Les soirs se suivent, mais ne se ressemblent pas nécessairement et ce, même si on réentendait le Deuxième de Rachmaninov et que nous fréquentions de nouveau Prokofiev (cette fois son Troisième Concerto). Alors que Charles Richard-Hamelin nous avait offert un magnifique Rachmaninov de chambre, l'autre Canadien (et plus jeune candidat, à 17 ans), Xiaoyu Liu a transformé l'oeuvre en quelque chose d'assez peu mémorable, le piano se perdant dans la masse orchestrale, les basses se retrouvant périodiquement inutilement accentuées et le pianiste ne semblant pas avoir conscience de ce qui se passait à l'orchestre, orchestre avec lequel il a déjà eu la chance de jouer puisqu'il avait remporté le Concours OSM Standard Life en 2012 (dans le même concerto de surcroît).
L'Australien Jayson Gillham misait quitte ou double avec le Quatrième Concerto de Beethoven, page plus introspective que pyrotechnique, en porte-à-faux des concertos russes monumentaux adoptés par les autres candidats. S'il ne s'est pas entièrement affirmé dans les premières notes (fort à découvert) de l'introduction et a d'abord transmis un Beethoven plus sage que bouillonnant, il a fini par séduire totalement par la clarté de ses textures, l'intelligence avec laquelle chaque phrase était façonnée, des trilles et grupettos absolument irréprochables, une grande délicatesse de toucher et une cadence du premier mouvement d'une grande intériorité. Le deuxième mouvement reste un moment fort de cette interprétation, transmettant magnifiquement l'antagonisme entre soliste et orchestre, le premier essayant de convaincre par la douceur un second revêche, qui finit par se ranger à l'avis du soliste. Le chef Giancarlo Guerrero s'est révélé une fois de plus un accompagnateur idéal.
L'Allemande Annika Treutler a offert un Troisième de Prokofiev somme toute assez terne. Projection insuffisante, doubles croches parfois inégales, notes supérieures se dispersant dans la masse sonore, tempo inutilement pressé, accents parfois pris hors contexte, il faudra attendre le deuxième mouvement pour entendre enfin de la vraie musique.
Le jury s'est prononcé et a décidé de récompenser les musiciens, geste louable en cette ère de pianistes parfaits techniquement, mais la plupart du temps interchangeables. Ils ont également tenu compte des épreuves préliminaires, que je n'ai pas entendues, ce qui explique sans doute comment Annika Treutler a réussi à se faufiler sur la troisième marche du podium (son Schumann et surtout son Hindemith avaient été remarquables en demi-finale, m'a-t-on confirmé), derrière Charles Richard-Hamelin (2e place) que l'on aurait envie de découvrir comme chambriste tant il possède une rare qualité d'écoute et Jayson Gillham qui remportera sans doute aussi le Prix du public. Il faudra attendre le concert-gala demain soir (qui mettra en lumière les trois lauréats, ainsi que Serhiy Salov, gagnant du premier Prix d'improvisation Richard-Lupien) pour le savoir.
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