vendredi 29 juin 2012

L'été

Variations fantômes de Philippe B est sans nul doute l'album québécois qui m'a le plus séduite dans la dernière année, par son utilisation de matériau classique assumée, ses paroles parfois décalées, son unité palpable (avoir récemment entendu aux Francofolies l'intégrale m'a confirmé le tout). Je vous propose, fort à propos vous l'admettrez, L'été et ses « emprunts » à Vivaldi.

mardi 26 juin 2012

Puttin' on the Ritz

Un flashmob particulièrement jouissif, à regarder jusqu'à la fin...

dimanche 24 juin 2012

Joyeuse Saint-Jean

En partage, une vieille chanson d'Harmonium parce que, peu importe où ou quand je l'entends, elle me met de bonne humeur.

Bonne fête Québec!

samedi 23 juin 2012

Là-bas, là-bas

Au moment où vous lirez ces lignes, je serai en sol français, dans une salle du Conservatoire de Bourges ou sur la route de Nevers. Si je me fie à la non-coopération des réseaux wifi la dernière fois que j'étais à Paris, je ne veux pas vous promettre que je pourrai venir vous faire un petit coucou ou vous proposez une recension de livres ici ou là. Mais n'ayez crainte, je vous propose d'ici mon retour un jukebox éclectique, pour que vous ne vous ennuyiez pas trop de moi.

jeudi 21 juin 2012

Fête de la musique

Journée la plus longue de l'année (et peut-être bien la plus chaude ici, ouf!), mais surtout, fête de la musique pour nos amis européens. Malheureusement, la contagion ne s'est pas propagée au continent nord-américain mais, pour moi, chaque jour ou presque est fête de la musique!

Je prends donc le thème à contrepied et vous propose des citations de compositeurs, plutôt que des musiques. Vous saurez choisir quelle œuvre de chacun correspond le mieux à votre état d'esprit. Que la fête se poursuive!


Il me semble que la musique doit toucher avant tout le cœur
Carl Philip Emanuel Bach

Le plus beau pont pour exalter l’humanité : la musique
Alban Berg

La musique est le plus poétique, le plus puissant, le plus vivant de tous les arts. Elle devrait aussi en être le plus libre.
Hector Berlioz

Après tout, qu’écoutons-nous quand nous écoutons un compositeur? Il n’a pas besoin de nous raconter une histoire comme le romancier; il n’a pas besoin de « copier » la nature comme le sculpteur; son œuvre n’a pas besoin d’une fonction pratique immédiate comme le dessin d’un architecte. Qu’est-ce qu’il nous donne alors? Seulement une réponse me semble possible : il se donne lui-même à nous.
Aaron Copland

Rien n’est plus musical qu’un coucher de soleil.
Claude Debussy

Toutes les musiques sont une conspiration contre le silence.
George Gershwin

L’amour de l’art change de caractère avec l’âge; comme le vin en vieillissant, il se dépouille et s’améliore.
Edvard Grieg

Nous ne composons pas – nous sommes composés.
Gustav Mahler

Le génie c’est ce qu’aucun professeur ne peut détruire.
Wolfgang Amadeus Mozart

 L’inspiration n’est que la récompense du travail quotidien.
Maurice Ravel

Éclairer la profondeur du cœur humain, voilà la mission de l’artiste.
Robert Schumann

Le compositeur ne doit pas se renfermer en lui-même et songer à l’art; il doit vivre avec ses semblables et faire de son art une expression de toute la vie de la communauté – si nous cherchons l’art nous ne le trouverons pas…
Ralph Vaughan Williams

lundi 18 juin 2012

Les mots pour le dire

Dans quelques jours, le troisième numéro de Lu si..., qui souligne en mots la Fête de la musique, sera entre les mains des lecteurs. Peut-on dire, écrire la musique? Mendelssohn croyait que « les notes ont un sens pour le moins aussi précis que les mots, même si elles ne peuvent se traduire par des mots ».  Tchaïkovski exprimait cette même idée autrement: « Non, les mots seuls ne suffisent pas et, là où ils sont impuissants, se présente tout armé un langage plus éloquent, la musique. »

Hier, j'étais en conversation écrite (les oxymores de la technologie) avec un ami et j'ai pu constater une fois encore les limites du langage pour transmettre non pas la musique, mais ce qu'elle représente. Il pensait avoir réussi à me cerner en m'apposant l'étiquette de « mélomane mélancolique ». Tout de suite, je me suis insurgée: « Je suis plus qu'une mélomane, je suis musicienne. » La définition de mélomane, « personne qui aime beaucoup la musique », semble à première vue adéquate. Pourtant, elle ne décrit pas la profondeur de mon amour. Un instant, il a eu peur de m'avoir heurtée, s'est excusé sur le champ. Je l'ai rassuré en expliquant que, de fait, je n'étais pas du tout fâchée, mais que, une fois encore, je venais de réaliser les limites du français. Peut-être faudrait-il que j'invente - réinvente à chaque rencontre - le mot qui décrirait le mieux ce lien viscéral, organique, naturel que j'entretiens avec la musique.

J'ai peut-être parlé avant de jouer d'un instrument (même si je me rappelle parfaitement du petit piano-jouet sur lequel je jouais à deux ou trois ans), mais je me demande au fond si je n'ai pas appris à articuler ma pensée en musique avant de le faire en mots. Et si la musique était au fond ma langue maternelle...

samedi 16 juin 2012

Amour debout

Au premier contact, Amour debout déroute. Les mots, épars, pourtant lourds, glissent, frôlent, froissent parfois. On les laisse se déposer une première fois, voile de tristesse plutôt que sédimentation du propos. On referme le recueil, sans pourtant avoir le réflexe de le ranger, en sachant que l’on n’a perçu que le souffle des mots, que l’on n’a pas encore réussi à extraire l’essentiel, que Mélina Bernier nous a laissés sur le quai ou plutôt que nous n'avons pas encore reconnu l’évanescence de la douleur vécue au quotidien.

Quelques jours, semaines, plus tard, dans un autre lieu, on y revient, une fois, deux fois. Les textes courts, morcelés, proches du haïku, mais refusant les règles du genre, commencent à nous atteindre. La langue semble moins abrupte, écorchée certes, parfois hostile, mais non dépourvue d’une grande délicatesse. Voie lactée / amour debout / nœud de doute / appelle / ce paysage / halluciné.  On y croise des amoureux sans doute blessés (chambre / une rencontre / décisive / il y aura / ce claquement / de langue), des déracinés de la violence (en périphérie / le garçon siffle / un blindé / cahote / entre les mines / la machine), des oubliés (famine / vaste sol / jambes frêles / habitent / l’obscur), mais surtout des êtres privés de parole, que personne ne prend le temps de voir (nomades / après le séisme / un attroupement / dérange / autour des cabanes / bancales), d’entendre (corridor de monde / désuète / la parole / cette lenteur). C’est à ce moment précis que l’on perçoit le recueil, mais surtout le monde qui nous entoure, autrement.

Certains considéreront peut-être ces fragments arides; les autres sauront déceler la cohérence et la force qui se dégagent de l’ensemble. A-t-on besoin de comprendre les moindres articulations d’un récit pour en discerner la profonde humanité, la troublante fragilité? J’aimerais penser que non.

Soulignons en terminant la magnifique couverture de Suana Verelst, qui nous amène immédiatement ailleurs.

vendredi 15 juin 2012

Prendre la route

Alors que plusieurs songent à prendre la route, pour un weekend prolongé, quelques semaines, tout l’été, nous vous proposons une série de voyages, aussi bien réels qu’intérieurs. Notre recrue du mois, Sur la 132 se veut un roman d’atmosphères, de personnages, une histoire de délocalisation volontaire, de fuite, de découverte. Certains de nos collaborateurs ont apprécié le dépaysement, d’autres ont eu l’impression de crouler sous l’avalanche de détails. On ne pourra certes pas accuser Gabriel Anctil d’avoir misé sur la tiédeur ou d’avoir une fois pour toutes mis fin à l’éternelle opposition entre grandes villes et région. Il propose plutôt un Québec, son Québec. « L’écriture est essentielle dans ma vie, explique d’ailleurs l’auteur dans le questionnaire. Elle me permet surtout de m’élever au-dessus de la routine et du quotidien, qui peuvent être terriblement abrutissants par moment. Elle me permet aussi de créer un monde, des personnages et de mettre sur papier ma vision particulière du Québec, de notre époque et de la vie en général. »

Je vous invite à lire le reste de cet édito et à découvrir le numéro de juin de La Recrue du mois ici...

mercredi 13 juin 2012

Concours Géza Anda

Les lauréats du Concours Géza Anda, qui se tient tous les trois ans à Zurich, ont été annoncés hier. Deux Russes se sont hissés sur les plus hautes marches du podium, Elmar Gasanov (2e prix et Prix Schumann) et Varvara Nepommyashchaya (1er prix, prix Mozart et prix du public). Le Sud-Coréen Sol Da a dû se contenter de la troisième position. Le concours vise à découvrir et faire la promotion de jeunes pianistes qui prolongeront le legs du pianiste hongrois Géza Anda. La fondation Géza Anda offre un encadrement gratuit aux lauréats pour une période de trois ans (jusqu'à 200 concerts).


Si, comme moi, vous n'avez pas pu suivre en direct les récitals (segment le plus intéressant selon moi), l'épreuve concerto de Mozart ou la finale (concerto), vous pouvez rattraper le temps perdu sur le site du Concours. Vous pouvez par exemple écouter le récital de la lauréate du grand prix (son et vidéo) ici.  Varvara possède un jeu remarquablement dépouillé de tout esbroufe, mais d'une belle profondeur.

mardi 12 juin 2012

Appel aux acteurs du milieu culturel

La lecture du billet de Marc Cassivi ce matin dans La Presse, « La violence et l'intimidation », m'avait déjà interpellée profondément. On vient de me transmettre également le texte suivant, que je me permets de reproduire ici, histoire de diffuser l'information au plus grand nombre. Vous avez jusqu'à demain pour envoyer votre nom à lettrealaministre@gmail.com

Ceci est un appel à tous les acteurs du milieu culturel afin de dire haut et fort et d’une seule voix que la rhétorique de la peur dont use le gouvernement pour justifier de l’usage de la force est dangereux, indigne d’une société démocratique et extrêmement violent. Face aux propos de la ministre de la Culture, qui estimait que le carré rouge est le symbole de la violence et de l’intimidation, nous nous devons de combattre le mépris affiché et persistant de nos représentants politiques vis-à-vis notre intelligence.
Nous attendons des milliers de signatures. Le délai est court parce que le temps presse.SVP, envoyez votre nom à lettrealaministre@gmail.com avant mercredi (demain).
Nous compilerons les signatures et enverrons la lettre par courriel à la ministre, à l'opposition, à QS ainsi qu'aux principaux quotidiens, hebdomadaires et véhicules d'information pertinents.


lundi 11 juin 2012

Utop

Sa plume dépèce, magnifie, cisèle. Marie-Christine Arbour possède une façon unique de manipuler le langage, entre poésie sublimée et objectivité presque journalistique, et manipule les aphorismes avec une minutie de joaillière. « Nous nous sommes connus, oui, un peu comme des gouttes d’eau qui roulent sur une feuille avant de fusionner » ou encore (je devais partager au moins une citation « musicale ») « Mes lèvres forment des mots que la musique efface. C’est comme si j’embrassais la nuit. »

Après avoir dressé un bouleversant tableau d'amours ambiguës (entre un travesti pianiste et une jeune peintre incapable d'assumer entièrement sa féminité) dans Drag, l'auteure propose cette fois une incursion dans la jungle équatorienne, à la fin des années 1970, alors que l'écotourisme n'existait pas, que l'aventure se vivait autrement, que certains citadins oubliaient la routine métro-boulot-dodo en repoussant dans ses derniers retranchements leur zone de confort.

Leucid Roy, suppôt de boîtes de nuit, à la bisexualité trouble et troublée, cherche à fuir, à se fuir. Il n'avait pas prévu qu'il serait happé par la beauté farouche de la jungle, que des dangers réels guetteraient le groupe, qu'il s'attacherait à ce joueur d'échecs désabusé, à ce jeune homme en quête de sens, à cet ancien mannequin, à ce couple qui cherche par tous les moyens à concevoir un enfant. Si on suit d'abord les protagonistes avec un détachement presque anthropologique, on finit par ressentir l'oppression et la majesté des lieux de façon presque organique. Rares sont les auteurs qui réussissent d'aussi étonnante façon à entrer dans la tête de leurs personnages, à les faire vivre de l'intérieur, à nous pousser au questionnement à travers leurs gestes, peu importe s'ils semblent de prime abord à des années-lumière du vécu du lecteur.

« À sa manière, Michel sait que la vie est théâtre, que le théâtre est un rêve, que le rêve est l’envers de la vie. » Un très puissant voyage aux confins de soi, de l'autre.

On peut lire un extrait du roman ici...

samedi 9 juin 2012

Mira

Parce que c'est le weekend, que l'on peut prendre le temps de respirer quelques instants et rêver d'être ailleurs, que la voix de Melody  Gardot séduit encore une fois, que les enfants du clip possèdent cette étincelle incroyable dans le regard...

jeudi 7 juin 2012

Le Canadien Philippe Sly sur la plus haute marche

Le baryton-basse canadien de 23 ans Philippe Sly aura réussi l’exploit de se hisser sur la plus haute marche du podium du CMIM, coiffant l’Américain John Brancy (3e prix) et la Suissesse Olga Kindler (2e prix) au fil d’arrivée. Son choix de répertoire plus tourné sur l’intériorité que l’esbroufe en finale aura finalement servi le chanteur, un choix qui en dit long sur les attentes du jury.

Vous pouvez lire mon compte-rendu de la seconde soirée de finale ici. En partage, le grand gagnant dans Der Erlköning de Schubert. Une brillante carrière se dessine...

Fanfare in situ

Vous savez que j'aime les événements qui rendent plus floues les frontières entre les genres. Je vous propose donc de participer demain soir, dans le cadre de Nuit blanche sur tableau noir, à un événement musical extérieur et gratuit, sur l'avenue Mont-Royal (intersection Mt-Royal et Henri-Julien à 19 h, Mt-Royal et Mentana à 21 h). Portés par la pulsation des percussions, 50 cuivres séparés en 10 petits groupes, formés des membres de Magnitude6, d'étudiants, d'amateurs et de professionnels, émergeront des rues transversales du quartier pour former la Fanfare in situ, qui interprètera une composition d'Espaces sonores illimités (Alain Dauphinais, Alain Lalonde et André Hamel) et de Michel Smith. Une expérience musicale entre la flash mob et l'art contemporain. Ça promet...

Détails ici...



mercredi 6 juin 2012

Premier soir de finale

La première soirée de finale du CMIM nous aura permis d’entendre trois voix graves d’homme en une même soirée, un luxe rare. Il faut admettre que les comparaisons de timbre, d’articulation, d’expressivité, se font aussi également alors plus facilement.

Vous pouvez lire ce que j'ai pensé des quatre candidats ici...

mardi 5 juin 2012

Sauver Mozart

Étrange objet littéraire que Sauver Mozart, premier roman de Raphaël Jerusalmy, ancien agent des services secrets israéliens reconverti dans l'humanitaire, maintenant marchand de livres anciens à Tel-Aviv. On y suit Otto Steiner, ancien critique et musicologue, Autrichien tuberculeux qui attend la mort dans un sanatorium, à travers son journal, du 7 juillet 1939 au 2 août 1940, d'un festival de Salzbourg à un autre, alors que la carte géopolitique est en profonde mutation. Il écrit, sur son quotidien, les privations, les parties d'échecs avec d'autres malades, ceux qui gravitent autour de l'organisation, les concerts qu'ils rêvent d'entendre, les interprétations charcutées d'œuvres pour lui sacrées, celles de Mozart en particulier.
« Je comprends le désarroi de Hans. Cette ingérence des nazis dans le programme du Festpiele est inadmissible. Révoltante. Faire du festival un vulgaire outil de propagande, un amusement troupier, c’est un comble. Prendre Mozart en otage. L’avilir ainsi. N’y a-t-il donc personne pour empêcher un tel outrage? »

Il consigne la chute du monde, de son monde: invasion de la Pologne, ouverture de la chasse aux Juifs et aux Gitans, capitulation de Paris... Il songe même à tuer Hitler, mais la futilité de son geste ne lui échappe pas. Doit-il se suicider? Que peut-il transmettre à son fils, parti en Palestine? De plus en plus malade, il se bat néanmoins,  la concrétisation de son ultime geste de résistance (musical, que je tairai ici) devenant implacable revanche.
« Je me souviens de centaines d’airs, des paroles de tous les grands opéras, en italien, en allemand, en français, des noms des maestros et des divas, des applaudissements. Ils résonnent dans ma tête. Ils me battent les tympans. S’ils me prennent la musique… »

Une écriture revêche plus que mélodique, fracturée comme le souffle de son narrateur, qui ne laisse aucunement indifférent.  
« Je n’ai jamais aussi bien compris la musique depuis que je n’en écoute plus… Pas besoin de gramophone. Ni de partition. Le génie musical, c’est le souffle qui traverse La Flûte enchantée avant même qu’elle n’émette un seul son. L’attente qui précède l’entente. C’est le geste, l’attitude, l’émotion. Rien à voir avec les notes. »

La finale du CMIM commence ce soir

« Un concours, ça ne change pas le monde, sauf que… » Si les téléréalités semblent entretenir le mirage de la célébrité instantanée, l’univers de la musique classique croit toujours en la nécessité d’offrir aux jeunes artistes des défis à la hauteur de leurs aspirations.

Ainsi, en juin 2002, le Concours Musical International de Montréal couronnait sa première lauréate, Measha Brueggergosman, soprano canadienne qui mène depuis une carrière stellaire, qui l’a propulsée au sommet des palmarès, sur les grandes scènes du monde ou aux cérémonies d’ouverture des Olympiques de Vancouver.
Devenu un incontournable du circuit des concours internationaux grâce à l’excellence de ses candidats, la notoriété de son jury, la générosité de ses bourses et les multiples engagements proposés aux gagnants, le CMIM a reçu cette année 159 inscriptions de 31 pays. De ceux-ci, ils restent huit finalistes (dont 3 Canadiens), qui, accompagnés par l'Orchestre symphonique de Montréal sous la direction d'Alain Trudel, tenteront de séduire jury stellaire et public gourmand.

Si, comme moi, vous avez raté quelques récitals de demi-finales, vous pouvez vous rattraper ici... Les finales seront diffusées en direct à partir de 19 h 30 à la même adresse. Pour ma part, je serai en salle.

dimanche 3 juin 2012

Apprendre à dire au revoir

Certains jours, en tant que prof, on ressent de petits pincements au cœur, par exemple quand on doit dire au revoir à un élève auquel on s'est attaché. Parfois, cette rupture se fait après plusieurs années, alors que l'élève entre à l'université par exemple et manque alors de temps pour s'investir dans une pratique quotidienne. On sait alors qu'au détour d'un concert, on le croisera peut-être et que la conversation se poursuivra comme si elle n'avait jamais été interrompue. Quand on parle une langue commune, on se reconnait facilement...

Et puis, il y a les destins de la vie. C'est ainsi qu'il y a deux jours, j'ai dû dire au revoir à une petite puce qui ensoleillait mes vendredis après-midi. Un sourire qui me faisait craquer à chaque fois, une voix tout en douceur, un pétillant dans le regard, même quand je faisais semblant de la sermonner par: « Non, mais tu veux ma mort? Tu as encore oublié ton fa dièse! » Elle riait alors de bon cœur et reprenait, sans protester.

Vendredi, elle est arrivée sérieuse comme un pape. Elle m'a tendu une boîte de chocolats, puis m'a simplement dit: « Merci de m'avoir appris la musique. » Ensuite, elle a sorti un coin-coin, qu'elle avait fait elle-même. Au départ, m'a expliqué sa mère, elle voulait faire un dessin de nous deux au piano, mais l'instrument est si difficile à dessiner (et à maîtriser). Sous les cases, au lieu des gages, elle avait simplement écrit les huit notes de la gamme, pour que je puisse faire chanter les autres. J'ai trouvé son concept parfaitement génial.

Elle déménage de l'autre côté de la grande mare et, à partir de maintenant, je devrai me contenter de la regarder grandir de loin. Je croise les doigts qu'elle trouve un prof sympa là-bas, à Lyon, qui saura faire germer la graine qui a été semée.

vendredi 1 juin 2012

Guyana

Je lis un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, selon les périodes, mais je n'avais encore jamais lu « en groupe ». Oui, bien sûr, d'une certaine façon, La Recrue du mois pouvait à ses débuts être considérée comme un club de lecture virtuel sauf que, même si nous lisions bien sûr les commentaires des autres collaborateurs, cela relevait plutôt de la juxtaposition d'impressions. Il y a quelque temps, Kikine a décidé de faire renaître de ses cendres un club de lecture et d'y intégrer de nouveaux membres (dont moi, vous l'aurez compris). Premier livre « partagé » hier: Guyana d'Élise Turcotte. Nous avons eu une réponse presque mathématique à la question: « Lit-on jamais le même livre? » En effet, les opinions étaient franchement tranchées, presque précisément moitié moitié. On aime beaucoup ou pas du tout; aucune tiédeur, aucune zone grise dans ce cas précis. Il y a là quelque chose d'assez troublant à « défendre » un titre dans de telles circonstances (la dynamique du Combat des livres m'est alors apparue sous un nouveau jour).

Vous souhaiterez peut-être savoir de quel côté mon vote a fait pencher la balance? J'ai beaucoup aimé l'écriture d'Élise Turcotte, très chargée poétiquement, la façon dont elle cisèle chaque phrase, qu'elle s'attarde sur la peinture d'atmosphère, que d'un matériau des plus sombres, elle réussisse à en extraire la lumière. Une citation musicale pour le démontrer: « J'ai toujours aimé chanter, Philippe le sait bien. Mais je n'ai pas eu assez de volonté pour en faire une carrière. Il était trop tard pour m'y mettre. N'empêche, la musique restait une présence capitale dans ma vie vie concrète, en partie d'ailleurs parce qu'elle flamboyait dans ma vie rêvée. » Des pages remplies de délicatesse, superpositions de non-dits qui s'annulent autant qu'ils se complètent, qui me pousseront à relire cette auteure.