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vendredi 31 décembre 2010

Lectures 2010

L'archivage se fera dans les prochains billets (histoire de pouvoir repartir en neuf avec le début de l'année), mais déjà, que retiendrai-je des 88 lectures recensées de l'année (les livres lus « pour le plaisir »)?

Auteurs chouchous

Paul Auster a frappé fort avec son Invisible cette année encore, un texte dense, aux multiples lectures possibles, à la fois profondément original et typiquement austérien.

Littérature québécoise

Je ne veux pas mourir seul de Gil Courtemanche est un livre d'une rare puissance, qui continue d'habiter des jours sinon des semaines après avoir été refermé. Et puis, côté poésie, Un livre, une fois de Dominique Lauzon (et les deux autres recueils que j'ai avalés un matin chez une amie, alors qu'elle se préparait). Je m'en voudrais d'oublier Attachements de Louise Warren, une ode magnifique à la lecture.

Littérature française

Grand coup de cœur pour Neige de Maxence Fermine, un petit bijou, tout simplement parfait, et Le canapé rouge de Michèle Lesbre. Quelques jours à peine après en avoir terminé la lecture, je les avais déjà offerts en cadeau.


Littérature étrangère

Oui, je sais, il est encore (très) frais dans ma mémoire et c'est un peu tricher peut-être de l'inclure ici mais peu importe, je fais ce que je veux avec mes listes, non? Alors, j'inclus donc L'appel de la rivière de Ketil Bjornstad (qui m'a permis de découvrir par la bande son dernier album, Remembrance, dont j'avais raté la sortie, shame on me!)

Livre offert en cadeau le plus souvent

Cette année, je n'ai pas été très originale et ai offert à trois amis, dans trois langues différentes (anglais, français et allemand), le même titre, certes le livre qui m'a le plus habitée au cours des cinq dernières années: Le temps où nous chantions de Richard Powers. Comme un livre signature... Un de ceux-ci a fait la même chose et m'a offert Le loup des steppes d'Hermann Hesse, « son » livre signature. N'empêche qu'on aborde un livre différemment quand on connaît l'importance qu'il a pour un ami cher.

jeudi 30 décembre 2010

Coups de coeur 2010

Fin d'année, heure des bilans... Si on multipliait les catégories cette fois?


Concert classique

Je suis une surspécialiste tellement blasée que cette catégorie aurait bien pu être la plus difficile à remplir mais, en fait, cette année a été quand même intéressante, si je regarde les billets de concert gardés. (Le billet de concert lambda se ramasse automatiquement au recyclage dès le lendemain.) Alors, quand même, je retiendrai le Concerto pour orchestre de Bartok par le Philharmonique de Rotterdam, le récital de Marc-André Hamelin chez Pro Musica (en dépit d'un piano exécrable), le Deuxième Concerto de Brahms par Serhiy Salov... Je devrais aussi inclure les créations de deux opéras inspirés par le monde de la BD, Bungalopolis (chez Codes d'Accès) et Les Aventures de Madame Merveille (ECM+). À quand une reprise de l'un ou l'autre, d'ailleurs?

Si je devais n'en retenir qu'un seul, pourtant, ce serait - et haut la main - l'intégrale des suites pour violoncelle seul de Bach offerte par Jean-Guihen Queyras. Tout simplement magnifique!


Jazz et pop

Deux grands moments: le spectacle piano solo de Pierre Lapointe (et ce, même si la relecture contemporaine de ses titres avec le Quatuor Molinari était aussi fort sympa mais moins puissante selon moi) et la très grande leçon de musique (et non pas de savoir-vivre après le concert, mais, bon...) donnée par Keith Jarrett et ses acolytes lors de leur présence au Festival de jazz.



Danse

Sans hésitation, Red Bull Flying Bach, que je reverrais avec autant de plaisir demain ou l'année prochaine.

Théâtre

Pas de Bob qui vient bousiller toutes les cartes ou de Wadji Mouawad (dans quelques mois, par contre...)  Peut-être la scénographie absolument magnifique de Huis Clos au TNM ou, pour le propos et le jeu, Une musique inquiétante au Rideau-Vert. Sinon, bien sûr, la Trilogie de la villégiature, en italien, purement jouissive...

Expos

Les expos liées à la musique ont eu la cote. Dans des registres diamétralement opposés, We Want Miles au MBAM et l'expo Xenakis au CCA. Il y avait quelques jours d'émouvant à découvrir les partitions de ce géant de cette façon.  Je m'en voudrais de ne pas mentionner les deux expos du DHC ART, celle de la cinéaste, photographe et vidéaste finlandaise Eija-Liisa Ahtila et celle de l'artiste Jenny Holzer (certains de ces documents déclassifiés me font encore froid dans le dos quand j'y repense).

Disque chouchou

Impossible de n'en noter qu'un seul, bien sûr. Côté classique, la relecture particulièrement inventive du Sacre du printemps de Stravinski par Serhiy Salov. Sinon, la grande révélation de l'année pour moi: Brad Mehldau. Plusieurs de ses albums ont beaucoup roulé dans mon iTunes, dont Highway Rider, Love Songs (avec Anne-Sophie von Otter) ou l'un ou l'autre de ses prestations en concert.



Entrevue


En tant que journaliste, j'ai le privilège de rencontrer des gens exceptionnels - ou du moins de m'entretenir avec eux par téléphone ou via skype. Dans la première catégorie (téléphone), j'ai mis des semaines à me remettre de la tornade Gidon Kremer et ai dû en parler à tous ceux que j'ai rencontrés pendant cette période. Vingt minutes qui ont paru deux heures, tant son propos était dense. Après le concert donné avec la Kremerata Baltica, j'ai même fait la queue à l'arrière-scène pour faire signer ma copie du magazine, chose que je fais très rarement. Dans la seconde (skype), Jean-Guihen Queyras qui, d'une chambre d'hôtel d'Amsterdam, a fait preuve d'une générosité remarquable et a parlé de musique, d'amitié mais aussi n'a pas hésité à aborder le délicat sujet de la conciliation travail/famille. J'aurais eu de la matière pour un article de trois pages mais, malheureusement, le contrat n'était que d'une seule. Peu importe, la musique fera le reste.

Dans le prochain billet, les lectures...

mercredi 29 décembre 2010

Du plaisir de lire... dans son canapé

Je dors encore comme une marmotte mais n'ai plus besoin de siestes en journée, ce qui me laisse du temps pour faire du cinéma de rattrapage (selon les inspirations des postes de films) et, ciel, quel concept inusité, lire au salon. Je sais, c'est standard, non, d'avaler des dizaines de pages, pelotonné sur son canapé. Du moins, plusieurs en parlent comme d'un plaisir de la vie. Eh bien, ils ont raison! Ma vie professionnelle est si folle que je dois généralement me rabattre sur deux endroits pour pratiquer mon sport préféré: les transports en commun (attention de ne pas rater la station ou même la marche d'escalier quand le chapitre n'est pas terminé une fois arrivé!) et mon lit. Mais là, de pouvoir un livre presque en entier en un après-midi, dans un calme relatif, c'est rudement sympa!

Je reviendrai peut-être à ce titre quand les commentaires de lecture de La Recrue seront publiés et articulerai alors un « vrai » commentaire de lecture, mais déjà, à chaud, comme ça, L'homme blanc de Perrine Leblanc est un premier roman remarquable. On n'y dénote peut-être pas une maîtrise éblouissante des figures de style (mes petits post-it sont restés sagement en couverture) ou même une structure narrative inusitée. Pourtant, voilà un livre qui possède quelque chose de rare: il réussit à nous faire plonger dans un univers, une époque, des lieux qui n'ont rien à voir avec ceux fréquentés par les auteurs habituellement. Pas de portrait sociologique de l'époque actuelle, aucun détour par l'autofiction, un refus d'aligner des phrases vides de sens. Un récit de vie - certes marginal -, un personnage qui aurait pu être rébarbatif mais auquel on s'attache pourtant en quelques pages... et le plaisir de se faire raconter une histoire.

lundi 27 décembre 2010

L'appel de la rivière

De retour parmi les vivants... du moins, croisons les doigts. Pendant que vous vous massiez la panse d'avoir trop mangé, j'étais vraisemblablement en position horizontale, combattant fièvre, courbatures, congestion et toux. La machine humaine a ceci de merveilleux qu'elle peut fonctionner sur l'adrénaline jusqu'à la dernière parcelle d'énergie. Tombez en vacances et voilà, crash, tout s'effondre.

Lors des rares heures pendant lesquelles j'étais capable de me concentrer, j'ai plongé avec plaisir dans le deuxième volet de la trilogie de Ketil Bjornstad. Quelques pages ont suffi pour qu'Aksel Vinding redevienne un « ami », que me reviennent par pans son amour pour Anja, sa relation avec Rebecca, ses questionnements par rapport à son instrument.
« J'observe le piano à queue dans le salon en songeant tout à coup que l'instrument se dresse entre le monde et moi; que je me suis noyé en lui et ai à peine survécu à cette noyade, moi qui suis censé transmettre un message important sans pour autant que je sache tout à fait si le message de la musique est important. Je suis pour la énième fois saisi par une soudaine incertitude quant à la justesse de mon choix: je me demande à nouveau si je veux vraiment devenir musicien, si je peux avoir aux yeux des gens autant d'importance que Marianne en a eu pour ses patientes parce qu'elle est, elle, en permanence impliquée corps et âme dans ce qu'elle fait, parce qu'elle a un devoir social et une vision politique. » (p. 421)
 Je n'avais certes pas oublié l'impitoyable Selma Lynge, pédagogue à la main de fer - qui démontre ici enfin une troublante fragilité. La musique se glisse entre toutes les pages du livre, que ce soit les œuvres majeures du répertoire pianistique ou encore des hits de Joni Mitchell, contrepoint essentiel. Surtout, on se laisse happer par cette histoire d'amour qu'on devine dès le début condamnée, par cette plongée dans la folie humaine, par cette impossible acceptation du deuil quand il frappe ce qui nous est le plus cher.

Un reproche, un seul, peut-être. Une révision plus complète aurait été appréciée. Laxisme du traducteur, paresse du réviseur norvégien qui aurait laissé échapper des bourdes, peu importe. Si l'on peut survivre à une ou deux structures syntaxiques mal amarrées, difficile de ne pas broncher quand des noms d'écoles (Julliard plutôt que Juilliard), de pianistes (Badura Skoda) et d'œuvres (le Woltemperierte Klavier de Bach n'a certes pas besoin d'un s à la fin de l'adjectif!) sont massacrés ou que l'opus 110 de Beethoven devient tout à coup (une seule fois mais quand même!) l'opus 100 ou qu'on nous ressort deux ou trois fois l'Étude « de la Révolution » de Chopin. Que le traducteur ne soit pas pianiste, je l'admets volontiers. Que la maison d'édition n'ait pas jugé bon de faire vérifier les informations musicales par un « spécialiste » (à qui la révision des passages en question aurait pris tout au plus une heure de son temps) pour un roman essentiellement axé sur la musique, je trouve ça un peu dommage.

Ceci m'empêchera-t-il de demeurer fan de Ketil Bjornstad, auteur, compositeur et pianiste? Certainement pas. L'artiste me fascine.

jeudi 23 décembre 2010

Village global

J'aime que, grâce à la technologie, les frontières entre les gens et les continents disparaissent. Cette semaine, j'ai reçu un appel de l'Orchestre royal du Maroc qui souhaitait réutiliser un de mes articles, écrit en 1999. (C'est fou comme on change en 11 ans; j'ai donc procédé à quelques ajustements essentiels.) J'en ai profité pour échanger avec son directeur sur les difficultés de transmettre la musique classique dans un pays musulman, qui n'a pas toujours les références pour l'apprécier, notamment la critique, inexistante ou presque.

Et puis, ce midi, alors que j'espérais un cadeau d'anniversaire pris quelque part entre l'Allemagne et ici, je reçois un cadeau de Noël et une carte estampillée de Paris, totalement inattendus. J'admets que j'aurais de la difficulté à vivre sans le courriel, l'Internet, skype, MSN, les postiers, mais surtout sans le plaisir de pouvoir échanger librement.

Et si, au fond, Noël, ce n'était que ça: écouter l'autre, en sachant qu'il nous écoute aussi attentivement. Je reste persuadée que le monde s'en porterait certainement mieux!

Joyeuses fêtes à vous!

mardi 21 décembre 2010

Relire l'histoire sainte

Et si Marie accouchait demain matin du petit Jésus, comment l'histoire serait-elle racontée? Surtout, comment la technologie aurait-il pu lui sauver nombre de soucis? Une vidéo rigolote, juste assez décalée pour être partagée...

dimanche 19 décembre 2010

Semer

« Les maîtres d'école sont des jardiniers en intelligences humaines », écrivait Victor Hugo, citation qui est glissée entre les pages de mon livre ces jours-ci grâce aux bons soins de Gwenn qui m'en a fait un signet. Toutes les semaines, je jardine à côté du piano. Je bêche, sarcle, élague. Je présente, décortique, évoque des compositeurs morts il y a des lunes. Je transmets, inlassablement, sans jamais trop savoir ce qu'il en restera, dans deux mois, deux ans, dix ans. Peu importe, l'important est dans le partage et je sais pertinemment que je serais incapable de ne pas transmettre cet amour de la musique qui me dévore.

Il y a quelques années, j'ai enseigné à un enfant, plutôt réservé, délicat, charmant, rieur à ses heures. Il a fait ses premiers pas à l'instrument alors qu'il avait à peine cinq ans. Chaque année, il a travaillé de nouveaux compositeurs, découvert de nouveaux univers, repoussé de nouvelles frontières. Quand il m'a laissé, huit ans plus tard, pour découvrir la guitare, il était devenu un adolescent. Je savais confusément que, peu importe l'instrument, la musique aurait toujours une part importante dans sa vie. Qu'il choisisse une voie de traverse était secondaire.

Il y a quelques semaines, alors que je me rendais au concert, j'ai entendu sa voix résonner derrière moi. « Lucie, c'est toi? » J'avais pensé à lui très fort quelques jours auparavant, en avait même parlé à un ami. Quatre ans déjà, qu'était-il devenu? Nous allions tous deux au même endroit. Déjà, j'étais renversée. Et puis, il m'annonce, comme ça: « Tu sais, j'ai repris le piano cette année. » J'ai retenu juste un peu mon sourire. Il a poursuivi: « L'année prochaine, je change d'orientation. Je passerai les auditions en février pour entrer au Cégep en piano classique. »

Non, vraiment, on ne sait jamais ce que l'on sème. Surtout, on ne réalise pas toujours la joie que la récolte procure parfois.

jeudi 16 décembre 2010

La lecture en cadeau

C'est mon anniversaire aujourd'hui et j'espère pouvoir voler quelques minutes pour lire en cours de journée. Pas évident, entre textes à rédiger et leçons à donner mais, bon, n'est-ce pas, ce pourrait être sympa de prendre, disons, dix minutes - quinze tout au plus - et d'avoir l'impression de faire l'école buissonnière... et terminer Sept écrivains pour Mozart, pas du tout ce que je pensais comme bouquin, mais très sympa. En fait, les auteurs des textes tracent des parallèles entre des auteurs classiques (dont Goethe, Pouchkine et Kiekegaard) et Mozart. Les a-t-il influencés? Comment parlent-ils de lui dans leurs livres? J'ai ainsi appris par exemple que Goethe avait écrit une suite à la Flûte enchantée et qu'il souhaitait même la proposer à Mozart pour qu'il en écrive la musique. Ce cher auteur n'avait malheureusement pas eu vent du décès du compositeur. (Je n'ose imaginer le choc qu'il a dû ressentir quand un ami a dû lui annoncer la chose.)

Et puis après (demain peut-être), je pense que je plongerai dans L'appel de la rivière, suite de La société des jeunes pianistes de Ketil Bjornstad. Un coupon de 30 % de rabais sur un livre, deux jours seulement (hier ou aujourd'hui) m'a convaincue de céder à la (trop grande) tentation.

Et pour vous faire sourire... écho peut-être au swap musique et littérature... J'ai reçu mon paquet annuel (le facteur est vraiment mon héros!) de la part de mon amie américaine (nous étions colocataires à l'université) et voilà ce qui s'y cachait notamment... oui, mes élèves sont tous très jaloux!

mercredi 15 décembre 2010

Ton nom dans ma main

Une femme laisse derrière elle l’homme qu’elle aime, non pas en lui tournant le dos, mais plutôt en cherchant à cerner la profondeur du lien qui les unit. Elle se sert surtout de cet océan entre eux pour mieux comprendre qui elle est, femme, amante, descendante d’une lignée maternelle qui  la hante au quotidien.

Avec une économie de moyens remarquable, Anie Ouellet effleure, dessine à traits légers, laisse le lecteur s’immiscer entre les phrases, certaines en vers libres, d’autres des concentrés d’émotions, d’impressions. 

sur la bordure / de mon cahier / un trait / de fusain / comme  une caresse / une impression / de déjà vu
Le lecteur accompagne la narratrice dans son périple intérieur, s’y retrouve, s’y questionne avec elle. En refaisant le parcours, on y trouve une autre densité, une autre couleur, entre douleur et légèreté. Un très beau premier recueil, que l’on voudrait garder pour soi, mais qu’il est essentiel de partager.

Je vous invite à découvrir la Recrue du mois, Sandra Gordon, ici...

lundi 13 décembre 2010

Ru

Que reste-t-il encore à dire de ce charmant petit livre, que tous ont vraisemblablement lu au cours de la dernière année, sauf peut-être partager deux citations...

« Avec cet ami, j'ai appris que la musique provenait de la voix, du rythme et du cœur de chacun, et que la musicalité de ces mélodies non notées pouvait soulever le rideau de la brume, traverser les fenêtres et les moustiquaires pour venir nous réveiller doucement telle une berceuse matinale. » (p. 114)

« Quant à moi, il en est ainsi jusqu'à la possibilité de ce livre, jusqu'à cet instant où mes mots glissent sur la courbe de vos lèvres, jusqu'à ces feuilles blanches qui tolèrent mon sillage, ou plutôt le sillage de ceux qui ont marché devant moi, pour moi. Je me suis avancée dans la trace de leurs pas comme dans un rêve éveillé où le parfum d'une pivoine éclose n'est plus une odeur, mais un épanouissement: où le rouge profond d'une feuille d'érable à l'automne n'est plus une couleur, mais une grâce: où un pays n'est plus un lieu, mais une berceuse. » (p. 144)

dimanche 12 décembre 2010

L'amour avant que j'oublie

En 2010, au hasard des rencontres, j'ai pu m'entretenir avec un poète, un documentariste et un animateur de radio haïtiens. Prolongement naturel, il me restait à plonger dans cette littérature particulière et le cadeau conceptuel de Catherine au swap musique et littérature ne pouvait donc pas mieux tomber. Je n'ai donc pas résisté longtemps à son appel. Malgré ce que le titre pourrait laisser deviner, ce roman de Lyonel Trouillot n'est en fait pas une histoire d'amour, mais plutôt la projection de fragments d'histoires d'amour, sous toutes ses formes.

« L'étranger aurait pu la conter. Une histoire banale et singulière comme le sont toutes les histoires. Banale pour qui regarde. Unique pour qui les vit. Toutes les histoires d'amour se prennent pour une autre. » (p. 123)
À 50 ans, un écrivain se rappelle, essaie de capter certains instants importants de sa vie, pour les immortaliser dans le regard d'une autre, femme fantasmée plutôt qu'incarnée. Il espère qu'elle changera définitivement sa vie, mais si tel n'est pas le cas, peu importe au fond, il aura fait son devoir de mémoire et aura raconté des pans des histoires de l'Étranger, de l'Historien, de Raoul, de Marguerite, de Robert, de Jacques... À travers ceux-ci, il en profite pour tracer le portrait d'un pays en mutation, d'un écrivain qui refuse de se laisser emprisonner dans les filets de la littérature, d'un homme qui aimerait être revenu de tout mais qui continue de s'émerveiller, aujourd'hui comme hier. Une fois le livre refermé, il reste un parfum d'arbres en fleur, d'odeurs qui se mêlent dans la moiteur d'un début de soirée, de paradis perdu.

« L'amour, est-ce autre chose que le renouvellement de la victoire du rêve? De sa défaite aussi. J'avais oublié la nécessité d'un ancrage intérieur, d'un commencement qui s'installe dans la permanence. d'une réponse à la question: dans quel état es-tu? Je suis dans l'état de celui qui a envie de se rapprocher de toi. Dans ce tremblement. Demain, sans changer d'état, je retournerai à ma vie, je veux dire à mes habitudes. » (p. 179)

jeudi 9 décembre 2010

Générosité

Certains artistes sont d'une rare générosité sur scène. Le violoncelliste Jean Guihen Queyras nous l'a démontré hier soir, en proposant au public montréalais un programme parmi les plus exigeants, tant pour l'interprète, seul sur scène avec son instrument, que le public: l'intégrale des suites pour violoncelle de Bach.

« Je vis pour l’expérience, l’échange du concert, me confiait-il en entrevue. J’aime m’abandonner, partir dans l’inconnu, me dire que le concert de ce soir-là sera quelque chose qui n’aura encore jamais eu lieu. Je pense que l’interprétation évolue toujours, mais je ne saurais être à même de juger de son degré qui, je pense, se fait presque à mon corps défendant. Pour moi, l’essentiel est que chaque concert soit un moment particulier et qu’il vive vraiment. Avant de monter sur scène, j’essaie de remettre mes priorités en ordre. Je pense à mon public et je me dis : “Eux aussi partagent mon besoin de vivre la musique, de plonger dans ces univers exceptionnels que nous offrent les grands génies de la musique.” Je me mets la barre très haute, car il faut réaliser que, lorsque nous allons sur scène, nous sommes aussi des instrumentistes qui se préoccupent de mettre les doigts là au bon endroit et s’assurent que la production du son soit satisfaisante. Être à la fois artisan et artiste demeure un aspect passionnant de notre métier. Nous sommes toujours dans un travail d’équilibre, entre l’idéal et l’incarnation de cet idéal. Avec des moyens très pauvres, le musicien a le devoir d’aller explorer des univers assez immenses. »

Vous pouvez lire l'article dans le numéro courant de La Scena Musicale ici, à la page 49...

mardi 7 décembre 2010

Donka: pour la poésie du moment

Peut-on aborder un spectacle/concert/film avec trop d'idées préconçues? Semble-t-il que oui... du moins, c'est ce que j'ai réalisé dimanche en assistant au spectacle Donka: Une lettre à Tchekhov. J'avais parlé au metteur en scène Daniele Finzi Pasca, qui avait évoqué l'importance de la glace, des clins d'œil à l'œuvre du dramaturge, des parallèles aussi à établir entre les univers des deux hommes. Bref, quand je me suis assise dans la salle, plutôt que de mettre en mode de réception inconditionnelle, mon cerveau travaillait peut-être un peu trop. Par exemple, pour moi, l'idée du chandelier de glace qui fondait se voulait essentiellement une image poétique. J'imaginais un objet disparaissant plus ou moins sous nos yeux tout au long de la représentation, symbole du temps qui fuit peut-être, ou de l'impossibilité pour les personnages tchekhoviens de faire face à leur réalité. On a plutôt eu droit ici à un moment de pure jouissance enfantine, avec bataille de boules de glace et rigolade délirante.

Après l'entracte, j'ai décidé de remiser au vestiaire toutes mes attentes, et là, la magie a opéré entièrement. Je me suis laissée bercer par la  remarquable partition musicale de Maria Bonzanigo et happer par la beauté pure de certains tableaux, notamment le numéro de pêche ou celui de roue Cyr, duquel semblait occulté tout sentiment de danger (on s'entend que quiconque tentant l'expérience se retrouverait en quelques secondes face à terre) tellement le moment est sublime (et très proche de l'idée de la nostalgie telle que la pratique Finzi Pasca). J'ai été émue par ce monologue de la clown Beatriz explique où se situe l'âme de l'homme (« Nous, les clowns, nous savons qu'elle se trouve... dans nos souliers! », confie-t-elle en les pointant du doigt), par cette réflexion sur l'écriture (un auteur est comme un pêcheur: on dirait qu'il ne fait rien mais il attend d'attraper l'idée). J'ai été troublée par ces patients pris dans leur douleur (extraordinaire utilisation des rubans) et ai été complètement assommée par la dernière scène, qui nous rappelle que la grande faucheuse et l'étincelle de vie sont deux faces d'une même pièce de monnaie. 

Mais tout n'est pas tragique dans l'univers de Daniele Finzi Pasca, au contraire. Quand il nous propose un « faux » numéro d'acrobatie délicieux (clins d'œil aux premiers truquages du cinéma), met en scène un numéro loufoque de mini-xylophone (en forme de petit lit) et que l'interprète est trop paf pour être cohérente, chorégraphie un duel complètement déjanté (qui aurait pu être légèrement écourté néanmoins), impossible d'oublier que, derrière toute la réflexion et le travail sur la plastie (remarquables éclairages, qu'il a également signés), Finzi Pasca revendique haut et fort son statut de clown et que, à travers le rire ou les larmes, il sait nous toucher.

dimanche 5 décembre 2010

Signé Daniele Finzi Pasca

On l’a découvert il y a déjà presque vingt ans de cela dans Icaro, théâtre de l’intime pour un spectateur privilégié qui devient complice de cette fable inclassable, qui trouble, émeut, suscite aussi bien rire que larmes, et habite des années après. Cette fois, il s’approprie l’univers du dramaturge Anton Tchekhov, dont on célèbre en 2010 le 150e anniversaire de naissance. Après avoir refusé à deux reprises la proposition de se frotter à l’œuvre mythique de celui que le metteur en scène Giorgio Strehler considérait comme « le grand révolutionnaire du théâtre contemporain », Daniele Finzi Pasca a fini par accepter l’inéluctable : « Si un père te demande de cuisiner pour le mariage de sa fille, c’est qu’il aime ce que tu fais. » Désirant s’éloigner d’une vision trop classique de Tchekhov, il a aussi fait siens de larges pans de sa vie : « J’y ai trouvé des aspects qui m’ont  touché, fasciné, de petits détails, des choix qu’il a faits, la façon dont il choisit d’écrire la réalité humaine. » Comme pour Icaro, il demeurait essentiel de  raconter une histoire qui puisse soigner : « Tous les arts ont cette possibilité de faire passer la peur à un enfant la nuit, de donner du courage, de guérir. Le théâtre est peut-être le moins élevé des arts de la scène – comment rivaliser avec la musique, par exemple –, mais il est celui qui englobe tous les autres. »

Je l'ai rencontré et vous pouvez lire l'entrevue en couverture du numéro courant de La Scena en format PDF ici ou en version flash là...



Le spectacle Donka - Une lettre à Tchekhov est présenté à l'Usine C jusqu'au 18 décembre. J'y serai cet après-midi.

samedi 4 décembre 2010

Rencontre inédite

Peut-on juxtaposer le monde très pointu de la musique contemporaine à l'univers iconoclaste de Pierre Lapointe? Voilà le pari assez audacieux pris hier par le Quatuor Molinari qui a décidé de défendre, avec sa rigueur habituelle, deux soirs seulement, des relectures signées par des compositeurs de demain de chansons connues et aimées.

Impression troublante d'avoir été invité à pénétrer dans un laboratoire de création unique, de laisser au vestiaire tout repère préétabli, tout souvenir qu'on croyait avoir de l'une ou l'autre des pièces du répertoire de Pierre Lapointe. Déjà, lors de son précédent spectacle, piano solo (le disque devrait être lancé en mars), l'auteur-compositeur-interprète avait joué la carte de l'audace, privilégiant nouveaux tempos et harmonies dépouillées pour magnifier ses textes. Ici, la donne semble encore plus complexe, l'auteur-compositeur devant laisser toute la place à l'interprète et accepter de fondre sa voix dans le langage harmonique d'étudiants en composition du Conservatoire. Il y avait quelque chose d'émouvant à le découvrir fragilisé, moins en contrôle (lui qui, on le devine, doit roder ses spectacles au silence près) mais en même temps profondément émerveillé par les nouveaux habillages que l'un ou l'autre avait offerts.

On a eu droit à clins d'œil ludiques (astucieux, cette introduction nébuleuse signée Gabriel Ledoux à laquelle le public participait en chantant la tierce sol-mi sous la main de Pierre chef d'orchestre, avant de plonger dans 27100 rue des Partances), des arrangements resserrés (dont la dense relecture d'Émilie Girard-Charest du Lion imberbe ou le très subtil accompagnement d'Hugo Gravel, qui nous a également offert un Colombarium inspiré, de la chanson inédite, douloureusement poétique, La date, l'heure et le moment) et trois pièces résolument baroques sur instruments d'époque (saluons ici les arrangements de Sean Dagher - un pro du genre qui roule sa bosse depuis quelques années - des Vertiges d'en haut et des Petites morts).

En milieu de ce (trop) court spectacle, le Quatuor Molinari a glissé en douce le Quatuor no 3 de Philip Glass. La qualité d'écoute des fans du chanteur a-t-elle semblé se dissiper? Nullement. La preuve, encore une fois, que, lorsque le contexte s'y prête, le public n'est pas si fermé qu'on le croirait à la découverte.

vendredi 3 décembre 2010

Flying Bach

Je m'attendais à être soufflée par les prouesses athlétiques des danseurs; bien sûr, ce fut le cas. Je sentais que la juxtaposition Bach et hip-hop n'aurait rien de choquant; une fois sur place, cela relevait de l'évidence. Mais ce spectacle ingénieux est beaucoup plus que cela au fond. Il se veut aussi une réflexion sur la violence en milieu urbain (sans jamais tomber dans les clichés), sur la rencontre entre deux êtres (brûlant de poésie retenue), sur le geste de violence qui fait basculer l'amour dans l'horreur (tellement bien amené qu'on en reste le souffle coupé pendant de longues secondes), sur la transmission aussi du savoir (savoureuse parodie d'un cours de danse classique qui se métamorphose dès que le professeur a le dos tourné), sur l'amitié (la camaraderie entre les membres demeure presque palpable).

De façon remarquable, la chorégraphie permet de voir les lignes mélodiques des fugues de Bach, de comprendre en un coup d'œil comment elles se superposent, se répondent, se veulent complémentaires. J'aurais voulu pouvoir disposer du vidéo de certaines de celles-ci pour les présenter aux élèves, toujours démunis face à la « cérébralité » des fugues de Bach, incapables de faire ressortir les différentes voix, de les faire chanter. Voir le motif qui devient une série de gestes répétés par les différents danseurs, comprendre la strette en les voyant enfin danser à l'unisson, tout devient d'une limpidité désarmante dans ce contexte.

Si l'énergie des danseurs hip-hop est viscéralement masculine (difficile de trouver une forme d'art plus bourrée de testostérone que ces mouvements athlétiques), elle est astucieusement jumelée à celle de Yui, de formation  classique et contemporaine aux lignes magistrales, en un mélange des styles parfaitement cohérent avec les différentes couleurs de ces douze premiers préludes du premier livre du Clavier bien tempéré. Saluons en terminant le travail d'échantillonnage de Ketan et Vivan Bhatti qui, jamais, n'ont dénaturé le matériau de base qui leur était imparti et ont su démontrer que Bach pouvait être aussi pertinent aujourd'hui qu'il y a 250 ans.

Le spectacle devrait être en tournée nord-américaine à l'automne prochain. J'y retourne.

mardi 30 novembre 2010

Du mélange des genres

Je suis choyée. Cette semaine, j'aurai le privilège d'assister à trois événements, qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre, mais qui brouillent avec conviction les frontières entre les genres.

Ce soir, je me glisserai Église St-James United pour voir la troupe allemande de hip-hop Flying Steps qui juxtaposera aux douze premiers préludes et fugues du premier volume du Clavier bien tempéré de J.S. Bach (tantôt interprétés au piano, tantôt au clavecin, tantôt échantillonnés) des mouvements acrobatiques dans le spectacle Red Bull Flying Bach. Certains hausseront peut-être les sourcils mais, selon moi, s’il y a une musique classique qui se prête aux relectures, c’est bien celle de ce cher Bach.



Vendredi, ce sera la frontière entre pop et musique contemporaine qui, cette fois, deviendra symbolique dans un spectacle intime mettant en vedette Pierre Lapointe et le Quatuor Molinari. Les arrangements musicaux créés spécialement pour le concert par les étudiants en composition du Conservatoire permettront de découvrir une vision des plus contemporaines des chansons de Lapointe. (Je trépigne...)


Dimanche, le metteur en scène Daniele Finzi Pasca revisite l'univers du dramaturge Anton Tchekhov dans un spectacle qui unit théâtre, danse, acrobatie et musique. Je vous en reparle car j'ai eu le grand plaisir de m'entretenir avec l'artiste récemment et cet article fera la couverture du magazine La Scena dès jeudi.

dimanche 28 novembre 2010

Haut de gamme

J'aime recevoir des paquets, surtout quand ils me parviennent des semaines en avance sur mon anniversaire. (Mieux vaut trop tôt que trop tard, non?) Dans celui-ci, Caro_Carito m'avait glissé une bande dessinée absolument délicieuse, Haut de Gamme (volume I), sous-titrée Bas de gamme. Binet (le papa du désopilant Bidochon) signe ici une BD qui plaira aussi bien aux musiciens amateurs que professionnels. On y retrouve le professeur ronchon type - c'est pas moi, je le jure! - qui subit, jour après jour, les interprétations plus ou moins convaincantes d'étudiants plus ou moins doués. Parmi ceux-ci, l'enfant hyperactif (un modèle disponible en plusieurs exemplaires semble-t-il), la dame qui prend des notes pendant que le prof lui parle du Prélude opus 29 no 4 de Chopin à la troisième personne du singulier (des planches jouissives de vacherie... d'ailleurs, l'auteur glisse en exergue de son livre « pardon Chopin ») ou le veuf à qui les fa dièse font penser à sa défunte épouse et refuse de les jouer dans sa sonate de Mozart.

Le trait de crayon et les dialogues sont mordants mais on sent chez Binet un profond amour de la musique classique (il est d'ailleurs lui-même accordéoniste et compositeur), ce qui lui permet de toujours garder une certaine tendresse même quand il semble près de dépasser les bornes. Je me suis esclaffée à plus d'une reprise lors de cette lecture et, depuis, laisse « traîner » le bouquin pour en partager des extraits avec des élèves adultes (dont celui qui joue l'« infâme » Prélude de Chopin!) et ai trop hâte au deuxième tome. Merci Caro!

Une entrevue avec l'auteur et une petite planche en partage...

vendredi 26 novembre 2010

La musique dans ma vie...

Toutes les swappées ont reçu leur paquet, toutes ont couiné (allez, admettez-le)... Alors, en bonus, aujourd'hui, pour les fans, les dessous du swap. (Vous savez comme ces extras disponibles lorsqu'on écoute un DVD?) Ce que j'ai préféré en tant qu'organisatrice? Mais non, pas déballer mon cadeau (quoi que, c'était très émouvant parce qu'il venait de Catherine... et, oui, je suis en train de lire Lyonel Trouillot depuis hier). Planifier le paquet de ma swappée? C'était sympa, ça aussi, je l'admets. Non, ce que j'ai préféré, c'est de lire les réponses des participantes à mon questionnaire, parce que, quand on aborde le registre musical, on touche souvent à quelque chose de très intime, qu'on soit musicienne ou non. Rassurez-vous mesdames, je n'ai aucune intention de partager ici vos secrets. Je me contenterai de révéler quelques-unes de mes propres réponses, en tout simplicité.

Quelle importance a la musique dans ta vie?

J’en mange depuis que depuis toute petite. Comme Obélix, je suis tombée dedans! Si j’ai grandi d’abord en écoutant exclusivement du classique (jusqu’à l’âge de 12 ans, lorsque j’ai découvert la pop avec les Beatles!), mes parents étant fervents mélomanes et m’amenant pratiquement toutes les semaines au concert classique, j’ai rapidement apprivoisé les autres genres musicaux. J’écoute aussi bien du classique que du jazz, de la musique contemporaine « pointue », du spoken word que de la pop. Je n’écoute pas constamment de la musique mais elle occupe une grande part d’une journée type (moins en soirée, par contre).

La musique classique : tu en écoutes, elle te fait peur, elle t’indiffère?

Elle ne me fait aucunement peur, bien sûr! Mais ce que je préfère, c’est découvrir de nouveaux trucs : œuvres contemporaines, compositions qui m’avaient échappées, nouveau type de répertoire (par exemple, si je connais très bien la littérature pour piano et le répertoire symphonique, je réalise que j’ai de grandes lacunes en musique de chambre, notamment par rapport au quatuor à cordes). Je suis excellent public, sauf pour les trucs trop crossover qui m’horripilent (André Rieu, au secours!)

Jazz : qu’en penses-tu? Certains artistes te font-ils vibrer?

J’aime beaucoup le jazz. Surtout si un pianiste fait partie du groupe (ou c’est un disque piano solo), je vais craquer. J’ai plusieurs enregistrements de Miles Davis et de Ketil Bjornsdat, presque tous les titres d’EST (malheureusement, le pianiste leader du groupe est décédé subitement il y a deux ans). J’adore Keith Jarrett (véritable inspiration), Chick Corea, Bill Evans, Thelonius Monk… Côté voix, j’adore Holly Cole et Melody Gardot mais aussi bien sûr la grande, l’inclassable Ella Fitzgerald. Au cours de la dernière année, j’ai notamment découvert Jamie Cullum (dont j’aime mieux le deuxième album que le premier, un peu « sage »), Brad Mehldau, Kurt Elling et Nilss Peter Molvaer.

Musique pop : quel est ton (tes) groupe(s) ou chanteur(s) préféré(s) et pourquoi?

Jeune, j’ai été très new-wave et limite punk : The Clash, Billy Idol mais aussi New Order, Thompson Twins, Naked Eyes, Eurythmics… J’ai sauté la décennie 90 en pop ou presque, constituée essentiellement selon moi de réchauffé. Plus récemment, j’ai aimé le dernier album de Sade et j’aime bien Coldplay, U2, les derniers disques de Rufus Wainwright. (Mon BFF et moi avons d'ailleurs nos billets pour son prochain spectacle montréalais le 7 décembre.)

Côté francophone, j’aime le toujours classique Brel (quand même, quelle puissance!) et, du côté québécois, je suis fan finie de Pierre Lapointe depuis que je l’ai entendu avec l’Orchestre métropolitain. (Je serai dans la salle vendredi prochain, alors qu'il revisitera certaines de ses pièces avec le Quatuor Molinari, j'ai hâte!)

J’aime aussi découvrir les musiques du monde. J’ai complètement craqué après avoir découvert Mariza par exemple. Autre coup de cœur de la dernière année : le Hesse Projekt, un CD double sur lequel des acteurs et chanteurs connus récitent des textes de Hesse sur musique originale.

Une chanson (ou deux ou trois) que tu aurais voulu avoir composées.

En musique classique, j’aurais aimé pouvoir avoir écrit plusieurs des pièces de Mozart. Le Rondo en la mineur par exemple me représente entièrement.
En jazz, Love me live a river does de Melody Gardot est une de celles que je l’ai le plus écoutée dans mon iTunes, suivie de près par In meinen Leben de Nena (de l’album Made in Germany).
En pop, Si j’étais un homme de Diane Tell, Sweet Dreams are made of these d’Eurythmics et Tainted love (surtout la version de Soft Cell).

Ton premier choc musical (peu importe le genre), ce serait?


Mozart raconté aux enfants, mon disque fétiche enfant. Puis la découverte des Beatles à 12 ans.

Ton dernier?

La compositrice Lera Auerbach. En 21e siècle, aussi, Max Richter, que j’ai découvert avec sa trame de Valse avec Bashir (CD que j’ai écouté en boucle sur MusicMe pendant des jours) puis dont j’ai acheté The Blue Notebook et Songs from Before.
En jazz, Brad Mehldau. (Je revisite d'ailleurs mes réponses transmises au son du disque The Art of the Trio: Progression.)

mercredi 24 novembre 2010

Le colis de Tania

Comme Tania est une SBF, je lui cède la parole ici...

Supeeeeerrrrr!!!!

Voilà le premier mot qui m'est venu à l'esprit en découvrant le contenu de mon colis.

Des livres (que je ne connaîs pas et que j'ai hâte de découvrir), des gourmandises, des bijoux magnifiques....Bref que du bonheur!!!

Merci beaucoup et bises à toutes!!!

Échecs et maths

J'avais beaucoup aimé son premier roman, La suppléante, qui mettait en vedette un prof de musique (évidemment, déjà, vous me direz j'étais gagnée d'avance), suffisamment pour partager mon exemplaire et même l'offrir en cadeau tout récemment à Kikine, lors du swap de la rentrée. J'avais donc très hâte de lire le deuxième livre d'Anne Bonhomme, même si les maths semblent à des lieues de mon univers. (Mais, au fond, même si je ne le dis pas trop fort, les mathématiques et la musique sont de plus proches parents qu'on ne peut le penser à prime abord et comprendre la structure d'une œuvre musicale sauve des heures de travail en aveugle.)

Si je ne suis pas très chick lit (en fait, vraiment pas, j'en lis maximum un par année et encore...), je savais que celui-ci serait différent parce que même si certains thèmes classiques y sont abordés - la quête du parfait mec, ici un Adonis policier, qui entretient une relation très intime avec sa muculature mais n'est pas idiot, les questionnements de carrière, la difficile relation que les filles entretiennent avec leur corps -, Anne Bonhomme sait comment ne jamais tomber dans la facilité ou le roman Harlequin déguisé.

Ophélie est actuaire et mène une vie plutôt ennuyeuse, il faut bien l'admettre. Elle a vécu pendant quelques années avec un homme plus âgé, prof de maths à l'université, n'a pas son pareil pour calculer des probabilités (que ce soit dans le cadre de son travail ou au quotidien), économise pour s'acheter un condo. Un soir où, lassée d'être pour la nième fois dans l'ombre de sa soeur, la (trop) jolie Marie-Pier, qui vient d'être sélectionnée pour participer à une téléréalité américaine, elle se fait arrêter pour excès de vitesse. Désemparée, elle raconte son histoire à la policière qui, finit-elle par se rendre compte, est une ancienne amie de sa sœur et, de façon non accessoire, une adepte de la pensée positive.

Elle la traîne dans des séminaires, engage pour elle une styliste: Ophélie amorce un processus de changement, et pas seulement en apparence. Elle retrouve sa meilleure amie, Sandrine, comédienne qui passe des auditions pour entrer au Conservatoire et à l'École nationale de théâtre, rencontre l'homme de sa vie (mais ce dernier cache de troublants secrets) et tente de pratiquer le lâcher-prise. En quelques chapitres, on devient captif consentant de la plume diablement efficace d'Anne Bonhomme et on se glisse avec autant de plaisir dans l'appartement de Sandrine, dans les séminaires de croissance personnelle (délirant!), dans l'autopatrouille, dans les théâtres (le monde est particulièrement bien décrit), dans la chic résidence de ses parents ou même dans l'île de la tentation de cette téléréalité qui ressemble à tant d'autres mais continue de faire rêver les masses. (Astucieux d'intégrer des interchapitres « confessionnal » au roman, d'ailleurs, clin d'œil à cet « essentiel » dérivé du genre!) On referme le livre le sourire aux lèvres et avec l'envie de le prêter sur le champ à une copine.

lundi 22 novembre 2010

Swappées et swappeuse: qui est qui

L'heure de vérité a sonné, les blogueuses partagent aujourd'hui contenus des swaps et couinements. Mais qui était la swappée de qui?

Voici un tableau récapitulatif, avec le lien vers les billets des participantes (on clique tout simplement pour découvrir les merveilles)...

Les Québécoises

De Lucie à Liceal
De Liceal à Kikine
De Kikine à Abeille
D'Abeille à Catherine
De Catherine à Lucie


Les Européennes

De Margotte à Gwenn
De Gwenn à Nahe
De Nahe à Kloelle
De Kloelle à Sarawasti
De Sarawasti à Tania
De Tania à Patacaisse
De Patacaisse à Caro_Carito
De Caro_Carito à Margotte

Swap: mon colis

Nous tenons à avertir nos lecteurs que ce billet pourrait contenir des traces de couinement...

Je n'ai même pas eu besoin de guetter le facteur car mon paquet m'a été livré, en main propre, par nulle autre que la charmante maman de ma swappeuse, Catherine, une journée plus tôt qu'entendu. Évidemment, aucune surprise au sujet de l'identité de ma swappeuse, puisque, n'est-ce pas, en tant qu'organisatrice, j'étais celle qui lui avais transmise mon questionnaire mais, peu importe, j'avais très hâte de découvrir mon paquet.

Comme j'étais en plein milieu d'un cours, j'ai dû attendre pour ouvrir le paquet qui, il faut bien l'admettre, ne pouvait qu'attirer le regard de l'élève (une adolescente, à qui j'ai expliqué le concept du swap sur le champ, en tentant - difficilement - de maîtriser les couinements dans ma voix). C'est quelque chose, non?

Une fois les élèves partis (parce que, non, en plus, ce n'était pas la dernière de la journée, soupir...), j'ai fait glisser le tiroir et ai tout de suite reconnu le chic minimaliste de Catherine (amie de La Recrue, que j'ai eu le plaisir de rencontrer à quelques reprises déjà et avec laquelle j'ai échangé une pléthore de courriels « techniques » concernant la gestion du site).

Point de départ, donc, la carte. J'avais très hâte de découvrir quel angle elle allait aborder. Le morceau d'elle-même qu'elle partageait était tout simplement son livre préféré, L'amour avant que j'oublie de Lyonel Trouillot... « parce qu'il parle d'amour... et qu'il commence par une chanson ». Je n'ai entendu que de belles choses au sujet de l'auteur mais n'ai encore rien lu de lui. Je peux déjà vous assurer que le livre ne dormira pas très longtemps dans ma PAL. Aimant se donner des défis, Catherine a donc décidé d'intégrer de près ou de loin Haïti à tous les objets dans son paquet. Elle y a donc glissé un disque d'Emeline Michel, une chanteuse créole que j'ai découvert avec plaisir (une voix sublime, une musique qui déborde de chaleur et des arrangements très intéressants) et un deuxième livre, Jazzman de Stanley Péan (auteur que je n'ai lu que dans les journaux ou magazines mais jamais en livre).

En bonus, elle a glissé un calendrier 2011 de jazz, justement, tout simplement magnifique, qui me permettra de penser à elle tout au long de l'année.

Côté gourmandises, évidemment, la contrainte devenait plus difficile à gérer. Elle ne pouvait quand même pas m'offrir du sucre de canne ou carrément du rhum, trop facile... Elle a donc opté pourL'Intrigant (c'est son nom), un délicieux gâteau aux pistaches et à la pâte de goyave. Dommage, vous passez trop tard, il n'en reste plus. (Comment ça, j'aurais pu partager?)


Merci tout plein Catherine pour ce super paquet de swap. Tu es la meilleure! :)

samedi 20 novembre 2010

Béatrice et Virgile

Certains livres émerveillent, d'autres horripilent. Plus rares, il y a ceux dont on sort troublé, sans trop bien savoir de quel côté faire basculer le fléau de la balance. Quand Béatrice et Virgile a croisé ma route (un collègue le lisait et me l'a prêté la semaine suivante), je n'ai pas hésité. Les critiques avaient été lapidaires (surtout lors de la parution du titre en anglais) mais le sujet m'intriguait suffisamment et, surtout, j'avais beaucoup aimé L'histoire de Pi.

Comme ce dernier, Béatrice et Virgile est une fable animalière, sur l'Holocauste cette fois, sujet délicat (si non tabou) s'il en est un, mais aussi sur l'écriture. Peut-on écrire sur tout? Peut-on se servir d'une page d'histoire et en extraire une trame parallèle qui mènera le lecteur à une compréhension autre de l'événement? L'auteur explique sa démarche dès la page 21:
« La fiction et la non-fiction ne sont pas si faciles à séparer. La fiction n’est peut-être pas réelle, mais elle est vraie; elle va au-delà des amoncellements de faits pour atteindre les vérités émotives et psychologiques. Quant à la non-fiction, à l’histoire, elle est peut-être véritable, mais sa vérité est glissante, difficile d’accès, sans signification exacte qui lui soit attachée. Si l’histoire ne devient pas une histoire, elle s’éteint pour tout le monde, sauf pour les historiens. L’art est la bouée de sauvetage de l’histoire. L’art est la valise de l’histoire, elle emporte l’essentiel. L’art est semence, l’art est mémoire, l’art est vaccin. »

Dans les deux cas, le métaphysique et surtout le tragique sont intimement liés à la trame narrative, de même que le regard de Dieu (ou la perception que peuvent avoir ceux qui le disent inexistant). À n'en point douter, La divine comédie n'est pas loin (les prénoms du singe hurleur et de l'ânesse, « héros » de la pièce écrite par un mystérieux taxidermiste misanthrope, transmise à l'auteur dès le début du roman, en témoignent). On assiste alors à un étrange emboîtement de genres, qui laisse plus souvent qu'autrement le lecteur perplexe. Pourquoi le narrateur de l'histoire, lui-même auteur, prénommé Henry, n'écrit-il plus et décide-t-il de vivre une vie parallèle dans une ville étrangère? Pourquoi lit-il jusqu'au bout la nouvelle La légende de Saint Julien l'hospitalier de Flaubert, dont de larges passages ont été surlignés par un mystérieux inconnu... qui lui aussi s'appelle Henry? Quel élément joue la pièce de théâtre de ce dernier dans l'histoire? Pourquoi la rencontre entre les deux est-elle inévitable? Autant de questions qui font trébucher le lecteur, le force constamment à s'arrêter, à revenir sur ses pas, à essayer de comprendre les multiples niveaux des allusions, parfois un peu trop grossièrement soulignées?

On grince des dents et pourtant, on continue d'avancer. Et puis, tout à coup, tout déboule. Le rythme se resserre, l'horreur se dévoile et on tourne les pages, le souffle court et le cœur lourd. Après lecture des « jeux pour Gustave » proposés en annexe, on mesure l'ampleur du défi qu'a souhaité relever l'auteur et comment la blessure universelle est encore vive. En passant de la fable à la brutale réalité, j'ai eu la même impression qu'à la fin de Valse avec Bashir, quand les images au crayon sont remplacées par une vidéo historique. Le choc est brutal, presque insupportable et pourtant, quelques jours après, on continue d'être habité par le propos. Parle-t-on d'une lecture pour tous? Certainement pas. Change-t-elle la perception qu'on peut avoir d'une histoire qu'on croyait éculée à force d'être racontée? Peut-être bien. A-t-on affaire à une œuvre? Absolument.

vendredi 19 novembre 2010

Bientôt la Sainte-Cécile

Plus que trois jours avant le dévoilement des colis du swap. Ça couine dans les chaumières... Je déteste Noël mais ai un peu eu l'impression de me transformer en fée des étoiles au cours des dernières semaines, que ce soit en ayant vaguement répondu à certains questionnements de swappeuse (« Tu crois que ma swappée aime les bagues ? » ou « Entre tel album et tel autre du même compositeur, tu choisirais quoi, toi? ») ou en les rassurant (« J'ai peur que ma swappée n'aime pas trop mon paquet, tu crois qu'elle sera déçue? ») ou tout simplement en m'assurant que tous les paquets avaient bien quitté leur port. (Il n'en reste plus qu'un seul à trouver destinataire!) J'admets avoir encore plus hâte de découvrir les colis des participantes que de révéler le mien (que j'adooooooore, bien sûr, mais chut...) Morale de cette histoire: les dessous des swaps sont (presque) aussi glamour que la réception des colis.

En attendant, demain, ça couinera aussi un peu (beaucoup, passionnément?), puisque nous serons quelques blogueuses à prendre d'assaut le Salon du livre de Montréal. Si vous nous croisez (Karine, Kikine, Abeille, Pimpi et compagnie), surtout, n'hésitez pas à nous sourire... et, pourquoi pas, à vous joindre à nous!

mercredi 17 novembre 2010

Zanipolo

Venise, 18e siècle, âge d'or d'une certaine effervescence musicale, où les chanteurs sont rois et les ensembles de jeunes orphelines légion. Un mystérieux couple de jumeaux siamois, Giovanni (Zani) et Paolo (Polo), enchante autant qu'il révulse. Doit-on conspuer le monstre, encenser les artistes? Paolo est un libertin homosexuel qui multiplie les conquêtes alors que Giovanni semble effrayé par les plaisirs de la chair... jusqu'à ce qu'il chante avec la belle Maddalena. Mais rien ne sera simple pour les amoureux qui auront à déjouer jalousie, embrouilles politiques et incompréhension de leurs concitoyens.

Marc Ory privilégie une langue fluide, toujours très musicale (même si, somme toute, les références directes à la musique se révèlent assez peu nombreuses).
« Galuppi, le Buranello, n'avait-il pas l'habitude de dire que sa musique, on devait la voir. Regarder une peinture avec les yeux, c'était bon pour les aveugles. Écouter la musique avec les oreilles, c'était bon pour les sourds. Il pensa à sa femme, la belle Maria, morte en couches. Lorsqu'il la caressait, ne lisait-il pas sa peau comme une partition de musique? » (p. 12) 
Avec doigté, il réussit à aborder avec autant de grâce les registres du mystère, de l'humour que de la passion, tout en réussissant à dresser un portrait d'une Venise qui vit à la fois à l'heure des joutes de pouvoir et d'une certaine luxure assumée. (Chapeau ici à l'auteur qui réussit à ne pas franchir la très mince ligne entre l'évocateur et le scabreux.) On entend, on voit, on sent, on ressent l'époque et on devient témoin fasciné de ce combat non pas tant pour la reconnaissance (les jumeaux deviennent de véritables vedettes) mais pour la pleine acceptation de la différence. L'auteur a d'ailleurs lui-même évoqué en entrevue:
« Cet être double, c'est un peu ce que nous sommes tous. Une part d'ombre, une part de lumière, un côté rationnel et un côté échevelé, hybride, baroque. »

lundi 15 novembre 2010

Éteignez, il n'y a plus personne

Destins parallèles, à peine liés par les hasards du quotidien, amours qui se dissolvent avant même d’être assumées, questionnements intellectuels parfois difficiles à endosser, juxtaposition entre l’effervescence de New York et le calme presque trop plat de Village-des-Rangs : le premier roman de Louise Lacasse fait feu de tout bois et pourtant ne réussit pas à convaincre. La langue est truculente, multiplie les clins d’œil, interpelle le lecteur, se veut virtuose, happe quelques instants l’imagination, mais finit par lasser.

Malgré une certaine originalité du propos, qui s’articule essentiellement autour de l’exode rural et un coup d’œil plutôt décapant sur notre société de performance, il m’a semblé impossible de m’attacher aux personnages ou de souhaiter du moins comprendre ce qui les anime. J’ai dû à plusieurs reprises me faire violence pour ne pas sauter une description, un dialogue, une réflexion. Dans quelques mois, il ne restera vraisemblablement de ce roman au titre plus ou moins évocateur, qui n’a de choral que l’esprit, qu’un très léger souvenir.



Comme quoi, tout est question de perception, cette lecture de la Recrue a été très polarisée. Certains ont adoré, d'autres ont grincé des dents. À lire ici...

samedi 13 novembre 2010

CMIM: l'édition 2011 est consacrée au piano

J'étais adolescente quand j'ai succombé au charme dévastateur du (alors) très séduisant Ivo Pogorelich, sacré lauréat du Concours international de Montréal. Quand les Jeunesses Musicales du Canada ont repris le flambeau en proposant leur propre Concours Musical International de Montréal en 2002, j'étais aux premières loges, et avais cédé sans hésité à la voix somptueuse de la soprano canadienne Measha Brueggergosman (qui fait depuis une carrière remarquable). Deux ans plus tard, lors de la première édition piano du concours, les jeux de Serhiy Salov, Gintaras Janusevicius, Eliane Reys et David Fray m'avaient renversée à des degrés divers.

Du 23 mai au 3 juin 2011, le CMIM se met de nouveau à l'heure du piano et, si vous avez moins de 30 ans, et êtes convaincus que vous saurez séduire public et jury stellaire (notamment Jean-Philippe Collard, Arnaldo Cohen et Jamie Parker) et vous mériter le premier grand prix de 30,000 $ (qui comprend de plus un Programme de développement de carrière d’une valeur de 20 000 $, un enregistrement d’un disque sous le label Analekta, et plus de 150 000 $ CAN de prix, bourses et engagements, ce qui n'est certes pas rien!), vous avez jusqu'au 7 janvier pour vous inscrire. Les détails techniques, tels répertoire et modalités d'inscription peuvent être consultés ici. (Vous pouvez même vous inscrire en ligne.) Vous pouvez écouter le disque de la lauréate de l'édition 2008, Nareh Arghamanyan par là...

Au plaisir de vous entendre!


jeudi 11 novembre 2010

Swap musique et littérature: on glisse les colis dans la boîte

La Sainte-Cécile approche à grands pas et les colis du swap s'assemblent avec une certaine fébrilité. Certains l'ont déjà transmis, d'autres (dont moi) y intègre les derniers ajouts, toutes ont hâte de déballer et de découvrir un visage presque intime de sa swappeuse (puisque, je le rappelle, un des objets, devait être « personnel »). Merci aux participantes de me transmettre vos informations (colis transmis, colis reçu), histoire de pouvoir avoir un dévoilement synchro (ou presque). Je rappelle à celles qui sont sans blogue fixe de me transmettre leur billet (et photos) au plus tard le 21 novembre.

                                                         colis envoyé                          colis reçu

Liceal                                                      x                                              x
Kikine                                                     x                                               x
aBeiLLe                                                 x                                               x
Catherine                                               x
Lucie                                                      x                                                x
Margotte                                               x                                                x
Gwenn                                                    x                                                x
Patacaisse                                              x                                                x
Caro_Carito                                           x                                                x
Sarawasti                                               x                                                 x
Kloelle                                                   x                                                 x
Nahe                                                      x                                                 x
Tania                                                     x                                                  x

mercredi 10 novembre 2010

Le Petit Wazoo

Sous-titré « Initiation rapide, efficace et sans douleur à l'œuvre de Frank Zappa », Le Petit Wazoo de Jean-Sébastien Marsan se veut un portrait de celui que plusieurs érudits n'ont pas hésité à qualifier de « plus important compositeur américain de la seconde moitié du 20e siècle ». Déformation professionnelle oblige peut-être, je connaissais essentiellement le Zappa symphonique, celui de l'iconoclaste album Yellow Shark, qui repousse les limites du langage très loin, tout en s'éloignant du côté trop cérébral souvent associé à la musique contemporaine (même si Times Beach II pourrait évoquer Varèse). « L'orchestre, c'est l'instrument ultime, écrit-il dans son autobiographie. Le conduire procure une sensation incroyable, que rien ne peut approcher - sauf, peut-être, celle qui naît du chant des harmonies doo-wop, quand les accords sonnent juste. » Je connaissais de réputation son album Apostrophe, son opéra rock Joe's Garage, bien peu de choses au fond, quand on considère que Zappa a composé dans tous les genres, du rock à la musique symphonique en passant par le jazz (qui n'a peut-être jamais été aussi imprévisible que sous sa direction), l'électronique, sans oublier certains collages assez audacieux.

À l'heure où les puristes se cloîtrent dans des tours d'ivoire (impossible pour un musicien classique d'apprécier le jazz ou pour un jazzman d'admettre écouter de la pop), il est particulièrement jouissif d'apprendre à mieux connaître un musicien qui n'avait que faire des étiquettes. Pour lui, la musique restait la musique, et il pigeait dans l'un ou l'autre de sous-ensembles pour en extraire la couleur, la forme, l'instrumentation dont il avait besoin à ce moment précis pour transmettre son message, tout simplement.

L'ouvrage, des plus accessibles, se scinde en deux sections à la fois indépendantes et complémentaires. Dans la première, Jean-Sébastien Marsan aborde les diverses facettes du compositeur: le rocker, le guitariste, le révolutionnaire, le jazzman, le DJ, le père de Mothers of Invention, l'orchestrateur et le cinéaste. L'écriture est alerte, affable, et aussi bien fans que curieux auront plaisir à découvrir le multiple Zappa. Dans la seconde, il nous propose une chronologie complète qui ne tombe pourtant jamais dans l'aridité. Une fois l'essai refermé, une seule envie: assimiler les repères proposés pour en faire fi et, au hasard des découvertes, s'approprier le langage musical de cet être inclassable.

Deux visages complémentaires de Zappa en partage. Le classique (dans tous les sens du terme) G-Spot Tornado 


et son City of Tiny Lites

lundi 8 novembre 2010

Incendies

J'avais adoré la pièce. Quelques années plus tard, j'avais souhaité prolonger l'émotion ressentie et avais lu le texte. Je ne pouvais évidemment pas passer outre son adaptation cinématographique par Denis Villeneuve, dont le Polytechnique m'avait bouleversée. Les aléas de ma tourbillonnante vie m'avait empêchée de me précipiter en salle jusqu'ici mais hier, j'ai plié l'horaire à ma volonté (plutôt que le contraire).

Connaissant la trame narrative, je m'attendais à être atteinte au plexus. J'avais craint une surenchère de violence, cette histoire d'amour et de filiation se déroulant sur un fond de guerres impitoyables, les répliques de l'un s'imbriquant parfaitement dans les attaques du premier, dans un infernal engrenage. Oui, certaines images sont terribles mais celles qui m'ont atteinte le plus ne sont pourtant pas les plus sanglantes. La façon magistrale dont le réalisateur a choisi de sous-entendre plutôt que d'étaler a donné une toute autre dimension au texte, à ses méandres. Comme pour Polytechnique, mais pour des raisons différentes, impossible de retenir ou même souhaiter contenir les larmes, à la fois surcharge d'émotion et apaisement. On accepte l'émotion, puis la catharsis.

Dans sa relecture du texte dense, Villeneuve a dû faire des choix, privilégiant la puissance d'un regard à une tirade de trois pages. Certes, le personnage de la grand-mère, gigantesque au théâtre, est devenu plus caricatural que porteur à l'écran et j'ai regretté l'élision de Sawda, double de Nawal, la « vraie » femme qui chante. Ce sont de petits sacrifices à accepter, qui n'entachent en rien le souffle ravageur de cette histoire, portée par des performances investies des acteurs, un scénario habile et une trame sonore d'une rare puissance, sur laquelle voisinent Radiohead et Grégoire Hetzel.

« Où commence votre histoire? À votre naissance? Alors elle commence dans l'horreur. À la naissance de votre père? Alors c'est une grande histoire d'amour. » 

dimanche 7 novembre 2010

Écouter ensemble

« Pour savoir où on en est avec quelqu'un, il suffit d'écouter de la musique ensemble. Le moindre désaccord nerveux vient faire tache dans les intervalles, mais si le son passe sans rencontrer personne, c'est le signe que tout va bien. »

(Philippe Sollers, Passion fixe)

C'est vrai qu'il y a quelque chose de terriblement intime à écouter, vraiment écouter de la musique ensemble, pas seulement être un parmi une masse, mais deux dans le son, dénudés vis-à-vis ce que l'on entend, à fleur de peau, prêts même à accepter les larmes si la musique s'y prête. Hier soir, dans le calme feutré de mon salon, avec un ami très proche, également musicien, chacun à un bout du sofa mais pourtant connectés, nous avons écouté Anne-Sophie von Otter et Brad Mehldau, dans certaines de leurs reprises de chansons françaises, tout particulièrement. La voix, les arrangements subtils, très classiques, la complicité palpable entre les deux artistes, tout cela a pris une couleur bien particulière parce que partagée. Quelque chose de magique dans l'air...

vendredi 5 novembre 2010

Pourquoi lire?

On m'a dit le plus grand bien de son Dictionnaire égoïste de la littérature française et maintenant, voilà que Charles Dantzig publie un nouvel essai, Pourquoi lire?

Pour lui, l'élitisme ne devrait pas être perçu comme une tare mais bien revendiqué comme un droit absolu à l'excellence.
« Qu'est-ce que c'est que cette histoire? explique-t-il à Chantal Guy dans un article paru dans La Presse aujourd'hui. Pourquoi est-ce un mot monstrueux? Il faut être élitiste. Moi, je suis élitiste pour tout le monde. C'est un mot inventé par le mercantilisme pour cesser de perdre de l'argent à produire des choses rares, belles et compliquées. L'élitisme, c'est bien, tout le monde devrait viser à être une élite pour soi. Ça m'indigne vraiment! »
Il poursuit un peu plus loin:
« Le lecteur, même s'il a 98 ans, qu'il est borgne et sans dents, est un prince charmant. Parce que c'est lui qui réveille le livre. Un livre seul, c'est un caillou. La littérature n'existe que par la rencontre entre le recueillement du lecteur et la pensée de l'auteur qui était enfermée dans le livre. […] La lecture, le geste même de la lecture, est un acte qui nous extrait de tout ce qui nous entoure, une espèce de révérence devant les choses de l'existence. Quand je dis que la lecture ne sert à rien, c'est une manière paradoxale de dire qu'elle sert à tout. »

Pour lire cet entretien inspiré et inspirant...

jeudi 4 novembre 2010

La nuit de l'illusionniste

Croyez-vous que les livres puissent nous parler, nous sommer de les lire? Dans ce cas-ci, je me suis posée sérieusement la question. En effet, lors de pas une mais deux visites successives à la Bibliothèque nationale, le même livre s'est retrouvé par hasard dans mes mains. Je cherchais un autre titre (toujours absent), je laissais mon regard courir sur les étagères et, hop, mue par un aimant, ma main a empoigné La nuit de l'illusionniste de Daniel Kehlmann, auteur dont je l'avoue bien volontiers j'ignorais jusque là l'existence. (Je sais maintenant que c'est un très gros nom de la littérature allemande contemporaine, oups...)

Premier roman de l'auteur (publié en 1997 à l'origine mais entièrement remanié en 2007), La nuit de l'illusionniste traite de la délicate frontière entre illusion et réalité, magie et sciences, identité et perte de repères. Le livre se veut le récit de la vie d'un orphelin qui, après des études en théologie, décide de se tourner vers la magie. Entre invoquer un dieu qu'on ne peut pas toucher et devenir le dieu d'un public ébahi, le choix semble simple, non?

Une nuit, plusieurs jours, une vie, il se raconte à la femme aimée - mais l'aurait-il créée de toute pièce, summum de l'illusion? Ce texte permet de tracer un intéressant parallèle entre la littérature et l'art de l'illusion. Rapidement, on comprend que, depuis les premières pages, on tente de nous berner, on sème le doute. J'ai essayé de démonter le mécanisme, départager le vrai du rêvé, comprendre le tour, puis ai abdiqué pour me laisser porter par le texte (dont la deuxième partie est beaucoup plus convaincante que la première).

Si un autre titre de l'auteur tombe dans ma main plus ou moins par hasard, cèderai-je? Il y a de fortes chances que oui...

lundi 1 novembre 2010

De la joie de jouer

Cette année, j'ai plusieurs nouveaux élèves dans ma classe de piano, presque tous de petits débutants. (Seule « exception »: une adolescente charmante, amie d'une élève qui l'a apparemment convaincue que j'étais vraiment « super » et qui avait disons quelques difficultés avec l'attitude plus traditionaliste de son prof précédent.) Je dois donc plonger dans les bases mêmes de la lecture, de l'orientation spatiale, mais surtout y aller à fond dans l'« opération séduction », non seulement pour m'assurer du retour des dits élèves l'année suivante mais surtout parce que je reste persuadée que la première année, il faut commencer par les prendre par les sentiments et leur faire réaliser que la musique est un langage unique, rempli de possibilités, qui permet de jouer des pièces connues, aimées, fût-ce en version ultra-simplifiée.

J'aime les accompagner sur cette route qui n'a rien d'ennuyeux. Quand ils déplacent leurs mains et que le sol a « changé de place », je les rassure. Quand ils mettent les mains ensemble et sont capables de jouer 12 notes d'affiliée, les deux mains se suivant dans la montée et la descente d'Alouette, je les encourage. Quand ils posent le doigt sur le fa dièse avec une certaine appréhension, je leur rappelle que les touches noires ne sont pas des dents de requin. Oui, bien sûr, cela exige une énergie différente, disons plus effervescente. Je suis certainement dans un autre mode quand je dis avec beaucoup d'emphase: « Trouve-moi tous les do du piano! » que lorsque je suis en train d'expliquer à une élève le sous-texte d'une ballade de Chopin ou souffle d'un air vaguement halluciné: « Respecte le texte! »

Je ne me plains aucunement. Oui, j'en ai un qui, à tout juste six ans, semble avoir des punaises sous sa chaise et qui après 10 minutes, me dit: « J'm'ennuie ». Il y a aussi cette élève avancée qui me regarde toujours comme si elle n'avait jamais rien appris d'artistique dans son cursus scolaire et que j'ai l'impression de devoir remplir comme une outre semaine après semaine. Mais il y a tous les autres, ceux qui entrent chez moi comme dans une deuxième maison, s'attardent pour flatter le chien, font le tour du propriétaire pour relever le moindre ajout de figurines, collants, bonbons. Et puis, surtout, il y a leur sourire quand ils s'assoient au piano et qu'ils ont hâte de me montrer ce qu'ils savent maintenant faire. Ces instants-là ne se remplacent pas.

samedi 30 octobre 2010

Gidon Kremer: s'effacer derrière la musique

Plus d’une centaine d’enregistrements, des milliers de concerts dans les salles du monde entier, apparitions saluées dans les festivals, collaborations avec des artistes mythiques dont Martha Argerich, Mischa Maisky, Yo-Yo Ma et Keith Jarrett, liens rapprochés avec des compositeurs tels Philip Glass, Alfred Schnittke, Arvo Pärt, John Adams, Luigi Nono, Sofia Guibadulina, Valentin Silvestrov et Lera Auerbach : la feuille de route de Gidon Kremer en jette plein la vue. On pourrait imaginer un personnage inaccessible, qui sillonne les couloirs aériens de la planète, déposant des valises griffées dans les suites les plus luxueuses, revenu de tout. Moins de deux minutes d’entretien avec le violoniste suffisent pour saisir que, même à 63 ans, l’immobilisme est proscrit de sa démarche artistique. « Je n’ai pas de recette, mais j’aime toujours être surpris par les autres, suivre les gens et les artistes qui ont une vision, explique-t-il d’un débit rapide, presque fébrile.  C’est un grand privilège que de travailler avec des compositeurs, de comprendre comment une musique jamais entendue auparavant peut prendre vie à partir d’un manuscrit. » Aucun faux semblant, aucune formule convenue : pour lui, la musique doit impérativement atteindre l’âme et parler directement au cœur. Les artistes qui l’inspirent le plus – il n’hésite pas à évoquer dans un même souffle Maria Callas, Jacques Brel et Leonard Bernstein – « vivent la musique, se laissent brûler par elle ».

Vous pouvez lire la suite de cet article, en couverture du numéro de novembre de La Scena Musicale, en version flash ici et en PDF là. Il y a des jours où je me considère très privilégiée de pouvoir faire de telles rencontres... J'ai hâte de l'entendre en concert avec la Kremerata Baltica jeudi soir...

jeudi 28 octobre 2010

Je ne veux pas mourir seul

Vaguement déçue par certaines lectures récentes, j'hésitais. Quel livre de ma PAL saurait-il me réconcilier avec l'écriture, le plaisir de lire, réveillerait une certaine sensibilité? Après quelques hésitations, le choix m'est apparu, limpide: le dernier livre de Gil Courtemanche, prêt de mon ami No qui avait adoré.

Vous me direz que j'ai des lectures plutôt lourdes pour célébrer l'arrivée (tardive) de l'été des Indiens. Et pourtant... Ce souhait de vivre en suspension une ou deux journées de plus, avant d'accepter l'arrivée de l'hiver, s'est révélé un contrepoint étonnant à cette autofiction dans laquelle l'auteur s'appesantit beaucoup moins sur son combat de la maladie que sur la difficulté d'apprivoiser l'absence de la femme aimée. 
« Je viens de passer trois saisons sans toi. Je ne les ai pas vues naître ni mourir. Tout m'est familier, mais je navigue lourdement en pays étranger, passager d'une sorte de vaisseau fantôme qui revient sur un océan qu'il avait déjà traversé. Tout m'est familier, mais je ne suis pas chez moi. Tu es mon pays, ma ville, mon quartier, ma rue et ma maison. Je suis un habitant de toi. » (p. 134)

Avec une plume d'une rare précision, qui ne tombe pourtant jamais dans la froideur du scalpel, presque tendre, qui sait éviter tout misérabilisme, Gil Courtemanche redonne ses lettres de noblesse au genre de l'autofiction. Qu'il ait vécu cette histoire en tout ou en partie ne change au final absolument rien. Aucune volonté de voyeurisme chez le lecteur, aucune nécessité de décrypter l'information, de tenter d'extraire le vrai du faux. L'œuvre est bien plus que cela: réflexion sur l'après (la vie, la maladie, l'absence de l'être aimé), dénonciation (qui ne devient jamais polémique) des aberrations de notre système de santé, regard sur cette société qui devient de plus en désincarnée mais surtout, pure littérature. De pouvoir plonger dans un texte d'une telle profondeur est devenu un plaisir trop rare.