mardi 30 novembre 2010

Du mélange des genres

Je suis choyée. Cette semaine, j'aurai le privilège d'assister à trois événements, qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre, mais qui brouillent avec conviction les frontières entre les genres.

Ce soir, je me glisserai Église St-James United pour voir la troupe allemande de hip-hop Flying Steps qui juxtaposera aux douze premiers préludes et fugues du premier volume du Clavier bien tempéré de J.S. Bach (tantôt interprétés au piano, tantôt au clavecin, tantôt échantillonnés) des mouvements acrobatiques dans le spectacle Red Bull Flying Bach. Certains hausseront peut-être les sourcils mais, selon moi, s’il y a une musique classique qui se prête aux relectures, c’est bien celle de ce cher Bach.



Vendredi, ce sera la frontière entre pop et musique contemporaine qui, cette fois, deviendra symbolique dans un spectacle intime mettant en vedette Pierre Lapointe et le Quatuor Molinari. Les arrangements musicaux créés spécialement pour le concert par les étudiants en composition du Conservatoire permettront de découvrir une vision des plus contemporaines des chansons de Lapointe. (Je trépigne...)


Dimanche, le metteur en scène Daniele Finzi Pasca revisite l'univers du dramaturge Anton Tchekhov dans un spectacle qui unit théâtre, danse, acrobatie et musique. Je vous en reparle car j'ai eu le grand plaisir de m'entretenir avec l'artiste récemment et cet article fera la couverture du magazine La Scena dès jeudi.

dimanche 28 novembre 2010

Haut de gamme

J'aime recevoir des paquets, surtout quand ils me parviennent des semaines en avance sur mon anniversaire. (Mieux vaut trop tôt que trop tard, non?) Dans celui-ci, Caro_Carito m'avait glissé une bande dessinée absolument délicieuse, Haut de Gamme (volume I), sous-titrée Bas de gamme. Binet (le papa du désopilant Bidochon) signe ici une BD qui plaira aussi bien aux musiciens amateurs que professionnels. On y retrouve le professeur ronchon type - c'est pas moi, je le jure! - qui subit, jour après jour, les interprétations plus ou moins convaincantes d'étudiants plus ou moins doués. Parmi ceux-ci, l'enfant hyperactif (un modèle disponible en plusieurs exemplaires semble-t-il), la dame qui prend des notes pendant que le prof lui parle du Prélude opus 29 no 4 de Chopin à la troisième personne du singulier (des planches jouissives de vacherie... d'ailleurs, l'auteur glisse en exergue de son livre « pardon Chopin ») ou le veuf à qui les fa dièse font penser à sa défunte épouse et refuse de les jouer dans sa sonate de Mozart.

Le trait de crayon et les dialogues sont mordants mais on sent chez Binet un profond amour de la musique classique (il est d'ailleurs lui-même accordéoniste et compositeur), ce qui lui permet de toujours garder une certaine tendresse même quand il semble près de dépasser les bornes. Je me suis esclaffée à plus d'une reprise lors de cette lecture et, depuis, laisse « traîner » le bouquin pour en partager des extraits avec des élèves adultes (dont celui qui joue l'« infâme » Prélude de Chopin!) et ai trop hâte au deuxième tome. Merci Caro!

Une entrevue avec l'auteur et une petite planche en partage...

vendredi 26 novembre 2010

La musique dans ma vie...

Toutes les swappées ont reçu leur paquet, toutes ont couiné (allez, admettez-le)... Alors, en bonus, aujourd'hui, pour les fans, les dessous du swap. (Vous savez comme ces extras disponibles lorsqu'on écoute un DVD?) Ce que j'ai préféré en tant qu'organisatrice? Mais non, pas déballer mon cadeau (quoi que, c'était très émouvant parce qu'il venait de Catherine... et, oui, je suis en train de lire Lyonel Trouillot depuis hier). Planifier le paquet de ma swappée? C'était sympa, ça aussi, je l'admets. Non, ce que j'ai préféré, c'est de lire les réponses des participantes à mon questionnaire, parce que, quand on aborde le registre musical, on touche souvent à quelque chose de très intime, qu'on soit musicienne ou non. Rassurez-vous mesdames, je n'ai aucune intention de partager ici vos secrets. Je me contenterai de révéler quelques-unes de mes propres réponses, en tout simplicité.

Quelle importance a la musique dans ta vie?

J’en mange depuis que depuis toute petite. Comme Obélix, je suis tombée dedans! Si j’ai grandi d’abord en écoutant exclusivement du classique (jusqu’à l’âge de 12 ans, lorsque j’ai découvert la pop avec les Beatles!), mes parents étant fervents mélomanes et m’amenant pratiquement toutes les semaines au concert classique, j’ai rapidement apprivoisé les autres genres musicaux. J’écoute aussi bien du classique que du jazz, de la musique contemporaine « pointue », du spoken word que de la pop. Je n’écoute pas constamment de la musique mais elle occupe une grande part d’une journée type (moins en soirée, par contre).

La musique classique : tu en écoutes, elle te fait peur, elle t’indiffère?

Elle ne me fait aucunement peur, bien sûr! Mais ce que je préfère, c’est découvrir de nouveaux trucs : œuvres contemporaines, compositions qui m’avaient échappées, nouveau type de répertoire (par exemple, si je connais très bien la littérature pour piano et le répertoire symphonique, je réalise que j’ai de grandes lacunes en musique de chambre, notamment par rapport au quatuor à cordes). Je suis excellent public, sauf pour les trucs trop crossover qui m’horripilent (André Rieu, au secours!)

Jazz : qu’en penses-tu? Certains artistes te font-ils vibrer?

J’aime beaucoup le jazz. Surtout si un pianiste fait partie du groupe (ou c’est un disque piano solo), je vais craquer. J’ai plusieurs enregistrements de Miles Davis et de Ketil Bjornsdat, presque tous les titres d’EST (malheureusement, le pianiste leader du groupe est décédé subitement il y a deux ans). J’adore Keith Jarrett (véritable inspiration), Chick Corea, Bill Evans, Thelonius Monk… Côté voix, j’adore Holly Cole et Melody Gardot mais aussi bien sûr la grande, l’inclassable Ella Fitzgerald. Au cours de la dernière année, j’ai notamment découvert Jamie Cullum (dont j’aime mieux le deuxième album que le premier, un peu « sage »), Brad Mehldau, Kurt Elling et Nilss Peter Molvaer.

Musique pop : quel est ton (tes) groupe(s) ou chanteur(s) préféré(s) et pourquoi?

Jeune, j’ai été très new-wave et limite punk : The Clash, Billy Idol mais aussi New Order, Thompson Twins, Naked Eyes, Eurythmics… J’ai sauté la décennie 90 en pop ou presque, constituée essentiellement selon moi de réchauffé. Plus récemment, j’ai aimé le dernier album de Sade et j’aime bien Coldplay, U2, les derniers disques de Rufus Wainwright. (Mon BFF et moi avons d'ailleurs nos billets pour son prochain spectacle montréalais le 7 décembre.)

Côté francophone, j’aime le toujours classique Brel (quand même, quelle puissance!) et, du côté québécois, je suis fan finie de Pierre Lapointe depuis que je l’ai entendu avec l’Orchestre métropolitain. (Je serai dans la salle vendredi prochain, alors qu'il revisitera certaines de ses pièces avec le Quatuor Molinari, j'ai hâte!)

J’aime aussi découvrir les musiques du monde. J’ai complètement craqué après avoir découvert Mariza par exemple. Autre coup de cœur de la dernière année : le Hesse Projekt, un CD double sur lequel des acteurs et chanteurs connus récitent des textes de Hesse sur musique originale.

Une chanson (ou deux ou trois) que tu aurais voulu avoir composées.

En musique classique, j’aurais aimé pouvoir avoir écrit plusieurs des pièces de Mozart. Le Rondo en la mineur par exemple me représente entièrement.
En jazz, Love me live a river does de Melody Gardot est une de celles que je l’ai le plus écoutée dans mon iTunes, suivie de près par In meinen Leben de Nena (de l’album Made in Germany).
En pop, Si j’étais un homme de Diane Tell, Sweet Dreams are made of these d’Eurythmics et Tainted love (surtout la version de Soft Cell).

Ton premier choc musical (peu importe le genre), ce serait?


Mozart raconté aux enfants, mon disque fétiche enfant. Puis la découverte des Beatles à 12 ans.

Ton dernier?

La compositrice Lera Auerbach. En 21e siècle, aussi, Max Richter, que j’ai découvert avec sa trame de Valse avec Bashir (CD que j’ai écouté en boucle sur MusicMe pendant des jours) puis dont j’ai acheté The Blue Notebook et Songs from Before.
En jazz, Brad Mehldau. (Je revisite d'ailleurs mes réponses transmises au son du disque The Art of the Trio: Progression.)

mercredi 24 novembre 2010

Le colis de Tania

Comme Tania est une SBF, je lui cède la parole ici...

Supeeeeerrrrr!!!!

Voilà le premier mot qui m'est venu à l'esprit en découvrant le contenu de mon colis.

Des livres (que je ne connaîs pas et que j'ai hâte de découvrir), des gourmandises, des bijoux magnifiques....Bref que du bonheur!!!

Merci beaucoup et bises à toutes!!!

Échecs et maths

J'avais beaucoup aimé son premier roman, La suppléante, qui mettait en vedette un prof de musique (évidemment, déjà, vous me direz j'étais gagnée d'avance), suffisamment pour partager mon exemplaire et même l'offrir en cadeau tout récemment à Kikine, lors du swap de la rentrée. J'avais donc très hâte de lire le deuxième livre d'Anne Bonhomme, même si les maths semblent à des lieues de mon univers. (Mais, au fond, même si je ne le dis pas trop fort, les mathématiques et la musique sont de plus proches parents qu'on ne peut le penser à prime abord et comprendre la structure d'une œuvre musicale sauve des heures de travail en aveugle.)

Si je ne suis pas très chick lit (en fait, vraiment pas, j'en lis maximum un par année et encore...), je savais que celui-ci serait différent parce que même si certains thèmes classiques y sont abordés - la quête du parfait mec, ici un Adonis policier, qui entretient une relation très intime avec sa muculature mais n'est pas idiot, les questionnements de carrière, la difficile relation que les filles entretiennent avec leur corps -, Anne Bonhomme sait comment ne jamais tomber dans la facilité ou le roman Harlequin déguisé.

Ophélie est actuaire et mène une vie plutôt ennuyeuse, il faut bien l'admettre. Elle a vécu pendant quelques années avec un homme plus âgé, prof de maths à l'université, n'a pas son pareil pour calculer des probabilités (que ce soit dans le cadre de son travail ou au quotidien), économise pour s'acheter un condo. Un soir où, lassée d'être pour la nième fois dans l'ombre de sa soeur, la (trop) jolie Marie-Pier, qui vient d'être sélectionnée pour participer à une téléréalité américaine, elle se fait arrêter pour excès de vitesse. Désemparée, elle raconte son histoire à la policière qui, finit-elle par se rendre compte, est une ancienne amie de sa sœur et, de façon non accessoire, une adepte de la pensée positive.

Elle la traîne dans des séminaires, engage pour elle une styliste: Ophélie amorce un processus de changement, et pas seulement en apparence. Elle retrouve sa meilleure amie, Sandrine, comédienne qui passe des auditions pour entrer au Conservatoire et à l'École nationale de théâtre, rencontre l'homme de sa vie (mais ce dernier cache de troublants secrets) et tente de pratiquer le lâcher-prise. En quelques chapitres, on devient captif consentant de la plume diablement efficace d'Anne Bonhomme et on se glisse avec autant de plaisir dans l'appartement de Sandrine, dans les séminaires de croissance personnelle (délirant!), dans l'autopatrouille, dans les théâtres (le monde est particulièrement bien décrit), dans la chic résidence de ses parents ou même dans l'île de la tentation de cette téléréalité qui ressemble à tant d'autres mais continue de faire rêver les masses. (Astucieux d'intégrer des interchapitres « confessionnal » au roman, d'ailleurs, clin d'œil à cet « essentiel » dérivé du genre!) On referme le livre le sourire aux lèvres et avec l'envie de le prêter sur le champ à une copine.

lundi 22 novembre 2010

Swappées et swappeuse: qui est qui

L'heure de vérité a sonné, les blogueuses partagent aujourd'hui contenus des swaps et couinements. Mais qui était la swappée de qui?

Voici un tableau récapitulatif, avec le lien vers les billets des participantes (on clique tout simplement pour découvrir les merveilles)...

Les Québécoises

De Lucie à Liceal
De Liceal à Kikine
De Kikine à Abeille
D'Abeille à Catherine
De Catherine à Lucie


Les Européennes

De Margotte à Gwenn
De Gwenn à Nahe
De Nahe à Kloelle
De Kloelle à Sarawasti
De Sarawasti à Tania
De Tania à Patacaisse
De Patacaisse à Caro_Carito
De Caro_Carito à Margotte

Swap: mon colis

Nous tenons à avertir nos lecteurs que ce billet pourrait contenir des traces de couinement...

Je n'ai même pas eu besoin de guetter le facteur car mon paquet m'a été livré, en main propre, par nulle autre que la charmante maman de ma swappeuse, Catherine, une journée plus tôt qu'entendu. Évidemment, aucune surprise au sujet de l'identité de ma swappeuse, puisque, n'est-ce pas, en tant qu'organisatrice, j'étais celle qui lui avais transmise mon questionnaire mais, peu importe, j'avais très hâte de découvrir mon paquet.

Comme j'étais en plein milieu d'un cours, j'ai dû attendre pour ouvrir le paquet qui, il faut bien l'admettre, ne pouvait qu'attirer le regard de l'élève (une adolescente, à qui j'ai expliqué le concept du swap sur le champ, en tentant - difficilement - de maîtriser les couinements dans ma voix). C'est quelque chose, non?

Une fois les élèves partis (parce que, non, en plus, ce n'était pas la dernière de la journée, soupir...), j'ai fait glisser le tiroir et ai tout de suite reconnu le chic minimaliste de Catherine (amie de La Recrue, que j'ai eu le plaisir de rencontrer à quelques reprises déjà et avec laquelle j'ai échangé une pléthore de courriels « techniques » concernant la gestion du site).

Point de départ, donc, la carte. J'avais très hâte de découvrir quel angle elle allait aborder. Le morceau d'elle-même qu'elle partageait était tout simplement son livre préféré, L'amour avant que j'oublie de Lyonel Trouillot... « parce qu'il parle d'amour... et qu'il commence par une chanson ». Je n'ai entendu que de belles choses au sujet de l'auteur mais n'ai encore rien lu de lui. Je peux déjà vous assurer que le livre ne dormira pas très longtemps dans ma PAL. Aimant se donner des défis, Catherine a donc décidé d'intégrer de près ou de loin Haïti à tous les objets dans son paquet. Elle y a donc glissé un disque d'Emeline Michel, une chanteuse créole que j'ai découvert avec plaisir (une voix sublime, une musique qui déborde de chaleur et des arrangements très intéressants) et un deuxième livre, Jazzman de Stanley Péan (auteur que je n'ai lu que dans les journaux ou magazines mais jamais en livre).

En bonus, elle a glissé un calendrier 2011 de jazz, justement, tout simplement magnifique, qui me permettra de penser à elle tout au long de l'année.

Côté gourmandises, évidemment, la contrainte devenait plus difficile à gérer. Elle ne pouvait quand même pas m'offrir du sucre de canne ou carrément du rhum, trop facile... Elle a donc opté pourL'Intrigant (c'est son nom), un délicieux gâteau aux pistaches et à la pâte de goyave. Dommage, vous passez trop tard, il n'en reste plus. (Comment ça, j'aurais pu partager?)


Merci tout plein Catherine pour ce super paquet de swap. Tu es la meilleure! :)

samedi 20 novembre 2010

Béatrice et Virgile

Certains livres émerveillent, d'autres horripilent. Plus rares, il y a ceux dont on sort troublé, sans trop bien savoir de quel côté faire basculer le fléau de la balance. Quand Béatrice et Virgile a croisé ma route (un collègue le lisait et me l'a prêté la semaine suivante), je n'ai pas hésité. Les critiques avaient été lapidaires (surtout lors de la parution du titre en anglais) mais le sujet m'intriguait suffisamment et, surtout, j'avais beaucoup aimé L'histoire de Pi.

Comme ce dernier, Béatrice et Virgile est une fable animalière, sur l'Holocauste cette fois, sujet délicat (si non tabou) s'il en est un, mais aussi sur l'écriture. Peut-on écrire sur tout? Peut-on se servir d'une page d'histoire et en extraire une trame parallèle qui mènera le lecteur à une compréhension autre de l'événement? L'auteur explique sa démarche dès la page 21:
« La fiction et la non-fiction ne sont pas si faciles à séparer. La fiction n’est peut-être pas réelle, mais elle est vraie; elle va au-delà des amoncellements de faits pour atteindre les vérités émotives et psychologiques. Quant à la non-fiction, à l’histoire, elle est peut-être véritable, mais sa vérité est glissante, difficile d’accès, sans signification exacte qui lui soit attachée. Si l’histoire ne devient pas une histoire, elle s’éteint pour tout le monde, sauf pour les historiens. L’art est la bouée de sauvetage de l’histoire. L’art est la valise de l’histoire, elle emporte l’essentiel. L’art est semence, l’art est mémoire, l’art est vaccin. »

Dans les deux cas, le métaphysique et surtout le tragique sont intimement liés à la trame narrative, de même que le regard de Dieu (ou la perception que peuvent avoir ceux qui le disent inexistant). À n'en point douter, La divine comédie n'est pas loin (les prénoms du singe hurleur et de l'ânesse, « héros » de la pièce écrite par un mystérieux taxidermiste misanthrope, transmise à l'auteur dès le début du roman, en témoignent). On assiste alors à un étrange emboîtement de genres, qui laisse plus souvent qu'autrement le lecteur perplexe. Pourquoi le narrateur de l'histoire, lui-même auteur, prénommé Henry, n'écrit-il plus et décide-t-il de vivre une vie parallèle dans une ville étrangère? Pourquoi lit-il jusqu'au bout la nouvelle La légende de Saint Julien l'hospitalier de Flaubert, dont de larges passages ont été surlignés par un mystérieux inconnu... qui lui aussi s'appelle Henry? Quel élément joue la pièce de théâtre de ce dernier dans l'histoire? Pourquoi la rencontre entre les deux est-elle inévitable? Autant de questions qui font trébucher le lecteur, le force constamment à s'arrêter, à revenir sur ses pas, à essayer de comprendre les multiples niveaux des allusions, parfois un peu trop grossièrement soulignées?

On grince des dents et pourtant, on continue d'avancer. Et puis, tout à coup, tout déboule. Le rythme se resserre, l'horreur se dévoile et on tourne les pages, le souffle court et le cœur lourd. Après lecture des « jeux pour Gustave » proposés en annexe, on mesure l'ampleur du défi qu'a souhaité relever l'auteur et comment la blessure universelle est encore vive. En passant de la fable à la brutale réalité, j'ai eu la même impression qu'à la fin de Valse avec Bashir, quand les images au crayon sont remplacées par une vidéo historique. Le choc est brutal, presque insupportable et pourtant, quelques jours après, on continue d'être habité par le propos. Parle-t-on d'une lecture pour tous? Certainement pas. Change-t-elle la perception qu'on peut avoir d'une histoire qu'on croyait éculée à force d'être racontée? Peut-être bien. A-t-on affaire à une œuvre? Absolument.

vendredi 19 novembre 2010

Bientôt la Sainte-Cécile

Plus que trois jours avant le dévoilement des colis du swap. Ça couine dans les chaumières... Je déteste Noël mais ai un peu eu l'impression de me transformer en fée des étoiles au cours des dernières semaines, que ce soit en ayant vaguement répondu à certains questionnements de swappeuse (« Tu crois que ma swappée aime les bagues ? » ou « Entre tel album et tel autre du même compositeur, tu choisirais quoi, toi? ») ou en les rassurant (« J'ai peur que ma swappée n'aime pas trop mon paquet, tu crois qu'elle sera déçue? ») ou tout simplement en m'assurant que tous les paquets avaient bien quitté leur port. (Il n'en reste plus qu'un seul à trouver destinataire!) J'admets avoir encore plus hâte de découvrir les colis des participantes que de révéler le mien (que j'adooooooore, bien sûr, mais chut...) Morale de cette histoire: les dessous des swaps sont (presque) aussi glamour que la réception des colis.

En attendant, demain, ça couinera aussi un peu (beaucoup, passionnément?), puisque nous serons quelques blogueuses à prendre d'assaut le Salon du livre de Montréal. Si vous nous croisez (Karine, Kikine, Abeille, Pimpi et compagnie), surtout, n'hésitez pas à nous sourire... et, pourquoi pas, à vous joindre à nous!

mercredi 17 novembre 2010

Zanipolo

Venise, 18e siècle, âge d'or d'une certaine effervescence musicale, où les chanteurs sont rois et les ensembles de jeunes orphelines légion. Un mystérieux couple de jumeaux siamois, Giovanni (Zani) et Paolo (Polo), enchante autant qu'il révulse. Doit-on conspuer le monstre, encenser les artistes? Paolo est un libertin homosexuel qui multiplie les conquêtes alors que Giovanni semble effrayé par les plaisirs de la chair... jusqu'à ce qu'il chante avec la belle Maddalena. Mais rien ne sera simple pour les amoureux qui auront à déjouer jalousie, embrouilles politiques et incompréhension de leurs concitoyens.

Marc Ory privilégie une langue fluide, toujours très musicale (même si, somme toute, les références directes à la musique se révèlent assez peu nombreuses).
« Galuppi, le Buranello, n'avait-il pas l'habitude de dire que sa musique, on devait la voir. Regarder une peinture avec les yeux, c'était bon pour les aveugles. Écouter la musique avec les oreilles, c'était bon pour les sourds. Il pensa à sa femme, la belle Maria, morte en couches. Lorsqu'il la caressait, ne lisait-il pas sa peau comme une partition de musique? » (p. 12) 
Avec doigté, il réussit à aborder avec autant de grâce les registres du mystère, de l'humour que de la passion, tout en réussissant à dresser un portrait d'une Venise qui vit à la fois à l'heure des joutes de pouvoir et d'une certaine luxure assumée. (Chapeau ici à l'auteur qui réussit à ne pas franchir la très mince ligne entre l'évocateur et le scabreux.) On entend, on voit, on sent, on ressent l'époque et on devient témoin fasciné de ce combat non pas tant pour la reconnaissance (les jumeaux deviennent de véritables vedettes) mais pour la pleine acceptation de la différence. L'auteur a d'ailleurs lui-même évoqué en entrevue:
« Cet être double, c'est un peu ce que nous sommes tous. Une part d'ombre, une part de lumière, un côté rationnel et un côté échevelé, hybride, baroque. »

lundi 15 novembre 2010

Éteignez, il n'y a plus personne

Destins parallèles, à peine liés par les hasards du quotidien, amours qui se dissolvent avant même d’être assumées, questionnements intellectuels parfois difficiles à endosser, juxtaposition entre l’effervescence de New York et le calme presque trop plat de Village-des-Rangs : le premier roman de Louise Lacasse fait feu de tout bois et pourtant ne réussit pas à convaincre. La langue est truculente, multiplie les clins d’œil, interpelle le lecteur, se veut virtuose, happe quelques instants l’imagination, mais finit par lasser.

Malgré une certaine originalité du propos, qui s’articule essentiellement autour de l’exode rural et un coup d’œil plutôt décapant sur notre société de performance, il m’a semblé impossible de m’attacher aux personnages ou de souhaiter du moins comprendre ce qui les anime. J’ai dû à plusieurs reprises me faire violence pour ne pas sauter une description, un dialogue, une réflexion. Dans quelques mois, il ne restera vraisemblablement de ce roman au titre plus ou moins évocateur, qui n’a de choral que l’esprit, qu’un très léger souvenir.



Comme quoi, tout est question de perception, cette lecture de la Recrue a été très polarisée. Certains ont adoré, d'autres ont grincé des dents. À lire ici...

samedi 13 novembre 2010

CMIM: l'édition 2011 est consacrée au piano

J'étais adolescente quand j'ai succombé au charme dévastateur du (alors) très séduisant Ivo Pogorelich, sacré lauréat du Concours international de Montréal. Quand les Jeunesses Musicales du Canada ont repris le flambeau en proposant leur propre Concours Musical International de Montréal en 2002, j'étais aux premières loges, et avais cédé sans hésité à la voix somptueuse de la soprano canadienne Measha Brueggergosman (qui fait depuis une carrière remarquable). Deux ans plus tard, lors de la première édition piano du concours, les jeux de Serhiy Salov, Gintaras Janusevicius, Eliane Reys et David Fray m'avaient renversée à des degrés divers.

Du 23 mai au 3 juin 2011, le CMIM se met de nouveau à l'heure du piano et, si vous avez moins de 30 ans, et êtes convaincus que vous saurez séduire public et jury stellaire (notamment Jean-Philippe Collard, Arnaldo Cohen et Jamie Parker) et vous mériter le premier grand prix de 30,000 $ (qui comprend de plus un Programme de développement de carrière d’une valeur de 20 000 $, un enregistrement d’un disque sous le label Analekta, et plus de 150 000 $ CAN de prix, bourses et engagements, ce qui n'est certes pas rien!), vous avez jusqu'au 7 janvier pour vous inscrire. Les détails techniques, tels répertoire et modalités d'inscription peuvent être consultés ici. (Vous pouvez même vous inscrire en ligne.) Vous pouvez écouter le disque de la lauréate de l'édition 2008, Nareh Arghamanyan par là...

Au plaisir de vous entendre!


jeudi 11 novembre 2010

Swap musique et littérature: on glisse les colis dans la boîte

La Sainte-Cécile approche à grands pas et les colis du swap s'assemblent avec une certaine fébrilité. Certains l'ont déjà transmis, d'autres (dont moi) y intègre les derniers ajouts, toutes ont hâte de déballer et de découvrir un visage presque intime de sa swappeuse (puisque, je le rappelle, un des objets, devait être « personnel »). Merci aux participantes de me transmettre vos informations (colis transmis, colis reçu), histoire de pouvoir avoir un dévoilement synchro (ou presque). Je rappelle à celles qui sont sans blogue fixe de me transmettre leur billet (et photos) au plus tard le 21 novembre.

                                                         colis envoyé                          colis reçu

Liceal                                                      x                                              x
Kikine                                                     x                                               x
aBeiLLe                                                 x                                               x
Catherine                                               x
Lucie                                                      x                                                x
Margotte                                               x                                                x
Gwenn                                                    x                                                x
Patacaisse                                              x                                                x
Caro_Carito                                           x                                                x
Sarawasti                                               x                                                 x
Kloelle                                                   x                                                 x
Nahe                                                      x                                                 x
Tania                                                     x                                                  x

mercredi 10 novembre 2010

Le Petit Wazoo

Sous-titré « Initiation rapide, efficace et sans douleur à l'œuvre de Frank Zappa », Le Petit Wazoo de Jean-Sébastien Marsan se veut un portrait de celui que plusieurs érudits n'ont pas hésité à qualifier de « plus important compositeur américain de la seconde moitié du 20e siècle ». Déformation professionnelle oblige peut-être, je connaissais essentiellement le Zappa symphonique, celui de l'iconoclaste album Yellow Shark, qui repousse les limites du langage très loin, tout en s'éloignant du côté trop cérébral souvent associé à la musique contemporaine (même si Times Beach II pourrait évoquer Varèse). « L'orchestre, c'est l'instrument ultime, écrit-il dans son autobiographie. Le conduire procure une sensation incroyable, que rien ne peut approcher - sauf, peut-être, celle qui naît du chant des harmonies doo-wop, quand les accords sonnent juste. » Je connaissais de réputation son album Apostrophe, son opéra rock Joe's Garage, bien peu de choses au fond, quand on considère que Zappa a composé dans tous les genres, du rock à la musique symphonique en passant par le jazz (qui n'a peut-être jamais été aussi imprévisible que sous sa direction), l'électronique, sans oublier certains collages assez audacieux.

À l'heure où les puristes se cloîtrent dans des tours d'ivoire (impossible pour un musicien classique d'apprécier le jazz ou pour un jazzman d'admettre écouter de la pop), il est particulièrement jouissif d'apprendre à mieux connaître un musicien qui n'avait que faire des étiquettes. Pour lui, la musique restait la musique, et il pigeait dans l'un ou l'autre de sous-ensembles pour en extraire la couleur, la forme, l'instrumentation dont il avait besoin à ce moment précis pour transmettre son message, tout simplement.

L'ouvrage, des plus accessibles, se scinde en deux sections à la fois indépendantes et complémentaires. Dans la première, Jean-Sébastien Marsan aborde les diverses facettes du compositeur: le rocker, le guitariste, le révolutionnaire, le jazzman, le DJ, le père de Mothers of Invention, l'orchestrateur et le cinéaste. L'écriture est alerte, affable, et aussi bien fans que curieux auront plaisir à découvrir le multiple Zappa. Dans la seconde, il nous propose une chronologie complète qui ne tombe pourtant jamais dans l'aridité. Une fois l'essai refermé, une seule envie: assimiler les repères proposés pour en faire fi et, au hasard des découvertes, s'approprier le langage musical de cet être inclassable.

Deux visages complémentaires de Zappa en partage. Le classique (dans tous les sens du terme) G-Spot Tornado 


et son City of Tiny Lites

lundi 8 novembre 2010

Incendies

J'avais adoré la pièce. Quelques années plus tard, j'avais souhaité prolonger l'émotion ressentie et avais lu le texte. Je ne pouvais évidemment pas passer outre son adaptation cinématographique par Denis Villeneuve, dont le Polytechnique m'avait bouleversée. Les aléas de ma tourbillonnante vie m'avait empêchée de me précipiter en salle jusqu'ici mais hier, j'ai plié l'horaire à ma volonté (plutôt que le contraire).

Connaissant la trame narrative, je m'attendais à être atteinte au plexus. J'avais craint une surenchère de violence, cette histoire d'amour et de filiation se déroulant sur un fond de guerres impitoyables, les répliques de l'un s'imbriquant parfaitement dans les attaques du premier, dans un infernal engrenage. Oui, certaines images sont terribles mais celles qui m'ont atteinte le plus ne sont pourtant pas les plus sanglantes. La façon magistrale dont le réalisateur a choisi de sous-entendre plutôt que d'étaler a donné une toute autre dimension au texte, à ses méandres. Comme pour Polytechnique, mais pour des raisons différentes, impossible de retenir ou même souhaiter contenir les larmes, à la fois surcharge d'émotion et apaisement. On accepte l'émotion, puis la catharsis.

Dans sa relecture du texte dense, Villeneuve a dû faire des choix, privilégiant la puissance d'un regard à une tirade de trois pages. Certes, le personnage de la grand-mère, gigantesque au théâtre, est devenu plus caricatural que porteur à l'écran et j'ai regretté l'élision de Sawda, double de Nawal, la « vraie » femme qui chante. Ce sont de petits sacrifices à accepter, qui n'entachent en rien le souffle ravageur de cette histoire, portée par des performances investies des acteurs, un scénario habile et une trame sonore d'une rare puissance, sur laquelle voisinent Radiohead et Grégoire Hetzel.

« Où commence votre histoire? À votre naissance? Alors elle commence dans l'horreur. À la naissance de votre père? Alors c'est une grande histoire d'amour. » 

dimanche 7 novembre 2010

Écouter ensemble

« Pour savoir où on en est avec quelqu'un, il suffit d'écouter de la musique ensemble. Le moindre désaccord nerveux vient faire tache dans les intervalles, mais si le son passe sans rencontrer personne, c'est le signe que tout va bien. »

(Philippe Sollers, Passion fixe)

C'est vrai qu'il y a quelque chose de terriblement intime à écouter, vraiment écouter de la musique ensemble, pas seulement être un parmi une masse, mais deux dans le son, dénudés vis-à-vis ce que l'on entend, à fleur de peau, prêts même à accepter les larmes si la musique s'y prête. Hier soir, dans le calme feutré de mon salon, avec un ami très proche, également musicien, chacun à un bout du sofa mais pourtant connectés, nous avons écouté Anne-Sophie von Otter et Brad Mehldau, dans certaines de leurs reprises de chansons françaises, tout particulièrement. La voix, les arrangements subtils, très classiques, la complicité palpable entre les deux artistes, tout cela a pris une couleur bien particulière parce que partagée. Quelque chose de magique dans l'air...

vendredi 5 novembre 2010

Pourquoi lire?

On m'a dit le plus grand bien de son Dictionnaire égoïste de la littérature française et maintenant, voilà que Charles Dantzig publie un nouvel essai, Pourquoi lire?

Pour lui, l'élitisme ne devrait pas être perçu comme une tare mais bien revendiqué comme un droit absolu à l'excellence.
« Qu'est-ce que c'est que cette histoire? explique-t-il à Chantal Guy dans un article paru dans La Presse aujourd'hui. Pourquoi est-ce un mot monstrueux? Il faut être élitiste. Moi, je suis élitiste pour tout le monde. C'est un mot inventé par le mercantilisme pour cesser de perdre de l'argent à produire des choses rares, belles et compliquées. L'élitisme, c'est bien, tout le monde devrait viser à être une élite pour soi. Ça m'indigne vraiment! »
Il poursuit un peu plus loin:
« Le lecteur, même s'il a 98 ans, qu'il est borgne et sans dents, est un prince charmant. Parce que c'est lui qui réveille le livre. Un livre seul, c'est un caillou. La littérature n'existe que par la rencontre entre le recueillement du lecteur et la pensée de l'auteur qui était enfermée dans le livre. […] La lecture, le geste même de la lecture, est un acte qui nous extrait de tout ce qui nous entoure, une espèce de révérence devant les choses de l'existence. Quand je dis que la lecture ne sert à rien, c'est une manière paradoxale de dire qu'elle sert à tout. »

Pour lire cet entretien inspiré et inspirant...

jeudi 4 novembre 2010

La nuit de l'illusionniste

Croyez-vous que les livres puissent nous parler, nous sommer de les lire? Dans ce cas-ci, je me suis posée sérieusement la question. En effet, lors de pas une mais deux visites successives à la Bibliothèque nationale, le même livre s'est retrouvé par hasard dans mes mains. Je cherchais un autre titre (toujours absent), je laissais mon regard courir sur les étagères et, hop, mue par un aimant, ma main a empoigné La nuit de l'illusionniste de Daniel Kehlmann, auteur dont je l'avoue bien volontiers j'ignorais jusque là l'existence. (Je sais maintenant que c'est un très gros nom de la littérature allemande contemporaine, oups...)

Premier roman de l'auteur (publié en 1997 à l'origine mais entièrement remanié en 2007), La nuit de l'illusionniste traite de la délicate frontière entre illusion et réalité, magie et sciences, identité et perte de repères. Le livre se veut le récit de la vie d'un orphelin qui, après des études en théologie, décide de se tourner vers la magie. Entre invoquer un dieu qu'on ne peut pas toucher et devenir le dieu d'un public ébahi, le choix semble simple, non?

Une nuit, plusieurs jours, une vie, il se raconte à la femme aimée - mais l'aurait-il créée de toute pièce, summum de l'illusion? Ce texte permet de tracer un intéressant parallèle entre la littérature et l'art de l'illusion. Rapidement, on comprend que, depuis les premières pages, on tente de nous berner, on sème le doute. J'ai essayé de démonter le mécanisme, départager le vrai du rêvé, comprendre le tour, puis ai abdiqué pour me laisser porter par le texte (dont la deuxième partie est beaucoup plus convaincante que la première).

Si un autre titre de l'auteur tombe dans ma main plus ou moins par hasard, cèderai-je? Il y a de fortes chances que oui...

lundi 1 novembre 2010

De la joie de jouer

Cette année, j'ai plusieurs nouveaux élèves dans ma classe de piano, presque tous de petits débutants. (Seule « exception »: une adolescente charmante, amie d'une élève qui l'a apparemment convaincue que j'étais vraiment « super » et qui avait disons quelques difficultés avec l'attitude plus traditionaliste de son prof précédent.) Je dois donc plonger dans les bases mêmes de la lecture, de l'orientation spatiale, mais surtout y aller à fond dans l'« opération séduction », non seulement pour m'assurer du retour des dits élèves l'année suivante mais surtout parce que je reste persuadée que la première année, il faut commencer par les prendre par les sentiments et leur faire réaliser que la musique est un langage unique, rempli de possibilités, qui permet de jouer des pièces connues, aimées, fût-ce en version ultra-simplifiée.

J'aime les accompagner sur cette route qui n'a rien d'ennuyeux. Quand ils déplacent leurs mains et que le sol a « changé de place », je les rassure. Quand ils mettent les mains ensemble et sont capables de jouer 12 notes d'affiliée, les deux mains se suivant dans la montée et la descente d'Alouette, je les encourage. Quand ils posent le doigt sur le fa dièse avec une certaine appréhension, je leur rappelle que les touches noires ne sont pas des dents de requin. Oui, bien sûr, cela exige une énergie différente, disons plus effervescente. Je suis certainement dans un autre mode quand je dis avec beaucoup d'emphase: « Trouve-moi tous les do du piano! » que lorsque je suis en train d'expliquer à une élève le sous-texte d'une ballade de Chopin ou souffle d'un air vaguement halluciné: « Respecte le texte! »

Je ne me plains aucunement. Oui, j'en ai un qui, à tout juste six ans, semble avoir des punaises sous sa chaise et qui après 10 minutes, me dit: « J'm'ennuie ». Il y a aussi cette élève avancée qui me regarde toujours comme si elle n'avait jamais rien appris d'artistique dans son cursus scolaire et que j'ai l'impression de devoir remplir comme une outre semaine après semaine. Mais il y a tous les autres, ceux qui entrent chez moi comme dans une deuxième maison, s'attardent pour flatter le chien, font le tour du propriétaire pour relever le moindre ajout de figurines, collants, bonbons. Et puis, surtout, il y a leur sourire quand ils s'assoient au piano et qu'ils ont hâte de me montrer ce qu'ils savent maintenant faire. Ces instants-là ne se remplacent pas.