vendredi 19 juillet 2013

J'ai bien aimé le soir aussi

J'avais noté ce titre au détour d'une visite sur une blogue, l'avait aussitôt réservé à la Grande Bibliothèque, même s'il n'était pas  encore arrivé au Québec. Quelques semaines plus tard, un avis de disponibilité atterrissait dans ma boîte de courriel. Je n'ai même pas ouvert le roman sur le champ, me plongeant dans l'un des deux autres empruntés ce jour-là et puis, un soir, j'ai senti qu'il m'appelait, que j'étais prête à la rencontre. Au choc plutôt. Pourtant, j'ai attendu près d'une semaine avant de recopier les 13 citations retenues. Encore portée par l'émotion ressentie à la lecture du livre, je me disais que, peut-être en avais-je exagéré sa portée.

Le pari demeure audacieux: raconter, dans un livre à quatre mains, dans lequel flotte le parfum de l'autofiction, l'histoire d'un amour que l'on pense condamné d'avance. Elle a 48 ans, travaille à L'Express (comme Christine Kerdellant), sort d'un mariage banal, n'a connu que des relations monogames qui s'inscrivent dans la durée. Lui, un général, marié, en a 55 et collectionne les aventures comme les étoiles sur son uniforme. « J'ai donc vingt minutes pour vous séduire », admet-il d'emblée, alors qu'elle l'interviewe pour un article de fond. Elle croit demeurer maîtresse de la situation en lui précisant qu'ils ne vivront qu'un seul weekend d'amour, à Istanbul, que l'histoire se terminera sitôt après, mais le destin les obligera à revoir leur échéancier.

À travers cela, ils écrivent: des lettres, des courriels, des textos, mais aussi des chapitres de roman, certains se voulant deux regards distincts sur un même événement. Se confient-ils en toute honnêteté? Le roman qui s'échafaude n'a-t-il pas pris une vie propre, porté par les libertés littéraires, les cachotteries amoureuses, autant d'ellipses qui rendent de plus en plus flous les contours de cet objet que l'on peaufine, que l'on élague, dont on occulte peut-être l'essentiel?
« En écrivant notre roman d’amour, nous avons craint que l’amour ne s’échappe, mais c’était le roman qui s’était affranchi de notre contrôle pour nous conduire vers son apogée, vers le gouffre. J’avais cru à la solidité des hommes et à la fragilité de leurs rêves. Mais c’était le contraire qui était vrai. »

Le roman aurait rapidement pu devenir un exercice de style, un concours de métaphores, l'un surenchérissant sur les bases de l'autre. Il n'en est rien. Jamais on ne se perd dans cette narration à plusieurs voix, celle de chaque amoureux, mais aussi celle de la narratrice principale, de l'instigatrice du projet - mais est-ce bien la sienne? - qui prend la plume parfois pour nous expliquer pourquoi elle a retranché certains chapitres, comment un événement freinait le rythme. Cela permet au lecteur de non seulement de déchiffrer cette histoire à travers un kaléidoscope d'instants, mais en passant de l'autre côté du miroir, dans le scriptorium. 
« Virginia Woolf prétend que rien n’existe tant que cela n’a pas été écrit. L’écriture donne leur existence aux choses, en les objectivant et en les sauvant de l’oubli. Mais j’ai payé pour savoir qu’en dévoilant le passé et le présent, elle change l’avenir. »
On réalise rapidement qu'il s'avère futile de savoir si l'histoire d'amour évoquée s'inscrit dans une certaine réalité, comment est né le projet, qui a écrit quoi ou même l'identité du mystérieux Pierre Maurienne, pseudonyme d'un essayiste. On se laisse happer par l'histoire, magnifiquement narrée, tout simplement. Le reste n'est que littérature...
 « J’aurais voulu que ce livre n’ait pas de chute. Pas parce que le dénouement ne sera jamais à la hauteur du déroulé. Mais parce que les histoires d’amour, comme toutes les histoires humaines, n’ont d’autre fin que la mort. »

3 commentaires:

Topinambulle a dit…

J'avais hâte à ce billet !
Ça donne envie de le lire, ou d'être follement romantique ! Merci Lucie :)

Lucie a dit…

Pas besoin de choisir... Tu peux le lire ET être follement romantique! :)

Claudio Pinto a dit…

Merci pour les citations!

Elles m'ont donné le goût... d'écrire un roman à quatre mains!

Claudio