mardi 30 juin 2009

Dans mon sac de plage...


Je cours, je cours... Je pars demain pour 10 jours à la mer et peine à boucler tous mes dossiers en suspens, comme si tous mes clients craignant tout à coup que je ne revienne jamais! (Je devrais peut-être y songer... nah!)

Attend, bien patiemment, une pile de livres à glisser dans mon sac à malices, qui comprendra également mon iPod et ma caméra. Quelques rescapés de ma PAL qui attendent patiemment, dont Les Disparus de Daniel Mendelssohn (reçu à mon anniversaire il y a un an et demi!), quelques amis ramassés en bibliothèque (dont La fabrication de l'aube de Jean-François Beauchemin, que je veux lire depuis des années mais aussi Champagne de Monique Proulx et le dernier recueil de nouvelles de Robert Lalonde. Je glisserai aussi dans mon sac, pour l'inspiration, les Lettres à un jeune poète de Rilke, Les Nourritures terrestres de Gide et deux livres que je me sens le besoin de relire: L'invention de la solitude de Paul Auster et Océan mer de Barrico (un choix naturel, non?). Aurais-je le temps de tout lire? Bien sûr, j'en doute, mais de les savoir là, « au cas où », rend déjà le voyage plus doux. Je vous retrouve dans une dizaine de jours, souhaitons-le gorgée de soleil et repue de lecture!

dimanche 28 juin 2009

Des liens tricotés serrés

Je me promenais l’autre soir avec mon chien quand j’ai soudain eu une révélation mathématique. Je vous sens déjà craintifs; rassurez-vous, je n’ai aucune intention de vous entretenir de physique quantique. En pensant à mes élèves, j’ai réalisé qu’on pouvait les disposer dans divers diagrammes de Venne. Vous vous souvenez peut-être de ces ensembles multiples dans lesquels nous devions regrouper des informations, du type amateurs de pommes en A, amateurs de poires en B, amateurs d’oranges en C. Certains sujets aimaient les trois fruits, d’autres deux, etc. Toutes sortes de regroupements d’élèves se sont alors formés dans mon esprit. Il y a ceux qui habitent dans le quartier, ceux qui vont à la même école, ceux dont les parents travaillent au même endroit, ceux qui se connaissent à travers des activités parascolaires. L’année dernière, j’avais même un élève dont le professeur, à l’école, était la femme d’un élève adulte! Il semble qu’on puisse relier n’importe qui sur la terre en six liens ou moins. Dans le petit monde de la musique classique, on pourrait sans doute réduire ce nombre à trois ou quatre.

J’aurais aussi pu aussi regrouper les goûts musicaux de tous ces aspirants pianistes. Il y aurait eu ces quelques irréductibles qui aiment Bach, généralement décrié par la grande majorité comme étant « trop compliqué ». Ceux qui rêvent pendant cinq ans de jouer Für Elise de Beethoven et nous rendent vaguement dingues à le répéter 100 fois quand ils le « maîtrisent » enfin. Ceux qui grincent des dents quand on leur mentionne que le compositeur de leur pièce est toujours vivant, tandis que d’autres aimeraient plutôt lui serrer la main. Et que dire de tous ces adolescents qui se vautrent dans la musique de Chopin, un passage obligé, qu’il dure une, deux ou cinq années ? Soyons honnêtes : qui d’entre nous n’a pas eu sa période Chopin, alors que nous écoutions en boucle ses nocturnes, rêvions de jouer ses ballades et massacrions allègrement à l’occasion ses études? Plus ça change et plus c’est pareil!

Je serais tentée d’avancer les mêmes genres de rapprochements entre les compositeurs, toutes époques et nationalités confondues. On sait par exemple que Chopin, tout comme Schubert, Dvořák, Tchaïkovski et Messiaen, était un fervent admirateur de Mozart. Mendelssohn et Mahler dirigeaient tous deux avec fougue les symphonies de Beethoven. Debussy, Richard Strauss et plusieurs autres ont d’abord voué un amour aveugle à Wagner avant de définir leur propre langage musical. Webern et Schoenberg enviaient la clarté du langage musical de Bach. La génération spontanée, dans la vie comme en art, n’existe pas, quoi que certains puissent affirmer. Tous ces compositeurs cherchent à transmettre, grâce à 12 demi-tons (dans la majorité des cas), des impressions. Que celles-ci soient suscitées par des textes poétiques, des œuvres picturales, un contact privilégié avec la nature, une rencontre bouleversante avec l’être aimé, les déchirements qui accompagnent une rupture, une révélation mystique, n’a que peu d’importance. Au cœur même de ce nouveau diagramme se retrouve l’émotion, pure, multiple, complexe, que tout être humain souhaite partager avec ses semblables. Tous les compositeurs, comme tous les interprètes, sont unis par ce non-dit, ce langage plus ou moins secret qui nous unit, que nous cherchons toute notre vie à parfaire, que nous devons avoir à cœur de propager. Une note, une phrase musicale, une œuvre à la fois, la musique changera des vies; la nôtre, surtout.

vendredi 26 juin 2009

Adieux au roi de la pop

La nouvelle a été diffusée à la vitesse grand V par les internautes hier soir, grâce à Twitter, Facebook et autres sites d'échange d'infos. L'autoroute de l'information était suffisamment engorgée pour que certains serveurs aient beaucoup de difficulté à assurer les multiples manipulations. Je n'ai aucune intention de m'étendre en long et en large sur le sujet, juste assez pour dire que, malgré ses frasques des dernières années et son évidente difficulté à vivre sa différence (à plusieurs points de vue), Michael Jackson était un danseur exceptionnel, un visionnaire - combien de chanteurs ont puisé leur inspiration dans les pages les plus réussies de celui-ci? des dizaines très certainement -mais aussi un mélodiste et un rythmicien habiles. Oui, je suis l'une des dizaines de millions qui ont acheté l'album Thriller jadis et j'ai aussi beaucoup écouté Off the Wall. J'ai volontairement omis de m'intéresser au personnage que les paparazzi entouraient comme des charognards depuis une quinzaine d'années. Pour moi, il aura toujours la prestance de ses belles années.

Un montage assez réussi de Michael le danseur... L'« action » débute autour de 1 min et quelque...

mercredi 24 juin 2009

Portrait de Dorian Gray - Préface

Plongée depuis peu dans le Portrait de Dorian Gray, un classique qui manquait à ma culture et qui joue un rôle non négligeable dans le dernier roman de Sébastien Fritsch... J'avais déjà beaucoup apprécié les aphorismes d'Oscar Wilde et là, j'avoue que j'ai flanché dès la lecture de la préface. Je partage quelques extraits avec vous.

« Un artiste est un créateur de belles choses.

Révéler l’Art en cachant l’artiste, tel est le but de l’Art.

Le critique est celui qui peut traduire dans une autre manière ou avec de nouveaux procédés l’impression que lui laissèrent de belles choses.

L’autobiographie est à la fois la plus haute et la plus basse des formes de la critique.



Un livre n’est point moral ou immoral. Il est bien ou mal écrit. C’est tout.


La vie morale de l’homme forme une part du sujet de l’artiste, mais la moralité de l’art consiste dans l’usage parfait d’un moyen imparfait.

L’artiste ne désire prouver quoi que ce soit. Même les choses vraies peuvent être prouvées.

L’artiste n’a point de sympathies éthiques. Une sympathie morale dans un artiste amène un maniérisme impardonnable du style.

L’artiste n’est jamais pris au dépourvu. Il peut exprimer toute chose.

Pour l’artiste, la pensée et le langage sont les instruments d’un art.

Le vice et la vertu en sont les matériaux. Au point de vue de la forme, le type de tous les arts est la musique. Au point de vue de la sensation, c’est le métier de comédien.

Tout art est à la fois surface et symbole.

Ceux qui cherchent sous la surface le font à leurs risques et périls.

C’est le spectateur, et non la vie, que l’Art reflète réellement.

Les diversités d’opinion sur une œuvre d’art montrent que cette œuvre est nouvelle, complexe et viable.

Alors que les critiques diffèrent, l’artiste est en accord avec lui-même. »

lundi 22 juin 2009

Un automne écarlate


À Saint-Profond-des-Creux (rebaptisé ici fort joliment Saint-Clovis), il ne se passe pas grand chose, du moins en apparence. Pourtant, quand on gratte la surface, tout paraît soudainement beaucoup plus troublant. Francis, qui aura neuf ans en cours d'histoire, habite avec sa mère cette ville où les eaux calmes se troublent périodiquement: à l'annonce d'un divorce, à l'arrivée d'un nouvel élève ou d'un nouveau voisin, par exemple. Malgré son jeune âge, Francis est obsédé par les films d'horreur, qu'il avale goulûment comme d'autres les dessins animés du samedi matin. Il les consomme en fait en amateur éclairé, étudiant les séquences, revisitant certains dialogues, plus ou moins convaincu que le cinéma n'est qu'un reflet de la réalité - ou peut-être est-ce bien le contraire.

Un soir qu'il est au cinéparc avec sa gardienne et le petit copain de celle-ci, l'horreur prend la petite ville en otage: un premier enfant est découvert mort, puis une deuxième, un troisième. Pour Francis, qui s'est toujours réfugié dans sa tête pour pouvoir continuer à avancer, les monstres n'ont pu qu'envahir la réalité, sa réalité. Convaincu de la nécessité de trouver le coupable pour s'éviter une mort certaine, il enquête en parallèle des policiers locaux.

Avec ce premier roman pour adultes (qui initie une série), François Lévesque nous livre un texte bien ficelé, plutôt dense, au style agile. Il y dépeint avec adresse un univers sombre, autant ces histoires de meurtres non élucidés que les tourments psychologiques du jeune narrateur qui se culpabilise du départ de son père, un homme pourtant violent. Les âmes sensibles peuvent pourtant aborder cet ouvrage sans réserve car, malgré la noirceur du sujet, l'auteur réussit à ne jamais tomber dans le gore.

Le roman aurait peut-être eu avantage à être un peu plus resserré à certains moments et la fin, qui réussit à nous surprendre malgré tout, aurait peut-être mérité un traitement un peu moins abrupt. Néanmoins, on s'attache à cet enfant troublé et le ton presque complice adopté par le narrateur nous incite à poursuivre notre lecture. Trop tard, on réalise que, au fond, les horreurs les plus bouleversantes sont celles qu'on imagine.

La critique de La Presse...

J'écoute...

Une nouvelle fonctionnalité, dans mes lectures/écoutes du moment. Quand ce sera possible, j'intègrerai le lien vers mon disque du moment, à écouter sur MusicMe. Vous pourrez ainsi partager quelques bribes de mon inspiration musicale du jour. La musique est faite pour être partagée...

samedi 20 juin 2009

Vivre (de) la musique


Il y a quelques semaines, un ami du temps de l'Université m'a retracée grâce à ce blogue. (Non, je ne suis pas sur Facebook.) Après avoir échangé quelques nouvelles (un genre de concentré des dernières années en vitesse Grand V), il avance, l'air de rien: « Tu es l'une des seules personnes que je connaisse de notre promotion à être encore en musique. » Sur le coup, j'ai haussé les épaules. En y réfléchissant bien, je me suis dit que, en effet, le constat était assez saisissant pour qu'on s'y attarde.

Bien sûr, je connais des dizaines de musiciens professionnels; certains œuvrent sur des scènes internationales (généralement, ce sont les artistes que j'interviewe), d'autres à plus petite échelle: enseignement, accompagnement d'étudiants, direction de chorales amateures, pigistes... Mais, effectivement, à part ce copain (qui accompagne des classes de ballet et enseigne), je ne peux identifier qu'un seul autre instrumentiste ayant gradué cette année-là dont j'ai reconnu le nom sur des listes de musiciens d'orchestre à quelques reprises.

Est-ce à dire que l'université ne nous prépare pas adéquatement pour la « vraie vie » de musicien? Je pense qu'il y a une part de cela. Selon l'institution que vous fréquentez aujourd'hui, vous pourrez suivre des cours de pédagogie de l'instrument (assez essentiel, admettons-le), d'accompagnement (je sais, ce n'est pas tout le monde qui aime la collégialité de cette forme musicale), de gestion de carrière (on s'ouvre enfin à cette possibilité). Si le cours d'accompagnement est très souvent offert, il en va tout autrement des deux autres. Je l'avoue bien franchement: mes acquis dans ces domaines, je les ai appris sur le tas, tout comme les notions, selon moi essentielles, d'histoire de l'art, d'ouverture à la littérature, de connaissance (au moins minimale) du monde de la danse, du théâtre, du monde des arts visuels. Les artistes ne sont jamais entièrement isolés dans leur geste créateur.

Il faut bien l'admettre, l'école forme des interprètes surspécialistes, qui ont passé des heures dans des locaux de pratique, sans aucune notion de culture générale. Comment faire progresser un art musical sans s'alimenter à d'autres sources? Cela reste impossible à long terme, selon moi, ce qui explique quelques défections rencontrées. Il y a aussi bien sûr tous ces musiciens désabusés qui réalisent, un jour ou l'autre que, non, ils ne seraient pas le prochain Brendel. Pas toujours facile à gérer pour les egos souvent fragiles. Je me rappelle encore combien j'avais été abasourdie, quatre ou cinq ans après ma graduation, de rencontrer une ex-collègue pianiste, devenue... caissière chez IKEA! J'en ai encore des frissons.

À l'autre extrémité de l'arc-en-ciel, il y a les amateurs de plus ou moins haut niveau, qui n'en finissent jamais de m'étonner. Ceux qui, malgré une carrière en médecine, en droit, en finance, une famille nombreuse, continue de pratiquer de façon quotidienne, avec ferveur ou en dilettante selon les tempéraments. Parfois, ils grincent des dents devant une difficulté technique qu'ils ne savent plus repousser. Souvent, ils rognent sur leurs heures de sommeil pour inclure deux heures de travail quotidien, une fois les enfants couchés.

Hier soir, j'ai assisté à un concert-hommage, à la mémoire de Thérèse Gingras, pédagogue qui a formé des générations de pianistes pendant un demi-siècle. (Le cancer a malheureusement eu raison d'elle avant qu'elle ne puisse célébrer officiellement ces noces exceptionnelles.) J'ai entendu des pianistes de 8 à 50 ans, heureux de faire de la musique, tout simplement. Oui, il y a eu quelques accrocs, finalement assez anodins. Oui, les coeurs battaient la chamade avant de retrouver les planches après 25, 30, 35 ans. Mais il y avait une telle joie qui se lisait sur les visages après le concert! Je repense au visage fermé de certains musiciens d'orchestre trop souvent rencontré et je m'interroge sérieusement. Quelle part de notre vie la musique doit-elle occuper? Doit-on vraiment devoir choisir entre vivre de la musique (une rareté) ou vivre la musique? Je pencherais plutôt pour la seconde option... Et si, demain, ou lui faisait vraiment fête?

jeudi 18 juin 2009

Schubertiade des temps modernes

Mise en contexte, mise en situation, mise en abîme: voilà ce que nous ont proposé hier soir les deux complices derrière La Schubertiade des temps modernes (diffusée à CIBL les jeudis au tournant de la nuit, de 23 h à 1 h) lors d'un concert-bénéfice qui permettait de mieux saisir la dynamique de cette émission bien particulière. À l'animation et à l'esquisse d'histoires impromptues, Claudio Pinto a su démontrer qu'il avait toutes les attitudes pour réagir au quart de tour. Au piano, Guillaume Martineau m'a convaincue, une fois de plus, de ses dons exceptionnels pour ce genre trop peu pratiqué de nos jours. Technique éblouissante, architecture sonore impressionnante qui permettait l'intégration de multiples voix intérieures, rythmique implacable, il a su captiver le public par sa musicalité, ses clins d'oeil au passé (Debussy, Stockhausen, modes antiques) ou au présent (éléments de jazz, quelques effluves qu'on aurait cru de Billy Joel, rythmes sud-américains, sonorités du monde arabe) et un souffle d'une rare puissance.

Après avoir élaboré sur la notion d'improvisation (part intégrante de la pratique musicale depuis les débuts de l'humanité ou presque), Guillaume Martineau a d'abord offert deux improvisations musicales. En deuxième partie de concert, on nous proposait une simulation d'émission. Après avoir demandé au public de suggérer un mot (« nuance »), il a dévoilé à Claudio Pinto quel serait le fil conducteur de l'histoire qu'il aurait à présenter, en quatre segments s'inspirant de ce qu'il entendrait, dans ce cas-ci « Bosendorfer » (comme le magnifique instrument sur lequel jouait le pianiste dans la chaleureuse salle de musique de chambre des JMC) mais avec la restriction expresse que le nom ne pouvait pas faire référence au piano. (Bosendorfer est devenu le chien de l'histoire.) Une première improvisation mi-poétique, mi-fiévreuse a permis à l'histoire de Joel, jeune homme de 14 ans qui s'ennuie de sa grande sœur J. et fervent amateur de l'émission Les envahisseurs, de s'esquisser. Près d'une heure plus tard, c'est avec une réelle émotion que nous avons pu connaître la conclusion de cette histoire improbable mais qui nous ressemblait tous un peu, l'épilogue se juxtaposant à un accompagnement musical subtil.

Bien sûr, les aléas d'improviser musique et mots en direct sont multiples (on a fait allusion au début du concert à une fosse aux lions) mais l'union entre les deux langages a semblé confondante d'évidence hier soir. Si vous le souhaitez, vous pourrez assister à l'enregistrement d'une des émissions au Upstairs le 1er juillet à partir de 20 h 30 et constater par vous-même la chimie assez saisissante entre les histoires de l'un et la musique de l'autre. En attendant, je vous invite à découvrir l'émission ce soir (diffusion en direct en ligne ici). Les émissions devraient également être bientôt disponibles en baladodiffusion pour ceux qui préfèrent improviser avec Morphée à cette heure un peu tardive.

mardi 16 juin 2009

Quatre doigts...

Un ami m'a fait suivre cette vidéo assez étonnante, que je partage avec vous. D'accord, le traitement n'est peut-être pas sans un certain exhibitionnisme mais il faut tout de même admettre que cette histoire est étonnante. (L'extrait du documentaire est en anglais.)

lundi 15 juin 2009

Je jette mes ongles par la fenêtre

Quand on pratique le genre de la nouvelle, on réalise combien il est difficile de garder le lecteur entièrement attentif, de ne pas le perdre dans les petits détails, de maintenir le souffle, surtout du début à la fin d’un recueil, objet le plus souvent hétéroclite. D’entrée de jeu, Focus frappe fort. L’auteure réussit en quelques paragraphes à nous plonger dans un univers autre, à nous prendre par la main, à nous faire vivre les bouillonnements émotifs de Rémi, le narrateur. On y croit, on en redemande, la séduction opère. La deuxième nouvelle, Détails, laisse déjà perplexe. On admire l’œil habile de Natalie Jean qui sait saisir en quelques mots la puissance d’une image. La ville de Québec, ici comme dans le reste du recueil, est d’ailleurs particulièrement bien servie par sa plume. Après tout, « La ville est pleine d’odeurs, de couleurs, de gens, ma ville est pleine d’histoires. » (p. 27) Rapidement, pourtant, on se perd dans des circonvolutions, même si on sent le cœur qui bat derrière cette jeune femme qui revient d’Afrique.

À travers les histoires, l’auteure nous invite à danser une curieuse valse-hésitation. Si j’ai adoré Le son du sourire, cet instantané de pianiste au passé familial aussi trouble que lumineux et que je salue l’audace de L’odeur de la poudre, cette histoire de presque viol qui se conclut sur une chute remarquablement habile, Rouge, Point de fuite ou Café n’ont pas réussi à me happer. Cette valse-hésitation, Natalie Jean nous la joue même entre paragraphes d’un même texte. Une seconde, on est soufflé par la beauté d’une métaphore, la puissance d’une description; la suivante, on lit un dialogue écrit dans une langue nullement châtiée ou le narrateur se passe une réflexion des plus terre-à-terre.

Si Je jette mes ongles par la fenêtre avait été pièce de musique, elle aurait vraisemblablement ressemblé à une trame de cinéma, avec certains thèmes forts, que l’on continue de siffloter en sortant, mais aussi de longues minutes qui accompagnent simplement l’image, qui ne laissent aucun souvenir. Mais, n’oublions pas que seuls les plus grands réussissent à maintenir l’intérêt du début à la fin et que nous n’en sommes qu’à un premier recueil.

Les autres collaborateurs de La Recrue ont beaucoup aimé de façon générale. Pour lire leurs commentaires, c'est ici...

dimanche 14 juin 2009

Requiem de Mozart

Encore et toujours, moments d'émotion à l'écoute du Requiem de Mozart, donné hier par une centaine de choristes. Devant une église bondée (près de 1 000 personnes m'a-t-on affirmé), le concert a comporté nombre de moments où l'on pouvait presque palper le souffle suspendu des auditeurs. Et pourtant, on ne pouvait pas parler d'un public de connaisseurs, qui fréquentent la salle de concert de façon mensuelle ou hebdomadaire, la salle étant composée essentiellement d'amis et des familles des choristes, venus les soutenir. Après l'Ave verum, un moment de magie s'est installé alors que j'ai senti le public suffisamment troublé par ce qu'il venait d'entendre pour ne pas avoir la volonté d'applaudir sur le champ. Qu'on vienne me dire après que M. et Mme Tout-le-monde sont incapables d'apprécier la « grande » musique! Je n'en crois pas un mot. Je partage ici mon texte de présentation du Requiem, œuvre que j'ai chanté en tant que choriste jadis, que je connais très bien donc, mais qui a réussi, encore une fois hier soir, à m'élever.


L’impression que nous avons que Mozart compose de façon miraculeuse est injustifiée. Il écrit lui-même à un ami : « Je n’ai pas regardé au travail ni à la peine… On se trompe lorsqu’on pense que mon art m’est venu sans effort. Je vous l’affirme, cher ami, personne n’a consacré autant d’effort que moi à l’étude de la composition ». Les idées germent dans son esprit, il les modèle, les façonne, les développe, non pas en s’aidant du clavier, mais dans la plus grande concentration mentale. Léonard de Vinci disait de la peinture qu’elle est une affaire de l’esprit, « pittoria è cosa mentale ». On en peut dire autant de la musique de Mozart.
1791 reste une année difficile pour Mozart. Sa santé est déjà chancelante, ses finances précaires et la lune de miel avec Constance définitivement chose du passé. Il lui écrit le le 7 juillet :
« Je ne puis t’expliquer mon impression: c’est une espèce de vide… qui me fait très mal, une certaine aspiration qui n’est jamais satisfaite et ne cesse donc jamais… qui dure toujours et même croît de jour en jour. Quand je pense avec quelle gaieté d’enfant nous avons passé le temps ensemble à Baden… et quelles tristes, ennuyeuses heures je vis ici! Même mon travail ne me charme plus, parce que j’étais habitué à me lever de temps à autre pour échanger deux mots avec toi et que cette satisfaction m’est malheureusement impossible… Si je vais au piano et chante quelque chose de mon opéra, je dois tout de suite m’arrêter : cela me fait trop d’impression! Basta! »
Quelques légendes planent sur la genèse du Requiem. Les études récentes ont démontré que l’œuvre a été composée pour le comte Franz de Walsegg, qui avait l'habitude de commander les œuvres aux autres compositeurs afin de les faire passer comme siennes. Cette messe des morts soulignait le premier anniversaire de la mort de sa femme. Voulant garder cette commande discrète pour des raisons évidentes, il a donc dépêché un intermédiaire pour traiter avec Mozart. Plongé entre autres dans l'écriture de ses opéras La Flûte enchantée et La Clémence de Titus, Mozart s’attaque néanmoins au Requiem. Il a besoin d'argent, de façon pressante, et le comte paie la moitié d'avance.
Le compositeur créera la majeure partie de ce requiem alité car alors très diminué physiquement. La gloire le nargue une ultime fois. Le peuple se précipite chaque soir pour écouter sa Flûte enchantée et, chaque soir, il suit par la pensée les représentations de son lit.
Le 4 décembre 1791, il profite d'une amélioration passagère de son état et convoque ses amis pour interpréter les parties déjà composées. Son état s'aggrave brutalement dans la soirée, de façon irréversible. Il meurt le 5 décembre, peu après minuit. Seul avec sa musique.

Pour écouter l'oeuvre....

samedi 13 juin 2009

Une histoire de choeur

« Chorus est consensio cantantium », écrivait saint Augustin dans son Psaume 149 au IVe siècle, locution latine qu’on pourrait traduire par « Le chœur est un ensemble de personnes chantant ensemble » mais aussi « Le chœur est un accord de chanteurs ». Il va plus loin : « Si nous chantons en chœur, nous chantons pour le cœur. » Selon les sources, le mot chœur serait dérivé du latin corona (pour couronne, la position des choristes quand ils chantent) ou concordia (sans union, comment psalmodier ensemble?) ou encore du grec χάρά, joie ou allégresse. Une chose reste assurée : le chœur désarme les âmes et les unit en un geste d’une portée universelle. Après tout, « ceux qui s’assemblent pour chanter mettent en commun ce qu’ils ont de meilleur », soutenait l’essayiste Pierre Lasserre.

Ce soir, je retrouve trois chœurs qui ont décidé d'unir leurs forces (Sympholies vocales, l'Ensemble vocal de Saint-Laurent et l'Ensemble vocal Stakato), une centaine de cœurs battants, dans un programme tout Mozart qui comprendra notamment le Requiem, œuvre magnifique s'il en est une. Même si j'ai chanté pendant de nombreuses années dans les chorales, à l'enfance, à l'adolescence (par choix) et à l'université (plus par obligation, les pianistes étant automatiquement dirigés vers la chorale pour connaître la joie de faire de la musique en groupe!), cette fois, ce sera de nouveau à titre de présentatrice que j'officierai à l'Église Saint-Charles dans Pointe St-Charles.

J'ai accepté sans hésiter l'invitation, pour plusieurs raisons. D'abord, comment dire non à Mozart? Il y aura aussi le plaisir de retrouver les membres de Sympholies vocales pour une troisième année consécutive mais surtout, celle de pouvoir rendre un hommage, même discret, aux 25 ans de pratique en direction chorale d'Yvan Sabourin. Au fil des années, j'ai pu examiner sous toutes leurs coutures différents chefs de choeur. Il y a les mous, les nonchalants, les précis, les indécis, les autoritaires, ceux qui font ça « en attendant », ceux qui broient le choriste et n'hésitent pas à le faire pleurer (non, vous n'aurez aucun nom). Mais je n'en ai jamais rencontré aucun qui dégage une telle chaleur humaine qu'Yvan. Il ne le sait pas encore mais, ce soir, l'air de rien, ce sera un peu sa fête...

jeudi 11 juin 2009

La puissance des mots

J'ai vu la semaine dernière La déraison d'amour, collage de textes de Marie de l'Incarnation réalisé par Jean-Daniel Lafond, en collaboration avec la comédienne Marie Tifo, qui incarne le rôle. Si j'ai de nombreuses réserves, tant face au choix des lettres mises en lumière (ou plutôt du rythme qui en découle) que de la mise en scène (parfois télégraphiée), la musique (d'un anachronisme qui m'a laissée perplexe à l'occasion) ou certains gestes interprétatifs, je n'en ai aucune face à la puissance des mots de cette religieuse au style travaillé, imagé, parfois violemment poétique.

Avec une plume particulièrement acérée, dans ses quelque 13 000 lettres rédigées sur une période de 33 ans (dont plusieurs furent retravaillées trois ou quatre fois), Marie de l'Incarnation (née Marie Guyard) raconte aussi bien le quotidien de la colonie - l'apprentissage d'un climat plus que rébarbatif, l'appropriation d'un territoire, le dénuement dans lequel les habitants vivent, leur volonté de combattre aussi - que ses interrogations, son amour pour son divin époux, son mysticisme profondément incarné. Elle y transmet aussi l'amour qu'elle porte à son fils, laissé derrière alors qu'il sortait à peine de l'enfance, qui finira par embrasser lui aussi une carrière religieuse. Elle y partage surtout une volonté d'ouverture sur l'autre (elle rédigera les premiers dictionnaires indien-français), d'accepter d'où il vient, ce qu'il a vécu, comme faisant partie intrinsèque de l'être qu'il est devenu. Un parcours de battante (certains spécialistes n'hésitent pas à la qualifier de première féministe du pays), bien avant que le terme se glisse dans notre vocabulaire courant...

On peut consulter certaines de ses lettres ici (en vieux français)...

mercredi 10 juin 2009

Dévoiler tous ses secrets?

Admettez-le, vous vous êtes toujours demandé quel était vraiment le secret de la Caramilk. Une explication toute en finesse ici... Délicieux...



Aussi, cette version de l'annonce, tournée « live » rue Sainte-Catherine à Montréal.

lundi 8 juin 2009

Parlez-vous le musicien?


Dans une foule, sauriez-vous reconnaître le musicien ? Visage émacié et teint pâle, corps longiligne sinon décharné (c’est bien connu, un musicien ne mange jamais à sa faim), regard teinté d’une perpétuelle nostalgie ou sinon constamment illuminé par la possibilité d’une rencontre amoureuse, doigts élancés sortant d’une chemise surannée, vêtements uniformément noirs pour accentuer l’aura de mystère… Vous ne vous êtes pas reconnus ? Les archétypes ont souvent la vie dure. Je ne vous dirai pas le nombre de fois où j’ai échangé avec des non-musiciens avant que l’on me regarde, avec une certaine perplexité, et m’annonce : « Tu es certaine que tu es pianiste ? Tu as l’air tellement… normale ! » Eh non ! malgré une sensibilité peut-être plus marquée que la moyenne (pourquoi choisir d’être artiste si ce n’est pour tenter de communiquer l’indicible), une propension à parler de musique à la moindre occasion qui m’est offerte (j’ai beaucoup de difficulté à me contenir, il faut me pardonner), une façon bien particulière d’analyser les stimuli sonores, vous ne sauriez certes pas me distinguer en tant que musicienne dans un line-up judiciaire. Et pourtant…

J’ai parfois l’impression de faire partie d’un club très sélect qui n’attend qu’un signe (cals aux doigts des violoncellistes, cicatrices au cou des violonistes, foulard autour du cou des chanteurs) ou mieux, une phrase musicale, pour échanger un regard de connivence doublé d’un soupir de soulagement. Enfin, quelqu’un qui comprendra… les heures d’abnégation balayées par la joie de partager l’intimité d’un compositeur, les déchirements face à un choix de vie souvent non conformiste annihilés par les encouragements d’un autre combattant ou d’un proche qui croit en nous, les années de commentaires insidieux (« Quand te trouveras-tu enfin un vrai travail ? ») effacées par la reconnaissance de ne serait-ce que d’un seul auditeur touché. Il y a plusieurs années que j’ai perdu (tempéré, plutôt) mes illusions face aux salles de concert bondées d’un public qui m’aurait adulée. J’ai compris que, là aussi, la solitude pouvait être écrasante, le vide après le reflux d’émotions difficile à gérer, la dichotomie entre l’art et la vie un gouffre impossible à combler.

C’est pourquoi j’ai choisi la résistance douce, au quotidien. Convaincre un auditeur potentiel à la fois que la musique de concert est un art qui a encore sa place en ce XXIe siècle technologique. Aider un élève à rejoindre les rangs de cette grande confrérie des musiciens. Confier à un ami un pan de mon intimité d’interprète. Espérer qu'un inconnu, après avoir échangé quelques paroles avec moi, osera écouter avec curiosité une œuvre qui l’intimidait. Si nos routes se croisent, nous nous reconnaîtrons, j’en suis certaine. Après tout, nous parlons la même langue.

samedi 6 juin 2009

La leçon de musique de Jean-François Zygel. La musique classique expliquée aux enfants.

Jean-François Zygel, le plus mélomane des animateurs et le plus didactique des musiciens, fait un tabac depuis quelques années en France. En effet, en 2006, souhaitant reprendre le concept des Young People’s Concerts du charismatique Leonard Bernstein, il décide d’offrir des leçons de musique publiques à la mairie du XXe arrondissement de Paris. Certaines, filmées, puis éditées par Naïve, nous parviennent enfin ici. Avec une clarté remarquable et une bonne humeur contagieuse, Zygel décortique dans celui-ci les timbres, le rythme, explique ce qu’est la musique et, l’air de rien, partage des pages incontournables du répertoire. En prime, on pourra apprécier ses explications claires de certains concepts (fugue, anacrouse, etc.) et écouter quelques improvisations. Pour ceux qui n’en auraient pas encore assez, naïve intègre aussi un CD reprenant certains classiques du répertoire, présentés en version intégrale, par des interprètes reconnus (Marie-Josèphe Jude, Blandine Verlet, Orchestre philharmonique de Radio-France, etc.), du Prélude et fugue du Clavier bien tempéré en do mineur du premier livre au prélude de Carmen ou au dernier mouvement du Quintette « La Truite » de Schubert. Qui a dit que la musique classique devait être ringarde?

Jean-François Zygel nous raconte ici Chopin (tiré de sa série de leçons pour adultes).


mercredi 3 juin 2009

Inspirations de lecture

Comment choisit-on un livre? Parfois, on se laisse tenter par une critique lue dans une revue spécialisée, par une entrevue avec un auteur dans un quotidien. On suit plus ou moins fébrilement - selon temps et goût - les blogues de lecture (mais comment trouvent-elles le temps de lire tous ces livres?). À l'occasion, on note un titre cité dans un livre, afin de prolonger le plaisir de lecture. (Je viens de me procurer The Aspern Papers d'Henry James pour cette raison.) Souvent, on se fie à un ami proche qui nous fait partager son dernier coup de coeur. À d'autres moments, on bouquine en librairie, se laisse happer par une couverture séduisante, un quatrième de couverture intrigant, une recommandation d'un libraire. Ou alors on fouille la section « nouveautés » de notre bibliothèque préférée ou encore décide plutôt d'en apprivoiser une section en particulier.

Je pensais avoir épuisé toutes les possibilités. Erreur, Watson... Vendredi dernier, je décide de décrocher quelques instants et me plonge dans le Châtelaine de juin. (Eh oui, je lis autre chose que Le monde de la musique ou Gramophone!) Je n'ai pas été tant absorbée par les recettes de grillades ou un article fort intéressant sur les taxis roses russes (service géré par des femmes pour des femmes) que par les souvenirs de vacances de cinq écrivains. En fait, un en particulier: Éric Dupont, qui, avec une plume particulièrement poétique, racontait l'histoire d'un voyage à Naples mais surtout d'une amitié comme il en existe trop peu.

Deux jours après, j'étais en bibliothèque, afin de ramener un titre - n'importe lequel - de l'auteur (son livre La logeuse ayant remporté le combat des livres 2008). Je n'ai pas eu l'embarras du choix puisque seul son dernier titre, Bestiaire, à caractère autobiographique, était disponible - et mis bien en évidence sur une table d'auteurs québécois. Alors, depuis quelques jours, je suis plongée dans cet univers vaguement déjanté, récit d'une enfance gaspésienne pourtant semblable à tant d'autres mais narré avec une grande puissance d'évocation. Décidément, les sources d'inspirations sont partout...