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samedi 30 octobre 2010

Gidon Kremer: s'effacer derrière la musique

Plus d’une centaine d’enregistrements, des milliers de concerts dans les salles du monde entier, apparitions saluées dans les festivals, collaborations avec des artistes mythiques dont Martha Argerich, Mischa Maisky, Yo-Yo Ma et Keith Jarrett, liens rapprochés avec des compositeurs tels Philip Glass, Alfred Schnittke, Arvo Pärt, John Adams, Luigi Nono, Sofia Guibadulina, Valentin Silvestrov et Lera Auerbach : la feuille de route de Gidon Kremer en jette plein la vue. On pourrait imaginer un personnage inaccessible, qui sillonne les couloirs aériens de la planète, déposant des valises griffées dans les suites les plus luxueuses, revenu de tout. Moins de deux minutes d’entretien avec le violoniste suffisent pour saisir que, même à 63 ans, l’immobilisme est proscrit de sa démarche artistique. « Je n’ai pas de recette, mais j’aime toujours être surpris par les autres, suivre les gens et les artistes qui ont une vision, explique-t-il d’un débit rapide, presque fébrile.  C’est un grand privilège que de travailler avec des compositeurs, de comprendre comment une musique jamais entendue auparavant peut prendre vie à partir d’un manuscrit. » Aucun faux semblant, aucune formule convenue : pour lui, la musique doit impérativement atteindre l’âme et parler directement au cœur. Les artistes qui l’inspirent le plus – il n’hésite pas à évoquer dans un même souffle Maria Callas, Jacques Brel et Leonard Bernstein – « vivent la musique, se laissent brûler par elle ».

Vous pouvez lire la suite de cet article, en couverture du numéro de novembre de La Scena Musicale, en version flash ici et en PDF là. Il y a des jours où je me considère très privilégiée de pouvoir faire de telles rencontres... J'ai hâte de l'entendre en concert avec la Kremerata Baltica jeudi soir...

jeudi 28 octobre 2010

Je ne veux pas mourir seul

Vaguement déçue par certaines lectures récentes, j'hésitais. Quel livre de ma PAL saurait-il me réconcilier avec l'écriture, le plaisir de lire, réveillerait une certaine sensibilité? Après quelques hésitations, le choix m'est apparu, limpide: le dernier livre de Gil Courtemanche, prêt de mon ami No qui avait adoré.

Vous me direz que j'ai des lectures plutôt lourdes pour célébrer l'arrivée (tardive) de l'été des Indiens. Et pourtant... Ce souhait de vivre en suspension une ou deux journées de plus, avant d'accepter l'arrivée de l'hiver, s'est révélé un contrepoint étonnant à cette autofiction dans laquelle l'auteur s'appesantit beaucoup moins sur son combat de la maladie que sur la difficulté d'apprivoiser l'absence de la femme aimée. 
« Je viens de passer trois saisons sans toi. Je ne les ai pas vues naître ni mourir. Tout m'est familier, mais je navigue lourdement en pays étranger, passager d'une sorte de vaisseau fantôme qui revient sur un océan qu'il avait déjà traversé. Tout m'est familier, mais je ne suis pas chez moi. Tu es mon pays, ma ville, mon quartier, ma rue et ma maison. Je suis un habitant de toi. » (p. 134)

Avec une plume d'une rare précision, qui ne tombe pourtant jamais dans la froideur du scalpel, presque tendre, qui sait éviter tout misérabilisme, Gil Courtemanche redonne ses lettres de noblesse au genre de l'autofiction. Qu'il ait vécu cette histoire en tout ou en partie ne change au final absolument rien. Aucune volonté de voyeurisme chez le lecteur, aucune nécessité de décrypter l'information, de tenter d'extraire le vrai du faux. L'œuvre est bien plus que cela: réflexion sur l'après (la vie, la maladie, l'absence de l'être aimé), dénonciation (qui ne devient jamais polémique) des aberrations de notre système de santé, regard sur cette société qui devient de plus en désincarnée mais surtout, pure littérature. De pouvoir plonger dans un texte d'une telle profondeur est devenu un plaisir trop rare.

mardi 26 octobre 2010

Une grande soirée pour Marianne Trudel

Allez, ouste, assez d'énergie négative qui court sur ce blogue... parce que, même si la température continue d'être maussade et que parfois on doive regarder la déception les yeux dans les yeux, le plus souvent, la musique est une maîtresse bien tendre, comme a pu nous le démontrer la pianiste et compositrice Marianne Trudel mercredi soir dernier, Chapelle historique du Bon-Pasteur, sur le magnifique Fazioli.

Que ce soit en duo avec Karen Young, dans des chansons « qui dormaient dans ses tiroirs » - et qu’elle a bien fait d’en sortir -, oscillant entre une poésie toute en fragilité, presque déchirante (Libellule aux pattes d’or), et ode à l’amour entièrement assumé (Combien d’automnes), en trio, en quatuor ou en quintette, la compositrice a su éblouir et démontrer qu’elle possède un langage unique. Particulièrement atmosphériques et denses, ses œuvres privilégient l’indépendance des voix intérieures et sont dotées d’un sens de l’architecture qui permet à l’auditeur de suivre l’arc d’une pièce à tout moment.  La pianiste a quant à elle fait preuve d’une technique impeccable et  fluide, d’une recherche de sonorité constante (et ce, même dans les passages les plus percussifs, toujours chantants), d’une délicatesse purement somptueuse dans les pianissimos et d’une remarquable qualité d’écoute envers ses complices.

Le contrebassiste Morgan Moore a  opté pour un jeu nerveux, souvent très physique, sans jamais pour autant sacrifier la ligne. Robbie Kuster a fait parler sa batterie comme peu savent le faire, privilégiant une articulation presque lyrique et des sonorités travaillées en aplat, écrin somptueux aux compositions de Trudel (rappelant par moments certains habillages du Danois Alex Riel, collaborateur notamment de Ketil Bjornstad). Le saxophoniste Jonathan Stewart, dont on a pu apprécier les dons de compositeur dans Bumper, pièce à l’énergie contagieuse, a également offert une performance solide, ses lignes mélodiques s’enlaçant naturellement tant à celles des musiciens qu’au scat de Karen Young dans Et la terre tourne, la voix de cette dernière devenant instrument.

Aucun doute, ce concert-là aura paru bien trop court. En partage, une captation de la première pièce du concert en question.


Marianne Trudel - Traversée - L'OFF Jazz 2010 -TVJazz.tv
envoyé par Sortiesjazznights. - Regardez d'autres vidéos de musique.

dimanche 24 octobre 2010

De l'arrogance

Au quotidien, j'écoute aussi bien de très grandes interprétations que les balbutiements d'apprentis pianistes. Bien sûr, mon oreille ne réagit pas de la même manière, qu'elle doive analyser le souffle d'un jeu inspiré ou la rectitude d'un passage d'une sonate de Mozart. (L'exemple est peut-être boiteux, mes élèves avancés vous avoueront qu'ils craignent de jouer Mozart devant moi, car je ne tolère aucun écart... Que voulez-vous,«  je l'aime trop, cet homme », comme disait Haydn.) Tout cela pour dire que, oui, parfois, je peux apprécier un travail imparfait et suis capable de me concentrer sur les passages réussis plutôt que sur le travail à accomplir et que, bien sûr, même les amateurs peuvent me faire vibrer.

L'autre soir, je suis allée au concert avec un ami. Non, je ne vous dirai pas où, ni qui, simplement ceci: on parle d'un nom, de quelqu'un qui a remporté des prix. Je ne l'avais jamais entendu, me préparais à une rencontre, à la découverte. Et là, choc brutal. Il n'a de musicien que le nom, ou du moins celui qu'il essaie de nous faire croire sien. Aucune complicité, aucun dialogue avec les musiciens qui l'accompagnent, un vague dégout pour le public, une technique approximative, une intelligence musicale déficiente, une sonorité quelconque. Mais surtout, une arrogance crasse, inexplicable, inacceptable. Les premières minutes, on se dit qu'il n'est pas réchauffé, que le trac le paralyse. Après deux pièces, on réalise que, non, c'est vraiment son jeu, que la structure musicale ne s'érigera pas, que nous sommes captifs d'une étrange et malsaine séance de voyeurisme, à la limite de l'indécence. A-t-on besoin d'assister à une séance de masturbation musicale quand tant d'autres interprètes ont quelque chose à dire, à transmettre, à partager? Dépités, nous nous sommes joints à l'exode massif entre deux pièces. La musique n'a rien à voir avec cette démonstration stérile, vile, inutile.

vendredi 22 octobre 2010

Une enfance balte

Je ne suis pas très autobiographie, autant l'admettre ici, sauf en de très rares occasions. Ayant à rédiger un article sur Gidon Kremer, j'ai souhaité me documenter et ai constaté qu'un de ses quatre livres, Une enfance balte, était traduit en français... et disponible à la Bibliothèque nationale! Je pensais faire une lecture très en diagonale de la chose, repérer quelques moments-clé de son enfance musicale, peut-être tomber sur un passage où il parlait d'Oïstrakh mais j'ai fini par succomber entièrement au récit et ai avalé le tout comme si c'était un roman.

La première partie du récit s'arrête aux premières années du jeune Gidon (de 3 à 18 ans), la seconde reprend des extraits de son journal d'adolescence. Si, bien évidemment, les passages plus anciens ne possèdent peut-être pas une très grande valeur littéraire, il est tout de même fascinant de tomber sur les interrogations artistiques de Kremer qui, si j'en crois l'entretien qu'il m'a accordé, est vraiment resté très proche de ses convictions.

Par exemple, le 9 juillet 1963 (il a alors 16 ans), il réfléchit sur la place qu'un travail constant doit occuper dans une vie d'artiste.
« a) On ne peut atteindre que par le travail cet état dans lequel on ressent les grandes visions. Pour moi, la vie est dans ce que l’on ressent.
b)Travailler dans le domaine artistique signifie faire preuve d’une grande énergie. Si elle fait défaut, on doit se consacrer à une autre activité.
Je ne pourrais vivre sans le violon, mais peut-être n’est-ce que le fruit de l’habitude? … Mais être fait d’habitudes est grave (pas de fleurs, pas d’admirateurs, etc.)
Mais puis-je vraiment devenir un artiste? Les grands artistes sont-ils satisfaits d’eux-mêmes? Vraisemblablement, mais rarement (moi, en tout cas), et même ces rares instants exigent un travail colossal. En qu’en est-il quand on devient vieux? Non, il vaut mieux ne pas y penser. Je dois tendre, de tout mon Moi, vers ce qu’il y a de plus haut, sinon, j’en mourrai!
 Quelques mois plus tard, le 24 octobre, il écrit:
« J’aime chaque jour davantage la musique et l’art. (Seulement, je ne devrais pas oublier que je ne suis pas le seul à les aimer!)
Il faut arriver à dépasser ce qui est difficile pour atteindre la simplicité, autrement dit le naturel, non la simplification.
Des œuvres qui ne reflètent que des interrogations propres à leur temps (même bonnes) ont une longévité limitée et deviennent des œuvres de musée. C’est plutôt la vie qui émeut les gens.
Le 8 octobre, mon premier concert animé d’une véritable émotion créative. Quel régal de jouer lorsqu’on vous écoute, lorsqu’on est capable d’exprimer ce que l’on ressent! »
 J'aime ces artistes qui dénoncent le statu quo et refusent l'immobilisme...

mercredi 20 octobre 2010

Lenny Bernstein au parc La Fontaine

Je suis peut-être plus puriste que je ne le croyais. Si j'admets volontiers avoir cédé il y a déjà quelques années de cela au charme de Beatles Baroque des Boréades (peut-être parce que, pour moi, les Beatles sont les plus « classiques » des groupes populaires) et apprécie les couplages intéressants, par exemple la juxtaposition des Saisons de Vivaldi et de Piazzolla sur un même programme, je suis très peu crossover. L'air sur la corde de sol en jazz manouche, très peu pour moi (et je ne parle surtout pas des 58 versions new age avec chants de baleine ou sons de ruissellements intégrés du Canon de Pachelbel). J'ai rencontré le même genre de problème avec Lenny Bernstein au parc La Fontaine de Réal La Rochelle.

Dans ce « récit quàsi una fantasia » (oui, comme la Sonate « à la lune »), l'auteur extrapole, à partir de faits connus et de documents de l'époque (notamment des critiques de journaux), ce qu'aurait pu vivre Leonard Bernstein lors de ces séjours dans la métropole montréalaise, en y intégrant un aspect romanesque. (Le jeune chef n'y viendra que lors des saisons 1943-1944 et 1944-45, avant que sa carrière ne connaisse l'ascension météorique qu'on lui connaitra.) L'idée était loin d'être mauvaise en soi. Après tout, 2010 marque le 20e anniversaire du décès du maestro américain. De plus, la littérature sur la vie musicale montréalaise des années 1940 n'est pas exactement foisonnante. Il y a quelque chose de très attrayant à découvrir l'orchestre qui allait devenir l'OSM sous un autre jour, à se glisser dans la mythique salle du Plateau avec les musiciens d'alors, le directeur musical Désiré Defauw ou l'infatigable visionnaire Pierre Béique.

Là ou le bat blesse, c'est la non-unité du ton adopté par le dit écrit (que je ne sais vraiment pas dans quelle catégorie classer). Les informations factuelles sont, de fait, assez intéressantes pour qu'on s'y attarde. (L'auteur travaillerait à un essai sur le sujet.) De souhaiter prolonger dans l'imaginaire les premiers émois (physiques et musicaux) montréalais ressentis par le wunderkid américain, pourquoi pas? Mais a-t-on alors besoin d'intégrer citations de journaux, histoire de « justifier » peut-être la qualité des prestations dirigées, d'« expliquer » certaines pièces musicales de façon tantôt très sommaires, tantôt vaguement musicologiques?

Tout au long de ma lecture, je me suis posé la question: qui est le lecteur-cible ici? Monsieur Tout-le-monde y trouverait-il son compte? Mon bagage de connaissances aurait-il alourdi ma compréhension du texte? Comment aurais-je moi-même procédé? Je pense que j'aurais d'abord fait le choix du factuel ou du romanesque et aurais développé l'un ou l'autre des aspects en conséquence. Cela reste une tâche ardue mais on peut rédiger une biographie « romancée » d'un compositeur qui ait un aussi grand intérêt informatif que littéraire. (Le plus bel exemple pour moi demeure La vie de Liszt est un roman.) J'ai senti que, à force de ne pas trop vouloir dénaturer le propos ou mal servir le personnage Bernstein, La Rochelle n'a pas trouvé sa voie, sa voix. Dommage...

mardi 19 octobre 2010

Le violon...

« Le violon était mon guide et ma souffrance; avec lui, j'appris au fil du temps à transformer en musique ma solitude, mes rêves, mes blessures et mon humour. En lui, je cherchais ma tonalité, ma voix, ma musique. »

Gidon Kremer, Une enfance balte

dimanche 17 octobre 2010

L'OSM et Mutek: une soirée en effet assez éclatée

J'assistais hier soir à l'événement de la saison pour l'OSM, du moins à en croire la surenchère des revendeurs qui n'hésitaient pas semble-t-il à proposer des billets pour ce concert éclaté, donné à la Brasserie Molson, au prix unitaire de 125 $ (prix régulier du billet: 28 $!). D'abord, premier choc en sortant du métro, station Papineau. Au lieu d'être l'une des plus jeunes à me masser hors des wagons, comme c'est le cas station Place-des-Arts, soir de concert régulier, j'étais clairement dans les plus âgées, au milieu d'un groupe assez hétéroclite de 20-30 ans, certains plutôt intellos, d'autres plus branchés, la plupart, arborant jeans et t-shirts propres. J'ai rejoint les amis qui m'accompagnaient, aussi ébahis que mois de la faune bigarrée. Dans une des quatre navettes offertes gracieusement par la STM, les sourires étaient nombreux. On se promettait une belle soirée, sous le signe de la découverte mais surtout du plaisir partagé.

En descendant de l'autobus, nous avons longé l'édifice de la brasserie à la file indienne pour nous retrouver, massés, pendant une dizaine de minutes fébriles, dans le stationnement de l'entrepôt. Les appareils photo multipliaient les flashs, tout le monde tentait de s'étirer le cou et avançait des pronostics; une nette impression de se retrouver au milieu de groupies qui ont entendu dire sur Facebook ou Tweeter que leur groupe underground préféré allait offrir un concert privé dans un petit bar miteux au milieu de nulle part.

Les portes se sont ouvertes et les quelque 1700 personnes se sont avancées sagement vers la salle, où des rangées de chaises attendaient les invités pour la partie « concert » de l'événement. Habillage lumineux soigné - où primait le violet, couleur officielle OSM -, bars (le prix d'entrée permettait d'obtenir deux bières gratuites) situés au milieu de l'entrepôt et faciles d'accès, tout avait été pensé pour transformer un lieu qu'on aurait pu croire sans âme en temple de la musique, toutes catégories confondues.

Un peu après 22 h, Kent Nagano s'est avancé avec les six violoncellistes qui interprèteraient Messagesquisse de Boulez. Le maestro semblait visiblement déstabilisé par tous ces visages inconnus mais a offert un message de bienvenue sans fard mais sympathique, expliquant les grandes lignes des œuvres qui seraient entendues et leur pertinence en ce 21e siècle. Oui, le public a applaudi entre les mouvements de la symphonie (le critique de The Gazette, présent, a dû grincer des dents...) et peu importe. Le directeur musical de l'OSM en a profité pour présenter chaque mouvement (sa relecture du deuxième mouvement, valse légèrement alcoolisée qui trouvait un curieux écho dans le lieu hier, était particulièrement savoureuse). Malgré la densité de la partition (et certaines longueurs dans la « Titan » qu'il serait malhonnête de tenter de dissimuler), le public a été remarquablement attentif. L'acoustique aurait pu être désastreuse mais, étonnamment, le lieu se prêtait admirablement à un OSM en très grande forme. Les cuivres ont été remarquables de bout en bout (moi qui trouve toujours à redire sur la section de cors, je leur lève mon chapeau!) et on sentait que les musiciens avaient à cœur de livrer le maximum. En toute honnêteté, l'orchestre sonnait franchement mieux qu'en salle, une dizaine de jours auparavant!

Le concert terminé, les chaises ont été ramassées par une équipe efficace pendant que les invités se désaltéraient et échangeaient leurs impressions. En tendant l'oreille, j'ai surtout perçu du contentement, même si certains ont admis avoir trouvé la deuxième pièce (qui fait près d'une heure) trop longue. Vraisemblablement, ici, une série de pièces plus courtes auraient peut-être été plus faciles à « digérer ». J'ai failli éclater de rire à quelques reprises en entendant un jeune homme expliquer l'histoire de la musique classique à un autre, à coup de terminologies bilingues assez amusantes et de généralisations crasses mais, peu importe, il semblait convaincu et voulait « partager ».

La partie électro pouvait commencer. Thomas Fehlmann (photo) a d'abord offert une relecture de la « Titan », un peu trop « planante » à laquelle se sont prêtés quelques (braves) musiciens de l'OSM, qui m'a laissé perplexe par moments, puis a proposé une de ses compositions, beaucoup plus convaincante.  Des D-J étaient maintenant prêts à faire osciller la foule car, je l'ai réalisé hier, l'écoute de la musique électro reste une activité plutôt intellectuelle. On se laisse moins porter par le beat (ce qu'on fera en techno ou en transe, par exemple) qu'on en apprécie les variations. Pas de mouvement effréné donc, plutôt une communion avec le son qui, selon ceux opérant aux platines et ordis, se faisaient avec plus ou moins de naturel. J'ai quitté un peu avant 2 h (l'événement se terminait autour de 3 h), ai sauté dans le premier taxi venu (une longue file attendait sagement, initiative fort appréciée) et suis rentrée sagement à la maison. Retournerais-je dans un tel événement? Oui. Aura-t-on suffisamment séduit les 20-30 ans pour qu'ils décident de venir entendre l'OSM en salle? Là est toute la question. Je leur souhaite.


On peut lire le compte rendu (et voir quelques photos) de mon ami No ici...

vendredi 15 octobre 2010

Nos échoueries

Il se cherche, tente de retrouver certaines pistes de son passé, dont il doit d’abord s’affranchir s’il souhaite pouvoir s’inscrire dans un certain quotidien. Il échoue à Sainte-Euphrasie, village en sommeil comme des centaines d’autres, qui lui servira de révélateur. Presque rien, au fond; des rencontres qui ne marquent qu’un instant, des destins qui se croisent, la vie qui bat, qui se débat.


Une fois que le lecteur a accepté que seuls quelques remous viendront troubler la surface en apparence dormante, il peut savourer le travail effectué sur la langue, sur la forme, se laisser bercer par les fragments, apprécier l’assemblage, céder à la juxtaposition de sonorités, en percevoir les subtilités. Dans ce premier roman qui tient du long poème en prose, Jean-François Caron a su démontrer que les mots pouvaient encore évoquer, induire une douce rêverie, mais aussi questionner, faire avancer.
« Il m’aura fallu beaucoup de temps pour comprendre. Les plus belles histoires sont celles qu’on se raconte. Pas qu’on se mente mieux à soi-même qu’aux autres. L’homme n’existe vraiment que lorsqu’il s’invente. » (p. 115) 
 Un texte atypique à savourer en retrait de soi.

J'en profite pour vous inviter à découvrir le tout nouveau look de La Recrue du mois, qui devient webzine publié le 15 du mois à partir d'aujourd'hui. Ont été intégrées chroniques poésie, BD, jeunesse, littérature étrangère et vous constaterez que la section « repêchages » a été étoffée, ce qui nous permet de toujours mieux servir le premier roman québécois. Également, en bonus, une entrevue avec nos deux recrues de l'année 2009-2010, Jean-Simon Desrochers et Olivia Tapiero. À apprécier sans plus attendre ici...

jeudi 14 octobre 2010

La pureté

Certains livres ont besoin d'être avalés d'un seul coup, d'autres décantés. Quelques jours après, qu'en restera-t-il, que voudra-t-on en transmettre? Souhaite-t-on le faire lire par notre meilleur ami? Autant de questions qui n'ont pas trouvé de réponse claire, une fois refermé le recueil de nouvelles La Pureté de Vincent Thibault, qui « consacre son temps au travail spirituel et à l'écriture », dixit le quatrième de couverture.

L'auteur a pris le délicat parti pris de rendre hommage à la subtilité et au minimalisme de la littérature japonaise, défendue admirablement par les Mishima, Ogawa ou Shimazaki. Pensez instants suspendus, haïkus, descriptions poétiques de petits riens. On suit ainsi le quotidien de l'initiateur d'une terrible attaque au sarin dans le métro de Tokyo (« La Pureté ») ou le curieux périple d'un homme qui ne sait comment se débarrasser d'un surnom qui lui colle à la peau (« Le navet »). On plonge dans le fantastique (« Le grain noir »), le polar presque romantique (« Naomi »), le constat social  (« Cent jours de neige ») et le quasi féerique dans « S'animer ». Bien sûr, je ne pouvais qu'être séduite par « Un air nouveau », dans lequel la musique joue un rôle essentiel, à la fois apaisant et douloureux, coup de cœur du recueil.

La question reste entière: était-il suffisant de situer ces nouvelles au Japon ou que le narrateur soit japonais (comme le moine bouddhiste de la novella « Le promeneur » dont la première de trois parties, zen bonbon, m'a horripilée, mais dont j'ai apprécié les deux autres tiers) pour que l'effluve si typique des littératures asiatiques soit perceptible? J'ai voulu y croire, m'y accrocher, mais l'illusion n'a pas fonctionné. Il aurait fallu une plume plus délicate peut-être, plus de sous-entendus, des silences prégnants, un minimalisme aux teintes délavées (je pense ici au Neige de Fermine, sommet du genre) et, surtout, occulter toute tournure québécoise des textes. Je reste pourtant convaincue que le style de l'auteur se prêterait bien à un propos plus ancré dans l'ici et l'aujourd'hui.

lundi 11 octobre 2010

Transitivité

Quand on enseigne depuis plusieurs années, on peut finir par croire qu'on a tout vu, tout entendu. Après tout, on a fait le tour du jardin plusieurs fois, non? Pourtant, chaque année d'enseignement apporte son nouveau lot de constats, de défis, de situations inusitées. L'année dernière, j'ai réalisé puissance 5 ce que la pratique d'un instrument pouvait représenter de fragilité et de lâcher-prise pour un adulte qui revient à l'instrument après 20, 25 ou 30 ans.

Cette année, nouvelle donne. J'ai rencontré l'étudiant fantôme, celui qui, depuis quelques années, a suivi mes cours par transitivité ou disons plutôt, par personne interposée. En effet, le mari d'une étudiante s'est mis à l'instrument en même temps qu'elle, reproduisant exercices et morceaux travaillés avec moi mais sans jamais avoir osé - jusqu'à peu - franchir le seuil de mon studio. Au fil des ans, j'avais fait quelques allusions que je pourrais au moins le voir de temps en temps, histoire d'orienter autrement son travail. Sa femme a sans doute senti que son « expertise » connaissait également des limites et ils ont donc décidé de partager une heure de leçon (je vois chacun une semaine sur deux).

J'admets que je ne savais pas à quoi m'attendre et que je craignais le pire, surtout que j'allais me frotter à la Sonate « à la lune », qu'il m'a dit « adorer ». Le tout était d'une grande cohérence, très placé (la profession de comptable n'a peut-être pas nui), articulé. Deux erreurs de lecture de notes dans tout le texte, presque rien, je me suis dit un instant que ce que je transmettais devait être limpide s'il en restait autant après décantage... Mais, n'est-ce pas, je n'allais pas me laisser impressionner aussi facilement! Je lui ai donc parlé de pédale (le flou artistique, très peu pour mes oreilles), de l'importance d'extraire une mélodie d'un texte mais surtout de respiration, de phrasé. (C'est un dada chez moi...) Je lui ai aussi expliqué que je ne m'attendais pas à ce que tout soit réglé en deux semaines, que j'exposais les éléments sur lesquels nous allions travailler.

J'ai aussi mentionné que plus jamais il ne jouerait les mêmes pièces qu'elle, sauf en duo bien sûr. Ils ont beau être profondément complices (après plus de 25 ans de mariage, je leur lève mon chapeau!), il y a une limite à se prêter de façon directe ou indirecte aux comparaisons. Il est donc parti avec deux préludes de Chopin sous le bras, elle, la semaine suivante avec une sonate de Mozart. J'avoue que je me suis tout de même informée de façon plus ou moins détournée si je l'avais traumatisé. Semble-t-il que non... Ouf! La suite au prochain cours. Je sens que ce sera une très belle année!

samedi 9 octobre 2010

Parce que...

... musique contemporaine n'est pas synonyme d'agression sonore, une œuvre concertante écrite en 1988 par Vladimir Martynov pour Gidon Kremer, Come in!, découverte il y a deux jours et écoutée en boucle dès sa découverte.

vendredi 8 octobre 2010

Et les participantes sont...

Les questionnaires du swap musique et littérature ont été transmis avant-hier. Si vous n'avez rien reçu, contactez-moi dès que possible.

Les participantes sont donc:
Du Québec: Lucie -  Liceal - Kikine - aBeiLLe- Catherine -
En Europe: Margotte - Gwenn - Patacaisse - Caro_Carito - Sarawasti - Kloelle - Nahe -Tania (SBF, flûtiste)


En partage (et en prolongement d'un livre reçu récemment, rapporté d'une bouquinerie parisienne, Sept écrivains pour Mozart), une scène impérissable du film Amadeus, qui résume le génie du compositeur.

mercredi 6 octobre 2010

Faire chanter le piano

Marc-André Hamelin ouvrait la saison 2010-2011 de Pro Musica lundi soir avec un programme articulé et réfléchi, comme les grands pianistes du 20e siècle les proposaient, qui favorise une montée dramatique et exige une écoute attentive. En ouverture, le pianiste nous a offert de délicates et puissantes Variations en fa mineur de Haydn (œuvre beaucoup jouée il y a une vingtaine d'années, mais qui semble malheureusement avoir perdu sa cote de popularité). Des textures parfaitement définies, un travail exceptionnel dans le registre ppp à p de l'instrument et une compréhension évidente de la structure de l'œuvre ont su séduire un auditoire qui osait à peine bouger, visiblement porté par l'inspiration du pianiste. J'émettrai quelques réserves sur l'interprétation qui a suivi de la Sonate en la mineur de Mozart qui, pour moi, manquait un peu d'espace pour respirer, pour vivre, pour véritablement toucher. Certains rubatos m'ont laissée perplexe dans le développement du premier mouvement et j'aurais aimé un tempo un iota plus ample dans le deuxième qui aurait alors gagné en pertinence opératique. À l'écoute, il m'est paru évident que l'interprète préfère Haydn à Mozart, choix qui se défend, bien évidemment. Hamelin nous a ensuite offert un triptyque Venezia e Napoli de Liszt parfait, inspiré et cohérent, les particularités de chaque pièce magnifiant celles des autres.

La deuxième partie était entièrement consacrée à la monumentale Sonate de Liszt. Même s'il devait visiblement combattre un piano récalcitrant, qui semblait refuser de projeter toute nuance plus puissante qu'un forte, Marc-André Hamelin a usé d'une finesse touchant au sublime dans les sections lyriques et démontré encore une fois sa maîtrise de l'architecture dans le fugato. Que l'on connaisse un peu ou aime à la folie l'œuvre, on pouvait apprécier camaïeu de sonorités, dessin des voix intérieures et puissance du souffle. Une fois les dernières notes dissoutes, le public est resté suspendu, entièrement subjugué par ce qu'il venait d'entendre et ne s'est mis à applaudir qu'après avoir fait sienne cette interprétation, geste des plus rares à Montréal. Un récital qui réconcilie avec l'art du piano.

dimanche 3 octobre 2010

Complicité

La chimie de l'entrevue n'est jamais une science exacte. Certains artistes offrent beaucoup, d'autres se protègent et ressassent toujours les mêmes propos aseptisés, possiblement parce qu'ils ont été brûlés auparavant par les médias ou qu'ils n'ont pas nécessairement grand chose à partager, outre leur musique. (Parfois, c'est suffisant...) Plus rarement, je rencontre un artiste et ressens une connexion intense, presque intime avec lui, et n'ai alors même plus besoin de me cacher derrière la sacro-sainte objectivité journalistique - bel oxymore si vous me permettez car un journaliste n'est jamais totalement objectif puisqu'il partage sa lecture d'un événement. Quand on parle d'un portrait, il me semble évident que celui-ci en dit au moins un peu au sujet de l'intervieweur, ne serait-ce que par son choix de questions ou les éléments qu'il souhaite faire ressortir.

Un tel moment de complicité a été instantanément perceptible quand je me suis assise en plein soleil, un certain vendredi midi, pour rencontrer le pianiste David Jalbert, 33 ans en novembre. Aucune distance nécessaire, que le partage, bilatéral, entre pédagogues, entre artistes. Malheureusement, une seule page avait été allouée à cette entrevue et j'ai donc dû sabrer dans le foisonnement, implacablement. Vous pouvez découvrir ce pianiste inspiré et inspirant à la page 27 du numéro courant de La Scena Musicale...

On peut l'entendre ici, dans Chostakovitch:




Je vous rappelle qu'il vous reste encore un peu plus de 24 heures pour vous inscrire au swap musique et littérature.

Les inscrites à ce jour...

Du Québec: Lucie -  Liceal - Kikine - aBeiLLe- Catherine -
En Europe: Margotte - Gwenn - Patacaisse - Caro_Carito - Sarawasti - Kloelle - Nahe -Tania (SBF, flûtiste) -

vendredi 1 octobre 2010

Journée internationale de la musique

Température presque lugubre (serions-nous passés directement d'août à novembre sans que je m'en sois rendue compte?) mais pourtant, un peu de soleil dans le cœur en cette journée internationale de la musique. Même les plus convaincus ont besoin de temps en temps de se faire rappeler l'importance de la musique, dans leur vie tout d'abord mais aussi dans celles des autres.

J'ai eu le privilège et le très grand plaisir de m'entretenir une vingtaine de minutes au téléphone hier soir avec le violoniste Gidon Kremer, pour un article qui traitera du passage de la Kremerata Baltica à Montréal début novembre. Une fougue contagieuse, une volonté de ne pas accepter le statu quo, une indignation face à la commercialisation à outrance de certains stars (pourtant, il est loin d'être un inconnu!), un regard presque gêné face à certaines couvertures d'albums qu'il considère de la pornographie. Une recherche constante également de nouveau répertoire, de développer de nouveaux moyens de rejoindre le public, de le sortir d'une certaine torpeur. Au programme du concert de Montréal: un arrangement pour orchestre à cordes du Quatuor opus 131 de Beethoven, considéré par plusieurs comme sa Dixième Symphonie, Silent Prayer de Geya Kancheli et Sogno di Stabat Mater de la compositrice Lera Auerbach, dont j'ignorais l'existence jusqu'à hier.

J'ai depuis découvert qu'elle avait étudié à Juilliard, en piano avec Joseph Kalischtein et en composition avec Milton Babbitt, en plus de faire des études en littératures comparées à Columbia. En plus de voir ses œuvres jouées par nombre d'ensembles et de faire carrière comme interprète, elle publie également des poèmes en prose, analysées dans les écoles russes. Depuis quelques heures, je la découvre, plus, même, je dévore... En partage, son Prélude no 4 en mi mineur.