lundi 30 juin 2014

Wunderkind

Sofia, Bulgarie, dans une école de jeunes musiciens prodiges. Nous suivons le destin de Konstantin et de ses collègues, dans un pays encore retiré derrière le Rideau de fer, deux ans avant la chute du mur, alors que le communisme règne encore en roi et maître, que des cours de manipulations d'armes sont toujours au programme scolaire, que des visites régulières au mausolée du père de la patrie font partie du quotidien.

Il est bien sûr beaucoup question de musique dans Wunderkind de Nikolai Grozni qui, lui aussi a été pianiste prodige, mais l'auteur a su s'extraire de son expérience personnelle pour nous livrer un troublant portrait d'époque, de lieu, si dépaysant que l'on pourrait croire qu'il relate un passé lointain. Il sait surtout camper efficacement des personnages, que ce soit la galerie de jeunes musiciens à la sexualité bouillonnante ou des professeurs, aux surnoms lapidaires, tous plus grands que nature, qui briment autant la créativité des jeunes artistes qu'ils crient leur mal-être.

Un livre que j'ai dévoré, portée par les différentes pièces proposées en trame sonore (titres de chaque chapitre), mais surtout le souffle certain qui s'en découle.

« Tant que quelqu’un jouerait l’Allegro maestoso de cette huitième sonate sur un piano, le monde ne finirait jamais. C’était une certitude absolue. Le thème d’ouverture de l’Allegro maestoso et ses variations étaient tout simplement plus importants, plus fondamentaux que les caprices du temps ou toutes les lois gouvernant le monde physique. Ces cadences fatidiques! Le pouls accéléré des accords de la main gauche, la façon dont les croches se transformaient en doubles croches et passaient de la main droite à la gauche tel un roulement de tonnerre, le long crescendo de la transition avec la charge des cymbales, des contrebasses et des caisses claires à l’arrière-plan : du rock ‘n roll à l’état pur, et de la meilleure espèce. » 

 

vendredi 27 juin 2014

La 35e édition est lancée

Le Festival international de jazz de Montréal a commencé sur les chapeaux de roue hier soir et la foule, visiblement ravie de retrouver l'atmosphère de festivals, se pressait nombreuse, sourire aux lèvres, sur le site du Festival. 

Avant d'assister au grand spectacle d'ouverture sur la Place des festivals avec l'iconoclaste mais surtout brillant Woodkid, un retour dans le passé au Upstairs, avec les légendaires Heath Brothers. Jimmy aux saxophones ténor et soprano, 87 ans, a joué avec une fougue spectaculaire. Les doigts, le souffle, mais surtout l'intelligence et la créativité musicale: tout est encore au sommet. Son jeune (79 ans) frère Albert « Tootie » à la batterie s'est lui aussi amusé comme un petit fou, se révélant un complice idéal tout au long de ce très généreux set de près de 90 minutes. Le pianiste Jeb Patton, bientôt 40 ans, ancien étudiant de Jimmy, a su prendre sa place (pas facile de ne pas se sentir dans l'ombre de tels géants) et nous a même proposé une de ses compositions qui m'a donné envie de le découvrir avec son propre trio, dont fait d'ailleurs partie le contrebassiste David Wong, efficace mais un peu sage (même s'il a enfin briller en fin de concert). Si vous êtes chanceux, vous pourrez vous glisser en cave ce soir...


Changement de registre, de siècle, d'approche, avec le spectacle extérieur de Woodkid, bien décidé à remercier les Montréalais de leur amour avec maestria. Je vous avais déjà dit tout le bien que j'avais pensé de son spectacle donné en juillet dernier (certainement le spectacle musical de l'année 2013, toutes catégories confondues, pour moi), mais saurait-il faire lever une foule constituée de dizaines de milliers de personnes? Si on l'a senti un peu nerveux en début de spectacle (il y avait sans doute de quoi être intimidé, plusieurs des spectateurs découvrant l'artiste), il a réussi à venir chercher la foule pour la première fois avec son classique I Love You, mais ce n'était rien par rapport à ce qui se produirait une fois la brigade de percussionnistes jouant de la caisse claire mise en lumière. Ouf!

On avait déjà pu apprécier la densité des orchestrations (les cuivres et percussions habituels ayant notamment été augmentés d'une section de cordes « made in Montreal ») et Woodkid nous rappellerait plus tard avec éloquence qu'il était pianiste avant de choisir de devenir artiste à part entière, mais il manquait cette énergie brute qui avait soulevé la foule au Metropolis. Bien sûr, il est plus facile de se laisser porter par le son quand on est à 10 mètres de la scène (comme je l'étais l'année dernière) qu'à un demi-kilomètre, mais la foule a fini par suivre unilatéralement Woodkid et sa bande, sautant à l'unisson et brandissant haut le poing. À la fin du spectacle, elle démontrerait sans réserve son amour pour le créateur, entonnant en boucle une de ses mélodies, offrande magnifique à un Woodkid en pleurs, visiblement sous le choc, qui a d'abord cherché à camoufler son émotion sous sa casquette avant de l'accepter, avec humilité et ravissement. 

« Merci Montréal, a-t-il hurlé. Merci du fond du cœur! » Non, merci Woodkid (et bravo aux organisateurs du FIJM d'avoir osé un tel spectacle d'ouverture)... Que j'ai hâte au prochain album!

Je vous laisse sur son électrisante performance en 4D donnée il y a un mois au Grand Journal.

mardi 24 juin 2014

Joyeuse Saint-Jean!

Parfois, on a besoin de se draper dans le fleurdelisée...

Photos prises hier soir à l’Ile-des-Moulins à Terrebonne, lors du spectacle du jeune groupe Korum.





lundi 23 juin 2014

Chat sauvage

« Quand je la saluai, elle répondit par un signe de tête sans lever les yeux, mais ne pouvais pas lui en vouloir: chaque livre semblait être pour elle une sorte de château où l'on avait le droit de se promener à sa guise, de négliger le monde réel et même de se perdre dans les oubliettes. »
Il n'y a rien comme de plonger dans un livre de Jacques Poulin pour se rappeler pourquoi il reste l'un de nos plus grands auteurs. Il évoque d'ailleurs dans Chat sauvage à quelques reprises la « petite musique » de ces écrivains que le narrateur apprécie (dont Hemingway, un favori de Poulin) et, assurément, quelques paragraphes suffisent pour avoir l'impression de pousser la porte d'un lieu vaguement suranné, pourtant jamais poussiéreux, et de découvrir des personnages en apparence comme tout un chacun, pourtant indéniablement uniques. 

Impossible de ne pas s'attacher à Kim, Macha, au Vieux, au Gardien et à Jack, cet écrivain public qui se prend parfois pour Bogart, mais toujours avec la distance nécessaire. Aucune esbroufe ici, pas de formule alambiquée, de surenchère de métaphore. Une histoire, une voix d'auteur assurée, un lecteur qui ne demande qu'à se laisser transporter.

samedi 21 juin 2014

Les Troyennes

Le théâtre d'Euripide continue d'inspirer les créateurs, que ce soit Sartre il y a presque 50 ans (son adaptation des Troyennes a été présentée pour la première fois au Festival d'Avignon en 1965) ou le Théâtre Omnivore ces jours-ci au Fringe. Aucun doute ici: le propos des Troyennes reste d'une brûlante actualité. Tant que des guerres continueront de ravager les continents, que des réfugiés confinés dans des camps se demanderont s'ils n'auraient pas dû mourir avec leurs proches, que des femmes seront violées par des militaires, ultimes tributs de guerre, nous aurons besoin du théâtre pour transcender l'horreur et vivre une nécessaire catharsis.

Dans son adaptation, une « condamnation de la guerre en général et des expéditions coloniales en particulier », mais surtout une brillante démonstration qu'une guerre ne fait que des perdants, Sartre avait déjà repoussé certaines balises, adoptant le verset pour mieux transmettre le côté oratorio de la tragédie. La lecture éclairée qu'en propose la metteure en scène Jacinthe Gilbert propose au spectateur d'aller encore plus loin, la musique de Marc-André Perron et la gestuelle d'Alessandra Rigano faisant partie intégrante de la démarche. Cela permet une efficace superposition d'époques, qui floue les frontières entre celles-ci, de la Grèce antique au Québec d'aujourd'hui en passant par une France qui tente de s'émanciper d'un lourd passé colonial, mais aussi des genres, entre mélopée antique, pantomime, mélodrame du 19e siècle (le texte récité se superposant à la musique) et musique contemporaine, s'articulant pourtant en partie sur les modes grecs anciens.

Qu'elle soit transmise de façon électronique (se superposant même au début au son des vagues se fracassant inlassablement sur le rivage) ou en direct, par le chœur des femmes ou des voix solistes, la musique de Marc-André Perron sert aussi bien de soutien que de deuxième narration ou de puissant et terrifiant moteur dans la scène finale, qui laisse le spectateur bouleversé sans qu'un seul mot ait besoin d'être prononcé. 

Si dans les premiers instants de la pièce, on se trouve presque submergés par les stimuli sonores (bruits de vague, musique, texte déclamé) et que l'on peine à fixer son attention, les éléments finissent par se mettre en place. Jeanne Ostiguy campe une Hécube digne, qui contient sa colère et sa douleur, Béatrice Aubry nous offre un beau numéro d'actrice en Cassandre, qui avance presque malgré elle sur le mince fil de la folie. On soulignera aussi la puissance d'Émilie Allard en Andromaque, veuve encore éperdument amoureuse d'Hector et mère ravagée par la nouvelle de la mort de son jeune fils Astyanax et la maîtrise avec laquelle Joëlle Lanctôt transmet la rouerie d'Hélène, femme fatale qui finira par séduire de nouveau son mari trompé Ménélas (Tommy Lavallée, excellent).

Soulignons en terminant l'opulence et l'inventivité des costumes, ainsi que l'efficacité des éclairages et des choix scénographiques.

Vous pouvez encore vous glisser en salle ce soir à 20 h 15. Détails et billets ici...
 

vendredi 20 juin 2014

Tremblement de mère

Les histoires d’adoption internationale sont en général synonymes d’attente, de très longue attente : étude du dossier, amorce des procédures, rencontre du bébé dans un pays étranger. Quand, à 47 ans, Diane Lavoie réalise qu’elle ne pourra pas vivre sans enfant et contacte des agences d’adoption, elle se dit que des années passeront avant qu’elle ne tienne dans les siennes la main d’un enfant. Le destin en décidera autrement. Suite au tremblement de terre d’Haïti en janvier 2010, un peu plus de six mois après le dépôt de sa demande, Mélodine, trois ans, forcément bouleversée par les divers arrachements qu’elle a subis, débarque à Montréal. Pendant plus de deux mois, la petite hurlera toutes les nuits, la mère malgré elle se découvrant totalement impuissante face à tant de colère.

Impossible ici de porter des lunettes roses, de s’attendrir sur les premiers mots de l’enfant, les liens de confiance qui s’établissent. Épuisée par les nuits sans sommeil, l’impression d’être inadéquate, vivant en marge de la vie qui était la sienne, Diane se révèle désemparée. À bout de ressources, elle envisage le suicide et vivra une véritable descente aux enfers en institut psychiatrique.
« Je ne suis pas ce que tu souhaites, je le sais. Je ne suis pas la maman que tu veux. Je serai là pour toi, toujours. Je sais que tu veux ta maman, ton pays, les tiens, ta vie d’avant. Je sais que tu les pleures, car ils ne reviendront plus. Je prendrai ta peine, si tu veux bien me la donner, je prendrai tes deuils, si tu veux bien les partager. Je serai là pour toi, toujours. Je serai là pour toi, toujours. »

La plume alerte, jamais complaisante, de Diane Lavoie permet aux lecteurs de transcender les limites du témoignage. On perçoit l’adoption internationale autrement, mais on entre aussi de plain-pied dans les méandres de la détresse psychologique, sujet trop rarement abordé. Le livre se referme sur mère et fille apaisées, conscientes de l’importance du lien qui les unit désormais, soucieuses d’en préserver la nature intime. Un récit à la fois percutant et inspirant.

jeudi 19 juin 2014

Trop de lumière pour Samuel Gaska

« Donc, oui, j’accepte de t’écrire une petite composition, mais à condition que tu me laisses raconter l’histoire à ma façon. Au début, ça te semblera tout mélangé, mais fais-moi confiance, tu finiras par comprendre. »
Voilà en quels termes Samuel Gaska se justifie quand son ancienne amoureuse Catherine le contacte pour qu’il écrive la musique de scène de sa prochaine pièce. C’est sans doute aussi à cet instant précis, presque au milieu de cet étrange objet littéraire qualifié de récit, que l’on commence à saisir la démarche de l’auteur.
Même s’il est compositeur, le narrateur entretient une relation alambiquée avec la musique. Cette langue que l’on dit universelle, au fond, il ne l’a pas choisie. Son père, immigrant d’origine polonaise, lui a plus ou moins imposée. Pourra-t-il s’affranchir de cet héritage encombrant? Osera-t-il s’extraire de sa vie et enfin prendre son envol, comme cette oie à laquelle son nom fait référence – mais aussi tous ces oiseaux qui peuplent chacun des chapitres de ce livre? Finira-t-il par admettre que l’œuvre ne définit pas l’homme? 
« … un nom n’est jamais le nôtre, ni une œuvre, c’est plutôt nous qui leur appartenons et qui devons les incarner du mieux que nous le pouvons, le temps de leur donner corps et qu’ils nous délaissent. »
Étienne Beaulieu dispose assurément d’une plume exceptionnelle, que l’on voudrait par moments contraindre, tant elle semble se disperser, comme ces rayons de lumière qui traversent les vitraux. Le fil narratif se révélant fragile, on se demande parfois si l’auteur n’aurait pas dû adopter une autre forme pour transmettre ses réflexions sur la filiation, l’immigration et les liens que l’homme doit maintenir avec la nature. Un recueil de poésie – ou même d’aphorismes – n’aurait-il pas pu distiller plus efficacement l’essence du propos? La musicalité de la langue n’aurait-elle pas été mieux servie par une scission des éléments?

Comme plusieurs pages sérielles de Schoenberg, Trop de lumière pour Samuel Gaska se laisse difficilement apprivoiser. On croit en cerner le contour, pour constater que la musique nous échappe aussitôt. Pourtant, on se surprend à y repenser, à vouloir en extraire des clés de compréhension. La vie, la mort, la création, ne sont-elles pas au fond que fragmentations complémentaires d’un même concept insaisissable?

mardi 17 juin 2014

Euphorie: portrait de femme(s)

Comment dire la jeune femme d'aujourd'hui? Est-elle au fond si différente de ses aînées? Quelles sont les thématiques qui l'interpellent, les choix qui la déchirent, les liens qu'elle peine à nommer? Euphorie de Marie-Noëlle Doucet-Paquin, présenté au Fringe ces jours-ci, puise dans l'essence même de la féminité, non pas pour en extraire une définition, geste inutile s'il en est un, mais pour en tirer un portrait en plusieurs temps, articulé autour de monologues complémentaires que se partagent cinq comédiennes.

La force de ce texte, souvent rimé, fortement porté par la rythmique du slam et les interrogations du spoken word, réside en effet dans ce sentiment inclusif qui s'en dégage. Il sera question de désir, de maternité (« raccommoder mon passé troué avant de tisser un futur à donner »), du lien avec le père (un moment d'une grande beauté, livré avec un troublant aplomb par Catherine-Audrey Lachapelle), de la difficulté à dire non, des compromis acceptés par peur de se retrouver (et de mourir) seule, du désir (a-t-on absolument du regard d'un autre sur soi-même pour s'aimer?), de cette propension que nous avons à vouloir tout faire (on aurait pu ici se passer de la représentation directe de la femme-pieuvre, mais le costume est délirant et Cassandre Émanuel bouleverse quand elle se fissure devant nous), de cette nécessité finalement de pouvoir se fier sur son cercle d'amies, de faire partie d'une communauté qui pose des gestes concrets de soutien à ses membres (ne devrait-on pas en effet « se protéger les uns les autres plutôt que les uns des autres »?)

Les danses mécaniques qui ponctuent ou accompagnent les monologues semblent au départ légèrement décalées, mais finissent par nous rappeler que nous ne sommes bien souvent que rouages d'une machine qui nous avale si on n'y porte pas attention. Marie-Noëlle Doucet-Paquin signe ici un premier texte des plus pertinents, souvent porté par une langue riche, poétique sans être engoncée. (On pardonnera l'intégration de quelques clichés et rimes faciles, qui seront peut-être gommés au fil de représentations subséquentes.) Le tout est porté avec une égale conviction par les cinq comédiennes (Pascale Brunet, Sarah Dionne, Johanne Ductan-Petit, Cassandre Émanuel et Catherine-Audrey Lachapelle), autant de facettes d'une même femme, autant de femmes d'une même communauté.

Vous pouvez encore vous glisser en salle, jeudi, vendredi et samedi. Détails ici...

dimanche 15 juin 2014

Du refus des étiquettes

Est-il absolument nécessaire de vouloir classer les écrits? Pourquoi un livre sur lequel est inscrit « roman » se vendra-t-il plus facilement qu’un autre sur lequel on appose les mots « nouvelles » ou « poésie »? Peut-on encore, au 21e siècle, se laisser toucher par un ouvrage pour ce qu’il est plutôt que pour ce qu’il présente, mais surtout de se laisser transformer par lui?

Étienne Beaulieu, auteur de Trop de lumière pour Samuel Gaska, a pourtant fait bien attention de classer son premier livre dans la catégorie « récit ». Il explique cette décision en ces termes dans notre questionnaire : « Je tiens à l’appeler un récit, pas un roman ni une longue nouvelle. C’est d’une importance capitale pour moi, car je serais bien incapable de signer une œuvre qualifiée de “roman”. Tout roman depuis Don Quichotte de Cervantès comporte une dimension ironique sur son personnage et relativise les événements racontés par un gros bons sens à la Sancho Penza qui représente en quelque sorte le point de vue de la société bourgeoise dans le récit. »

Peut-être justement parce qu’il demeure inclassable, ce livre a suscité des réactions tranchées de la part des quatre collaborateurs qui l’ont lu. Comme ces vitraux qui ont servi d’inspiration à l’auteur, qui se transforment au fil des heures et des saisons, l’objet littéraire proposé se veut protéiforme, déstabilise volontairement son lecteur, mais ne le laisse surtout pas indifférent. Alors que tant de livres semblent presque interchangeables aujourd’hui – on ne compte plus les déclinaisons des séries à succès –, on a affaire ici à un livre original, dans tous les sens du terme. Il faudra voir où son deuxième opus mènera Étienne Beaulieu.

Nous vous offrons en repêchage d’autres livres atypiques, inclassables. Ainsi, Métastases de David Bélanger déboulonne les codes du polar pour nous offrir, non pas une résolution – le coupable ici n’a que bien peu d’importance –, mais nous renvoie au visage un constat d’échec. Autre récit, celui-là autobiographique, Tremblement de mère de Diane Lavoie raconte l’histoire d’une adoption, mais de façon frontale, à mille lieux des contes de fées. Mathilde, autour de laquelle s’articule Le vertige des insectes de Maude Veilleux (qui a publié un premier recueil de poésie qui avait séduit notre collaboratrice Mélina Bernier), est un autre de ces êtres atypiques, dévorée par la langueur suscitée par l’absence de l’être aimé. L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea de Romain Puértolas est certes lui aussi un personnage plus que hors-norme, comme ces Méchants patrons de Michel Coulombe. En prime, nous vous offrons une entrevue avec l’auteur Alessandra Cassa qui vient de lancer un premier album jeunesse, Le professeur Acarus Dumdell et ses potions incongrues.

 

Et si nous profitions du soleil de juin pour décoller toutes ces étiquettes encombrantes et retrouver le plaisir brut de la lecture?


Pour lire le numéro de juin de La Recrue du mois...

vendredi 13 juin 2014

Derniers recueils de Louise Warren et José Acquelin

Les Éditions du passage produisent des objets magnifiques, reconnaissables entre tous, qui donnent l'illusion d'avoir été assemblés à la main. Il y a quelque temps, un lancement permettait de découvrir les dernières publications de Nicolas Lauzon (L'héritage du mouvement, son deuxième livre), ainsi que de Louise Warren et José Acquelin, deux auteurs que je fréquente depuis plusieurs années.

Photo: Lucie Renaud
Voir venir la patience de Louise Warren propose une poésie minimaliste, prolongement de son recueil précédent, Anthologie du présent. L'auteure laisse toute la place au lecteur pour s'immiscer entre les mots, y ajouter une deuxième ligne de sens, comme si les deux contemplaient un même paysage, y réagissaient de façon unique, complémentaires. À lire à voix haute pour suspendre le temps.

toucher ses peurs
en franchissant un seuil

en recollant les morceaux

Photo: Lucie Renaud
Anarchie de la lumière de José Acquelin est d'une toute autre eau. L'auteur nous livre ici une réflexion sur la société contemporaine aussi bien que sur le geste même de l'écriture.  
« Le poème est le don qui nous dérobe aux spoliations organisées de chaque société. Il déverrouille l’usure. Il fait périr le pourrissement, il fait voler en éclats les identités fausses. » 
À travers une série de textes en prose, aux frontières entre poésie et essai, Acquelin pose un regard dénué de toute complaisance, lucide, mais rarement vindicatif. L'homme d'expérience a appris à vivre avec ses semblables, mais aussi avec lui-même, ses doutes, son filtre d'émotions, ses acquis.
« C’est l’exil de notre étroitesse où l’on se démaquillerait de notre obsession de faire bonne figure pour, enfin, être libre de soi-même.Et ce n’est que justesse rendue à la nudité qui nous transfigure. »

Photo: Lucie Renaud
 Un livre que l'on voudra retrouver - et lire autrement - demain, dans six mois, trois ans...
Photo: Lucie Renaud
« La musique, celle qui évacue le langage, donc le vêtement, construit une passerelle, la seule apte à ne plus chercher à traduire verbeusement le silence, là où il n’y a plus d’arrière-monde ni d’après-monde. »
 

jeudi 12 juin 2014

Monde sans oiseaux

Dans le cadre du Festival Metropolis bleu, j'avais assisté à une table ronde mettant en lumière l'auteure de ce premier roman français qui avait séduit les membres des clubs de lecture organisés en marge du Festival du premier roman de Chambéry. L'animatrice de la table ronde à laquelle participait également Véronique Bourlon (directrice du Festival du premier roman de Chambéry) et David Clerson (auteur du premier roman Frères, grand gagnant du côté québécois) semblait enthousiaste, avait marqué des dizaines de pages. Karin Serres avait lu quelques extraits, qui m'avaient interpellés, mais sans plus. Il m'aura fallu un compte rendu enthousiaste de Marion pour que je n'hésite plus et réserve le livre à ma bibliothèque. Parfois, on a besoin d'apprivoiser un livre avant de pouvoir plonger.

Fille de pasteur, Petite boîte d'os vit dans un monde en marge, mythique plutôt que féerique. Si les oiseaux n'y existent plus, l'eau y agit en reine. Les corps des morts jonchent le fond du plan d'eau, des cochons roses mutants y barbotent, les maisons y dorment parfois avant qu'elles ne soient remontées sur la rive par les habitants. On vit au rythme des saisons, conscients des gestes à poser pour que la terre et la mer nous nourrissent. On vit aussi au rythme des passions que l'on refuse de brimer, dont on accepte la fatalité, que l'on entretient farouchement, sachant que la mort rôde, que l'on tente de l'oublier ou non.
« La vie est ronde. On se regarde, face à face, tellement près. On se connaît par cœur, on se redécouvre sans arrêt. »
Sur une centaine de pages, le lecteur suit le destin de Petite boîte d'os, porté par l'écriture presque rêche, pourtant engageante de Karin Serres. On la voit vieillir sous nos yeux, de la fillette éveillée à mère troublée qui doit prendre le ferry pour aller travailler, dans la ville polluée, au-delà des limites du village. « Le temps me traverse, rien ne l'arrête. » Une dizaine de pages suffisent pour que l'on ait l'impression de la connaître, de l'avoir croisée à l'église, d'avoir contemplé l'horizon avec elle, d'avoir entendu les rires de son fils Knut ou les grognements de leur cochon domestique, d'avoir eu l'impression de pouvoir toucher la tendresse du bout du doigt. Magique.
« Tremblement de terre. Le lac se soulève devant moi en un geyser noir et glacé, les rues de planches se défont comme des touches de piano balancées dans les airs et la terre craque, se fissure, abat tous les arbres de la forêt. » 

mardi 10 juin 2014

La fille de Debussy

« J’en oublie presque de parler de la Suite bergamasque. J’ai joué le Prélude cette semaine. C’est une musique du matin, aussi je la jouais tous les jours avant mon chocolat chaud. Elle ouvre ses fenêtres sur un jardin de juin. Quand on la joue, on a du soleil plein les doigts. »

Damian Luce, La fille de Debussy


Pour lire mon commentaire de lecture, passez sur le blogue d'Analekta...

dimanche 8 juin 2014

Exécuter

« Ce qu’il y a d’extraordinaire dans la musique, ce qui la rend peut-être supérieure à tous les autres arts – quoi qu’en ait dit André Malraux, ce visiteur de musées, qui la considérait comme un art mineur –, c’est qu’elle est abandonné plus que les autres aux hasards, aux chances, aux risques de l’exécution, qu’elle existe presque uniquement par l’exécution et donc refuse de vieillir puisqu’elle est sans cesse transformée, assassinée, réanimée par l’exécution. »

 Gilles Marcotte, L’amateur de musique

samedi 7 juin 2014

La musique peut tout

Quand on fréquente depuis un certain nombre d'années un milieu à titre de critique et de journaliste, on a parfois l'impression d'être devenu blasé. Rien de tel alors pour remettre les pendules à l'heure que d'assiste à un concert ou à une représentation théâtrale avec un néophyte qui ignorera avec aplomb les scories ou les faiblesses d'un spectacle pour se concentrer sur le pur plaisir de prendre part à une manifestation d'arts vivants.

Parfois aussi, il y a de ces rencontres, avec une oeuvre, un artiste, qui altèrent irrévocablement nos perceptions, que ces rencontres se fassent en un ou plusieurs temps. Celle avec Raoul Sosa est de celle-là. Enfant, je l'ai entendu à plus d'une reprise - notamment dans le cadre des concerts gratuits qu'offrait alors Radio-Canada tous les vendredis Salle Claude-Champagne. J'avais alors été soufflée par sa virtuosité, mais surtout la profondeur de ses interprétations. Et puis, un jour de malchance, un accident bête le privera de l'usage d'une de ses mains. Il aurait pu se replier sur lui-même, attenter à ses jours. Il est plutôt devenu compositeur, chef d'orchestre, arrangeur, en plus de poursuivre sa démarche pédagogique.

Je me rappelle encore très bien ce samedi matin de février 2008 quand je l'ai rencontré dans son studio du Conservatoire pour un portrait. De prime abord, j'avais noté sa réserve naturelle - compréhensible - qui au fil de l'entretien s'était muée en un réel partage, intime, mais sans rien de racoleur. Je me souviens surtout combien j'avais été bouleversée quand que je lui avais demandé quoi lui souhaiter pour sa cinquième décennie de carrière et qu'il m'avait répondu: « J'ai toujours l'espoir que ma main droite revienne. » Elle est revenue il y a quelques années et Raoul Sosa a alors choisi, à l'heure où d'autres envisagent une retraite méritée, de retrouver le répertoire auquel il ne pouvait plus se frotter depuis des années et de remonter sur les planches, tant ici qu'à l'étranger. Cette histoire de résilience continuera de m'inspirer.

Ce soir, 19 h 30, il interprétera le Concerto no 22 de Mozart avec l'Ensemble Sinfonia sous la direction de Louis Lavigueur à la Salle Pollack. 



vendredi 6 juin 2014

The Pixelated Revolution et 33 tours et quelques secondes: sur le fil

Mettre en scène la mort, même la sienne. Jusqu’à la dernière seconde, garder l’œil dans le viseur : filmer celui qui nous tuera, qui tentera de faire disparaitre la preuve de sa propre existence. Avant de se suicider, filmer un message d’adieu, alors que l’on agit déjà à titre de mort, mais que les mots nous empêchent de franchir la ligne entre l’ici et l’au-delà.
La soirée double proposée par l’artiste libanais Rabih Mroué, œuvrant d’abord en solo dans le cadre d’une « conférence non académique », puis retrouvant sa complice Lina Saneh dans un spectacle entre installation, performance et objet théâtral, ouvre toute grande une boîte de Pandore version 2.0. Peut-on encore disparaître? Si quelqu’un est témoin de ce que nous avons vu au moment de notre mort et que ce dernier est vivant, sommes-nous vraiment morts?
Représentations ce soir et demain.

jeudi 5 juin 2014

Jayson Gillham: un vrai musicien

Les soirs se suivent, mais ne se ressemblent pas nécessairement et ce, même si on réentendait le Deuxième de Rachmaninov et que nous fréquentions de nouveau Prokofiev (cette fois son Troisième Concerto). Alors que Charles Richard-Hamelin nous avait offert un magnifique Rachmaninov de chambre, l'autre Canadien (et plus jeune candidat, à 17 ans), Xiaoyu Liu a transformé l'oeuvre en quelque chose d'assez peu mémorable, le piano se perdant dans la masse orchestrale, les basses se retrouvant périodiquement inutilement accentuées et le pianiste ne semblant pas avoir conscience de ce qui se passait à l'orchestre, orchestre avec lequel il a déjà eu la chance de jouer puisqu'il avait remporté le Concours OSM Standard Life en 2012 (dans le même concerto de surcroît).

L'Australien Jayson Gillham misait quitte ou double avec le Quatrième Concerto de Beethoven, page plus introspective que pyrotechnique, en porte-à-faux des concertos russes monumentaux adoptés par les autres candidats. S'il ne s'est pas entièrement affirmé dans les premières notes (fort à découvert) de l'introduction et a d'abord transmis un Beethoven plus sage que bouillonnant, il a fini par séduire totalement par la clarté de ses textures, l'intelligence avec laquelle chaque phrase était façonnée, des trilles et grupettos absolument irréprochables, une grande délicatesse de toucher et une cadence du premier mouvement d'une grande intériorité. Le deuxième mouvement reste un moment fort de cette interprétation, transmettant magnifiquement l'antagonisme entre soliste et orchestre, le premier essayant de convaincre par la douceur un second revêche, qui finit par se ranger à l'avis du soliste. Le chef Giancarlo Guerrero s'est révélé une fois de plus un accompagnateur idéal.

L'Allemande Annika Treutler a offert un Troisième de Prokofiev somme toute assez terne. Projection insuffisante, doubles croches parfois inégales, notes supérieures se dispersant dans la masse sonore, tempo inutilement pressé, accents parfois pris hors contexte, il faudra attendre le deuxième mouvement pour entendre enfin de la vraie musique.

Le jury s'est prononcé et a décidé de récompenser les musiciens, geste louable en cette ère de pianistes parfaits techniquement, mais la plupart du temps interchangeables. Ils ont également tenu compte des épreuves préliminaires, que je n'ai pas entendues, ce qui explique sans doute comment Annika Treutler a réussi à se faufiler sur la troisième marche du podium (son Schumann et surtout son Hindemith avaient été remarquables en demi-finale, m'a-t-on confirmé), derrière Charles Richard-Hamelin (2e place) que l'on aurait envie de découvrir comme chambriste tant il possède une rare qualité d'écoute et Jayson Gillham qui remportera sans doute aussi le Prix du public. Il faudra attendre le concert-gala demain soir (qui mettra en lumière les trois lauréats, ainsi que Serhiy Salov, gagnant du premier Prix d'improvisation Richard-Lupien) pour le savoir.

mercredi 4 juin 2014

Kate Liu la reine de la première soirée

Difficile de jauger les compétiteurs quand on débarque en finale, sans les avoir apprivoisés au cours de récitals préliminaires, souvent bien plus intéressants que les numéros de pyrotechnie que plusieurs se sentiront obligés d'effectuer pour séduire un jury qui en a entendu d'autres.

Le Britannique Alexander Ullmann a offert un Premier Concerto de Tchaïkovski honnête, un peu direct par moments, qui respirait plus ou moins, ponctués d'accents ici et là dignes de Prokofiev. Néanmoins, il a démontré un très beau contrôle des voix intérieures (notamment dans la cadence du premier mouvement) et une belle énergie rythmique, même si on a eu droit à quelques légers dérapages quand les deux mains s'échangeaient un même motif rapidement. D'entrée de jeu, j'ai toutefois été séduite par la conviction avec laquelle le chef costaricain Giancarlo Guerrero a su mener l'OSM: une rare écoute du candidat, une vision claire de l'oeuvre - qui devenait ainsi plus qu'un « simple » concerto. Cela promettait déjà pour la suite des événements et on aurait envie de l'entendre diriger un programme qui lui ressemble.

Le Canadien Charles Richard-Hamelin a démontré qu'il possédait une réelle maîtrise de l'instrument, même si les nerfs l'ont peut-être poussé à précipiter inutilement le tempo ici et là. Si certains fortissimo semblaient forcés, il a su transmettre une réelle poésie dans les passages délicats en doubles croches. Alors qu'on conçoit habituellement le Deuxième de Rachmaninov comme une surenchère de sonorités (et de pathos), souvent appliquées en aplats, ici, on a eu droit à une rare communication entre soliste et orchestre, créant une illusion parfaite de musique de chambre à plusieurs reprises. Hamelin a notamment démontré un remarquable sens du phrasé et de l'écoute dans le deuxième mouvement, les phrases étant parfaitement découpées, la verticalité de l'écriture étant toujours transcendée.

L'Américaine Kate Liu a réussi en quelques secondes à créer une atmosphère dans le Deuxième de Prokofiev, souvent plus martelé que chanté. Son travail sur le phrasé était apparent et ce, même dans les passages les plus percussifs. Dans le troisième mouvement, par exemple, les accents parlaient, n'étaient pas que plaqués sur la ligne mélodique. En apparence fragile, elle a su efficacement utiliser le poids du corps et tourner la mécanique du piano (qui avait paru un peu limité et même par moments détimbré sous les doigts de Richard-Hamelin) à son avantage. Les doubles croches en mouvement parallèles du deuxième mouvement ont été dotées d'un rare relief qui rendait le tout parfaitement intelligible - laissant même l'impression qu'elle avait l'air de s'amuser -, alors que la mélodie d'inspiration folklorique du dernier mouvement donnait l'impression d'être improvisée au fur et à mesure.

Ce sera difficile pour les trois finalistes de ce soir de se tailler une place... mais tout est possible! Le tout est diffusé en direct ici à partir de 19 h 30...

 

mardi 3 juin 2014

Antigone Sr: Sophocle postmoderne

Que ce serait-il produit si un vogueur s’était joint aux expérimentateurs de la Judson Church en 1963? À partir de cette intrigante proposition, Trajal Harrel élabore depuis 2009 une série en huit pièces (de tailles XS à XL) qui ne répond pas tant à la question qu’elle offre un regard sur la société dans laquelle nous vivons, explorant ce faisant les concepts de genre, de sexualité, de race et de culture.
Après Antigone Jr, le chorégraphe retrouve pour la deuxième fois l’héroïne de Sophocle, articulant son propos autour de résumés de la tragédie antique, de harangues au public (plus ou moins réceptif hier) et de tableaux plus réflexifs, comme cette litanie de « I am »… John et Yoko, Cage et Cunningham, Dr Jekill et M. Hyde, Israéliens et Palestiniens, tout y passe et plus encore… Les confrontations de Sophocle sont transformées en désopilantes battles de voguing, défilés qui misent sur la surenchère, dans lesquels les danseurs androgynes, tous stupéfiants, parodient le monde de la mode et démontrent un certain flair pour les amalgames inusités.
Vous pouvez encore vous glisser en salle ce soir et demain, à l'Usine C

lundi 2 juin 2014

Deux Canadiens en finale du CMIM

Ils ne sont plus que six pianistes et deux sont canadiens! Ils joueront leurs concertos demain et mercredi soir,  à la Maison symphonique, accompagnés par l'Orchestre symphonique de Montréal, dirigé par maestro Giancarlo Guerrero. On s'y retrouve?

MARDI 3 JUIN
19 h 30 : Alexander Ullman (Royaume-Uni) – P. I. Tchaïkovski : Concerto no 1 en si bémol mineur, opus 23
20 h 15 : Charles Richard-Hamelin (Canada) – S. Rachmaninov : Concerto no 2 en do mineur, opus 18
Pause
21 h 20 : Kate Liu (États-Unis) – S. Prokofiev : Concerto no 2 en sol mineur, opus 16

MERCREDI 4 JUIN
19 h 30 : Xiaoyu Liu (Canada) – S. Rachmaninov : Concerto no 2  en do mineur, opus 18
20 h 15 : Jayson Gillham (Australie/UK) – L.V. Beethoven : Concerto no 4 en sol majeur, opus 58
Pause
21 h 20 : Annika Treutler (Allemagne) – S.Prokofiev : Concerto no 3 en ut majeur, opus 26

dimanche 1 juin 2014

D'après une histoire vraie

Huit danseurs, deux batteurs: dix hommes aux personnalités distinctes, pourtant unis par une même volonté. La scène devient tour à tour aire de jeu, surface de combat, point de rencontre, lieu d’exclusion. Des groupes se forment et se déforment, des corps se liguent ou s’affrontent, s’agglutinent ou se percutent comme des électrons, des mains se lient, des bras entourent des épaules, les torses s’imbriquent, animaux bataillant pour un territoire ou collègues menant un même assaut.

 Huit hommes sont en mouvement, ramassés sur eux-mêmes, pugilistes prêts à décocher. On les imagine à la recherche de l’essence de leur nature, unis par une volonté de faire éclater les clichés de leur identité. Les spectateurs pourraient se sentir en retrait, à la limite voyeurs. Il n’en est rien. Portés comme les danseurs par deux batteries, aux textures parfois aériennes, parfois violentes, entre déphasages complémentaires à la Steve Reich et énergie brute de concert rock, ils ont l’impression de reconnaître les pas de ce folklore inventé.

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