietz, qui atteindra un statut culte l’année suivante pour son rôle dans L’exorciste). Il faut plutôt percevoir le fil narratif à travers les yeux de Peter, né une seconde fois à l’âge de 25 ans, après s’être identifié à Piotr Stépanovitch Verkhovensky, l’un des principaux protagonistes des Possédés de Dostoïevski (titre qu’il faudrait plutôt traduire par Les Démons). Méphisto des temps modernes, interprété avec ce qu’il faut de suavité troublante par Frédéric Lavallée, Peter inscrit dans son petit calepin le nom de toutes ces âmes perdues, autant de jeunes filles ayant voulu fuir, se fuir.

Pour lire le reste de ma critique, dirigez-vous vers le site de Jeu...

dimanche 22 septembre 2013

L'amant du lac

Peintre de formation, Virginie Pésémapéo Bordeleau a participé à de nombreuses expositions, tant au Canada qu'à l'étranger. Elle est aussi devenue poète, puis romancière avec Ourse bleue (paru en 2007). Dans son deuxième roman, L'amant du lac, elle plonge dans l'érotisme, mais un érotisme qui ne ressemble à aucune des images qu'un lecteur blanc pourrait avoir. Ici, pas de vulgarité, peu de langage cru. Un propos organique plutôt, une série de gestes naturels qui s'enchaînent, parfois certes nommés sans détour, mais jamais de façon gratuite.
« Son ventre brûlait d’un désir véhément depuis sa rencontre avec le métis. Il cognait dans ses veines, grimpait le long de ses jambes, palpitant dans la chair de ses cuisses pour se cramponner à son sexe comme une main de miel. »
Cet appel des corps, entre Wabougouni l'Algonquine et Gabriel le métis relève de l'évidence. Elle le voit, sa présence la bouleverse. Il accepte l'offrande, y participe. Elle le sait de passage, comprend parfaitement que sa propre situation n'est pas simple (elle attend déjà un enfant d'un autre), que son passé demeure chargé, mais le désir devient maître et les deux corps établiront un dialogue dans une langue autre, qui ne peut être entièrement comprise, assumée, que par eux deux. Le lac Abitibi abritera leur secret, mais permettra aussi à cet amour de s'inscrire dans un lieu, dans une douleur aussi, celle de l'absence, même si acceptée dès la première caresse.
« Puis, malgré elle, les pensées de Wabougouni se dirigèrent vers les lendemains sans lui, quand son lit serait un désert, plein de son absence, de son silence, vide de ses mains, de sa bouche, de son sexe, de la plénitude de son corps. »
On parle beaucoup de réappropriation du soi, de recherche d'avenues afin que les Premières nations puissent exprimer autrement leur douleur envers le vol du territoire et la perte d'identité. Cette réconciliation s'inscrit sans doute en partie dans la parole, mais une parole autre, incarnée, plus proche de la nature, qui nous en apprend autant sur eux que sur nous quand elle est partagée.
« Il eut l’horrible impression de fuir, de perdre quelque chose qu’il ne retrouverait jamais. Le sentiment d’être pleinement vivant. »




jeudi 19 septembre 2013

Tour Paris 13

Une autre initiative qui me fera amèrement regretter de ne pas être à Paris en octobre...

Une tour, dans le 13e arrondissement, qui sera détruite à la fin de l'année. La Galerie Itinerrance et Mehdi Ben Cheikh décident de monter un projet unique: faire appel à une centaine d'artistes de Street Art, des quatre coins du monde, qui vont pouvoir investir le lieu, une ultime fois avant sa destruction.

Du 1er au 31 octobre, le public pourra se promener dans les 36 appartements de 4 ou 5 pièces, s'approprier les univers particuliers d'artistes de 16 nationalités. De façon parallèle, les internautes pourront faire la visite virtuelle complète des lieux. Un projet fou, éphémère, incontournable.

On peut déjà mettre le site du projet dans ses favoris...

mercredi 18 septembre 2013

Pas peur du noir

Perdre un enfant : certainement la douleur la plus poignante imaginable. Est-il plus facile de se détacher de cet être sur lequel tant d’espoirs étaient fondés s’il nous quitte dans les dernières semaines de grossesse? Comment un parent peut-il survivre à ce vol sournois de souvenirs tangibles, à cette succession de gestes infimes qui finissent par définir les liens que nous entretenons? « … je vois des femmes enceintes qui auront droit à ce bonheur avant moi, qui ont commencé à écrire l’histoire de leur famille. J’ai perdu ma place dans l’ordre des choses. J’ai l’impression d’avoir manqué ma sortie sur l’autoroute. »

Souhaitant transcender la douleur ressentie lors du décès d’un premier enfant, Marilou Bourassa s’est jetée dans l’écriture de fiction, pour nommer la tristesse, mais aussi faire la lumière sur un sujet encore tabou, l’interruption médicale de grossesse. « N’espérez pas amener de tels sujets sur la place publique, Chloé. La mort révolte. Vous effrayeriez bien trop de parents pour le que peu que vous éduqueriez », fait d’ailleurs dire l’auteure à Nistor, qui a perdu un fils dans un accident, mais ne s’en est toujours pas remis.

Chloé tente de comprendre, de se reconstruire, à coups de rencontres, aussi bien avec des spécialistes que des étrangers : un itinérant, Nistor le pêcheur, un locateur de chiens. Ces deux derniers personnages ainsi que la petite nièce de Chloé se révèlent d’ailleurs particulièrement attachants. La mère éplorée doit aussi redéfinir le lien qui l’unit au père de ce bébé trop tôt disparu. Le texte, fluide, s’articule essentiellement autour de dialogues, le rapprochant de la maïeutique socratique (l’« art d’accoucher les esprits » après tout). Malheureusement, le fait que chaque chapitre aborde un thème en particulier alourdit la lecture et transforme le livre en ouvrage presque spécialisé par moments (la rencontre avec le médecin) et à d’autres en traité de spiritualité (celle avec le célébrant). Pourtant, l’auteure sait maintenir son lecteur en haleine, comme elle le démontre aisément dans le prologue, dans lequel elle raconte son histoire, segment qui m’a entièrement happée.

Malgré ces réserves, on ne peut que saluer le fait qu’un tel ouvrage existe maintenant. Combien de parents, d’amis touchés par cette situation difficile, auraient souhaité pouvoir se plonger dans de telles pages quand ils ont dû faire face à cette terrible situation?


                                                                                                                


lundi 16 septembre 2013

Cirque d'un nouveau monde

Quel beau projet! Demain, mardi à 20 h, à la Maison de la culture Frontenac, la fanfare Pourpour et 36 enfants de l’école Champlain se retrouveront sur scène pour interpréter les musiques et chansons qu’ils ont composées ensemble. Ce spectacle gratuit est le fruit des ateliers de création en musique et en écriture que la fanfare Pourpour mène depuis 2010 auprès des enfants de 4e et 5e années de l’école Champlain dans le quartier Centre-Sud dans le cadre du projet Bal de l’Avenir. Un disque rassemblant quatre chansons écrites en atelier sera lancé à cette occasion.

De plus, une grand parade de rue aura lieu le jeudi 19 septembre, à 14 h pour célébrer la rentrée scolaire, avec 200 enfants des écoles Champlain, Garneau, Marguerite-Bourgeoys, Saint-Anselme, Jean-Baptiste Meilleur et Pierre-Dupuy, des acrobates de 321 Cirque ainsi que des enseignants, parents, amis et voisins. Une équipe de journalistes en herbe formée par des élèves de l’école Garneau couvrira l’événement via des reportages écrits et radio.

dimanche 15 septembre 2013

La Recrue de septembre est en ligne

Les journées ont commencé à fraîchir, nous rappelant que l’été doit maintenant être invoqué à l’imparfait. Vous me croyez nostalgique? À peine, car la rentrée littéraire québécoise s’annonce particulièrement effervescente, côté premiers ouvrages. Le genre serait-il en train de devenir populaire? Il me semble un peu hasardeux d’aller jusque-là, mais n’empêche, on peut certainement parler d’un souffle nouveau. À l’automne 2007 (et oui, La Recrue du mois entamera le mois prochain sa 7e année!), quand je mentionnais à de vagues connaissances – ou même à des amis – que je m’étais jointe à un collectif faisant la promotion des premiers romans québécois, les visages s’allongeaient généralement de façon symptomatique. Maintenant, quand je rencontre des inconnus et leur parle de premier roman québécois, plusieurs réussissent à me nommer un ou deux titres s’étant particulièrement illustrés. Je ne peux que saluer l’initiative de Tristan Malavoy-Racine, directeur littéraire de la nouvelle collection Quai no 5, d’oser miser sur la littérature émergente en publiant deux premiers romans. Je m’entretiendrai d’ailleurs avec lui le 17 septembre à 9 h 05 dans le cadre des Actualités littéraires sur CKCU des défis liés à un tel pari. Quelle joie aussi de découvrir que le numéro courant du Libraire était consacré au premier roman! On y retrouve d’ailleurs une entrevue de fond avec notre Recrue de septembre, Sophie Létourneau, auteure de Chanson française, un roman d’amour tout en légèreté sis entre Montréal et Paris, qui donne une furieuse envie de fredonner.

Montréal, la France… Les distances sont faites pour être abolies et c’est avec une certaine fébrilité que je vous annonce que notre partenariat avec le Festival du premier roman prendra une nouvelle tangente cet automne, avec l’implantation de tout nouveaux tout beaux clubs de lecture liés au premier roman, français et québécois, dont les membres se rencontreront – pour l’instant – à Montréal (notamment à la bibliothèque du Plateau Mt-Royal et à la Librairie Port de tête), à Blainville… et à Rimouski! Quinze titres français et quinze titres québécois seront proposés aux participants, qui dresseront dans quelques mois un palmarès de leurs coups de cœur. J’espère avoir le plaisir de rencontrer plusieurs des participants. Nous vous proposerons sur notre site, de faction périodique, quelques vox pop, histoire de donner la parole à ces lecteurs curieux, ces aventuriers de la nouvelle littérature. Des rencontres avec les auteurs chouchous devraient aussi être organisés. Surveillez notre page Facebook pour en savoir plus.

Pour lire le reste de mon édito et consulter le numéro courant de La Recrue...

samedi 14 septembre 2013

Classe de maître

À l'École nationale, où chaque année il introduit les apprentis acteurs à l'univers de Shakespeare, c'est le principe qu'il s'attelle à transmettre. "Oscar Peterson disait qu'il pouvait jouer du jazz parce qu'il pouvait jouer du classique." Nadon continue de tisser la métaphore musicale: "Jouer un personnage est aussi compliqué techniquement que d'être un bon musicien. Ça exige une souplesse, mais surtout un naturel: plus c'est compliqué, plus il faut que ça ait l'air simple. Le meilleur des virtuoses ne nous en met pas plein la vue: il nous donne l'impression que nous pourrions faire la même chose. Que ça coule, que c'est facile... On n'est pas là pour se flatter la bedaine, mais pour ravir le public."

(Guillaume Corbeil, Le goût du fromage. Entre deux entretiens avec Guy Nadon, numéro courant de 3900, publié par le Théâtre d'Aujourd'hui)

Vous comprendrez sans peine pourquoi j'avais besoin de partager cet extrait...

jeudi 12 septembre 2013

Moi, dans les ruines rouges du siècle: fleur au milieu des décombres

« Bonsoir | Je m’appelle Sasha | L’histoire que vous allez entendre | Je ne sais pas pourquoi je la raconte | Peut-être d’ailleurs que je ne la raconte pas vraiment | Peut-être que c’est elle qui se raconte malgré moi | C’est donc l’histoire d’une vie qui va se raconter à travers moi | Et cette vie | C’est la mienne. »
Un comédien d’origine ukrainienne qui refuse de constamment regarder en arrière. Un dramaturge né au Québec de parents égyptiens qui sait parfaitement transmettre le métissage culturel dans lequel nous vivons. Cinq interprètes qui donnent la pleine mesure de leur talent. Il ne faut pas se surprendre que Moi, dans les ruines rouges du siècle d’Olivier Kemeid, d’après la vie de Sasha Samar, repris ces jours-ci au Théâtre d’Aujourd’hui, se soit mérité la saison dernière le prix du meilleur spectacle-Montréal remis par l’Association québécoise des critiques de théâtre (AQCT).

Photo: Stéphanie Capistran-Lalonde
Tout au long des 110 minutes que dure la pièce, le spectateur passera du rire franc aux larmes, sentira son cœur se serrer quand l’homme accompagnera les derniers instants de son père ou serrera enfin dans ses bras sa mère, rêvera avec cet enfant de trois ans qui s’entretient avec Youri Gagarine, se révoltera contre la violence latente d’une relation malsaine, vivra la série du siècle autrement, percevra la chute du régime soviétique de l’intérieur. Il aura l’impression que le cadeau que l’auteur a fait à son personnage principal, sans doute l’un des plus beaux que l’on puisse recevoir, s’adresse aussi un peu à lui, par la magie de ces mots finement ciselés. (Le texte paraît d’ailleurs ces jours-ci chez Leméac et on a indéniablement envie de s’y replonger.)

La pièce est si habilement construite qu’elle pourrait continuer à vivre sans la présence de Sasha Samar. Néanmoins, dans le rôle de sa vie – mais comment fait-il pour la raconter, soir après soir, avec les mots d’un autre? –, il bouleverse indéniablement, se consumant de l’intérieur, fièvre contenue qu’il ne peut s’empêcher de partager.

Photo: Stéphanie Capistran-Lalonde
Au milieu cette famille qui ne réussit pas à se définir entièrement, entre un père qui mourrait sans son enfant (Robert Lalonde, tantôt déchirant de retenue, tantôt explosif) et cette mère qui l’a laissé derrière un matin (Annick Bergeron, aussi convaincante en femme libre qu’en mère qui n’a jamais entièrement pu accepter la portée de son geste), Sasha nous sert de guide. À travers son regard, on devient témoin du vernis soviétique qui craque, des rêves de grandeur qui s’effondrent, de la technologie qui se révolte contre l’homme. On retrouve Nadia Comaneci (décapante Sophie Cadieux, offrant également une Ludmila troublée exceptionnelle), Guy Lafleur qui mate l’équipe soviétique (belle performance d’Annick Bergeron en commentatrice sportive grande tragédienne). On vibre aussi devant la puissance de l’amitié, comme celle qui lie Sacha et Anton, incarné avec une rare prestance par Geoffroy Gaquère, pour qui le rôle d’une vie est celui de Lénine. (Jeu, mise en lecture, lecture, codirection du Festival du Jamais lu : y a-t-il quelque chose que Gaquère ne sait pas faire?)

J’ai assisté à la représentation au milieu d’un fort contingent d’élèves du secondaire. J’ai serré les dents un instant. Sans raison aucune. En effet, je n’ai pas entendu un seul adolescent chuchoter, rigoler ou s’agiter sur son siège. Preuve, une fois encore que, sous leurs abords insouciants, ils peuvent encore et toujours se laisser toucher par un grand texte, se laisser raconter une histoire, surtout quand celle-ci juxtapose la petite et la grande.

Si vous n’étiez pas en salle l’année dernière, vous avez jusqu’au 21 septembre pour voir la pièce. (Elle sera ensuite présentée à Ottawa du 25 au 28 septembre.) Surtout, n’oubliez pas en sortant de mettre la main sur le deuxième numéro de 3900, une parution soignée qui propose notamment le tour de ville de Sasha Samar, un entretien avec Luc Picard (qui remontera cet automne sur les planches) et une classe de maître avec Guy Nadon (article de Guillaume Corbeil).

mercredi 11 septembre 2013

Recours aux forêts

Présentée l’année dernière à la même époque, La sagesse des abeilles se révélait une fable à la charge poétique, qui exigeait du spectateur un certain lâcher-prise, mais qui permettait de plonger au cœur même d’un très beau texte à portée écologique du philosophe Michel Onfray. Le même noyau dur nous revient ces jours-ci: Onfray aux textes,  Jean Lamber-wild à la mise en scène de, François Royet aux projections, Jean-Luc Ternminarias à la musique. S'y greffent quatre comédiens et le danseur Juha Marsalo, évoluant sur une magnifique chorégraphie de la mythique Carolyn Carlson. (Quel plaisir de pouvoir plonger dans son langage si particulier autrement qu'en vidéo!)

Cette production présentée d’abord à Caen en 2009, qui a voyagé depuis, renvoie elle aussi à Démocrite, mais s’inspire cette fois du Traité du rebelle d’Ernst Jünger, qui traite autrement la figure du Waldgänger, ce proscrit se réfugiant dans les forêts pour fuir une société dans laquelle il ne sait plus comment s’inscrire. Le texte s’articule en deux segments : un sombre réquisitoire contre la barbarie des hommes, malheureusement toujours aussi pertinent, et un plaidoyer pour un recours aux forêts intérieur, le spectateur étant appelé à puiser en lui-même et dans la contemplation de la nature pour trouver une échappatoire à ces vagues de violence et d'incompréhension.

Alors que le texte agissait en roi et maître dans La sagesse des abeilles, ici, il se dilue malheureusement au contact des stimulations visuelles et auditives multiples qui bombardent le spectateur. La musique de Terminarias,  traitée de nouveau en superposition bande enregistrée traitement en direct (vibraphone) se révèle une fois de plus envoûtante, mais écrase souvent le propos des quatre comédiens, dont les voix se superposent de façon incantatoire, parfois aussi un tantinet artificielle. La vue, aussi biens sollicitée par les projections 3D (en première partie) que la gestuelle hypnotique du danseur, qui semble se métamorphoser sous nos yeux en arbre noueux dont les branches semblent croître en parallèle des images d'arbres projetées, en oiseau perché sur une jetée, en rocher, en buisson, prend souvent le dessus sur l’ouïe, mais surtout sur la compréhension profonde du texte. Aurait-il fallu alterner segments dansés et lus, travailler les textures autrement? En même temps, est-il nécessaire de comprendre les moindres rouages du texte à la première écoute? Ne vaut-il pas mieux le recevoir de façon presque épidermique d’abord et réfléchir ensuite?

Plusieurs images d’une troublante beauté s’immiscent dans le conscient et le subconscient du spectateur : l’antinomie entre fragilité et force, inhérentes au genre humain, les croissance parallèles de la nature et de l'homme, ces sphères de couleur, symboles du repli sur soi nécessaire peut-être, qui se transforment en œuvre d’art sous les gestes du danseur, cette bruine chargée de promesse qui sert de ponctuation entre les deux parties, cette lumière qui appelle telle un phare… Une chose est certaine: on sort de là avec des pistes de réflexion, une volonté de se réapproprier le texte, loin de toute stimulation, de retrouver son Waldgänger intérieur...

À l'Usine C jusqu'au 14 septembre.

mardi 10 septembre 2013

L'assassinat du président: effet de souffle

Question identitaire impossible à clarifier, alliances politiques troubles, corruption et collusion endémiques, statu quo qui sclérose tout, antiintellectualisme crasse et mainmise de la culture populaire : le Québec pourra-t-il un jour s’extraire du marasme et s’émanciper? Peut-on rêver d’un avenir meilleur en, disons, 2022? Pas si l’on en croit la lecture en apparence déjantée, en réalité parfaitement articulée, proposée par Olivier Morin et Guillaume Tremblay dans L’Assassinat du président, présenté lors du Zoofest 2012, malgré (ou peut-être porté par) le parfum de souffre entourant la première, reprise ces jours-ci au Théâtre d’Aujourd’hui. (Cette première mouture avait remporté le prix Coup de cœur des médias.)
En 2022, bien peu de choses ont changé, hormis peut-être que le très subtil Stéphane Gendron est premier ministre du Canada (et dispose toujours de sa délirante tribune radio) et que Jean Charest, devenue une femme, a fui le pays. Le théâtre n’existe plus – à l'exception d’un canon de sept comédies musicales, toutes montées par Serge Postigo –, les Académiciens continuent de sévir, les indépendantistes de se déchirer et l’option du «peut-être» de rafler les suffrages au référendum, année après année. À des milliers de kilomètres de là, Gilles Duceppe mène une retraite dorée, quand une entrevue avec Anne-Marie Dussault le convainc de revenir chez lui et de donner une ultime chance à son Québec. Avec son fidèle chien Cacahouète, il débarque chez Serge Postigo qui habite dans un manoir dans les Laurentides et vit entouré de figurants, travaille sa diction avec acharnement (cela donne droit à quelques scènes particulièrement savoureuses), rencontre Biz qui ne s’exprime qu’en slam (bien vu), retrouve Pauline Marois qui n’a toujours pas dit son dernier mot, même si elle se dissimule maintenant pour le faire, le prévenant qu’un danger le guette. Après une première tentative d’assassinat à la souffleuse avortée, Duceppe mène le Québec à l’indépendance, mais sa victoire sera de courte durée.
Pour lire la suite de ma critique, c'est sur le site de Jeu
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lundi 9 septembre 2013

Berlin appelle: la ville est une scène

Si Paris restera toujours une ville-musée – ou une fête comme le croyait Hemingway –, Berlin se veut une ville de l’instant présent, de récits parallèles, un lieu dans lequel des édifices d’une troublante beauté cohabitent avec des immeubles décrépis, la petite histoire rencontre la grande à chaque intersection, la honte côtoie l’effervescence la plus brutale. Berlin ne laisse pas indifférent, se métamorphosant à volonté sous les yeux de celui qui l’arpente, quelques heures, quelques semaines, une vie entière, tel un immense résonateur. « Tout est plus intense à Berlin. » Impossible de l’évoquer de façon linéaire – « Le temps ne se déploie pas de la même manière à Berlin » – et Daniel Brière et Evelyne de la Chenelière, les initiateurs de cet objet par nature insaisissable, entre déambulatoire, théâtre et performance multimédia, l’ont parfaitement compris.
On peut se perdre dans Berlin, au propre comme au figuré. En investissant le Goethe-Institut de l’intérieur, en prenant possession de ses moindres recoins, en laissant le spectateur libre de suivre l’action en direct ou sur l’un des écrans démultipliant la perception sensorielle, ils ont su recréer cette idée. En proposant un texte composite, signé à six mains (Robert Hébert a également collaboré à la production), aussi. Parfois, le théâtre se joue aussi bien sur ce qui devient scène (un rebord de fenêtre, un dessus de comptoir, un espace entre deux rayons de bibliothèque) que dans la « salle ». Certains demeurent perplexes, d’autres continuent de vivre en parallèle,  en apparence retirés de l’événement, seuls avec leurs téléphones, leurs pensées.
Pour lire le reste de ma critique sur le site de Jeu...

dimanche 8 septembre 2013

World Press Photo 2013

« J’ai photographié toute cette guerre horrible. Avec mes appareils, j’ai fixé une souffrance inconcevable, un courage inconcevable, une lâcheté inconcevable. J’ai fixé ce qu’est réellement la guerre : quelque chose d’inconcevable. Une souffrance si grande, si constante, si diabolique qu’une cathédrale comme celle de Chartres devrait ployer sous poids. Et s’écrouler de honte. » 
C'est en ces termes que s'exprime le personnage de Robert Capa, mythique photojournaliste, dans la pièce de théâtre Des jours et des nuits à Chartres d'Henning Mankell, récit lucide mais non dépourvu de tendresse de la mise au ban de Simone, au cœur de cette photo célèbre.


Le World Press Photo, c'est un peu ça: une série d'histoires, parfois politiques, parfois instants volés au quotidien, tantôt spectaculaires, tantôt d'une troublante intimité. Presque toujours humaines (sauf les photos présentées dans le cadre des catégories « nature ».) Terriblement humaines. Parce que, oui, même si les journaux télévisés et les manchettes des quotidiens nous saturent la rétine d'images violentes, d'hommes qui sont propulsés dans les airs après avoir mis le pied sur une grenade, d'enfants mutilés attendant que quelqu'un daigne les soigner, on a encore besoin de voir, de comprendre, de ressentir, d'être bousculé. Plus de 5 500 photographes professionnels ont transmis plus de 100 000 photos, prises dans 124 pays, au jury de l'édition 2013.

Comment ne pas être bouleversé par la photo gagnante, prise par le Suédois Paul Hansen à Gaza lors des funérailles de Suhaib (deux ans) et Muhammad (presque quatre ans) Hijazi, fauchés alors que leur maison a été détruite par une frappe israélienne en novembre dernier? (Le père a aussi été tué et la mère gravement blessée.)
Photo: Paul Hansen

Dans un registre entièrement autre (toutes les photos sont cliquables), on ne peut que recevoir en pleine tronche la puissance de cette course de taureaux Pacu Jawi, prise en Indonésie par le Malaisien Wei Seng Chen.
Photo: Wei Seng Chen

Comment oublier ces photos de l'équipe de basketball féminin en Somalie, alors que les femmes risquent leur vie pour pratiquer leur sport (Jan Grarup),
photo: Jan Grarup

ces portraits de couples homosexuels vietnamiens vivant encore et toujours dans la marginalité (la série Le choix rose de Maika Elan),
Photo: Maika Elan

le reportage sur les prostituées immigrantes qui travaillent dans des parcs en périphérie de Rome (Paolo Patrizi)
Photo: Paolo Patrizi

ou encore l'histoire de Mirella qui, après avoir été mariée pendant 40 ans à Luigi, a choisi de s'occuper de lui pendant six ans, jusqu'à ce qu'il perde sa bataille contre la maladie d'Alzheimer (Fausto Podavini).
Photo: Fausto Podavini

On peut voir ces photos sur le site du World Press Photo, mais on les ressent différemment quand on les voit en grand format, articulées autour de thématiques. Au deuxième palier de la salle du Marché du Bonsecours, on pourra aussi découvrir les photos lauréates de la 5e édition du Concours international de photoreportages sur les droits de la personne Anthropographia, ainsi que de très beaux portraits de femmes du Burkina Faso, croqués par Émilie Régnier.

Des activités sont proposées en périphérie de l'événement au Centre Phi, dont la projection du magnifique film d'Helen Doyle Dans un océan d'images (présenté lors du dernier FIFA) le 11 septembre à 18 h 30 et deux soirées multimédia avec le légendaire Larry Towell les 12 et 13 septembre. (Ce dernier offrira aussi un atelier aux professionnels le 14 septembre.)

Tous les détails ici.

samedi 7 septembre 2013

Poésie québécoise

Le 7 du mois déjà et je n'ai toujours pas mis de billet en ligne pour le défi Québec en septembre de Karine. Le pire, c'est que depuis le début du mois, je n'ai lu que du québécois ou presque, j'ai assisté à des lectures à de pièces québécoises, mais la tornade Rentrée a frappé si fort que j'ai omis d'aller faire un petit coucou chez Karine, histoire de prendre le pouls, de partager quelques lectures... de relever le défi, quoi!

Pour prouver ma bonne volonté, un triplé poésie québécoise parce que, oui, notre poésie se porte bien, qu'elle a bien peu à envier à celle des cousins par-delà la grande mare, qu'elle se décline de tant de façons différentes, chaque voix se révélant unique, mais reconnaissable.

Si dans Sans toi je n'aurais pas regardé si haut, Denise Desautels nous proposait une balade dans un parc La Fontaine autant réel que sublimé, dans Ce désir toujours nous propose un abécédaire de création, de réflexion, qui nous permet aussi bien de rentrer dans la « chambre à soi  » de la poète que dans celle de l'amoureuse. On retrouve le Fils comme la meilleure amie, trop tôt décédée (K.), le Père, la mère (Ô), l'amoureux (Gilles), mais aussi des réflexions sur l'écriture (Bibliothèque et Écrire particulièrement), sur le labyrinthe des miroirs intérieurs, sur la sculpture, le toucher, la réconciliation. L'objet pourrait s'avérer hétéroclite; pourtant, partout, on reconnaît le souffle unique de la poète, son regard si particulier sur le quotidien, sur l'abstraction du geste d'écriture.
« J’écris, comme tu dis que tu peins, répétant, bafouillant, avec une main qui s’obstine à raconter des bribes d’histoires venues de loin, enfouies sous tant de renoncements; une main qui marque et rature chaque surface polie, qui vrille la terre, villes et cimetières, jusqu’à ce qu’une hirondelle en jaillisse. Car ce qu’il y a de mouvement au creux de cette paume gauche s’appelle un espoir. » 

Registre aussi en demi-teintes pour Martine Audet, redécouverte alors que j'arpentais la Rue de la poésie il y a deux semaines. Dans Le ciel n'est qu'un détour à brûler, d'abord exposition présentée à la Maison de la culture Plateau Mont-Royal au printemps 2009, on la découvre à la fois comme poète et photographe - presque plasticienne. Sous son regard, prennent vie des feuilles blanches, sur lesquelles on devine des mots, froissées, déchirées, auxquelles se superposent parfois des touches de couleurs. On aurait pu considérer les assemblages comme des natures mortes. Plutôt, on y décèle volumes, reliefs, ombres, on y devine le geste créateur, pulsation essentielle au milieu des paysages parfois désertiques des courts poèmes juxtaposés, entre haïkus et aphorismes.
« De courtes pauses / entre les morts / gonflent la poitrine / comme des neiges / comme un regret / des fictions »
ou encore
« D’humides pavanes / peut-être les plus fiers chevaux / l’éphémère occupe le rêve / d’un visage aimé / le poème – il est vrai – / se conserve plus longtemps »  
Rien de suranné dans La sueur des airs climatisés du très prolifique Simon Boulerice, dramaturge, romancier, acteur, danseur... Ici, l'été est brûlant, les premiers amours laissent pantois. On rêve, mais on rit aussi. On découvre l'autre, au quotidien, sans tambour ni trompettes, sans ponctuation ni majuscules. 
« je veux courir vers la furie de mon enfance / avec toi dans les jambes /et de l’automne dans le vent »
Les corps s'emballent, se cherchent, se retrouvent, on délaisse les matières étudiées pendant l'année pour apprivoiser une toute autre géographie, on rêve d'évasions, sans lourdeur, sans rancœur.
«Nous faisons des projets de carrière / nous deviendrons producteurs de films XXX /des films complets / avec de l'amour mêlé au désir /des films de tendresse / avec des érections naturelles et des filles heureuses /des filles qui se sentent en sécurité / qui ont envie d'être là / dans ces bras-là /
des filles avec des seins normaux /des bouches normales / des gars capables de dire je t'aime / avant d'éjaculer »



vendredi 6 septembre 2013

Miles

« Beaucoup de gens l'avaient ressenti ainsi: la musique de Miles Davis était comme une lumière dans l'obscurité. J'avais entendu beaucoup de gens utiliser ces mots. Une lumière dans l'obscurité. Sa trompette était une sorte de projecteur qui s'éteignait et se rallumait. » 
« - "Seule la musique peut nous faire découvrir des voies vers d'autres mondes inconnus", avait continué Miles. "Des voies vers quelque chose d'énigmatique, peut-être même inaccessible." 
Stein Age m'a dit qu'après, une fois Miles parti, il avait réfléchi à ce qu'il avait dit. 
- On a tous entendu des orgues à l'église, a dit Stein Age. Ou écouté des chorales d'enfants à des fêtes de fin d'année scolaire. Jusqu'à en avoir la chair de poule. Je crois que c'est ce que voulait dire Miles. C'est une sensation si forte qu'on la sent jusqu'au bout des orteils. Seule la musique peut produire ça en nous. »
Henning Mankell, Miles (pièce pour un acteur et trio de jazz)

mercredi 4 septembre 2013

Entre amitié et amour

Un de mes plaisirs (presque) coupables estivaux est de suivre So You Think You Can Dance (vive l'enregistreur!). Une ou deux fois par saison, un coup de cœur - un coup au cœur plutôt ici -, une chorégraphie qui vient toucher irrévocablement, par le choix musical (Say Something, une chanson que je ne connaissais pas avant de l'entendre hier, qu'on peut entendre dans son intégralité ici), le chorégraphe (la formidable Stacey Tookey dans le cas présent) et le professionnalisme et le charisme des danseurs.

On retrouve ici Amy, l'une des quatre finalistes, avec Robert, all star que j'aurais bien voulu voir gagner il y a quelques années.

dimanche 1 septembre 2013

L'atelier aux méduses: à monter impérativement!

La cinquième édition de Dramaturgies en dialogue s'est terminée sur un véritable feu d'artifice jeudi soir, au Théâtre d'Aujourd'hui, alors qu'une salle bondée a pu découvrir L'atelier aux méduses de Marc-Antoine Cyr, auteur également de Le désert avance et Je voudrais crever. Le texte pose une série de questions essentielles. Comment survit-on à un géant? (« Mon père est dans les objets… Mort ou pas mort, c’est de lui qu’on parle. ») Comment peut-on s'approprier l'héritage de la génération qui nous a précédés (surtout quand on a l'impression que celle-ci a tout fait et tout eu)? L'art doit-il devenir patrimoine national? « Si cette toile appartient à tout le monde, je pourrais dire que c'est ma toile à moi »,  avance d'ailleurs fort justement Melchior, peintre encensé, venu « retoucher » sa toile dans un musée, déclenchant système d'alarme et ire du garde.

L'action se transporte ensuite dans l'atelier de Melchior, rongé par un cancer, qui a décidé de retirer toutes ses toiles des musées (ainsi que leurs reproductions autorisées) et de les brûler, aidée de sa fille, Blanche, négligée pendant toutes ses années, qui espère peut-être ainsi obtenir réparation. « Ce qu'il a mis dans ses toiles, il l'a enlevé aux autres, il ne l'a pas inventé. »  Paraît alors Berthin, souffrant d'un puissant syndrome de l'imposteur (il s'est retrouvé promu de la fonction de correcteur à celle de journaliste venu tenter d'éclaircir le mystère entourant la disparition des toiles). Cette Shéhérazade nouveau genre offrira chaque jour en pâture au maître un nouveau paragraphe d'article à déchiqueter, dans l’espoir d’éviter l'inconcevable. Au milieu de ces joutes oratoires, une ponctuation autre, s’élève la voix de Mathias, un des personnages esquissés par Melchior, jetant un regard autre, presque métaphysique, sur le geste créateur.

Pour lire la suite de ma critique sur le site de Jeu...