jeudi 31 juillet 2014

Un faux-blanc

Réalisateur et producteur de métier, Claude Grenier connaît l'Afrique pour y avoir vécu. Dans le premier volet de sa trilogie, Le souffle de Mamywata, le narrateur entretenait une relation tumultueuse avec Aminata, qui avait mis sa tête à prix, mais finirait assassinée. Cette fois, Joseph Makovsky vit au Cameroun, à Yaoundé, par amour pour l'Afrique aussi bien que par peur de ne pas retrouver ses repères en rentrant au Québec. Il travaille à un documentaire sur les enfants de la rue de Douala, collectionne les aventures sans lendemain, fréquente les soirées mondaines d'expatriés et les buvettes de la ville.

C'est là qu'il y rencontrera Rose, au passé trouble, mère d'enfants plus ou moins reconnus, avec lesquels elle ne vit pas, qui ne cherche qu'une chose: assurer son avenir et celui de sa famille en faisant un mariage de convenance, en se négociant un statut. Même s'il est fou amoureux, Joseph hésite néanmoins à céder aux pressions de sa future belle-famille, qui craint qu'il ne soit qu'un « faux-blanc », un « Blanc qui n'a pas les moyens, qui veut vivre comme un Noir, qui finit par se prendre pour un Noir et par perdre son identité ».

Claude Grenier reste un homme d'images et il multiplie dans son roman les instants volés, les descriptions ramassées, les prises cinématographiques, mais aussi les questions ouvertes. Alors que tous évoquent le village global, la cohabitation entre Noirs et Blancs est-elle vraiment possible en Afrique? Les différences de perception sont-elles irréconciliables? Peut-on rejeter les étiquettes liées au colonialisme et amorcer un dialogue réel? L'auteur n'a pas peur ici d'aborder des sujets difficiles, de proposer au lecteur d'autres pistes de lecture. 

Certains préféreront tout simplement jouer la carte du dépaysement. La narration de l'auteur est fort habile et l'on s'attache rapidement au personnage de Joseph, On le suit pas à pas, espère un heureux dénouement à cette histoire d'amour improbable, sans jamais oser y croire entièrement. Quand on referme le livre, on ressent surtout une impression d'avoir rencontré l'Afrique de l'intérieur, sans pourtant réussir à la saisir. Troublant.

mardi 29 juillet 2014

Communauté

Il y a ceux qui aiment les grandes villes et ceux qui préfèrent la campagne. Les rats des villes et les rats des champs. Je suis indéniablement une fleur de béton, mais j'accepterais sans peine de passer quelques mois loin de l'agitation, des spectacles, chaque été, surtout face à la mer. Certains qui habitent dans des villages aiment cette proximité avec le voisin, que l'on croise à la poste, à l'épicerie, au casse-croûte. L'impression de collaborer à une histoire collective, faite de riens qui s'accumulent, pourtant qui finissent par faire sens.

Comment faire pour retrouver ce sentiment de communauté quand on habite une métropole? Dans certains quartiers, des résidents aménageront des ruelles vertes, y organiseront périodiquement des soirées, les enfants circuleront de chez l'un à l'autre sans apparentes frontières. Un rêve difficile à réaliser pour plusieurs. On peut aussi se bâtir une communauté autour d'une cause par exemple. Elle peut aussi se définir de façon plus insidieuse, à travers une série de gestes partagés ou pratiqués côte à côte. Est-il nécessaire de connaître la vie de la dame qui fait du yoga à côté de vous chaque jeudi, de cet homme qui, chaque mardi, aligne les longueurs de piscine? Non. Avez-vous néanmoins pris conscience de son existence, y jetez-vous un regard sinon intéressé, du moins pas désabusé? Peut-être bien.

Je me suis remis à l'exercice à l'automne, par choix, par nécessité, par volonté de retrouver celle d'avant, qui pouvait courir après un ballon de soccer pendant 90 minutes, pour réaliser aussi que je ne suis plus qu'un cerveau et ce, même si je jongle avec des concepts parfois flous au quotidien, que je parle une langue que certains qualifieraient de morte (la musique classique), que j'aime être confrontée par les expériences artistiques. Je me suis inscrite à un gym de quartier, tout petit, tenu par et pensé pour des femmes. Zéro testostérone, une certaine attention aux détails, un sourire franc quand on passait la porte. 

Quelques mois après, il a fait faillite. Pendant un mois, j'ai tourné en rond, avec toute cette énergie qui ne pouvait être dissipée dans le geste - ou pas assez. L'offre dans le quartier n'était pas exceptionnelle, mais il y avait ce grand centre communautaire, juif. Une ancienne copine de gym s'y était inscrit, m'avait vanté l'éventail de cours, l'horaire modulable. Je me suis dit que, oui, peut-être... La première semaine, j'étais perdue. Trop grand, trop de monde, je ne savais pas comment m'inscrire dans la masse. Mais il y avait les profs, certains exceptionnels. Pas nécessairement parce qu'ils réussissent à vous sculpter un corps en trois coups de couteau (ou de fouet). Plutôt parce qu'ils aiment sans contredit leur boulot.

J'ai été chanceuse. Le premier cours de zumba que j'ai suivi là-bas était donné par Carole: un sourire aussi lumineux que le soleil, une peau de miel, une voix qui vous encourage après chaque chanson (« Mais oui! Bravo, bravo! ») et une musicalité certaine. Facile pour moi de comprendre où s'en va le geste quand il semble couler de source, que la séquence de mouvements n'a pas besoin d'être analysée, qu'elle peut simplement être ressentie, que les pieds se calent naturellement aux temps forts. Il n'y a qu'elle pour passer dans un même cours d'Elvis à du hip-hop un brin salance, du disco bonbon à la salsa, pour réussir à me faire danser sur du country en rigolant.

Au début, je me suis concentrée sur la matière transmise, puis me suis mise à prendre conscience des gens qui m'entouraient, pas toujours les mêmes certes, mais quand même: des personnalités qui s'épanouissent tant qu'on choisit de les observer. Au début, j'étais un peu déstabilisée de voir certaines juives orthodoxes arriver en cours couvertes des pieds à la tête ou presque. J'ai rapidement occulté les superpositions de textures pour me concentrer sur un sourire absolument éblouissant, sur la voix d'une dame d'un certain âge qui chante à tue-tête Let's Get Loud de Jennifer Lopez. J'ai espéré que cette joie qu'elles me transmettaient faisait partie de leur quotidien, que le cours ne servait pas que d'exutoire. Il y aussi cet homme qui semble conçu à partir de ressorts, toujours prêt à bondir. Cet autre qui hurle sa joie après chaque chanson dansée. (Il me manque...Est-il en vacances? Malade?) Il y a cette dame d'au moins 80 ans aux tenues coordonnées que n'aurait pas renié Jane Fonda, qui bouge à son rythme, mais qui bouge sans jamais s'arrêter. J'espère disposer d'une telle énergie quand j'aurai son âge. Ce jeune homme de 18 ou 20 qui accompagne son amie en cours, même si peu d'hommes osent danser la zumba au milieu de trente femmes. 

Il y a quelques semaines, moi aussi, j'ai commencé à sourire de façon gratuite à certaines, entre deux chansons, pendant que je prends une gorgée d'eau. La semaine dernière, une est tombée à la renverse, à deux rangées de moi. A-t-elle eu un malaise? A-t-elle été encombrée par une autre? J'avais bien remarqué combien elle semblait prendre son entraînement au sérieux, ayant même investi récemment dans l'achat de quelques tenues plus adaptées. Elle est partie du cours et toute la semaine, je me suis inquiétée. Hier matin, elle était à mes côtés et je me suis dit que, cette fois, si quelqu'un lui mettait des bâtons dans les roues, elle aurait affaire à moi. Quand, comme dernière chanson avant l'étirement, Carole nous a proposé la sirtaki de Zorba le grec et que, pleines de sueur, toutes n'ont pourtant pas hésité à se mettre en ligne, à répéter les pas, toujours plus rapidement, je me suis dit qu'au fond, si on ne choisit pas sa famille, on peut peut-être bien s'inventer une communauté.


Anthony Quinn - Zorba The Greek (Short Dance... par STARDUST72

dimanche 27 juillet 2014

La liste de mes envies

Ce livre avait beaucoup fait parler de lui à sa sortie, mais peut-être parce que justement il était devenu si populaire, j'avais hésité à me le procurer. Un élève me l'ayant offert en cadeau, je me suis dit que cela devait être un signe que je le lise, ce que j'ai (enfin) fait cette semaine. Mon verdict? Charmant. Léger comme un Foenkinos, avec juste un peu plus de profondeur par moments, car bien sûr, après avoir gagné à la loterie, quand Jocelyne dresse la liste de ses besoins, puis de ses envies (voire de ses envies folles), on ne peut s'empêcher de dresser des listes parallèles dans notre tête. (Des pages ont d'ailleurs été ajoutées à la fin du livre pour que l'on puisse le faire sans culpabilité aucune.)

Grégoire Delacourt sait assurément comment raconter les femmes, leur quotidien, leurs interrogations, leurs blessures, sans que cela ne ne tombe dans le mièvre.
« Les hommes savent les désastres que certains mots déclenchent dans le cœur des filles; et nous, pauvres idiotes, nous pâmons et tombons dans le piège, excitées qu’on homme nous en ait enfin tendu un. » 
On s'attache presque illico à son personnage de mercière, qui tient un blogue de plus en plus populaire, qui papote pendant les moments creux avec les jumelles qui tiennent le salon de coiffure juste à côté, qui pleure encore sa mère (morte subitement alors que Jo avait 17 ans), qui doit composer avec un père à la mémoire qui ne dure que six minutes. On a l'impression de vivre avec elle, de comprendre ses motivations. On a envie de la soutenir, de la pousser un peu dans une direction ou une autre. Alors qu'une douce quiétude s'installe, l'auteur réussit assez habilement à orienter son histoire ailleurs. Un coup de dés qui fonctionne bien, même si la fin m'a semblé un peu trop plaquée pour être entièrement crédible - et ce, même si on ne parle pas ici d'une typique fin heureuse hollywoodienne. Une lecture estivale idéale.

jeudi 24 juillet 2014

Question de rythme

« C'est trop rythmé? Cette musique n'est pas rythmée, dit Paul. Elle cogne indéfiniment sur le même temps. Comme une brute sur la tête de son adversaire mort. Une musique rythmée est une musique qui réfléchit sur la diversité et la complexité des rythmes. » 

Christian Gailly, Dernier amour

mardi 22 juillet 2014

Mr Gwyn

Il y a des personnages si forts qu'on a l'impression qu'ils continuent de vivre, une fois le livre refermé. Mr Gwyn, cet auteur anglais aux convictions bien particulières, qui fréquente les laveries automatiques comme d'autres les cafés, est de ceux-là. Un jour, au grand dam de son agent et ami, il annonce en grande pompe dans un article du Guardian les 52 choses qu'il ne fera plus jamais, dont se faire « photographier le menton dans la main, songeur », mais surtout, écrire. Mais pourra-t-il entièrement tenir parole? Que fera-t-il de ses journées? Il décide d'apprivoiser le métier de copiste, histoire de réaliser des portraits de sujets qui posent pour lui contre rémunération, quelques semaines, en silence (hormis quelques phrases échangées, alors que les ampoules Catherine de Médicis rendront bientôt leur dernier éclat), nus?
« Troublée, elle s’aperçut qu’elle prenait conscience d’être nue uniquement lorsqu’elle était seule ou qu’il ne la regardait pas. Par contre sa nudité devenait naturelle quand il l’observait, et elle avait alors l’impression d’être vêtue, et accomplie, comme une œuvre d’art. »
Il ne s'agit pas ici de décrire ce qu'il voit, mais de permettre au modèle de retrouver son histoire, celle qui n'appartient qu'à lui.
« Jasper Gwyn m’a enseigné que nous ne sommes pas des personnages, mais des histoires, dit Rebecca. Chacun de nous s’arrête à l’idée qu’il est un personnage engagé dans Dieu sait quelle aventure, même très simple, or nous devrions savoir que nous sommes toutes l’histoire, et pas seulement ce personnage. Nous sommes la forêt dans laquelle il chemine, le voyou qui le malmène, le désordre qu’il y a autour, les gens qui passent, la couleur des choses, les bruits. » 
Après avoir évoqué sa jeunesse dans Emmaüs, Alessandro Baricco nous propose un conte philosophique, dans la lignée de Soie, en apparence toute en légèreté, mais qui force la réflexion. Peut-on se réinventer entièrement? Peut-on effacer sa présence sur terre? Quel est le rôle de notre histoire personnelle? Il y est question d'écriture, bien sûr, mais de façon indirecte. L'auteur (musicologue de formation) réitère son amour de la musique, mais de façon détournée, grâce à l'intégration dans l'histoire d'une étonnante bande-son commandée à un compositeur contemporain « sans l'ombre d'un rythme, mais juste quelque chose en devenir qui suspende le temps, et remplisse le vide d'un itinéraire sans coordonnées ». On retrouve surtout avec grand plaisir cette plume incisive et pourtant délicate, cette voix unique, ce souffle si particulier.

dimanche 20 juillet 2014

Patchouli

Une narratrice de 24, bientôt 25 ans – quelques années à peine de plus que son auteure. Elle vient de passer sept ans autour du monde; elle rentre en terre natale, à Québec plus précisément, pour accompagner les derniers instants de sa mère. On se dit que le récit sera cousu de fil blanc, multipliera les références autofictionnelles à défaut des poncifs, jouera sur la carte de l’amplification des émotions. On aura tout faux, car il suffit de quelques pages pour comprendre que Sara Lazzaroni maîtrise assurément la forme narrative, n’hésitant pas à en bousculer les codes, les fragments de journal proposés dans le désordre nous révélant aussi bien le personnage que les gestes qu’elle pose au quotidien, qu’elle travaille dans un restaurant italien du quartier Saint-Jean-Baptiste, passe quelques instants à l’hôpital au chevet de sa mère ou parte pour une folle virée en agréable compagnie. Surtout, on réalise que la jeune auteure possède une voix, mûre, affirmée, que sa plume sait plonger dans l’essentiel, grâce à des phrases courtes, efficaces, qui suscitent des images n’ayant rien de convenu. « La musique commence. Le jeu des acteurs est exquis, les répliques s’entrelacent comme des pieds sous les draps. »
On s’attache à Patchouli, souhaiterait l’avoir croisée lors d’un de ces nombreux voyages, la voudrait comme sœur, comme amie, comme confidente. « C’est un esprit libre. Elle n’épargne rien ni personne. Elle ne connaît ni les détours de la politesse, ni le besoin de se contenir. Dans une société comme la nôtre qui choisit son vocabulaire en fonction des statistiques et qui préfère l’euphémisme à l’hyperbole, ça fait du bien de la côtoyer. » En choisissant de ramasser son propos sur une centaine de pages, la jeune auteure réussit à extraire l’essence même du personnage, gomme toute scorie qui aurait pu alourdir la lecture. Les relations qu’elle entretient avec son entourage sont évoquées avec finesse, jamais de façon unidimensionnelle. Oui, certaines affirmations relèvent trop de l’idéalisme pur pour ne pas faire sourire parfois. En même temps, n’avons-nous pas besoin de retrouver ce regard en rien désabusé que nous posions alors sur le monde?

vendredi 18 juillet 2014

Les poètes franco-ontariens

Les poètes franco-ontarienssont des idiots-savantsmais ils gagnent toujoursà la loterie Ils sont toujoursà a recherche
de la sortie de secours Dans leur cœur
ils sont leur propre
pays Toute leur vie
ils ont cherché
l’âme sœur Ils ne veulent pas finir
par lui faire l’amour
sur son lit de mort


Patrice Desbiens, Rouleaux de printemps

jeudi 17 juillet 2014

Petits tableaux

Avec Petits tableaux, Éloïse Lepage ose entrer dans le vif d’un sujet rarement abordé en littérature québécoise : peut-on vivre pleinement une maternité quand on consomme des substances illicites, s’est prostitué pour assouvir sa dépendance, entretient une relation ambivalente avec sa propre mère? Comment ose-t-on même se définir dans de telles circonstances?  Peut-on le faire autrement qu’en survolant certains moments-clé de notre existence, par peur d’effaroucher celui qui nous rencontrera?
Éloïse Lepage a compris qu’il serait impossible pour le lecteur de saisir le personnage d’Anne-Si autrement qu’à petites touches. À travers une série de « petits tableaux » articulés autour des quatre éléments, entre narration fragmentée, juxtaposition de micro-nouvelles et recueil de poèmes en vers libres, elle nous raconte un parcours atypique, certes, mais auquel on peut néanmoins s’identifier. À coups de phrases hachées, la narratrice ne dissimule pas l’ambiguïté de l’attachement ressenti pour ses deux enfants, David et Marie-Célestine. Cette jeune fille qui n’a jamais su entièrement comment devenir femme ne se justifie en rien même si les éléments d’un passé troublé qui nous sont révélés au fur et à mesure permettent d’adoucir le portrait offert. « “Maman, je t’aime, même si tu as des trous dans ta mémoire. ” Je t’aime aussi, je t’aime aussi, je t’aime aussi, je t’aime aussi. Il y a des choses qu’on pense sans les dire et d’autres qu’on dit sans les penser. Ta gueule, mon ange, tu ne vois pas que je pleure. Et je pleure. Et David aussi. Et là, sans avertir, je m’entends dire : “Je t’aime aussi.” Ensemble on se liquéfie. »
Si certains passages semblent un peu forcés – comme si la violence de la narratrice avait été mal canalisée – l’écriture de Lepage bouscule adroitement le lecteur qui aurait peut-être considéré en temps normal s’extraire d’un contexte aussi malsain, mais voudra néanmoins accompagner, yeux grand ouverts, Anne-Si dans ce labyrinthe au cœur du soi.

mardi 15 juillet 2014

Patchouli recrue de juillet

Juillet, période de vacances pour plusieurs. Nous vous avons donc concocté un numéro autour du voyage, à l’étranger ou au cœur de soi. Un numéro porté presque entièrement par des voix de femmes, exception faite du Récital des décadents de David Hébert. Un numéro qui n’a pas peur de faire voler en éclats les poncifs, que ce soit à travers les sujets abordés (Éloïse Lepage nous propose une version moins qu’idyllique de la maternité dans ses Petits tableaux) ou la façon de les traiter.
Tout comme Éloïse Lepage, Sara Lazzaroni, notre Recrue ce mois-ci, a opté dans Patchouli pour une narration fragmentée. « Pour moi, forme et fond sont nécessaires, explique la jeune auteure de 20 ans dans notre questionnaire.Toutefois, le style passe après le propos. Les fioritures octroient certainement du charme, de la chair autour de l’os, mais c’est le squelette qui tient le corps en place. L’écriture n’est pas qu’un jeu d’érudition ostentatoire. Il ne s’agit pas que d’une enfilade de jolis mots bien assortis. J’aime un style épuré, la simplicité poétique, la conciliation entre divers thèmes en apparences dissonants, qui font jaillir des images surprenantes. » Adroitement disposés, des extraits du journal de la narratrice permettent à la fois de saisir les grands axes de ce voyage autour du monde et la façon dont les rencontres ont transformée cette jeune femme des plus attachantes, peinant à s’ancrer dans une réalité qui était la sienne, mais ne la représente plus entièrement.
Une rencontre improbable sert aussi de moteur aux Barricades d’Hélène Lapierre. Adrien rentre au pays, après quatre années passées au Nicaragua, convaincu d’avoir réussi à s’émanciper d’une douloureuse peine d’amour. Il percute une joggeuse et sa vie bascule, plongeant le lecteur dans « une aventure humaine qui honore le pardon, l’acceptation, la confiance, mais souligne également l’importance du deuil et de la transmission », relève Marion dans son commentaire.
Nous évoquions il y a un mois l’inutilité des étiquettes. Larmes, une collaboration entre la poète Mélanie Rivet et la photographe Sue Mills, a séduit Antoine qui y voit « une synesthésie […] particulièrement réussie [qui] ne peut qu’enthousiasmer le lecteur. »
Fragmentation du discours, émotions qui se déclinent en autant d’éclats, la vie n’est pas être conçue comme un parcours linéaire. Les chemins de traverse mènent souvent aux plus grandes révélations et continueront d’alimenter les imaginaires des auteurs d’ici. Pour notre plus grande joie…

Pour lire le numéro courant de La Recrue, c'est par ici...

lundi 14 juillet 2014

The Golden Age

Quand deux artistes exceptionnels unissent leurs talents, cela ne peut donner que quelque chose de magistral. Porté par la puissance d'un fil narratif qui nous retient captif du début à la fin, par le travail de caméra de Kasper Tuxen, évoquant les étés de jadis et l'innocence perdue de façon magistrale, la dernière vidéo de Woodkid est trop belle pour ne pas être partagée. Extrayez-vous pendant dix minutes de votre quotidien et laissez-vous raconter une histoire, en musique, en images et en sensations.

   
Woodkid - 'THE GOLDEN AGE' feat. Max Richter 'EMBERS' (Official HD Video) from WOODKID on Vimeo.

dimanche 13 juillet 2014

Swap coup de cœur / découvertes

Angeselphie a choisi d'organiser un swap original, sans réel thème, sans questionnaire à remplir, auquel Topinambulle n'a pas su résister et m'a convié. Comme je n'ai jamais su dire non à Topi, rencontrée à travers les blogues, devenue complice de théâtre, collaboratrice, mais surtout amie dans la vraie vie, je me suis donc inscrite en binôme avec elle, ravie de pouvoir lui réserver quelques petites attentions de mon crû, de lui faire partager quelques coups de cœur...

Je serai honnête avec vous: nous avons triché. Je pourrais avancer que c'est de la faute de Topi, mais je n'ai pas hésité à acquiescer à sa demande. Et si nous ouvrions nos paquets ensemble? Un verre de vin blanc versé, quelques crudités tranchées, des nouvelles cruciales échangées, nous avons procédé au déballage, comme deux gamines le matin de Noël. Voici donc ce que contenait mon paquet, emballé dans le plus beau sac-cadeau que j'aie jamais vu. (Je vais d'ailleurs réfléchir comment je pourrais le recycler et l'intégrer à ma décoration, car ces souliers, ce bling-bling, c'est juste trop... top!)
 Une fois le contenu extrait du sac, cela donne...
Côté lectures... Deux livres coups de cœur de Topinambulle, les poèmes de Marie Uguay (son journal traîne toujours sur ma table de chevet après trois ans, mais j'ai bien l'intention de le terminer) et Le bruit des choses vivantes d'Élise Turcotte (dont j'avais beaucoup aimé Guyana). Elle a ajouté L'album multicolore de Louise Dupré, un choix naturel, car il me fait de l’œil depuis sa sortie et que le premier livre que Topi m'ait prêté, lors de notre toute première rencontre, était un roman de Louise Dupré. Il y a aussi deux très jolies signets (dont Le baiser de Klimt) et des douceurs que je glisse dans la boîte à tendresse dans cette carte qui ressemble à mon amie.

Côté accessoires, Topi a pensé à mes nombreuses sorties au théâtre et m'a offert un calepin pour prendre des notes, juste assez rebondi pour que je n'aie pas besoin d'en changer après un mois, d'un format juste parfait pour glisser dans le sac. On retrouve aussi un foulard couleur vert pomme... pour aller avec mes pantalons de cette couleur (mais il ira aussi parfaitement avec les mandarine, les rose...)
Côté gâteries, des sachets pour faire du thé glacé (c'est la saison) et deux friandises chocolatées (noires, comme je les aime). J'ai été trop gâtée, mais suis surtout très heureuse que ce swap nous ait permis de nous retrouver toutes les deux, plus d'un mois après notre dernière virée au FTA. C'était beaucoup trop long!
Merci à Angelselphie d'avoir organisé ce swap!

samedi 12 juillet 2014

Le concierge: sympathique

Il est concierge... mais pas n'importe où. Il travaille, de nuit, dans un théâtre, s'inspirant des objets qu'il croise - ou qu'il doit « réparer » - pour s'inventer un monde autre, moins ennuyeux sans doute que celui dans lequel il évolue le reste du temps. Il convoque les esprits de ceux qui ont foulé les planches du théâtre (un peu comme le fait le preneur de son qui dialogue avec les fantômes dans Le silence de l'opéra de Pierre Créac'h), mais aussi un public. Le « vrai » - celui en salle - en profitera pour le soutenir dans ses premiers pas de magicien (un lapin en peluche se trouvant compressé dans le chapeau haut-de-forme), mais aussi de danseur de ballet, alors que les pointes qu'il revêt tendent automatiquement ses arches de pied et lui confèrent une grâce toute aérienne, la maladresse attendue du clown se trouvant d'un seul coup entièrement diluée. 

Les deux numéros musicaux nous font osciller entre le sourire et la tendresse. Anthony Venisse a pris dix ans de leçons et cela a su porter ses fruits ici, qu'il nous interprète une valse toute en demi-teintes de sa composition, hommage à celles de Chopin ou qu'il devienne un chef d'orchestre délirant, en queue-de-pie conçu à partir de la vareuse du concierge, qui convoque les différentes sections de l'orchestre. On a droit à des moments particulièrement brillants quand il extraie une corde basse du piano pour devenir contrebassiste (6 min 53 de la présente vidéo) ou quand il souffle dans le trapèze quand les cuivres s'en mêlent (7 min 30). On voudrait presque le numéro serve d'initiation à la « grande » musique pour les petits tant il est conçu avec intelligence.

Le spectacle se termine comme si le concierge avait définitivement choisi le monde du rêve. Après quelques envolées de trapèze, il retourne à l'ombre, comme si nous avions rêvé ces instants (magistralement mis en lumière par (Bruno Rafie).

Ce soir et demain au Quat'Sous.


Le Concierge/The Janitor from Anthony Venisse on Vimeo.

vendredi 11 juillet 2014

La nuit des monstres: envoutant

Il y a quelque chose d'assurément unique dans la proposition d'Étienne Saglio qui nous convie à découvrir ses monstres. Seul en scène, n'usant que de quelques onomatopées tout au long de l'heure qu'il passe avec nous, dans une esthétique que n'aurait pas renié Tim Burton, il happe notre attention presque subrepticement. Au début, on hésite, on peine à saisir ce portrait intimiste, en noir et gris, la semi-obscurité dans laquelle la scène est plongée se révélant essentielle pour semer le trouble, les questionnements, l'émerveillement. Ici: pas de lapins qui sortent du chapeau du magicien, mais des bouts de tuyaux d'aération qui prennent vie, autant d'animaux mythiques qui, malgré leur teneur, semblent pourtant dotés d'une réelle personnalité. Il faut voir l’illusionniste convaincre l'anodine pièce de métal de sauter d'une demi-cage à une autre pour s'en convaincre.

Alors que Krin Haglund use sans vergogne de son charme et de son sens de l'humour décalé dans The Rendez-vous, ici, l'approche se fait plus doucement, comme si Saglio nous ouvrait non seulement la porte de son atelier jonché d'objets (tous récupérés), mais de son univers onirique, fortement poétique, volontairement hivernal (l'idée du spectacle est d'ailleurs née par une froide nuit à Stockholm et on le ressent assurément), qui n'est pas tant effrayant qu'intrigant. 

Même si l'interprète a dédié le spectacle aux monstres sous nos lits avant de quitter la scène, je doute que les cauchemars aient pollué la nuit de ceux présents hier soir au Théâtre Outremont. Ils auront sans doute préféré se joindre au vol de ces oiseaux conçus à partir des balles de métal que le praticien de la nouvelle magie fabrique devant nos yeux. Inutile de chercher à comprendre comment sont créées les illusions. Il suffit de les laisser nous habiter.

Ce soir et demain au Théâtre Outremont...  

mercredi 9 juillet 2014

Un rendez-vous charmant

Krin Haglund possède cette qualité rare qui lui permet de connecter instantanément avec un public. Elle n'avait pas prononcé une seule parole, à peine esquissé quelques pas sur la scène du Quat'Sous que nous étions conquis, irrévocablement. Oui, Krin Haglund demeure une artiste de cirque complète, qui a roulé sa bosse un peu partout, que ce soit avec le Cirque Éloize (notamment dans le rôle inoubliable de l'ange dans Rain) et les Sept doigts de la main (dans La vie et Loft), première femme à maîtriser la roue Cyr. Elle a non seulement survécu à une chute qui aurait pu se révéler fatale, mais est sortie de l'expérience grandie, les yeux pétillants, le cerveau bouillonnant de numéros extravagants qu'elle ne pouvait en aucun cas proposer aux grandes compagnies.


Dans The Rendez-vous, elle personnifie une femme légèrement excentrique, qui attend son galant. Pour se désennuyer, elle se servira de ses colliers comme accessoires, recyclera ses bas en marionnette avec laquelle elle échangera avant de la plumer dans une lecture décalée du traditionnel Alouette. Le chandelier deviendra coiffe, la nappe vêtement, alors qu'elle se prend pour une soprano wagnérienne ou une tragédienne issue de la Belle Époque. Krin Haglund manie la roue Cyr avec maestria (elle semble s'amuser follement), intègre un numéro de trapèze, un autre de rubans, impeccables. Pourtant, c'est lorsqu'elle interagit avec le public qu'elle est la plus redoutable, qu'elle dirige d'une poigne de fer un trio de souffleurs de bouteilles, devienne ministre du culte pour un mariage pratiqué entre deux inconnus ou convie un homme (hier soir, le fondateur de la roue Cyr lui-même) à la rejoindre sur scène pour boire un verre ou deux, de façons extraordinairement créatives (que vous ne serez pas tenté d'adopter lors de votre prochaine soirée).

On sort de la salle envoûté par le charisme de la belle, le sourire aux lèvres, bluffé par cette superposition réussie entre esthétique volontairement vintage et réelle contemporanéité

Osez mettre votre nom sur la liste d'attente (comme je l'ai fait). Vous pourrez alors vous glisser en salle ce soir pour la troisième et dernière représentation.

lundi 7 juillet 2014

Quatre jours sur la corde raide

Me revoici, après quatre jours fébriles, intenses, fertiles, remplis de découvertes, de rencontres, d'échanges, presque troublée de ne pas être en train de parler d'une discipline que je connaissais au fond bien peu il y a quelques jours à peine.

Mettez dans une même pièce dix journalistes aux forces et parcours complémentaires (danse, théâtre, arts visuels, cirque, science): quatre qui habitent à Montréal, quatre qui viennent des États-Unis, une de l'Ontario, un de Vancouver. Sous la férule d'un animateur de haut niveau, Yohann Floch, spécialiste en cirque, mais souhaitant avant tout décloisonner le langage, proposez-leur des visites (École nationale de cirque, TOHU, Cirque du Soleil), des présentations ciblées (sur l'histoire du cirque, sur les défis de programmer le festival Complètement Cirque, sur l'évolution de la forme artistique au Québec), des rencontres post-spectacle avec les artistes, des espaces de discussion.
Fête d'ouverture
Photo: Lucie Renaud
Surtout, plongez-les dans le bain: sept spectacles en quatre jours, aux esthétiques foncièrement différentes, du cirque traditionnel pour toute la famille à un cabaret électro trad, dans autant de lieux différents. Aucune préparation acceptée, une interdiction formelle de consulter les dossiers de presse. Ressentez d'abord, analysez ensuite. Acceptez de jouer le lendemain à un petit jeu et de trouver « le » mot (oui, un seul!) qui représente le mieux pour vous ce que vous avez vécu.

Une impression de vous produire sur un fil de fer sans filet? Oui, assurément. Une peur de tomber? Curieusement, non, car si le monde du cirque est synonyme d'un seul mot, c'est bien celui de « communauté ». Tous les artistes performent à un niveau inouï, ont passé des heures à s'entraîner, à reproduire les mêmes gestes, à s'approprier les codes, avant de pouvoir se définir un langage personnel. Contrairement aux pianistes, ils l'ont fait sous le regard des autres, ayant besoin que quelqu'un les hisse sur un trapèze, s'assure de leur sécurité (l'élément de danger reste omniprésent). Oui, sans doute, les égos entrent en ligne de compte (on n'arrive pas à la maîtrise d'un art autrement), mais le cirque se pratique dans la complémentarité, chacun cherchant à trouver sa niche, sa façon de connecter avec le public.


Photo: Lucie Renaud
Photo: Lucie Renaud
Photos prises lors de la journée pour la famille, samedi
Photo: Lucie Renaud
Alors, où devez-vous vous glisser en salle? Il ne vous reste qu'un soir pour voir Acrobates, un troublant duo qui rend un hommage vibrant à un voltigeur victime d'une chute qui le rendra paraplégique, à travers des vidéos intelligemment intégrées, une scénographie redoutable d'efficacité (un plan incliné à 43 degrés qui rend la moindre escalade extrêmement difficile).

Dans un registre totalement opposé, vous avez jusqu'au 12 juillet pour voir Barbu, la foire électro trad, qui floue habilement les frontières entre cabaret allemand, foire du début du 20e siècle (dans laquelle aurait bien pu évoluer notre Louis Cyr national) et spectacle d'humour (sans paroles ou presque, pourtant). Ici, on revisite l'imaginaire québécois, on le dépoussière, on le décape et on le transforme, que ce soit à travers l'assemblage des numéros ou par la transformation fort habile de chansons traditionnelles québécoises (chapeau à André Gagné et David Simard pour leur appropriation du matériel). Cela ne plaira pas à tous (les opinions étaient très tranchées au lendemain de la représentation), mais la démarche est plus qu'intéressante.

Ceux qui veulent faire plaisir aux tout-petits se glisseront sous le chapiteau installé sur les terrains de la TOHU pour voir une représentation du Midnight Circus (jusqu'au 13 juillet), une compagnie familiale qui présente un cirque à l'ancienne (avec un seul animal, le chien familial), dans un lieu intime, qui favorise la proximité et les yeux ébahis des petits.
Midnight Circus
Photo: Lucie Renaud
Photo: Lucie Renaud


Photo: Lucie Renaud
À quelques pas de là, les Sept doigts de la main présentent (jusqu'à la fin du festival également) Intersections, un spectacle poétique, volontiers narratif, dans lequel huit personnages (établis à partir des vécus et des imaginaires des artistes) se rencontrent. En première partie, le public est invité à participer à un déambulatoire bien particulier, suscitant une réflexion sur la proximité, mais aussi une curiosité envers l'autre, que l'on croise d'une station à l'autre, dont on ne sait rien, mais qui tout à coup nous paraît digne d'intérêt.
Intersection des Sept doigts de la main
Photo: Lucie Renaud


Photo: Lucie Renaud
Je m'en voudrais de ne pas évoquer Reset de la compagnie montréalaise Throw2Catch, qui fait une utilisation très habile de la technologie (prise de photos dans le public avant le spectacle, un gagnant devenant VIP d'un jour et pouvant voir un segment du spectacle assis sur scène, encouragement à Twitter en direct, participation de la foule lors d'un vote qui influera le déroulement du spectacle), mais n'en est pas esclave. Aucune déshumanisation possible ici. Les liens entre les complices sont réels, comme ceux qu'ils entretiennent avec le public, absolument fasciné par ce qu'on lui présente - et ce, même si dans notre cas, nous sortions d'une représentation de Curios du Cirque du Soleil, magistrale.

Le festival se poursuit cette semaine. Je prends une journée pour retrouver mon souffle et je replonge demain. Je pensais revenir en blond surfeur dans ma prochaine vie (théorique). J'ai changé d'idée: je me joindrai au cirque!


Minutes complètement cirque hier soir
Photo: Lucie Renaud
Photo: Lucie Renaud

(Toutes les photos ont été prises avec mon cellulaire.)

jeudi 3 juillet 2014

Montréal complètement cirque

Alors que le Festival de jazz n'est pas encore terminé, on remet ça avec la cinquième édition de Montréal Complètement Cirque depuis hier soir. Je n'aurai pas le temps de me poser ici au cours des quatre prochains jours car je serai en résidence au festival en tant que l'une des dix journalistes (du Canada et des États-Unis) qui auront le privilège de discuter cirque avec des experts, de participer à des tables rondes, d'interviewer des artistes et de voir deux spectacles par jour. Complètement fou!

Un compte rendu suivra dès que possible. En attendant, vous pouvez consulter la programmation complète ici...

mercredi 2 juillet 2014

La très grande solitude de l’écrivain pragois Franz Kafka

Quelques citations tirées du très beau recueil d'André Roy, La très grande solitude de l'écrivain pragois Franz Kafka

« Il faut être humainement libre / pour être éternellement écrivain, / donc condamné » (p. 20)

« Est-ce que la nuit artificielle du cinéma / ressemble à la nuit naturelle de l’écriture? » (p. 22)

« Se séparer de sa chair comme d’un ennemi. / Tout est prêt avant l’écriture : / la résurrection de ses facultés, / la consolation par sa fatigue. / Franz redoute pourtant ce qu’il désire, / coupe sa détresse au couteau; / sait qu’écrire exige qu’il dépérisse,  / qu’il tire au-dehors tout son intérieur. / N’a cependant pas voulu s’incarner dans un mauvais corps. » (L’intérieur de la détresse, p. 51)


« Des taches blanches sur son âme. / Du dedans nocturne, il sort né chaque jour; / comme Rilke, Kierkegaard, Musil, / dit se réveiller condamné chaque matin; / cherche désespérément des mots précis / qu’il découpera ensuite; / nomme ce qui est entré dans ses yeux durant la nuit. / À Berlin comme à Prague, / Franz possède la force écrivante  / pour décrire le pur dedans sec de la fiction. » (L’intérieur des jours, p. 54)