Camille Allaire signe avec ce premier recueil de micro-nouvelles (la plupart des textes font deux pages) un opus à la fois presque translucide et d'une densité remarquable. Avec une rare économie de mots, l'auteure nous mène sur la ligne de faille des personnages, dépeint certains moments d'errance qui font basculer un destin, nous prouve que la vie palpite, fébrile, dans ses infimes vibrations, et que la frontière est parfois bien mince entre fiction et réalité. « Quelqu'un nous a séparés, rendus à nos existences respectives, la mienne, bien réelle et banale, il faut le dire, et la sienne, au fantasme, existence vaporeuse et esclave de ma mémoire. » (p. 23-24) S'y côtoient femmes, hommes, enfants, tantôt déchirés, tantôt transportés,qui nous rejoignent profondément.
Certaines nouvelles m'ont particulièrement touchée, dont Celle qui manque, ode à la mère absente, Contre Lina, la révolte d'une adolescente, Entre tes lèvres et les miennes, qui raconte en moins de deux pages les tourments d'une jeune femme qui aimerait bien que l'ami devienne amant, Rien de romantique, une relecture étonnante du thème de l'usure dans le couple, Deux ou trois livres, dans laquelle un homme refait sa vie et cherche quels livres apporter avec lui, La tristesse qui nous sépare, plus longue, qui se décline en instants volés, recréés, transmission d'une filiation difficile et bien sûr Elle et mon violoncelle, dans laquelle la musique sublime toute douleur. « Elle sourit, les yeux clos, le corps en musique. Et puis, rien d'autre, pas de drame, pas de crise. Il n'y a plus le silence entre eux, il y a la musique, la chaleur. Il se sent plein. La neige est inutile, il n'y aura pas de chute. » (p. 56)
Chaque nouvelle se dépose, en strates fines, dans un registre entre poésie, conte et journal intime.On sort de cette lecture troublé, en déséquilibre, avec une volonté de saisir l'instant.
La musique et l’écriture ont été de tout temps les deux pôles de la vie créatrice de l'auteure. Ce site se veut donc un hommage à la musique (particulièrement classique) et à la littérature, mais aussi au théâtre et aux autres manifestations artistiques.
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lundi 29 mars 2010
samedi 27 mars 2010
Soirée Kylian
J'avais bien besoin d'une soirée réussie au ballet pour me faire oublier l'ennui profond ressenti devant La Sylphide, dansée pourtant de façon extrêmement précise par le Ballet de Guangzhou il y a quelques semaines. Si certaines œuvres demeurent éternelles, certaines vieillissent mal et c'était certes le cas alors. Rien de tel hier soir alors que les Grands Ballets Canadiens proposaient un triplé Jiri Kylian, remarquablement dosé. (Certains chefs auraient d'ailleurs eu avantage à assister à la représentation pour comprendre comment un pacing efficace peut transformer une soirée...)
La soirée s'ouvrait sur son classique Symphony of Psalms, basé sur l'œuvre trop peu jouée de Stravinski, profondément poétique, inspirée et troublante. Huit femmes, huit hommes, huit chaises, un mur couvert de tapis. Les couples se font, se délient, des lignes se forment. On y ressent aussi bien le désespoir que l'introspection, l'exaltation qu'une certaine tendresse, les lignes néoclassiques s'adaptant parfaitement aux pages de Stravinski.
La pièce de résistance est sans doute Bella figura. Le titre fait référence à l'expression italienne qui veut dire « faire belle figure ». Kylian y déconstruit ici les apparences. Quand le ballet commence-t-il vraiment? Alors que les danseurs s'échauffent, seuls dans leur univers? Alors que le rideau se lève? Quand la musique débute? Le chorégraphe déconstruit les corps, parfois de façon ludique, parfois plus impudique. Si certains pas de deux nous plongent dans un certain ravissement, d'autres passages nous renvoient rapidement à notre propre propension à dissimuler la détresse, la colère, à se protéger du regard des autres. Porté par des pages de Pergolesi, on en sort presque bouleversé.
Un bonbon absolument délicieux était offert en fin de programme, une relecture décalée et souvent hilarante des Six danses de Mozart (qui aurait adoré un tel traitement, j'en suis certaine). Kylian se sert admirablement des traits musicaux pour les magnifier en gestes, utilise costumes et accessoires avec une redoutable efficacité (robes sur roulettes, perruques qui explosent de poudre, robes qui prennent des formes multiples). Une grande soirée (reprise ce soir pour les intéressés).
La soirée s'ouvrait sur son classique Symphony of Psalms, basé sur l'œuvre trop peu jouée de Stravinski, profondément poétique, inspirée et troublante. Huit femmes, huit hommes, huit chaises, un mur couvert de tapis. Les couples se font, se délient, des lignes se forment. On y ressent aussi bien le désespoir que l'introspection, l'exaltation qu'une certaine tendresse, les lignes néoclassiques s'adaptant parfaitement aux pages de Stravinski.
La pièce de résistance est sans doute Bella figura. Le titre fait référence à l'expression italienne qui veut dire « faire belle figure ». Kylian y déconstruit ici les apparences. Quand le ballet commence-t-il vraiment? Alors que les danseurs s'échauffent, seuls dans leur univers? Alors que le rideau se lève? Quand la musique débute? Le chorégraphe déconstruit les corps, parfois de façon ludique, parfois plus impudique. Si certains pas de deux nous plongent dans un certain ravissement, d'autres passages nous renvoient rapidement à notre propre propension à dissimuler la détresse, la colère, à se protéger du regard des autres. Porté par des pages de Pergolesi, on en sort presque bouleversé.
Un bonbon absolument délicieux était offert en fin de programme, une relecture décalée et souvent hilarante des Six danses de Mozart (qui aurait adoré un tel traitement, j'en suis certaine). Kylian se sert admirablement des traits musicaux pour les magnifier en gestes, utilise costumes et accessoires avec une redoutable efficacité (robes sur roulettes, perruques qui explosent de poudre, robes qui prennent des formes multiples). Une grande soirée (reprise ce soir pour les intéressés).
mercredi 24 mars 2010
L'écriture du geste
J'étais plongée dans l'univers de Pierre Boulez le chef d'orchestre depuis quelques semaines en vue de la rédaction d'un article. J'avais complété des recherches préliminaires, écouté plusieurs enregistrements (dont un totalement électrisant Sacre du printemps, enregistré avec l'Orchestre National de France en concert, lors du concert soulignant le 50e anniversaire de création de l'œuvre en 1963, malheureusement retiré des tablettes), parlé à quelques chefs d'orchestre d'ici pour mieux saisir la personnalité de ce géant, souvent décrié par ses pairs.
Je ne manquais pas d'information mais souhaitais connaître le point de vue de Boulez lui-même sur sa direction d'orchestre et me suis donc déplacée en bibliothèque, histoire de récupérer quelques livres d'entretiens. Si j'ai parcouru en diagonale deux de ceux-ci, je me suis laissée entièrement happer par L'écriture du geste, paru en 2002, dans lequel le chef revient sur son long parcours de chef, métier qu'il a embrassé par hasard ou plutôt par nécessité, dépité par la carence de chefs qui acceptaient de diriger des œuvres contemporaines. Près de 60 ans plus tard (Boulez célébrera son 85e anniversaire dans deux jours à Vienne), il continue d'être invité par les grands orchestres américains et européens, à diriger ses œuvres bien sûr mais aussi Mahler (ses interprétations ont fait école), Schoenberg, Debussy ou Stravinski.
On a qualifié à moultes reprises ses interprétations d'« analytiques » et on imagine Boulez le chef comme un dictateur. Pourtant, non... Il propose d'abord aux musiciens une lecture plus ou moins complète (qui leur permet de s'approprier les autres éléments de la texture orchestrale) puis il insiste, inlassablement, sur les articulations, les coups d'archet, les nuances. Quand il débarque à Cleveland pour quelques semaines de travail avec le prestigieux orchestre, les musiciens sont ravis parce que, justement, exceptionnellement, ils travaillent vraiment. (On peut imaginer que des musiciens aussi remarquables puissent devenir blasés face à un chef quelconque qui ne sait pas exactement ce qu'il souhaite transmettre d'une œuvre.)
Boulez est bien sûr implacable quand il explique ce qu'il attend d'eux mais pourtant il affirme vivre dans l'échange: « Il est évident que le phénomène de la direction d’orchestre ne se limite pas à donner des initiatives mais également à en recevoir de la part de l’orchestre. S’il n’y a pas cet échange, la direction tourne à vide », explique-t-il dans L'écriture du geste. Plus loin, il dira aussi: « Il y a bien d’autres circonstances qui m’ont permis d’analyser les mécanismes de la perception et comment on peut en jouer. Les répétitions sont une mine inépuisable de ressources à ce sujet. Assouplir le lien entre musicien et chef, le rendre plus inventif en quelque sorte, cela a été une de mes grandes préoccupations. Une direction qui soumet constamment le groupe, cela peut être nécessaire, mais ce n’est pas infiniment varié. Ce qui m’intéresse davantage, c’est de pouvoir, à mon gré, ordonner ou désordonner, relâcher et rattraper. » J'aime bien cette image de musique en mouvement perpétuel...
On peut le voir diriger le Philharmonique de Vienne (orchestre qu'il dirigera pour son anniversaire) dans L'Oiseau de feu de Stravinski ici...
Je ne manquais pas d'information mais souhaitais connaître le point de vue de Boulez lui-même sur sa direction d'orchestre et me suis donc déplacée en bibliothèque, histoire de récupérer quelques livres d'entretiens. Si j'ai parcouru en diagonale deux de ceux-ci, je me suis laissée entièrement happer par L'écriture du geste, paru en 2002, dans lequel le chef revient sur son long parcours de chef, métier qu'il a embrassé par hasard ou plutôt par nécessité, dépité par la carence de chefs qui acceptaient de diriger des œuvres contemporaines. Près de 60 ans plus tard (Boulez célébrera son 85e anniversaire dans deux jours à Vienne), il continue d'être invité par les grands orchestres américains et européens, à diriger ses œuvres bien sûr mais aussi Mahler (ses interprétations ont fait école), Schoenberg, Debussy ou Stravinski.
On a qualifié à moultes reprises ses interprétations d'« analytiques » et on imagine Boulez le chef comme un dictateur. Pourtant, non... Il propose d'abord aux musiciens une lecture plus ou moins complète (qui leur permet de s'approprier les autres éléments de la texture orchestrale) puis il insiste, inlassablement, sur les articulations, les coups d'archet, les nuances. Quand il débarque à Cleveland pour quelques semaines de travail avec le prestigieux orchestre, les musiciens sont ravis parce que, justement, exceptionnellement, ils travaillent vraiment. (On peut imaginer que des musiciens aussi remarquables puissent devenir blasés face à un chef quelconque qui ne sait pas exactement ce qu'il souhaite transmettre d'une œuvre.)
Boulez est bien sûr implacable quand il explique ce qu'il attend d'eux mais pourtant il affirme vivre dans l'échange: « Il est évident que le phénomène de la direction d’orchestre ne se limite pas à donner des initiatives mais également à en recevoir de la part de l’orchestre. S’il n’y a pas cet échange, la direction tourne à vide », explique-t-il dans L'écriture du geste. Plus loin, il dira aussi: « Il y a bien d’autres circonstances qui m’ont permis d’analyser les mécanismes de la perception et comment on peut en jouer. Les répétitions sont une mine inépuisable de ressources à ce sujet. Assouplir le lien entre musicien et chef, le rendre plus inventif en quelque sorte, cela a été une de mes grandes préoccupations. Une direction qui soumet constamment le groupe, cela peut être nécessaire, mais ce n’est pas infiniment varié. Ce qui m’intéresse davantage, c’est de pouvoir, à mon gré, ordonner ou désordonner, relâcher et rattraper. » J'aime bien cette image de musique en mouvement perpétuel...
On peut le voir diriger le Philharmonique de Vienne (orchestre qu'il dirigera pour son anniversaire) dans L'Oiseau de feu de Stravinski ici...
dimanche 21 mars 2010
Huis clos
Après un Shakespeare gentil mais convenu, une création d'Evelyne de la Chenelière plus ou moins aboutie, un Molière à la frontière entre grotesque et burlesque qui dénaturait l'essence même du texte, le TNM nous présente enfin du « vrai » théâtre, Huis clos de Jean-Paul Sartre.
Bien sûr, le texte lui-même est déjà suffisamment puissant pour vivre tout seul, si on ne lui met pas trop de bâtons dans les roues en jouant la surenchère. La pièce est bien servie ici par une distribution solide. J'ai été agréablement surprise par l'interprétation toute en subtilité de Patrice Robitaille dans le rôle de Garcin, publiciste et lâche. On le suit pas à pas, avec une certaine fascination même, dans ses souvenirs et ses interrogations. Pascale Bussières en Inès, lesbienne vaguement frustrée, mord dans son texte avec un aplomb remarquable, un peu comme si elle souhaitait déchiqueter chaque mot et nous le renvoyer au visage avec hargne. Julie Le Breton est convaincante dans le rôle d'Estelle, la blonde mondaine, stéréotype de la nunuche sans trop de conscience, qui ne réussit à vivre que dans le regard de l'autre.
Sébastien Dodge en serviteur omniscient, qui devient témoin muet inquiétant, a été intégré par Lorraine Pintal à plusieurs des scènes. Si certains critiques ont salué cette initiative, je ne suis pas certaine que sa présence ajoute quoi que ce soit au propos. De le voir juché entre ciel et terre distrait l'œil et suscite les questions du type « Mais comment fait-il pour rester là aussi longtemps sans broncher? » (Réponse: il est attaché.) Pendant ce temps, j'ai été moins attentive au texte. Je me demande encore également pourquoi la metteure en scène a insisté pour que les trois personnages, à un moment ou l'autre de la pièce, nous déclament quelques tirades couchés sur le dos, la tête dans le vide. Peut-être aurais-je dû y lire une volonté de mise en abime? Par contre, l'idée de faire reprendre le dernier monologue de la pièce (qui comprend la célèbre citation « L'enfer, c'est les autres ») par les trois protagonistes demeure plutôt astucieuse. Mentionnons en terminant la superbe scénographie de Michel Goulet, qui a déposé une cage aérée (dans laquelle sont nichés les fameux fauteuils mentionnés du texte) sur une scène évidée, qui force au vertige.
Bien sûr, le texte lui-même est déjà suffisamment puissant pour vivre tout seul, si on ne lui met pas trop de bâtons dans les roues en jouant la surenchère. La pièce est bien servie ici par une distribution solide. J'ai été agréablement surprise par l'interprétation toute en subtilité de Patrice Robitaille dans le rôle de Garcin, publiciste et lâche. On le suit pas à pas, avec une certaine fascination même, dans ses souvenirs et ses interrogations. Pascale Bussières en Inès, lesbienne vaguement frustrée, mord dans son texte avec un aplomb remarquable, un peu comme si elle souhaitait déchiqueter chaque mot et nous le renvoyer au visage avec hargne. Julie Le Breton est convaincante dans le rôle d'Estelle, la blonde mondaine, stéréotype de la nunuche sans trop de conscience, qui ne réussit à vivre que dans le regard de l'autre.
Sébastien Dodge en serviteur omniscient, qui devient témoin muet inquiétant, a été intégré par Lorraine Pintal à plusieurs des scènes. Si certains critiques ont salué cette initiative, je ne suis pas certaine que sa présence ajoute quoi que ce soit au propos. De le voir juché entre ciel et terre distrait l'œil et suscite les questions du type « Mais comment fait-il pour rester là aussi longtemps sans broncher? » (Réponse: il est attaché.) Pendant ce temps, j'ai été moins attentive au texte. Je me demande encore également pourquoi la metteure en scène a insisté pour que les trois personnages, à un moment ou l'autre de la pièce, nous déclament quelques tirades couchés sur le dos, la tête dans le vide. Peut-être aurais-je dû y lire une volonté de mise en abime? Par contre, l'idée de faire reprendre le dernier monologue de la pièce (qui comprend la célèbre citation « L'enfer, c'est les autres ») par les trois protagonistes demeure plutôt astucieuse. Mentionnons en terminant la superbe scénographie de Michel Goulet, qui a déposé une cage aérée (dans laquelle sont nichés les fameux fauteuils mentionnés du texte) sur une scène évidée, qui force au vertige.
vendredi 19 mars 2010
Chaises musicales
Parfois les orchestres ont des initiatives originales pour mettre sur pied des collectes de fond pas comme les autres. Ainsi, pour la troisième année consécutive, Symphony Nova Scotia s’associe à des artistes locaux et présente une collecte de fonds « Art symphonique ».
Par le passé, les artistes avaient par exemple transformé de vieux instruments de musique en œuvres d’art, mais cette année, quelque 50 vieilles chaises ont été léguées, recyclées et transformées par les artistes locaux en œuvres d’art qui accrochent l'oeil, font sourire ou rêver mais surtout, sont entièrement fonctionnelles. Certaines des chaises ont été exposées dans les vitrines des magasins et des photos de la collection sont disponibles en ligne sur la page Facebook de l'orchestre.
Vous pourrez apprécier le travail sur vidéo également alors que l’artiste Mark Brennan peint une scène hivernale (oui, je sais, c'est le printemps dans deux jours, mais quand même!) sur une chaise récupérée des déchets ici.
Par le passé, les artistes avaient par exemple transformé de vieux instruments de musique en œuvres d’art, mais cette année, quelque 50 vieilles chaises ont été léguées, recyclées et transformées par les artistes locaux en œuvres d’art qui accrochent l'oeil, font sourire ou rêver mais surtout, sont entièrement fonctionnelles. Certaines des chaises ont été exposées dans les vitrines des magasins et des photos de la collection sont disponibles en ligne sur la page Facebook de l'orchestre.
Vous pourrez apprécier le travail sur vidéo également alors que l’artiste Mark Brennan peint une scène hivernale (oui, je sais, c'est le printemps dans deux jours, mais quand même!) sur une chaise récupérée des déchets ici.
mercredi 17 mars 2010
Inspiration
Hier soir, salle Pollack, moment de ressourcement pour la pédagogue et la pianiste en moi. Menahem Pressler, fringant comme un jeune homme malgré ses 86 ans, donnait une classe de maître à trois étudiants chanceux de la Faculté de musique de l'Université McGill. Il y a quelques semaines, j'avais eu le plaisir de l'interviewer et il soulignait que les étudiants n’avaient pas besoin de vouloir l’impressionner : « Je veux les ouvrir à certaines réalités, leur offrir le maximum de pistes d’inspiration. Ce n’est pas toujours facile de régler certains détails précis sur le champ. Pourtant, si la classe de maître se déroule bien, vous sortirez de l’expérience un meilleur interprète. C’est là mon but avoué, certainement pas de marquer un point ou de dévaloriser l’étudiant. » Il faut quand même bien admettre que de jouer pour Pressler, mythique pianiste du Beaux-Arts Trio (formation qui s'est retirée en pleine gloire il y a un peu plus d'an), pédagogue couru depuis 54 ans, ce doit être légèrement intimidant. (Je le sais, je l'ai fait il y a une quinzaine d'années lors d'une semaine de classes de maître estivale.) Pourtant, il le clame haut et fort sur son site Internet : « Mes élèves sont comme mes enfants. Je les aime et je tiens à eux. Je pense à eux constamment et je veux les voir réussir. »
Alors, hier soir, de quoi a-t-il été surtout question? D'incontournables, certes, mais toujours présentés avec l'humour bien particulier de Pressler. Le respect du texte d'abord: « Vous devriez être fusillée! » a-t-il dit en éclatant de rire quand une des étudiantes a joué une nuance fautive. Il a ensuite caressé le cahier des sonates de Beethoven et dit: « La partition est notre bible! » Il a aussi insisté sur l'importance d'une pulsation constante à plusieurs reprises pendant la soirée, ce qui a par exemple permis aux auditeurs d'entendre la différence entre un prélude de Chopin plutôt mièvre et la même page interprétée correctement. Surtout, comme dans mon souvenir, il a parlé de respiration, de complétion des phrases, d'articulation, de transmission, concepts que j'intègre quotidiennement à mon enseignement, en partie grâce à lui.
En entrevue, il m'avait aussi confié qu'il n'y avait pas de « recette » à l'enseignement: « Vous devez maintenir un enseignement toujours frais, réagir, mais essentiellement transmettre la connaissance et surtout l’amour de la musique. En tant qu’interprète, vous n’avez pas besoin de vous mettre en valeur, de prouver que vous êtes meilleur qu’un autre, simplement rendre la musique belle parce que vous l’aimez tellement. Il y a tant de façons d’y parvenir. » En rentrant, je me sentais inspirée, pleine d'énergie, je me serais jetée dans l'opus 110 ou les Préludes de Chopin sur le champ. (J'ai eu pitié de mes voisins.) Parfois, on a besoin d'une seule étincelle pour raviver un feu.
Alors, hier soir, de quoi a-t-il été surtout question? D'incontournables, certes, mais toujours présentés avec l'humour bien particulier de Pressler. Le respect du texte d'abord: « Vous devriez être fusillée! » a-t-il dit en éclatant de rire quand une des étudiantes a joué une nuance fautive. Il a ensuite caressé le cahier des sonates de Beethoven et dit: « La partition est notre bible! » Il a aussi insisté sur l'importance d'une pulsation constante à plusieurs reprises pendant la soirée, ce qui a par exemple permis aux auditeurs d'entendre la différence entre un prélude de Chopin plutôt mièvre et la même page interprétée correctement. Surtout, comme dans mon souvenir, il a parlé de respiration, de complétion des phrases, d'articulation, de transmission, concepts que j'intègre quotidiennement à mon enseignement, en partie grâce à lui.
En entrevue, il m'avait aussi confié qu'il n'y avait pas de « recette » à l'enseignement: « Vous devez maintenir un enseignement toujours frais, réagir, mais essentiellement transmettre la connaissance et surtout l’amour de la musique. En tant qu’interprète, vous n’avez pas besoin de vous mettre en valeur, de prouver que vous êtes meilleur qu’un autre, simplement rendre la musique belle parce que vous l’aimez tellement. Il y a tant de façons d’y parvenir. » En rentrant, je me sentais inspirée, pleine d'énergie, je me serais jetée dans l'opus 110 ou les Préludes de Chopin sur le champ. (J'ai eu pitié de mes voisins.) Parfois, on a besoin d'une seule étincelle pour raviver un feu.
lundi 15 mars 2010
Trois ans
Presque rien, je sais... et pourtant! Un 15 mars, il y a trois ans, je déposais un premier billet ici. Ai-je pensé à ce moment-là que je m'inscrirais dans une certaine durée? Pas vraiment. Savais-je que je rencontrerais plusieurs personnes formidables grâce à ce canal d'expression unique? Non plus. Alors, regardons en avant, tout simplement! Maestro, musique!
La canicule des pauvres
Dix jours de moiteur insupportable, 26 paumés, un auteur diaboliquement efficace qui sait s’effacer derrière l’histoire ou plutôt la petite histoire : La Canicule des pauvres frappe fort. On se demande d’abord si on saura entrer dans autant d’univers sans se sentir spolié d’une certaine profondeur, avant de réaliser que le regard d’entomologiste que Jean-Simon Desrochers a su poser sur les habitants du Galant est si acéré qu’on ne pourra que contempler les scènes avec une véritable fascination.
Revendeur de drogue complètement éclaté, pornographe dangereusement terre-à-terre, journaliste has been, quinquagénaire liftée à répétition, tueuse à gages blasée, bédéiste particulièrement charognard et une galerie de personnages typés se côtoient sans jamais accéder à une certaine intimité. Plutôt que de faire face au néant qui ronge, on se gèle aux substances illicites, boit pour effacer les amours perdues, baise de façon compulsive et clinique. Surtout, oublier que nous ne sommes que de vulgaires pions sur un échiquier qui nous dépasse. « Les détails sont plus supportables que l’ensemble… il y a une philosophie troublante derrière cette idée… » (p. 405)
L’auteur aurait-il dû se concentrer sur quelques destins et y pénétrer plus en profondeur? Peut-être que oui. Bien sûr, on s’attachera à certains personnages plus qu’à d’autres, selon les affinités. Mais au fond, ne nous propose-t-il pas sa propre version du jeu de Stills, évoqué en cours de roman, qui consiste à inventer un vécu à des inconnus côtoyés dans une salle d’attente? Nous y avons tous joué, un jour ou l’autre. Les déclinaisons sexuelles à répétition sont-elles toutes pertinentes? Peut-être que non. Il faut néanmoins saluer les multiples registres qu’il a su aborder ici. Une chose est certaine : l’auteur possède une voix unique. Dans le monde souvent préformaté dans lequel nous vivons, cela mérite d’être salué.
Pour lire les autres points de vue sur ce premier roman pareil à aucun autre, c'est ici...
Revendeur de drogue complètement éclaté, pornographe dangereusement terre-à-terre, journaliste has been, quinquagénaire liftée à répétition, tueuse à gages blasée, bédéiste particulièrement charognard et une galerie de personnages typés se côtoient sans jamais accéder à une certaine intimité. Plutôt que de faire face au néant qui ronge, on se gèle aux substances illicites, boit pour effacer les amours perdues, baise de façon compulsive et clinique. Surtout, oublier que nous ne sommes que de vulgaires pions sur un échiquier qui nous dépasse. « Les détails sont plus supportables que l’ensemble… il y a une philosophie troublante derrière cette idée… » (p. 405)
L’auteur aurait-il dû se concentrer sur quelques destins et y pénétrer plus en profondeur? Peut-être que oui. Bien sûr, on s’attachera à certains personnages plus qu’à d’autres, selon les affinités. Mais au fond, ne nous propose-t-il pas sa propre version du jeu de Stills, évoqué en cours de roman, qui consiste à inventer un vécu à des inconnus côtoyés dans une salle d’attente? Nous y avons tous joué, un jour ou l’autre. Les déclinaisons sexuelles à répétition sont-elles toutes pertinentes? Peut-être que non. Il faut néanmoins saluer les multiples registres qu’il a su aborder ici. Une chose est certaine : l’auteur possède une voix unique. Dans le monde souvent préformaté dans lequel nous vivons, cela mérite d’être salué.
Pour lire les autres points de vue sur ce premier roman pareil à aucun autre, c'est ici...
dimanche 14 mars 2010
Le violon brisé
Son attitude et son style me laissent habituellement assez mitigée mais cette fois, Patrick Lagacé a su me convaincre, avec cette histoire d'itinérant musicien. Si on réalisait que derrière chaque regard halluciné se cache une histoire souvent d'une tristesse infinie, le village de la ville en serait irrémédiablement transformé. À lire ici...
vendredi 12 mars 2010
El sistema
Parfois, il y a des gestes qui inspirent mais surtout qui changent des vies. Initié en 1975 par le visionnaire José Antonio Abreu, El Sistema n'est pas tant un mouvement musical qu'une école de vie. Il propose aux enfants défavorisés des leçons de musique mais surtout les sors de la violence et de la délinquance. Le documentaire lancé l'année dernière par Arte le dit bien à un moment: les enfants réalisent parfaitement que la musique les a « sauvés ». D'entendre un jeune professeur qui explique qu'il se couchait à 18 h enfant pour éviter les fusillades dans la rue, ça met une vie en perspective. De réaliser aussi que la pauvreté ne signifie pas nécessairement d'être démuni intellectuellement ou émotivement, aussi.
Dès l'âge de trois ans, plus de 275 000 enfants sont accueillis tous les après-midis dans divers centres El Sistema et reçoivent 24 heures de cours par semaine. Surtout, on ne leur dit pas que, s'ils travaillent bien, ils deviendront musiciens; on leur affirme que, oui, dès le début, ils sont musiciens et que la musique doit être vécue, transmise, ressentie. Ils ont cinq ans et, déjà, sont entièrement habités par ce qu'ils jouent. Ils en ont douze et prennent des cours de direction d'orchestre. Dans la vingtaine, certains deviennent professeurs.
Cela donne des résultats absolument saisissants, comme vous pourrez l'entendre ici, avec l'Orchestre de jeunes Simon Bolivar, sous la direction de l'électrique Gustavo Dudamel (pur produit du système) aux très cotées Proms de Londres.
Dès l'âge de trois ans, plus de 275 000 enfants sont accueillis tous les après-midis dans divers centres El Sistema et reçoivent 24 heures de cours par semaine. Surtout, on ne leur dit pas que, s'ils travaillent bien, ils deviendront musiciens; on leur affirme que, oui, dès le début, ils sont musiciens et que la musique doit être vécue, transmise, ressentie. Ils ont cinq ans et, déjà, sont entièrement habités par ce qu'ils jouent. Ils en ont douze et prennent des cours de direction d'orchestre. Dans la vingtaine, certains deviennent professeurs.
Cela donne des résultats absolument saisissants, comme vous pourrez l'entendre ici, avec l'Orchestre de jeunes Simon Bolivar, sous la direction de l'électrique Gustavo Dudamel (pur produit du système) aux très cotées Proms de Londres.
jeudi 11 mars 2010
Concert-bénéfice pour la Société canadienne du cancer
Vous habitez la Montérégie, mieux St-Hilaire ou Beloeil? Vous souhaitez appuyer la relève musicale et une bonne cause lors du même événement? Je vous verrai peut-être demain soir, 12 mars.
Organisé par une amie de longue date - nous nous sommes rencontrées jadis autrefois dans un camp d'été musical - qui s'est remise à la musique il y a quelques années (elle prétend que je suis en partie responsable de ce retour aux sources, je propose plutôt qu'elle n'a plus été capable de nier cette part d'elle-même), le concert mettra en vedette une trentaine d'instrumentistes, principalement de la toute nouvelle génération, dans un répertoire majoritairement classique mais qui comprendra des incursions dans le jazz ou la pop. J'aurai le plaisir d'accompagner quatre des interprètes et de participer au grand blues final.
Le tout se tiendra à la salle polyvalente de l'École secondaire Ozias-Leduc dès 19 h 30. Toutes les sommes recueillies (les billets ne sont que 10 $) seront versées au Relais pour la vie.
La toile est de l'artiste anglaise Josephine Wall.
Organisé par une amie de longue date - nous nous sommes rencontrées jadis autrefois dans un camp d'été musical - qui s'est remise à la musique il y a quelques années (elle prétend que je suis en partie responsable de ce retour aux sources, je propose plutôt qu'elle n'a plus été capable de nier cette part d'elle-même), le concert mettra en vedette une trentaine d'instrumentistes, principalement de la toute nouvelle génération, dans un répertoire majoritairement classique mais qui comprendra des incursions dans le jazz ou la pop. J'aurai le plaisir d'accompagner quatre des interprètes et de participer au grand blues final.
Le tout se tiendra à la salle polyvalente de l'École secondaire Ozias-Leduc dès 19 h 30. Toutes les sommes recueillies (les billets ne sont que 10 $) seront versées au Relais pour la vie.
La toile est de l'artiste anglaise Josephine Wall.
mercredi 10 mars 2010
Michel & Ti-Jean
Je fréquente la scène théâtrale montréalaise depuis plusieurs années déjà mais - j'ai presque honte de l'admettre - je n'avais encore jamais mis les pieds au Centaur, cénacle anglophone du genre. Cela a pris une invitation d'une amie ayant reçu une paire de billets « ouverts » pour que j'en franchisse enfin le seuil. Après avoir consulté la brochure de saison avec une certaine fébrilité, nous avons arrêté notre choix sur Michel & Ti-Jean, une pièce de George Rideout, qui met en scène la rencontre fictive entre le jeune Michel Tremblay (27 ans), tout juste reconnu pour ses Belles-Sœurs et Jack Kérouac, qui tente désespérément de noyer son désespoir dans l'alcool (il réussira quelques mois après, à l'âge de 47 ans).
Avant même l'entrée dans la petite salle du Centaur (le théâtre comprend deux salles), nous écarquillions les yeux; pas que nous n'ayons jamais fréquenté d'anglophones montréalais (je travaille quotidiennement dans les deux langues officielles) mais plutôt parce que le décorum était entièrement autre. En fait, une sortie au Centaur n'a rien du guindé ou m'as-tu-vu parfois associé à un certain théâtre francophone. Il règne plutôt une atmosphère bon enfant, plus décontractée que chic. Le bar tient plus du club privé que du lounge et pourtant, il ne paraît en rien engoncé. Certains entreront même dans la salle avec leur verre ou leur tasse, sans qu'un placier ne fasse une crise d'apoplexie.
Passons maintenant au propos même de la pièce, cette rencontre entre deux géants, en apparence opposés mais dont les enfances témoignent de nombreuses similitudes: familles canadiennes-françaises comme tant d'autres, père imprimeur, mère idolâtrée, enfant en marge de la fratrie, sensibilité à fleur de peau. J'ai beaucoup aimé cet échange improbable entre deux auteurs qui doivent apprendre à s'apprivoiser mais finiront par échanger sur les textes de l'un et l'autre. J'ai été renversée par ce regard anglophone et pourtant presque amoureux de l'auteur (né aux États-Unis, déménagé en Ontario à l'âge de 16 ans, habitant maintenant les Cantons de l'Est) sur l'œuvre de Tremblay, cette façon limpide dont Kerouac « analyse » après une seule lecture le propos même de la pièce de Tremblay, indiquant comment chaque personnage devient un instrument d'un orchestre jazz vaguement déjanté en un geste polyphonique d'une simplicité apparente et d'un remarquable génie.
Le texte virtuose de Rideout est admirablement servi par Alain Goulem en Kérouac plus grand que nature, à la fois dépravé, blasé et profondément meurtri mais qui, pourtant, se laisse toucher par les mots d'un autre, et par Vincent Hoss-Desmarais, qui transmet efficacement la vénération qu'un jeune auteur peut porter à un aîné - jeune auteur qui, même s'il doute, réalise qu'il possède déjà une voix unique. J'ai eu le goût de découvrir Kerouac aussi (pas seulement son mythique Sur la route) mais surtout, pendant près de deux heures, j'ai eu l'impression que les fameuses « deux solitudes » ne faisaient plus qu'une, que de vibrer à un même type d'émotion relevait de l'évidence.
Des supplémentaires ont été ajoutées cette semaine...
Avant même l'entrée dans la petite salle du Centaur (le théâtre comprend deux salles), nous écarquillions les yeux; pas que nous n'ayons jamais fréquenté d'anglophones montréalais (je travaille quotidiennement dans les deux langues officielles) mais plutôt parce que le décorum était entièrement autre. En fait, une sortie au Centaur n'a rien du guindé ou m'as-tu-vu parfois associé à un certain théâtre francophone. Il règne plutôt une atmosphère bon enfant, plus décontractée que chic. Le bar tient plus du club privé que du lounge et pourtant, il ne paraît en rien engoncé. Certains entreront même dans la salle avec leur verre ou leur tasse, sans qu'un placier ne fasse une crise d'apoplexie.
Passons maintenant au propos même de la pièce, cette rencontre entre deux géants, en apparence opposés mais dont les enfances témoignent de nombreuses similitudes: familles canadiennes-françaises comme tant d'autres, père imprimeur, mère idolâtrée, enfant en marge de la fratrie, sensibilité à fleur de peau. J'ai beaucoup aimé cet échange improbable entre deux auteurs qui doivent apprendre à s'apprivoiser mais finiront par échanger sur les textes de l'un et l'autre. J'ai été renversée par ce regard anglophone et pourtant presque amoureux de l'auteur (né aux États-Unis, déménagé en Ontario à l'âge de 16 ans, habitant maintenant les Cantons de l'Est) sur l'œuvre de Tremblay, cette façon limpide dont Kerouac « analyse » après une seule lecture le propos même de la pièce de Tremblay, indiquant comment chaque personnage devient un instrument d'un orchestre jazz vaguement déjanté en un geste polyphonique d'une simplicité apparente et d'un remarquable génie.
Le texte virtuose de Rideout est admirablement servi par Alain Goulem en Kérouac plus grand que nature, à la fois dépravé, blasé et profondément meurtri mais qui, pourtant, se laisse toucher par les mots d'un autre, et par Vincent Hoss-Desmarais, qui transmet efficacement la vénération qu'un jeune auteur peut porter à un aîné - jeune auteur qui, même s'il doute, réalise qu'il possède déjà une voix unique. J'ai eu le goût de découvrir Kerouac aussi (pas seulement son mythique Sur la route) mais surtout, pendant près de deux heures, j'ai eu l'impression que les fameuses « deux solitudes » ne faisaient plus qu'une, que de vibrer à un même type d'émotion relevait de l'évidence.
Des supplémentaires ont été ajoutées cette semaine...
lundi 8 mars 2010
Journée internationale de la femme
J'aurais peut-être passé cette journée sous silence mais, quand même, avec la consécration hier aux Oscars de Kathryn Bigelow qui devient la première femme en 82 ans à rafler le prix de la réalisation, il me semble que, d'un seul coup, ça valait la peine de subir une cérémonie somme toute assez ennuyeuse et de se coucher très tard.
Comment saluer autrement le génie des femmes? Peut-être en vous proposant quelques mots de la poète Danielle Fournier, tirés de son dernier recueil, effleurés de lumière...
Et ici, quelques poètes féminins tirés d'une récente anthologie, Couleur femmes
Dans un autre registre, de tolérance face aux femmes voilées, je ne saurais trop vous recommander l'excellent article de Michèle Ouimet qui a passé deux jours vêtue d'un niqab.
Et, en musique, une Romance de Clara Schumann qui n'est pas uniquement « la femme de » Robert ou « la fille » de son père, éminent pédagogue de l'époque.
Comment saluer autrement le génie des femmes? Peut-être en vous proposant quelques mots de la poète Danielle Fournier, tirés de son dernier recueil, effleurés de lumière...
à la brunante
le vente, lentement, derrière les paupières
le vent, les cimes courbées, je tends l'entrecuisse avant de me demander comment ne pas me soumettre au mouvement des arbres
dans le gel, les oliviers en feu
le nom propre que vous m'attribuez
ni adverbe ni conjonction
spirales autour de la bouche, le bleui de la chair, près des yeux, rien; rien, le désert et dedans
le désastre
ils sont venus entendre cette langue et le chant de cette langue à laquelle ils prétendent comme s'ils se rendaient au centre de la terre, ils vont sans identité, vers eux-mêmes, inévités
Et ici, quelques poètes féminins tirés d'une récente anthologie, Couleur femmes
Dans un autre registre, de tolérance face aux femmes voilées, je ne saurais trop vous recommander l'excellent article de Michèle Ouimet qui a passé deux jours vêtue d'un niqab.
Et, en musique, une Romance de Clara Schumann qui n'est pas uniquement « la femme de » Robert ou « la fille » de son père, éminent pédagogue de l'époque.
dimanche 7 mars 2010
Nelligan
Vous vous rappellerez peut-être que la poésie de Nelligan faisait partie des douze œuvres qui me « définissaient », parue il y a quelques jours. Périodiquement, j'y reviens, par ressourcement mais aussi pour me rappeler comment, trop souvent, la voix des artistes véritables est étouffée. Je n'ai donc pas hésité bien longtemps quand on m'a proposé d'assister à la première de l'opéra romantique Nelligan, présenté d'ici au 13 mars au Monument-National, dans une nouvelle production de l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal, en collaboration avec l'École nationale de théâtre du Canada (dont les étudiants ont collaboré à la scénographie, à la mise en scène, aux costumes et aux éclairages). Je n'avais pas assisté à la première de l'œuvre, il y a 20 ans déjà, mais avais pu apprécier la relecture symphonique qu'avait offert l'OSM de ses grands airs en 2005. Cinq ans après, il me restait surtout en souvenir la bouffée d'émotion ressentie face au tragique d'une histoire que je connais pourtant très bien et le plaisir presque coupable de retrouver les dons de mélodistes d'André Gagnon, idole de jeunesse.
La production de l'Atelier lyrique est vaguement inégale, particulièrement au plan vocal. Marc Hervieux en Nelligan vieux semblait englué dans son personnage aussi bien que dans son maquillage et retenait un peu trop souvent sa voix, ce qui rendait difficile l'identification presque viscérale au personnage que j'aurais souhaité. Certains rôles secondaires étaient rendus de façon un peu scolaire. Exceptions notables: Pierre Rancourt en Père Seers, au timbre particulièrement riche, entièrement habité par son personnage et Stephen Hegedus en David Nelligan, toujours juste. Dominique Côté en Nelligan jeune (rôle qu'il avait déjà endossé en 2005) était renversant. Fragile et fort à la fois, troublant et troublé, inspirant et inspiré, il transmettait admirablement les multiples facettes du poète, d'une voix ronde et posée.
D'instrumentation plutôt pop lors de la création à habillage symphonique somptueux il y a cinq ans, on est passé cette fois à une version dépouillée de la trame musicale, pour deux pianos et violoncelle. Bien réalisée par Anthony Rozankovic (sous la supervision d'André Gagnon), elle permettait d'extraire l'essentiel du propos musical tout en confiant certains éléments dramatiques au violoncelle (soulignons la convaincante interprétation de Carla Antoun). Par contre, dans le premier acte, elle faisait aussi parfois ressortir les répétitions de motifs ou de progressions harmoniques, qui auraient été mieux servies par une multiplicité de timbres. Cette sobriété permettait néanmoins au texte de Michel Tremblay de briller, ce qui a magnifié d'une certaine façon l'expérience pour moi, de me l'approprier de façon presque viscérale.
En terminant, une confession: il est très difficile pour moi d'être entièrement objective, malgré les imperfections de l'objet présenté ici. Je reste profondément attachée au personnage de Nelligan. Adolescente, deux posters ornaient le mur de ma chambre: celui de Chopin et le sien. Vous connaissez sans doute cette affirmation que n'importe quels deux êtres sur terre sont liés par un maximum de six degrés de séparation? Dans ce cas-ci, on parle de deux. En effet, très jeune, un de mes oncles a travaillé comme préposé aux bénéficiaires (le titre était alors certainement autre) dans l'aile de l'hôpital psychiatrique où était interné le poète. Il n'en parlait pas souvent, n'étant pas particulièrement littéraire, mais les quelques phrases partagées se sont inscrites au fer rouge en moi.
En complément, vous pouvez lire cet article de Daniel Turp sur la production ou replonger dans les vers mêmes du poète.
La production de l'Atelier lyrique est vaguement inégale, particulièrement au plan vocal. Marc Hervieux en Nelligan vieux semblait englué dans son personnage aussi bien que dans son maquillage et retenait un peu trop souvent sa voix, ce qui rendait difficile l'identification presque viscérale au personnage que j'aurais souhaité. Certains rôles secondaires étaient rendus de façon un peu scolaire. Exceptions notables: Pierre Rancourt en Père Seers, au timbre particulièrement riche, entièrement habité par son personnage et Stephen Hegedus en David Nelligan, toujours juste. Dominique Côté en Nelligan jeune (rôle qu'il avait déjà endossé en 2005) était renversant. Fragile et fort à la fois, troublant et troublé, inspirant et inspiré, il transmettait admirablement les multiples facettes du poète, d'une voix ronde et posée.
D'instrumentation plutôt pop lors de la création à habillage symphonique somptueux il y a cinq ans, on est passé cette fois à une version dépouillée de la trame musicale, pour deux pianos et violoncelle. Bien réalisée par Anthony Rozankovic (sous la supervision d'André Gagnon), elle permettait d'extraire l'essentiel du propos musical tout en confiant certains éléments dramatiques au violoncelle (soulignons la convaincante interprétation de Carla Antoun). Par contre, dans le premier acte, elle faisait aussi parfois ressortir les répétitions de motifs ou de progressions harmoniques, qui auraient été mieux servies par une multiplicité de timbres. Cette sobriété permettait néanmoins au texte de Michel Tremblay de briller, ce qui a magnifié d'une certaine façon l'expérience pour moi, de me l'approprier de façon presque viscérale.
En terminant, une confession: il est très difficile pour moi d'être entièrement objective, malgré les imperfections de l'objet présenté ici. Je reste profondément attachée au personnage de Nelligan. Adolescente, deux posters ornaient le mur de ma chambre: celui de Chopin et le sien. Vous connaissez sans doute cette affirmation que n'importe quels deux êtres sur terre sont liés par un maximum de six degrés de séparation? Dans ce cas-ci, on parle de deux. En effet, très jeune, un de mes oncles a travaillé comme préposé aux bénéficiaires (le titre était alors certainement autre) dans l'aile de l'hôpital psychiatrique où était interné le poète. Il n'en parlait pas souvent, n'étant pas particulièrement littéraire, mais les quelques phrases partagées se sont inscrites au fer rouge en moi.
En complément, vous pouvez lire cet article de Daniel Turp sur la production ou replonger dans les vers mêmes du poète.
vendredi 5 mars 2010
Les 3 petits cochons
Certains s'inquiètent peut-être que je sois toujours sur le même livre depuis une semaine (surtout que ce livre de Lalonde n'est pas une brique). Eh bien, c'est parce qu'un vilain virus a pris possession de mon corps, bloquant pendant près d'une semaine mes sinus et suscitant maux de tête et fatigue. Inutile donc de penser lire quoi que ce soit de « songé » dans les circonstances. Je me suis donc rabattue sur le visionnement de documentaires (dont Il Sistema, remarquable) et n'ai lu que quelques contes épars, grignotés ici et là, des revues (je n'en reviens d'ailleurs toujours pas que Châtelaine nous propose une « fausse » couverture, histoire de protéger les yeux « sensibles » qui pourraient s'offusquer de voir deux jeunes femmes presque s'embrasser mais ça, c'est une autre histoire!) et, bien sûr, cette délicieuse BD signée Tarek (scénario), Aurélien Morinière (dessin) et Svart (couleur), Les 3 petits cochons.
Vous pensiez connaître le conte par cœur? Pas cette version-là! Dans une gare située dans une forêt pas comme les autres, deux loups se retrouvent: le premier est juif et se prénomme Shalom, le second, musulman, s'appelle Salam. Tout à coup, un vieux bonhomme apparaît et leur explique qu'ils doivent trouver les trois petits cochons et les manger, histoire de bien terrifier les enfants. Les deux compères ne saisissent pas très bien le sens de leur mission puisque, d'une part, ils sont tout à fait sympathiques (et en ont un peu marre que tout le monde tremble en les voyant) mais surtout qu'ils ne mangent pas de porc!
Les jeunes (et moins jeunes!) plongent donc ici dans un univers de découverte qui ne sera jamais dogmatique. On ne tente pas d'expliquer les différences entre les deux religions mais plutôt de débouter certains préjugés tenaces. J'ai adoré cette incursion fantasque déjantée et tenterai de mettre la main sur d'autres titres de la collection, dont Rufus le loup et le petit chaperon rouge ou Les 7 nains et demi. Merci Kikine pour cette découverte!
Vous pensiez connaître le conte par cœur? Pas cette version-là! Dans une gare située dans une forêt pas comme les autres, deux loups se retrouvent: le premier est juif et se prénomme Shalom, le second, musulman, s'appelle Salam. Tout à coup, un vieux bonhomme apparaît et leur explique qu'ils doivent trouver les trois petits cochons et les manger, histoire de bien terrifier les enfants. Les deux compères ne saisissent pas très bien le sens de leur mission puisque, d'une part, ils sont tout à fait sympathiques (et en ont un peu marre que tout le monde tremble en les voyant) mais surtout qu'ils ne mangent pas de porc!
Les jeunes (et moins jeunes!) plongent donc ici dans un univers de découverte qui ne sera jamais dogmatique. On ne tente pas d'expliquer les différences entre les deux religions mais plutôt de débouter certains préjugés tenaces. J'ai adoré cette incursion fantasque déjantée et tenterai de mettre la main sur d'autres titres de la collection, dont Rufus le loup et le petit chaperon rouge ou Les 7 nains et demi. Merci Kikine pour cette découverte!
mercredi 3 mars 2010
Quinze? Non, douze...
Casa nova a lancé la chose, Caroline l'a repris. Ce n'est pas un tag, simplement une liste de livres qui définit le lecteur. Pas nécessairement donc une liste de chefs-d'œuvre, histoire d'épater la galerie, simplement une liste de titres « essentiels » pour mieux saisir une personnalité. Confinée au lit par un méchant virus (Qui que tu sois, sors de mon corps!), je me suis mise à y réfléchir à la chose... Exercice à la fois intéressant et périlleux parce que, quinze titres (ou moins), c'est bien peu pour définir l'une ou l'autre de nos facettes. J'ai choisi de les regrouper sous divers thèmes.
Les éternels
Un top trois dans mon cas, indélogeable ou presque.
1- Le petit prince de Saint-Exupéry. Oui, je sais, ça peut sembler facile, mais ces mots ont rythmé une partie de mon enfance (grâce à l'interprétation au disque de Gérard Philipe). C'est sans doute le livre que j'ai relu le plus souvent. Je l'ai offert en cadeau, notamment à un amoureux américain jadis qui, sacrilège!, n'en avait jamais entendu parler. Je n'aurai jamais su ce qu'il en avait pensé...
2- Les Contes d'Andersen. Je ne m'en lasse pas. Il y a quelques années, j'ai eu à faire des recherches sur Andersen « l'homme » pour un document pédagogique. J'ai beaucoup aimé ce que j'ai appris (et, accessoirement, Le projet Andersen de Robert Lepage). De l'imaginer, petit, se créant son propre théâtre de marionnettes ou, adulte, en train de raconter des histoires à des centaines d'ouvriers, restent des images presque magiques pour moi. De savoir que Le vilain petit canard, au fond, c'est son histoire, le rend humain, profondément humain.
3- Les Lettres de Mozart. Certains lisent la Bible quand ils ont besoin d'inspiration, d'une réponse, je parcours plutôt les mots de Mozart. Tout y est: de l'amour filial aux allusions coquines quand il s'ennuie de sa Constance, de la profondeur de l'amitié à la presque mesquinerie quand il assiste à un concert qu'il considère inférieur, de l'exaltation à la solitude, de l'illumination du geste créateur à la douleur d'être différent, tout est là, plus de 1000 fois.
Les classiques
Ceux-là, on les lit une fois, peut-être deux. On ne se souvient plus très bien pourquoi ils nous ont assommé mais on se rappelle que le souvenir est indélébile. Ce sont ceux qu'on ne vendra jamais chez le bouquiniste, qu'on hésite à prêter mais pas à offrir. Dans l'ordre ou le désordre: Le rouge et le noir de Stendhal, Madame Bovary de Flaubert, Les fleurs du mal de Baudelaire et la poésie de Nelligan. Il me faut aussi ajouter Molière, que je relis, que j'ai besoin de redécouvrir chaque année, pour la fluidité des vers, la pertinence de la peinture humaine. Choisir une seule pièce? Difficile... peut-être bien Don Juan parce que, sous les dehors de séducteur, il y a cet homme, ce fils, qui se débat, désespérément (et qui a su inspirer des pages magnifiques chez Mozart).
Les autres
Voilà peut-être la liste qui pourrait fluctuer le plus au cours des ans. Alors, quatre choix du moment pour atteindre la douzaine, parce qu'il y a douze demi-tons dans une octave et que c'est assez pour inspirer les grands compositeurs.
Et vous, quels titres intégreriez-vous à votre liste?
Les éternels
Un top trois dans mon cas, indélogeable ou presque.
1- Le petit prince de Saint-Exupéry. Oui, je sais, ça peut sembler facile, mais ces mots ont rythmé une partie de mon enfance (grâce à l'interprétation au disque de Gérard Philipe). C'est sans doute le livre que j'ai relu le plus souvent. Je l'ai offert en cadeau, notamment à un amoureux américain jadis qui, sacrilège!, n'en avait jamais entendu parler. Je n'aurai jamais su ce qu'il en avait pensé...
2- Les Contes d'Andersen. Je ne m'en lasse pas. Il y a quelques années, j'ai eu à faire des recherches sur Andersen « l'homme » pour un document pédagogique. J'ai beaucoup aimé ce que j'ai appris (et, accessoirement, Le projet Andersen de Robert Lepage). De l'imaginer, petit, se créant son propre théâtre de marionnettes ou, adulte, en train de raconter des histoires à des centaines d'ouvriers, restent des images presque magiques pour moi. De savoir que Le vilain petit canard, au fond, c'est son histoire, le rend humain, profondément humain.
3- Les Lettres de Mozart. Certains lisent la Bible quand ils ont besoin d'inspiration, d'une réponse, je parcours plutôt les mots de Mozart. Tout y est: de l'amour filial aux allusions coquines quand il s'ennuie de sa Constance, de la profondeur de l'amitié à la presque mesquinerie quand il assiste à un concert qu'il considère inférieur, de l'exaltation à la solitude, de l'illumination du geste créateur à la douleur d'être différent, tout est là, plus de 1000 fois.
Les classiques
Ceux-là, on les lit une fois, peut-être deux. On ne se souvient plus très bien pourquoi ils nous ont assommé mais on se rappelle que le souvenir est indélébile. Ce sont ceux qu'on ne vendra jamais chez le bouquiniste, qu'on hésite à prêter mais pas à offrir. Dans l'ordre ou le désordre: Le rouge et le noir de Stendhal, Madame Bovary de Flaubert, Les fleurs du mal de Baudelaire et la poésie de Nelligan. Il me faut aussi ajouter Molière, que je relis, que j'ai besoin de redécouvrir chaque année, pour la fluidité des vers, la pertinence de la peinture humaine. Choisir une seule pièce? Difficile... peut-être bien Don Juan parce que, sous les dehors de séducteur, il y a cet homme, ce fils, qui se débat, désespérément (et qui a su inspirer des pages magnifiques chez Mozart).
Les autres
Voilà peut-être la liste qui pourrait fluctuer le plus au cours des ans. Alors, quatre choix du moment pour atteindre la douzaine, parce qu'il y a douze demi-tons dans une octave et que c'est assez pour inspirer les grands compositeurs.
- Certainement Le temps où nous chantions de Richard Powers. Je sais que je relirai ce livre. Je me rappelle précisément des émotions ressenties à sa lecture. J'ai deux autres livres de l'auteur dans ma PAL et j'hésite toujours, par peur d'être déçue.
- Et aussi Novecento pianiste parce qu'il est le livre qui m'aura initiée à l'univers d'Alessandro Baricco, dont j'ai tout lu.
- Il faudrait aussi que j'intègre un titre de Paul Auster, un autre auteur dont j'ai tout lu et que je serais très intimidée d'interviewer si l'occasion se présentait. Dire que, lors du premier contact, il y a des années, cela n'avait pas fonctionné. Puis, grâce au Livre des illusions, tout a basculé. Mais il y a aussi L'invention de la solitude, La nuit de l'oracle, Léviathan...
- Un livre de Nancy Huston aussi, peut-être bien Lignes de faille ou L'empreinte de l'ange. J'aime la musicalité qui se dégage de ces pages et le regard féminin mais jamais mièvre qu'elle pose sur les êtres.
Et vous, quels titres intégreriez-vous à votre liste?
lundi 1 mars 2010
Swapôcontes
Lundi 1er mars, enfin, nous avons le droit de publier nos billets! Si j'ai suivi de loin plusieurs swaps, au gré de mes visites chez l'une ou l'autre de mes blogamies, je n'avais pas encore cédé à la tentation de participer, principalement, il faut bien l'admettre, parce que les frais de poste vers l'Europe sont absolument prohibitifs. Mais là, l'occasion était trop belle, car ce swapôcontes organisé par Emmyne me permettait de me jumeler avec une binômette québécoise, mieux, montréalaise. Je n'ai pas tout dit: en plus, Kikine est une amie de Caroline. Bref, je n'avais plus aucune envie de résister. Et puis, quoi, j'aime bien me faire raconter des histoires alors, revisiter certains titres aimés? Le rêve!
Comme nous refusons par principe de suivre les consignes à la lettre et ne voyions pas pourquoi nous mettrions des sous dans les poches de Postes Canada plutôt que dans la boîte de cadeaux à la swappée, nous avons décidé de nous rencontrer. Le virtuel, c'est bien, mais le live, c'est mieux! Par contre, nous nous étions mises d'accord que nous n'ouvririons pas nos paquets devant l'autre, pour respecter la tradition du déballage plus ou moins frénétique, de la prise de photos et des petits cris de contentement qui accompagnent inévitablement le processus. Après un thé savoureux et des cookies, des guiliguilis avec son adorable puce - qui a des mains de musicienne, on le voit bien! - et un échange des plus sympathiques, je suis donc partie avec ma boîte sous le bras. (Remarquez ici les motifs dessinés avec patience par Kikine, vous comprendrez tout à l'heure ce qu'ils représentent.)
Le hic, c'est que je n'avais même pas le temps de déballer le tout avant de courir vers mon prochain rendez-vous. Douloureux, non? Je pensais pouvoir laisser la boîte tranquillement sur le banc de piano pendant quelques heures mais mes narines ont rapidement été titillées par une odeur drôlement savoureuse. J'ai donc ouvert la dite boîte pour y découvrir ça. Eh oui, elle m'avait concocté le parfait panier du petit chaperon rouge, d'où les motifs sur la boîte! (Et, oui, je porte manteau et chapeau rouge en hiver, n'est-ce donc pas parfaitement bien pensé?)
J'ai été sage et me suis contentée d'ouvrir le livret d'instructions, qui me promettait une sacrée chasse aux trésors, avec paquets numérotés et explications à la clé. J'ai lu la première page et me suis sauvée vers le centre-ville, me disant que la vie était vraiment trop injuste (Caliméro, sors de ce corps!). J'étais dans le wagon de métro et je vous assure que je m'interrogeais à savoir ce que contenaient tous ces paquets. Heureusement que c'était moi qui donnais le cours parce que, sinon, il est clair que mon esprit n'aurait pas pu rester concentré!
Enfin, retour à la maison, passé 20 h. Je m'assois à table et tente d'expliquer aux convives ce que contient cette immense boîte qui attend patiemment. (Je l'avoue humblement, j'avais retiré le cadeau 9, une délicieuse galette des rois faite maison par Kikine, et l'avais glissé dans le four entre temps.) On me jetait des regards semi-amusés et semi-horrifiés. « Je ne comprends pas: mais qui t'a donné ça? » Tentative d'explications. « Comment tu as su qu'il y avait ce swap? » C'est là que j'ai réalisé que la blogosphère et la « vraie » vie, c'est deux. « Mais tu vas manger un truc cuisiné par quelqu'un que tu ne connais pas? » Mais je la connais, non mais! Je sais où elle habite, quoi! J'ai vaguement haussé les épaules, la bouche encore pleine, impatiente de procéder à la lecture et au déballage.
Alors, bon sang, vous dites-vous? Arrête de nous faire languir! Bon, bon, c'est bon, j'ai compris.
Côté lecture, j'ai eu droit à deux anthologies de contes classiques (ceux de Perrault et Grimm) mais aussi à un superbe recueil de contes, La flûte d'or... qui traitent tous de musique!!! (Si, si, ça existe... même s'il a fallu que Kikine le commande en France et qu'elle a eu très peur qu'il n'arrive pas à temps.) J'ai aussi eu droit à une délicieuse réadaptation du contes des Trois petits cochons, qui met en vedette non pas un mais deux loups, Shalom et Salam, l'un juif et l'autre arabe, un conte sur la tolérance donc. Kikine ne le savait vraisemblablement pas mais, s'il y a bien une chose que je ne tolère pas, c'est l'intolérance. Quel visu! Je n'ai pas pu résister et l'ai déjà dévoré! De jolis marque-pages étaient aussi dissimulés dans les livres. Elle pense à tout!
Côté écriture, j'ai eu le droit à une magnifique plume de cygne (comme dans Le vilain petit canard ou La plume et l'encrier, contes d'un de mes auteurs préférés, Andersen) avec une jolie bouteille d'encre et un mignon bloc-notes avec des fées dessus. Pendant la semaine de relâche (qui s'amorce, yé!), je fais des tests promis!
Côté gâteries, outre la sublime galette des rois (qui contenait une bague comme « fève », comme dans Peau d'Âne, si! si!), bien sûr, entièrement avalée depuis (et absente de la photo), Kikine m'a offert un thé inspiré que j'ai hâte de déguster, un livre à la main. Pour la petite histoire, ma fille a surveillé de près le déballage des paquets et a résumé admirablement l'instant: « Quand je serai grande, moi aussi, je ferai des swaps! »
Merci Kikine, t'es trop top! On se revoit pour un thé ou une virée à ta librairie préférée quand tu veux! Bisous!
Comme nous refusons par principe de suivre les consignes à la lettre et ne voyions pas pourquoi nous mettrions des sous dans les poches de Postes Canada plutôt que dans la boîte de cadeaux à la swappée, nous avons décidé de nous rencontrer. Le virtuel, c'est bien, mais le live, c'est mieux! Par contre, nous nous étions mises d'accord que nous n'ouvririons pas nos paquets devant l'autre, pour respecter la tradition du déballage plus ou moins frénétique, de la prise de photos et des petits cris de contentement qui accompagnent inévitablement le processus. Après un thé savoureux et des cookies, des guiliguilis avec son adorable puce - qui a des mains de musicienne, on le voit bien! - et un échange des plus sympathiques, je suis donc partie avec ma boîte sous le bras. (Remarquez ici les motifs dessinés avec patience par Kikine, vous comprendrez tout à l'heure ce qu'ils représentent.)
Le hic, c'est que je n'avais même pas le temps de déballer le tout avant de courir vers mon prochain rendez-vous. Douloureux, non? Je pensais pouvoir laisser la boîte tranquillement sur le banc de piano pendant quelques heures mais mes narines ont rapidement été titillées par une odeur drôlement savoureuse. J'ai donc ouvert la dite boîte pour y découvrir ça. Eh oui, elle m'avait concocté le parfait panier du petit chaperon rouge, d'où les motifs sur la boîte! (Et, oui, je porte manteau et chapeau rouge en hiver, n'est-ce donc pas parfaitement bien pensé?)
J'ai été sage et me suis contentée d'ouvrir le livret d'instructions, qui me promettait une sacrée chasse aux trésors, avec paquets numérotés et explications à la clé. J'ai lu la première page et me suis sauvée vers le centre-ville, me disant que la vie était vraiment trop injuste (Caliméro, sors de ce corps!). J'étais dans le wagon de métro et je vous assure que je m'interrogeais à savoir ce que contenaient tous ces paquets. Heureusement que c'était moi qui donnais le cours parce que, sinon, il est clair que mon esprit n'aurait pas pu rester concentré!
Enfin, retour à la maison, passé 20 h. Je m'assois à table et tente d'expliquer aux convives ce que contient cette immense boîte qui attend patiemment. (Je l'avoue humblement, j'avais retiré le cadeau 9, une délicieuse galette des rois faite maison par Kikine, et l'avais glissé dans le four entre temps.) On me jetait des regards semi-amusés et semi-horrifiés. « Je ne comprends pas: mais qui t'a donné ça? » Tentative d'explications. « Comment tu as su qu'il y avait ce swap? » C'est là que j'ai réalisé que la blogosphère et la « vraie » vie, c'est deux. « Mais tu vas manger un truc cuisiné par quelqu'un que tu ne connais pas? » Mais je la connais, non mais! Je sais où elle habite, quoi! J'ai vaguement haussé les épaules, la bouche encore pleine, impatiente de procéder à la lecture et au déballage.
Alors, bon sang, vous dites-vous? Arrête de nous faire languir! Bon, bon, c'est bon, j'ai compris.
Côté lecture, j'ai eu droit à deux anthologies de contes classiques (ceux de Perrault et Grimm) mais aussi à un superbe recueil de contes, La flûte d'or... qui traitent tous de musique!!! (Si, si, ça existe... même s'il a fallu que Kikine le commande en France et qu'elle a eu très peur qu'il n'arrive pas à temps.) J'ai aussi eu droit à une délicieuse réadaptation du contes des Trois petits cochons, qui met en vedette non pas un mais deux loups, Shalom et Salam, l'un juif et l'autre arabe, un conte sur la tolérance donc. Kikine ne le savait vraisemblablement pas mais, s'il y a bien une chose que je ne tolère pas, c'est l'intolérance. Quel visu! Je n'ai pas pu résister et l'ai déjà dévoré! De jolis marque-pages étaient aussi dissimulés dans les livres. Elle pense à tout!
Côté écriture, j'ai eu le droit à une magnifique plume de cygne (comme dans Le vilain petit canard ou La plume et l'encrier, contes d'un de mes auteurs préférés, Andersen) avec une jolie bouteille d'encre et un mignon bloc-notes avec des fées dessus. Pendant la semaine de relâche (qui s'amorce, yé!), je fais des tests promis!
Côté gâteries, outre la sublime galette des rois (qui contenait une bague comme « fève », comme dans Peau d'Âne, si! si!), bien sûr, entièrement avalée depuis (et absente de la photo), Kikine m'a offert un thé inspiré que j'ai hâte de déguster, un livre à la main. Pour la petite histoire, ma fille a surveillé de près le déballage des paquets et a résumé admirablement l'instant: « Quand je serai grande, moi aussi, je ferai des swaps! »
Merci Kikine, t'es trop top! On se revoit pour un thé ou une virée à ta librairie préférée quand tu veux! Bisous!