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vendredi 28 août 2015

La terreur et le ravissement: Hubert Aquin

Hubert Aquin reste l'un de nos géants. Intellectuel, cinéaste, écrivain, penseur, au-delà des époques et de la mort, l'homme continue de troubler. René Gingras revient pour la seconde fois au créateur, particulièrement à travers ses premiers et derniers romans (Prochain épisode et Neige noire). À la lecture de ce texte hier, qui n'avait de pièce de théâtre que le nom, on ne peut que saisir toute la révérence que Gingras porte à son aîné, citant des passages ciblés (tant des romans que de certains essais), intégrant le fil narratif des deux romans à sa proposition, reprenant et se jouant de certains des thèmes chers de l'auteur. On ne peut qu'être fasciné par ce voyage au cœur même de l'univers d'Aquin, par une volonté d'aller plus loin dans la découverte de son oeuvre. Cela ne fait malheureusement pas une pièce de théâtre - du moins dans sa forme actuelle. On imaginerait plutôt une lecture théâtralisée, présentée peut-être dans le cadre du FIL

Étrangement, j'ai redécouvert l'univers d'Hubert Aquin à travers un film, Nuit no 1, dans lequel l'héroïne (Catherine de Léan) cite des passages de Prochain épisode à son amant d'un soir. Par effet d'entraînement - ou par fascination -, j'ai plongé dans le roman, dans l'édition originale de 1965 qui fait partie de ma bibliothèque depuis des années, livre annoté à la mine par une femme que je n'ai jamais connue, qui restera - comme Aquin au fond - un mythe entier. En sortant du Centre du Théâtre d'aujourd'hui hier soir, troublée une fois encore par ces mots aux résonances si particulière, je me suis dit qu'il me faudrait lire Neige noire et puis peut-être bien certains essais. Il faut parfois accepter les détours improbables de la vie...

jeudi 27 août 2015

10e édition du World Press Photo à Montréal

Dans un monde où nous sommes envahis d'images, relayées par diverses plateformes numériques de surcroît, le World Press Photo a-t-il encore sa place d'être? Sans aucun doute, car il faut bien admettre qu'il y a une énorme différence entre contempler en vitesse un cliché (ou dans certains cas détourner le regard, car certaines photos prises en zones de conflits sont insupportables) et prendre le temps d'examiner sa composition, lire ce que le photographe a cherché à capter et prendre vraiment le temps de la regarder.

Une grande humanité se détache d'ailleurs de plusieurs des photos lauréates cette année. On peut penser ici à ce bateau de migrants, photo prise quelques instants avant que ceux-ci ne soient rescapés, prises par Massimo Sestini (2e prix, catégorie Nouvelles générales)
Massimo Sestehni

ou encore à la photo gagnante du grand prix, toute en douceur, du Danois Mads Niessen qui nous montre avec délicatesse un couple homosexuel russe partageant un moment d’intimité. Aucun besoin ici de monter aux barricades; le message atteint le spectateur en plein cœur.
Mads Niessen
Fait d'armes inusité, le travail sensible du photographe français Jérôme Sessini (qui travaille pour la prestigieuse agence Magnum) s'est mérité les 1er et 2e prix dans la catégorie Actualités- Reportages. Cette photo d'une victime de la catastrophe aérienne du vol MH173 encore sanglée dans son siège (sans que l'on ne voit son visage) continuera d'habiter les imaginaires. Le photographe était d'ailleurs présent hier pour évoquer un peu son métier. Impossible de ne pas être troublé par la profonde tristesse de son regard témoin de tant de malheur et de cruauté.
Jérôme Sessini

Si certains clichés sont crus, d'autres se révèlent d'une insidieuse efficacité, comme ces traces laissées par des écolières enlevées au Nigeria de Glenn Gordon, cette photo prise par Ronghing Chen dans une usine de décorations de Noël, celle de cette mère éplorée de Fatimeh Behboudl qui, des années après la disparition de son fils, a enfin accès à une pièce de vêtements ou cette jeune femme accusée d'être une travailleuse de rue de Liu Sond,
Liu Sond


À l'étage, on ne voudra pas manquer l'exposition parallèle de Will Steacy, Deadline, un puissant reportage sur l'érosion de la presse écrite, à travers une série de photos prises dans les bureaux du Philadelphia Enquirer,

Jusqu'au 27 septembre à la Salle de la Commune du Marché Bonsecours.
L'exposition s'arrêtera aussi dans d'autres villes dont Paris et Toronto. Voir les dates ici...

mercredi 26 août 2015

Mythmaker ou de l'obscénité marchande

Il y a parfois de ces rencontres presque magiques, avec un auteur, une voix, un texte. Mythmaker ou de l'obscénité marchande est assurément de celles-là. Librement inspirée d'une nouvelle de Karen Blixen (adaptée au cinéma par Orson Welles), cette pièce de l'auteur Manuel Antonio Pereira (installé en Belgique depuis une vingtaine d'années) mise en lecture par Alice Rondard dans le cadre de Dramaturgies en dialogue s'articule autour du personnage de M. Clay, un requin de la pire espèce, exportateur de textile multimilliardaire de la Côte Est américaine, imbu de sa personne (admirablement transmis par Jacques Lavallée). « Dans votre indignation, je me suis taillé un manteau. »

Sans héritier, il ne reculera devant rien pour mettre lui-même en scène une histoire d'un soir entre un marin russe (Alex Bergeron, subtil) et une jeune femme d'une beauté sublime (Rachel Graton, entre fragilité et dépit), fille d'un de ses ex-employés ruiné. Bien évidemment, le tout se fera dans un environnement entièrement contrôlé, un trio d'internautes commentant le tout en direct, tout en évoquant brièvement certaines des difficultés liées à la notion même de l'amour et du couple dans ce siècle où l'on ne vit plus que pour les autres.

Avec une telle prémisse, Pereira aurait pu choisir de grossir inutilement le trait. Il n'en est rien. Grâce à une langue d'une musicalité indéniable, il se transforme en une Shéhérazade du 21e siècke, le texte oscillant entre conte de fées et pamphlet vitriolique, intemporalité et modernité. La belle et son marin réussiront-ils à s'échapper des rets de Clay? Accepteront-ils de jouer leur rôle jusqu'au bout, d'incarner le mythe? « Ce n'est pas une histoire, c'est ma vie, soulignera le marin. Je ne veux rien raconter, cela deviendrait une histoire justement. » Une affirmation certes en porte-à-faux des multiples « partages » que l'on retrouve sur les réseaux sociaux.

Un très beau texte, que l'on souhaite voir monté!

lundi 24 août 2015

Glenn Gould - Une vie à contretemps

Certains artistes continuent de hanter les mémoires bien après leur mort; Glenn Gould est assurément de ceux-là. Que l'on préfère la première ou la deuxième version de ses mythiques Variations Goldberg ou que ses tempi parfois rocambolesques vous laissent perplexes importe peu au final: on ne peut s'empêcher d'être fasciné par ce personnage bien plus grand que nature, ses manies, ses lubies, sa volonté d'établir un lien direct avec l'auditeur (qui aurait pu dans un monde idéal calibrer la moindre intention d'interprétation - on n'y est toujours pas, plus de 30 ans après la mort de Gould).

Sandrine Revel propose un très bel album, tout en demi-teintes, qui nous permet de plonger dans la vie de l'artiste, non pas de façon chronologique, mais en laissant les images et les événements venir à nous par vagues, un peu comme si nous devenions Gould et nous rappelions dans un demi-délire certains moments-clés de note vie.

Au début, on peut être déstabilisé par ce choix, puis on se plie volontiers au rythme, sans nécessairement espérer en apprendre plus sur le pianiste, compositeur et réalisateur canadien (de nombreuses biographies fouillées l'ont fait avant), mais pour le sentir autrement, de façon presque intuitive, épidermique même (les planches où l'on voit ses mains s'activer demeurent les plus envoûtantes), comme si nous étions dans un monde aux contours oniriques, que la musique nous traversait car, à travers ces pages, impossible de ne pas entendre Gould, de ne pas souhaiter revenir à ses enregistrements, particulièrement de Bach, mais aussi son audacieuse Solitude Trilogy, dans laquelle il nous offre un contrepoint d'un tout autre genre.

vendredi 21 août 2015

80 000 âmes vers Albany: un quintette d'acteurs renversant

L’ambiance était festive hier lors de la soirée d’ouverture de l’édition 2015 de Dramaturgies en dialogue, qui servait également de coup d’envoi aux célébrations entourant le 50e anniversaire du Centre des auteurs dramatiques. Ce n’est certes pas tous les soirs que cinq géants se retrouvent sur une même scène! Avant que Jacques Godin, Andrée Lachapelle, Albert Millaire, Monique Miller et Béatrice Picard prennent place derrière leurs lutrins, une ovation monstre avait été réservée à ces pionniers de ce que l’on appelait jadis le « théâtre canadien-français ».

Contrairement à plusieurs nouveaux diplômés du programme d’écriture de  l’École nationale de théâtre, Benjamin Pradet Jeune n’a pas joué la carte de l’autofiction dans cette première pièce, 80 000 âmes vers Albany. Elle s’articule en effet autour de cinq octogénaires. On s’attarde d’abord à leur quotidien, alors qu’ils échangent quelques banalités, procèdent à leur toilette, mangent des rôties, se moquent volontiers des propriétaires de la résidence, les Walker, arborant même les couronnes des maîtres des lieux, bien sûr un château (de Terrebonne). Les conversations en apparence sans importance permettent néanmoins d’aborder la question de la mémoire (celle que l’on perd comme celle, souvent plus éloignée, qui nous reste). « Tu te souviens de b’en trop d’affaires que tu t’inventes », avance Pierre Pierre (Albert Millaire, convaincant), un acteur sur le déclin qui montera pour la première fois sur les planches lors du spectacle de Noël de la résidence. Et puis, à l’arrivée de Colette d’Orange, fille de Mme Walker, le ton bascule et devient volontiers plus onirique. Nos cinq larrons feront en effet une fugue, à dos de chevaux blancs (!) afin d’assister à un mariage à Albany. « Un dernier voyage avant de rentrer », mais aussi un dernier voyage avant de partir pour un au-delà aux contours indéterminés. « J’fais tout ça pour pas pleurer », souligne Pierre Pierre.

Il y a de très beaux instants dans cette pièce de Pradet et certains débordent d’une indéniable poésie - « la forêt, c’est ma grosse boîte de nuit » par exemple. On s’attache aux personnages et une série de monologues bien intégrés feront la joie de leurs interprètes le moment venu : une touchante lettre d’amour d’Henri (transmise avec une retenue presque douloureuse par Jacques Godin) à sa chère Désirée (Monique Miller, le boute-en-train du quintette), la superposition de certains éléments du Petit chaperon rouge aux souvenirs de Gertrude (Béatrice Picard, d’une vivacité extraordinaire) ou le duo/duel entre Colette d’Orange et sa fille (Andrée Lachapelle, stupéfiante, épousant les deux rôles). On retrouve également de réelles longueurs dans cette mouture totalisant presque deux heures. Si hilarantes soient-elles (tous s’en donnaient à cœur joie), la scène du petit déjeuner de groupe et la partie de cartes s’éternisent inutilement (une seule des deux pourrait être maintenue au final) et certaines tirades auraient avantage à être élaguées. On voudra peut-être aussi ajouter une densité supplémentaire au personnage d’Henri qui ne prend forme qu’à la fin de la pièce.


Un auteur à surveiller!

jeudi 20 août 2015

Les mots

Certains manipulent les mots comme des pierres précieuses. Ils les polissent, amoureusement, langoureusement, pendant des heures, éliminant toute scorie d'une phrase, d'un mot, d'une syllabe, pour n'en garder que la pureté de l'émotion, l'essence, la quintessence de l'instant.

D'autres manient les mots comme des roches. Ils les jettent à la tête de ceux qui passent, confiants, accueillants. S'ils les travaillent, c'est pour les affûter comme des lances, pour qu'ils blessent, qu'ils transpercent, qu'ils laissent des cicatrices. Parfois, on assiste à de curieux duels de mots, de vers, véritable surenchère d'épithètes, de contre-sens, de non-sens. On ouvre la main et on compte les mots comme on comptait ses billes autrefois dans la cour de récré, comme on collectionnait les filles dans les soirées, en bombant le torse, en se moquant du plus frêle, en ne faisant pas de quartiers.

D'autres encore sont démunis face aux mots. Ils les accumulent, les collectionnent, les regroupent, par sonorités, par couleurs, par odeurs, par pays d'origine, mais ils ne savent jamais quoi en faire exactement. Du bout des doigts, ils les font tourner au fond de leurs poches; du bout des lèvres, ils les font tourner dans leur gorge. Un jour, sans raison, ils deviennent trop lourds, trop encombrants. Deux doigts puis toute la main s'aventurent dans le magma, devenu indistinct babillage. Ils sont déposés sur une improbable ardoise, journal intime, carnet ouvert aux quatre vents, recueil de poésie, pavé, cailloux semés derrière soi, pour retrouver sa route, pour mieux se perdre.

Au milieu du fouillis, notre regard s'arrête sur un, puis un autre. On les dépose au creux de notre main, les fait tournoyer un instant, en cherchant à se les approprier une seconde, une journée, une saison... avant de les polir, de les affûter, de les ignorer, de les oublier.

mercredi 19 août 2015

Entre littérature et musique


« Dieu, hésitant, se tourne vers moi et me demande de trancher : Angèle, entre les livres et la musique, que dois-je conserver? Je choisis les livres parce que sans lecture il n’y a plus de mémoire, plus d’accès à la connaissance, plus de magie, plus de tremplin vers de nouvelles expériences, de nouvelles écritures, de nouvel héritage. Pourtant, si la terre se dépossédait se  dépossédait de la musique, je crois qu’elle s’effondrerait de chagrin. »
Christine Eddie, Je suis là

lundi 17 août 2015

À la recherche de New Babylon

Un pyromane qui collectionne les pendaisons, un aristocrate russe mythomane qui rêve de fonder une cité dans laquelle l’anarchie règnera en maître, une jeune femme romantique qui traverse le pays à la recherche de l’homme idéal, un faux prêtre qui sert de témoin, de mémoire. On lui a volé les carnets sur lesquels ils notaient les destins, petits et grands, de tous ceux croisés jusque-là. On lui a coupé les mains, mais certainement pas la parole. En effet, ce sera grâce à sa voix (sans doute rocailleuse) et son imagination (débordante) que les personnages de ce roman inusité s’incarneront, se raconteront, évoqueront leur faim de célébrité, de richesse, de reconnaissance, d’amour ou même de mort.

Le lecteur s’attachera vraisemblablement plus à certains personnages qu’à d’autres. J’admets volontiers un faible pour Russian Bill. Pourtant essentiel au récit - sans lui, ce dernier n’existerait pas -, mais se maintenant délibérément à l’arrière-plan, le Révérend Aaron nous glisse parfois entres les doigts. Peu importe. On plonge dans cette aventure touffue les yeux, les oreilles et les narines ouverts. Les chapitres ramassés s’y enchaînent comme autant de pièces d’un casse-tête, nous menant inexorablement vers l’avant par quelque implacable effet domino.

Les phrases sont courtes, se dégainent comme un revolver, laissent ici et là place à une savoureuse ironie. « En été, c’était un endroit recherché pour sa fraîcheur. En hiver, il fallait une volonté de fer pour s’y prélasser, même en gardant son manteau sur le dos. Pour la première fois, on y discutait d’autres choses que de la fourberie des Américains », par exemple. L’écriture de Dominique Scali se révèle particulièrement alerte, travaillée jusqu’à ce qu’à la disparition de toute trace de couture, dépouillée de scorie. Du grand art.

On a très hâte de découvrir à quel univers plus ou moins balisé Dominique Scali s’attaquera ensuite.

Pour lire les impressions des autres collaborateurs, c'est ici...



samedi 15 août 2015

Dominique Scali recrue d'août

Pour ce numéro d’août, nous vous offrons la totale : l’évasion, unilatérale, sans contrainte ou presque. Dépaysement assuré! En effet, À la recherche de New Babylon de Dominique Scali adopte un genre ne faisant pas habituellement partie de l’imaginaire québécois : le western, ni entièrement traditionnel ici, ni vraiment satirique. Un livre qui sent le whisky et le sable, pourtant non dénué d’une certaine tendresse. « … il y a toujours eu un grand désir d’évasion derrière mon désir d’écriture, explique l’auteure dans ses réponses à notre questionnaire. J’ai donc le réflexe de transposer mes préoccupations sur d’autres univers et sur des personnages différents de moi. Reste qu’il y a toujours une part de soi dans ce qu’on crée. »

L’enfance de l’art de Jérôme Minière incite lui aussi à plonger au cœur du roman, « le lecteur ne [reprenant] son souffle qu’au mot FIN », résume notre collaborateur Normand Babin. Les Sports et divertissements de Jean-Philippe Baril Guérard sont d’une tout autre eau : sexe, drogue et… théâtre! Autre OVNI littéraire, Le cruciverbiste de Claire Cooke juxtapose intrigue policière et mots croisés que le lecteur est invité à compléter au fur et à mesure. Par une douce soirée d’été, vous aurez possiblement envie de danser. Le pas du lynx de Joana de Fréville saura alors vous accompagner. Vous souhaiterez peut-être aussi relire Juillet, premier roman coup-de-poing de Marie Laberge.

Et si vous profitiez des journées encore longues pour vous plonger dans deux recueils de poésie? Nous avons aimé Ciseaux de Roxane Desjardins (prix Émile-Nelligan 2015) et Goulka de Zéa Beaulieu-April, publication de la nouvelle coop de solidarité Les éditions de la Tournure. « La création, tout comme la lecture consciencieuse, lui apparaissent comme des actes de résistance dans un monde qui a toutes les allures d’une habitude à la fugacité, souligne-t-on sur le site Internet. La coopérative et la poésie sont ces espaces de rencontre et de foisonnement ». Nous souhaitons longue vie à cette organisation unique qui vise à poétiser la ville.

Après avoir collaboré au projet « Des mots dans la ville », présenté à Magog en avril dernier, dans le cadre duquel des citations d’auteurs québécois (dont quelques Recrues!) ont été peints sur des vitrines de commerces, nous lançons là-bas une série de rendez-vous autour de la nouvelle littérature d’ici. Rencontres avec des romanciers, tables rondes sur divers sujets, lectures de poésie, séances de signature sont autant d’activités qui seront proposées au fil des saisons. Notez illico à votre agenda un entretien avec David Goudreault, auteur de La bête à sa mère, aussi slammeur. Il se tiendra le 12 septembre prochain, 15 h, chez Chochoco, un endroit que vous voudrez aussitôt adopter, sis au 259, rue Principale ouest, à Magog. Nous vous y attendons nombreux! (L’événement se déroule en périphérie de la Fête des Vendanges. Surveillez notre page FB pour tous les détails!)

Nous sommes également heureux d’annoncer notre affiliation avec Les libraires.ca. En cliquant sur le lien associé, vous pourrez vous procurer les livres commentés sur le site transactionnel. Une volonté consciente notre part de soutenir la littérature, mais aussi les libraires indépendants d’ici.

Pour lire le numéro courant...

jeudi 13 août 2015

Achat de livres et autres... un tag

C'était hier la 2e édition de l'initiative « Le 12 août, j'achète un livre québécois ». Je suis passée chez Olivieri en après-midi, sans trop savoir ce qui me ferait craquer. (J'ai finalement opté pour Chemins de sable de Jean-Pierre Issenhuth, un livre qui m'a semblé dans le prolongement de Jean-François Beauchemin et Thoreau.) Sur place, l'impression qu'un vent avait balayé les tables de livres québécois et avait même soufflé dans les étagères consacrées. Évidemment, il y a aussi les 364 autres jours de l'année. « Nos tables de romans québécois ne disparaîtront pas demain », a souligné fort à-propos une libraire visiblement débordée, mais souriante. Elle m'a aussi confié qu'une de ses collègues pensait à consacrer le 12 de chaque mois à un auteur québécois. Je suivrai le tout avec attention, mais avant, je me plie à un petit tag qui porte notamment sur les achats de livres.


1. Es-tu une acheteuse compulsive de livres? 

Non, mais ma PAL est d'une taille impressionnante. Entre les services de presse reçus pour être commentés par les collaborateurs de La Recrue du mois, les multiples emprunts à la bibliothèque (j'y fais un saut toutes les semaines) et les livres que je « dois » posséder, pas le temps de s'ennuyer.

2. À quelle fréquence achètes-tu des livres?

Une fois par mois environ, je dirais, mais je bouquine plus souvent que cela. Et puis, il y a les salons du livre un peu marginaux (anarchiste, queer) qui proposent toujours des choses difficiles à trouver ailleurs... Difficile d'y résister.

3. As-tu une librairie favorite?

Olivieri, assurément. C'est ma librairie de quartier, d'une part, mais surtout, j'aime comment je me sens quand j'y mets les pieds, la façon dont les livres ont été regroupés, la gentillesse des libraires, des purs et durs, toujours prêts à passer une commande spéciale ou à faire une recommandation. J'aime bien m'arrêter aussi au Port de tête quand je suis sur le Plateau.

4. Fais-tu tes achats livresques seule ou accompagnée?

Presque toujours seule. J'irai peut-être bouquiner avec un(e) ami(e) - chacun dans sa bulle habituellement -, mais j'achète rarement dans ces cas-là. Je note certains titres tout au plus.


5. Librairie ou achats sur le net?

Presque exclusivement en librairie.

6. Vers quels types de livres te tournes-tu en premier?

Mon premier arrêt chez Olivieri est toujours pour la table de nouveautés québécoises. Déformation professionnelle d'une part, certes, mais aussi réel intérêt. Je fais ensuite le tour des autres tables de nouveautés, des nouveaux poches, éplucherai volontiers la section théâtre ou poésie, celle de la littérature allemande aussi. (Il faudrait vraiment que je me replonge dans cette langue ingrate.)

7. Préfères-tu les livres neufs, d'occasion ou les deux?

Les deux, mais si je ne fais pas toujours un détour par les librairies de livres usagés - et ce, même si j'en ai une très chouette (Le livre voyageur) dans mon quartier.

8. Qu'aimes-tu dans le shopping livresque?

La découverte de nouveaux titres, mais aussi la manipulation des livres.

9. Te fixes-tu une limite d'achat par mois?

Je suis en général plutôt raisonnable, heureusement pour mon compte bancaire.

10. À combien s'élève ta wish-list?

Je note très rarement un titre. J'aime la rencontre avec un livre, le côté presque improvisé de la chose, la possibilité de ressentir un coup de foudre pour une écriture en particulier.

11. Cite 3 livres que tu veux TOUT DE SUITE!

Je sais me contenir, mais j'admets avoir très hâte de découvrir certains des premiers romans de la rentrée, et puis hier, je suis passée à deux doigts d'acheter


12. Pré-commandes-tu tes livres?

Quelle idée!

13. Pourquoi un tel pseudo/nom de blogue?

Je cherchais un nom de blogue qui serait une allusion directe à la musique classique (sur une île déserte, même si j'adore Mozart, je partirais indéniablement avec les deux volumes du Clavier bien tempéré de Bach, une source inépuisable de découvertes) et un clin d’œil au geste d'écriture. Et puis, en tant que journaliste, je veux pouvoir vivre avec une critique dans dix ans et donc maintiens volontaire une certaine tempérance. Les coups de gueule, je les garde pour moi - ou pour mes proches. Concentrons-nous sur le reste.


14. Parle-nous de ton prof préféré.

Je pourrais citer Sr Marie Faucher, une professeure de piano que j'ai eue à l'adolescence, trop brièvement malheureusement, car un cancer fulgurant l'a fauchée après qu'elle m'eut accompagnée pendant deux ans. J'inclurai aussi le Père Hardy, professeur de français en cinquième secondaire, qui tous les mercredis après-midi, avait dégagé 20 minutes de son horaire d'enseignement pour que nous écrivions dans notre cahier d'aubades. Je n'oublierai jamais l'énergie si particulière qui animait la classe à ce moment-là (un ami poursuivait chaque semaine un western-spaghetti, dans lequel je jouais notamment le rôle de Lulu Carabine) et les commentaires d'encouragement du professeur. J'ai toujours gardé ces deux cahiers Canada.


15. Parle-nous de ton premier concert.

Impossible de me rappeler du premier, car j'assistais tous les vendredis aux concerts classiques gratuits offerts par Radio-Canada à la Salle Claude-Champagne avec mes parents. (Les temps ont bien changé.) Quand mon père avait particulièrement aimé un programme, il l'enregistrait quand il repassait quelques semaines plus tard à la radio et le réécoutait. Je pense encore notamment à un récital de Raoul Sosa.


16. Quel est ton endroit préféré au monde?

Pourquoi se limiter? Celui que je n'ai pas encore découvert, tiens. S'il est sur le bord de l'océan, déjà, j'aurai du mal à l'oublier.


17. Un endroit que tu aimerais visiter?

Je rêve depuis l'enfance de Tahiti et Bora-Bora, depuis le visionnement d'une minisérie sur le peintre Paul Gauguin. Mais il me reste aussi tant de villes musicales à visiter: Vienne, Salzbourg, Prague, Leipzig...

18. Parle-nous de quelque chose qui te rend complètement folle en ce moment.

Le désengagement. On PEUT - doit - changer le monde... un geste à la fois!

19. Si tu pouvais posséder instantanément quelque chose, rien qu'en claquant des doigts, qu'est-ce que ce serait?

Une vieille (mais parfaitement fonctionnelle)
Westphalia, idéalement avec des fleurs sur le côté. Si je suis très peu camping (les moustiques m'aiment trop pour que ce soit agréable), j'aime bien l'idée que je pourrais m'arrêter où et quand je veux, y dormir une nuit, une semaine, un mois... comme un personnage d'un roman de Jacques Poulin!

20. Qui tagues-tu?

Si vous vous sentez inspirés, n'hésitez pas!

mercredi 12 août 2015

Quelques pas dans l'éternité

« Plus le temps passe et plus je me persuade qu’écrire équivaut pour une bonne part à chanter. Les livres dont je me rappellerai seront ceux qui m’ont bercé. Tous les autres sont oubliables, parce que je ne parviens pas à en retrouver le refrain. » 
Jean-François Beauchemin est sans aucun doute un auteur dont on se rappelle la voix, la petite musique. Se concentrant sur l'émotion plutôt que sur le geste, sur l'observation plutôt que l'action, il plonge en lui-même - et en nous-même par extension - comme peu acceptent de le faire, avec une simplicité indéniable, avec une délicatesse innée, mû par une quête constante non pas de la vérité, mais du sens.
« Écrire m’a en quelque sorte sauvé de Dieu, puisque je me suis aperçu que je disposais avec les mots de tout ce dont j’avais besoin pour m’apaiser, me recueillir, me donner de l’espoir et surtout pour donner un sens à ce monde qui en lui-même n’en a pas. » 
Dans Quelques pas dans l'éternité, il nous offre le rare privilège de l'accompagner pendant un an, au jour le jour ou presque, alors qu'il consigne dans son journal non pas tant son quotidien (ses trois ou quatre pages écrites chaque matin dans son bureau, ses promenades avec son chien, ses conversations avec la douce Manon qu'il aime comme au premier jour, le passage de ses amis) que des réflexions sur le geste même d'écrire, sur la société qui est la nôtre (dont il a choisi volontairement de se retirer en habitant à la campagne), sur sa quête d'une spiritualité distincte de la religion, sur le travail de ses confrères, sur la cohabitation entre vie et mort.

Une lecture qui nous force à arrêter le temps, à relire certaines phrases, mais aussi à fermer ce cadeau, histoire de mieux plonger dans le monde qui nous entoure, sentir le pouls de cette vie en constante évolution, de notre être en perpétuelle mutation.
« Je ne veux pas dire que la vie réelle est dans les livres; elle n’y est pas. Ce qu’on y aperçoit, c’est son ombre, ou son souvenir. Mais cette ombre et ce souvenir doivent y être en entier, et ce n’est pas en s’éloignant des jardins, en détournant le regard des étoiles lointaines ou en oubliant d’aller à la rencontre des hommes que l’écrivain parviendra le mieux à dresser ce fuyant portrait. » 

dimanche 9 août 2015

Simplicité volontaire

Tiens, un rescapé des vieux cartons...


Le premier million avait été le plus difficile à amasser. Après, je suis devenu simple témoin des tableaux de progression qu’on me faisait suivre sur mon téléphone intelligent, entre deux réunions avec mes vice-présidents. Légèrement désabusé par la routine, j’avais accepté la suggestion de mon coach de vie de m’inscrire à cet atelier de croissance personnelle donné par un des bonzes du mouvement. « Simplicité volontaire » : trois jours hors du temps, d’exercices destinés à briser les égos, de pistes pour apprendre le dépouillement.

Quand Robert est arrivé avec la limousine, je savais ce qu’il me restait à faire. En trente minutes, j’avais revendu la majorité de mes actions, transféré mes avoirs au nom de ma femme et de mes enfants, mis mes deux résidences secondaires en vente, cédé mes toiles de valeur au musée. Quand Élisa est rentrée de Monte-Carlo le lendemain et que je lui ai expliqué que nous partirions à l’aventure sur notre voilier, elle m’a ri au nez.

Quinze minutes après, elle me jetait dehors, avec le contenu d’un sac Vuitton pour tout bagage. Une nuit dans la rue et on m’avait battu, tout volé : rêves, argent, identité.


Dites, vous auriez pas un peu de monnaie?


jeudi 6 août 2015

Bach au Parc Lafontaine

Un après-midi paresseux d'été, quand le temps oscille au gré du vent et des vaguelettes dansées par les pieds qui clapotent dans l'étang. Les citadins ont pris possession du parc Lafontaine, l'utilisent pour échanger, lire, dormir, oublier qu'à quelques dizaines de mètres à peine, la métropole continue à s'agiter frénétiquement.

Ils sont deux, qui se retrouvent enfin, exaltés par l'instant. Ils rigolent comme des adolescents en contemplant cette dame d'un âge certain qui semble vouloir apprivoiser un des canards placides, s'attendrissent quand le chien attend patiemment que sa balle revienne près du bord. Il glousse quand le petit homme se lève du banc qui l'accueillait et fonce vers un ailleurs d'une démarche chaloupée de top-modèle. Elle remarque le vieillard en chaise roulante, vêtu de l'horrible chemise de nuit verte, en permission, qui fait le tour du parc le sourire aux lèvres avant de retrouver lumière glauque et couloirs javellisés.

Les minutes se sont liquéfiées en heures avant que l'appel du glacier ne se fasse plus pressant. Ils reprennent le sentier quand, hypnotisés par le son d'une suite pour violoncelle de Bach, ils bifurquent. L'instrumentiste est assis sur un banc, son reflet se fondant dans l'onde alors que les notes s'effilochent dans la douceur d'une fin d'après-midi. À ses côtés, en apparence immobile, un badaud écoute, dans une pose qui rappelle les vases grecs anciens. Il n'ose troubler le fil de l'inspiration mais, de temps en temps, son corps oscille très légèrement au son de ces danses oubliées. De l'autre côté de l'étang, ils écoutent, ils observent. Les relents de musique les enveloppent, se fichent profondément en eux. En silence, ils reprennent la route.

lundi 3 août 2015

Bibliothèques... bis

Dans ma chambre d’enfant, il n’y avait que l’essentiel, du moins le croyais-je alors: mon piano, un bureau de travail qui me semblait drôlement imposant quand je m’y suis assise la première fois, un lit sous lequel je lançais les médicaments antirhume que je refusais systématiquement d’avaler, et une bibliothèque, construite par mon père. Je ne conserve qu’un souvenir plutôt flou de ce que j’y avais empilé. Un casier était vraisemblablement dédié à la Comtesse de Ségur, un autre (peut-être même deux) à mon encyclopédie Tout connaître et mon fidèle Dis pourquoi?, un dernier aux disques que j’écoutais fiévreusement. De ceux-ci, surgissent spontanément à ma mémoire Le petit prince lu par Gérard Philippe, La vie de Mozart de la collection du Petit ménestrel et Alice au pays des merveilles. À la fin de mon cours primaire, une section avait été envahie par deux gros dictionnaires, étranges – m’avait-il semblé alors – cadeaux d’anniversaire d’une tante traductrice à l’ONU. Au fil des ans, les partitions avaient grugé le reste, faisant dangereusement ployer les planches de bois bon marché, le banc de piano ayant démissionné très tôt devant l’impossibilité de les contenir toutes.


Le bureau m’a toujours suivie; j’y dépose maintenant mon ordinateur portable - même s'il n'est pas d'une hauteur idéale. Des piles de papiers sur lesquelles sont griffés notes, corrections, rêves, des disques et des pots remplis de crayons s’en sont emparé, le transformant en meuble beaucoup moins imposant. Le piano (un cousin en fait, plus Wolfie) sont dans la salle de musique. L’étagère de mon enfance a rendu l’âme il y a plusieurs années déjà, remplacée par d'autres bibliothèques (suédoises), robustes. Dans l’une sont glissées – plus ou moins sagement et en ordre alphabétique relatif – mes partitions. Dans une autre, les biographies de compositeurs, les analyses d’œuvres, les traités d’orchestration et de composition. Dans une autre, élancée, j’y ai glissé mes dictionnaires – qui ne me semblent plus si étranges –, mes archives de journaliste. Sur le côté, punaisées sur un babillard fait main, des cartes d'amis, des souvenirs, mon essentiel macaron «Why be normal » et un texte, Essayez… c’est si facile!, publié jadis, dans lequel mon père livre ses conseils d’écriture journalistique. Et puis, bien sûr, il y a celles contenant les ouvrages littéraires, regroupés en ordre alphabétique par genres (québécois, autres, poésie, théâtre, essai, lettres allemandes) et l'inénarrable PAL, tout sauf ordonnée. 

Il faudrait bien que j'arrête d'aller à la bibliothèque, tiens, et que je lui fasse subir une (légère) cure de minceur!