jeudi 31 juillet 2014

Un faux-blanc

Réalisateur et producteur de métier, Claude Grenier connaît l'Afrique pour y avoir vécu. Dans le premier volet de sa trilogie, Le souffle de Mamywata, le narrateur entretenait une relation tumultueuse avec Aminata, qui avait mis sa tête à prix, mais finirait assassinée. Cette fois, Joseph Makovsky vit au Cameroun, à Yaoundé, par amour pour l'Afrique aussi bien que par peur de ne pas retrouver ses repères en rentrant au Québec. Il travaille à un documentaire sur les enfants de la rue de Douala, collectionne les aventures sans lendemain, fréquente les soirées mondaines d'expatriés et les buvettes de la ville.

C'est là qu'il y rencontrera Rose, au passé trouble, mère d'enfants plus ou moins reconnus, avec lesquels elle ne vit pas, qui ne cherche qu'une chose: assurer son avenir et celui de sa famille en faisant un mariage de convenance, en se négociant un statut. Même s'il est fou amoureux, Joseph hésite néanmoins à céder aux pressions de sa future belle-famille, qui craint qu'il ne soit qu'un « faux-blanc », un « Blanc qui n'a pas les moyens, qui veut vivre comme un Noir, qui finit par se prendre pour un Noir et par perdre son identité ».

Claude Grenier reste un homme d'images et il multiplie dans son roman les instants volés, les descriptions ramassées, les prises cinématographiques, mais aussi les questions ouvertes. Alors que tous évoquent le village global, la cohabitation entre Noirs et Blancs est-elle vraiment possible en Afrique? Les différences de perception sont-elles irréconciliables? Peut-on rejeter les étiquettes liées au colonialisme et amorcer un dialogue réel? L'auteur n'a pas peur ici d'aborder des sujets difficiles, de proposer au lecteur d'autres pistes de lecture. 

Certains préféreront tout simplement jouer la carte du dépaysement. La narration de l'auteur est fort habile et l'on s'attache rapidement au personnage de Joseph, On le suit pas à pas, espère un heureux dénouement à cette histoire d'amour improbable, sans jamais oser y croire entièrement. Quand on referme le livre, on ressent surtout une impression d'avoir rencontré l'Afrique de l'intérieur, sans pourtant réussir à la saisir. Troublant.

Aucun commentaire: