La musique et l’écriture ont été de tout temps les deux pôles de la vie créatrice de l'auteure. Ce site se veut donc un hommage à la musique (particulièrement classique) et à la littérature, mais aussi au théâtre et aux autres manifestations artistiques.
samedi 28 février 2009
Semaine de lecture
Avant d'être rebaptisée « semaine de relâche », cette semaine sans cours se voulait d'abord une semaine de lecture, pendant laquelle les étudiants de niveau universitaire pouvaient compléter leurs travaux de mi-session et les professeurs se mettre à jour dans leurs lectures professionnelles. Si elle est devenue au fil des ans synonyme de voyage dans le Sud ou de moment privilégié pour dévaler les pentes (avec des centaines de vos plus proches amis, mais, bon...), j'ai décidé cette année de lui redonner son sens premier et de - ciel! - faire diminuer ma PAL et ma PAE (pile à écouter) pendant la semaine. Alors, si vous ne me trouvez pas ici, c'est que je suis sur un sentier de raquette ou plongée dans un livre.
jeudi 26 février 2009
Man on Wire
Êtes-vous de ceux qui croyez encore qu'un documentaire doit être lénifiant et traiter de sujets aussi essentiels que les habitudes de reproduction de la sauterelle africaine? De toute évidence, vous n'avez pas fréquenté le genre récemment! De nos jours, les documentaires visent un large public, qui apprécie d'apprendre tout en étant diverti.
Man on Wire, qui vient de se mériter l'Oscar dans cette catégorie (en plus d'avoir remporté un prix à Sundance) est particulièrement intéressant, tant au niveau du sujet lui-même (la folle traversée, sur fil de fer, du gouffre entre les deux tours jumelles du World Trade Center par le Français Philippe Petit) que du traitement privilégié. Le réalisateur James Marsh a choisi de raconter le périple comme s'il assemblait un film de suspense, en intégrant aux témoignages de Petit (absolument captivants) ceux de ses complices mais aussi des vidéos d'époque mais surtout en décomposant l'histoire pour y insuffler un rythme particulièrement haletant. Grâce à un découpage astucieux, qui refuse une narration linéaire, à une trame musicale composée en grande partie par Michael Nyman (The Piano), à des angles et éclairages très contemporains, nous devenons témoins abasourdis, complices même, de ce que plusieurs ont qualifié de « crime artistique du siècle ».
Absolument séduite par mon visionnement, j'ai apporté le film dans ma classe de journalisme aujourd'hui. Pour une fois - ô miracle! -, j'ai eu droit à un silence impressionnant. Comme quoi, les rêves les plus fous demeurent encore source d'inspiration.
Je partage ici la bande-annonce du film, disponible sur vidéo.
Man on Wire, qui vient de se mériter l'Oscar dans cette catégorie (en plus d'avoir remporté un prix à Sundance) est particulièrement intéressant, tant au niveau du sujet lui-même (la folle traversée, sur fil de fer, du gouffre entre les deux tours jumelles du World Trade Center par le Français Philippe Petit) que du traitement privilégié. Le réalisateur James Marsh a choisi de raconter le périple comme s'il assemblait un film de suspense, en intégrant aux témoignages de Petit (absolument captivants) ceux de ses complices mais aussi des vidéos d'époque mais surtout en décomposant l'histoire pour y insuffler un rythme particulièrement haletant. Grâce à un découpage astucieux, qui refuse une narration linéaire, à une trame musicale composée en grande partie par Michael Nyman (The Piano), à des angles et éclairages très contemporains, nous devenons témoins abasourdis, complices même, de ce que plusieurs ont qualifié de « crime artistique du siècle ».
Absolument séduite par mon visionnement, j'ai apporté le film dans ma classe de journalisme aujourd'hui. Pour une fois - ô miracle! -, j'ai eu droit à un silence impressionnant. Comme quoi, les rêves les plus fous demeurent encore source d'inspiration.
Je partage ici la bande-annonce du film, disponible sur vidéo.
mardi 24 février 2009
Un ménage rouge
Vincent Morin, jeune trentaine, courtier en valeurs mobilière reconnu par ses pairs mais loup solitaire, se libère de ses obligations new-yorkaises et rentre à la maison un jour plus tôt que prévu. Une surprise des plus douloureuses l'attend à son arrivée: sa femme s'éclate dans la chambre conjugale... avec deux amants de passage. Fou de rage, il les tue tous les trois. Le premier chapitre présente l'odieux, le reste du roman nous entraîne dans la psyché du personnage qui passera de la colère au désespoir, de la violence à l'abattement, des certitudes aux questionnements.
Si plusieurs auteurs ont choisi de décortiquer les motivations d'un psychopate, Richard Ste-Marie préfère une voie toute autre dans ce premier roman particulièrement abouti. Il nous livre les interrogations du coupable et nous invite plutôt à nous glisser dans la tête, dans la peau, de cet homme en apparence si ordinaire qui, suite à un aveuglement passager, voit sa vie basculer entièrement. Loin de poser un jugement de valeur sur le geste, Ste-Marie se consacre plutôt sur la suite des événements: nettoyage des lieux, élaboration d'un scénario rocambolesque qui pourrait justifier la découverte des corps, tentatives de poursuivre une vie « normale ». On assiste à un curieux jeu du chat et de la souris, non pas tant entre le policier et le meurtrier qu'entre un homme et sa conscience, qui se pose soudainement (enfin?) des questions essentielles sur ses choix de vie, tant professionnels qu'amoureux.
L'écriture de Richard Ste-Marie est limpide, directe, mais non dépourvue d'images habiles. Le rythme est mené d'une main de maître, sauf peut-être lors de légères digressions pro-littérature ou face à la société dans laquelle nous vivons dans la dernière section (considérations qui auraient pu sembler inspirées et inspirantes dans d'autres circonstances mais qui alourdissent inutilement le propos ici). Jusqu'à la fin pourtant, l'auteur danse une délicieuse valse-hésitation avec nous. La musique cesse, on referme le livre, avalé d'un trait, et on salue la délicatesse avec laquelle on a été mené.
Une entrevue avec l'auteur peut être écoutée ici...
vendredi 20 février 2009
Décombres de la beauté
Poète, essayiste, théologie, philosophe, animateur d'ateliers littéraires, Jacques Flamand est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages. Fil conducteur de presque tous ces ouvrages: la beauté et la fragilité de l'âme humaine mais aussi de la planète.
Dans Décombres de la beauté, l'auteur nous propose une série de poèmes et de réflexions, entrecoupés de citations (parfois de lui mais souvent d'autres auteurs) et rehaussés d'illustrations de François-Xavier Noir, qui tentent de mieux cerner la douloureuse situation actuelle au Proche Orient.
Dans la première partie du livre, Flamand nous plonge dans l'horreur de la guerre, usant à l'occasion d'une palette pour le moins inusitée. « Et l'orchestre s'emballe/spectateurs en cadence/feux d'artifice/pétards de joie/voitures piégées/Bagdag en mille éclats » (dans La fête par exemple). On se sent interpellé presque viscéralement, on s'interroge, on se désole, on hésite à avancer plus profondément. Et puis, avec subtilité et finesse, il nous force à ouvrir les yeux, ceux du du cœur, ceux qui nous permettent de déceler la parcelle d'humanité au milieu du charnier, la beauté qui réside dans un geste simple, dans le sourire d'un enfant, le visage parcheminé d'une veillard. La vie reprend alors ses droits, son sens et les mots du poète se prolongent dans notre quotidien, plus éloquents que les si terribles images véhiculées par les médias. « L'inhumanité de la guerre, son insupportable atrocité, sa laideur terrifiante nous font mieux découvrir et apprécier son antidote radical, le beau, lequel ouvre des horizons infinis, jusqu'au seuil de l'absolue Beauté. Tel est bien le lieu de l'homme, lieu où celui-ci, ayant tourné pour de bon le dos au mal dont il s'est délecté et dont il a pâti, rencontre la beauté, retrouve la sérénité, reprend possession de sa véritable d'être humain, se fait artisan de paix. » (p. 86) Une réflexion nécessaire, qui a trouvé un écho en moi.
mercredi 18 février 2009
Photojournalisme
Février est principalement consacré au photojournalisme dans ma classe et je partage donc avec les élèves, depuis quelques semaines, certaines des photos les plus parlantes du genre, afin de les inspirer dans la réalisation de leur projet personnel « Montréal vu par... » (que j'ai bien hâte de voir au retour de la semaine de relâche). On oublie trop souvent le pouvoir d'une image et l'impact qu'elle peut laisser tant dans notre conscient que notre inconscient.
Vous en doutez? Je vous invite à visionner ce montage.
Vous en doutez? Je vous invite à visionner ce montage.
lundi 16 février 2009
Polytechnique
On aura rarement assisté à une telle déferlante de prépapiers, entrevues, analyses, commentaires. Les débats pro ou contre se sont multipliés sur la place publique, ainsi que les interprétations les plus échevelées. Je cède rarement aux sirènes des blitz médiatiques mais, cette fois, j'avais besoin de constater de visu ce que le geste de Denis Villeneuve avait de cohérent ou de déplacé.
Le 6 décembre 1989 reste une date marquée dans ma mémoire, comme peut l'être le 11 septembre 2001. Je compte dans mon entourage immédiat plusieurs ingénieurs, tous diplômés de l'institution. J'ai joué en concert-midi là-bas une fois mais y ai retrouvé des amis à deux ou trois reprises, fascinée par cet univers à des lieues du mien. Dans ce monde foncièrement machiste, on fumait à la chaîne, on buvait dès l'heure du lunch une quantité phénoménale de bières, la sono était toujours poussée à fond et on se provoquait en duel à coups de calculatrice et d'énoncés mathématiques ou, pour les plus placides, de joutes d'échecs. Parmi les victimes de la tuerie, se retrouvaient la soeur d'un pianiste avec lequel j'avais fait mes premières armes au concert, ainsi que l'amie proche de celle qui deviendrait la marraine de ma fille. On ne parle donc pas ici de six degrés de séparation mais plutôt d'une zone de confort minimal et j'hésitais donc à me replonger dans ce passé plus ou moins lointain.
Dès les premières secondes du film, on bascule, le sourire se fige, les images ressurgissent. La photographie absolument magnifique enveloppe aussi bien les personnages qu'elle dénude l'âme du spectateur. Les dialogues restent minimaux, la folie, l'horreur, la douleur, se glissant subrepticement entre deux silences, deux pages d'une musique minimaliste de Benoit Charest, aux échos de Ketil Björnstadt. On assiste, pétrifié, aux événements, les yeux gonflés de larmes, le coeur, le corps alourdis par la puissance de la narration. Pourtant, Villeneuve a su s'arrêter aux limites de l'insoutenable et la direction des acteurs a été faite avec doigté. On lit facilement sur les visages la folie, la tendresse, la peur brute, le désespoir, l'incompréhension, l'impossibilité de revenir en arrière.
Le film réussira-t-il à être catharsis pour une génération et leçon d'histoire pour une autre? J'ai rarement perçu un silence aussi épais dans une salle de cinéma. Quand le film s'est terminé - sur une note à la fois déchirante et optimiste -, les gestes des spectateurs étaient mesurés, lourds du poids des images reçues, des réflexions qu'elles suscitent. J'admets avoir eu de la difficulté à reprendre pied dans la réalité une fois la porte de la salle de projection franchie. Si l'on accepte la définition de l'art comme synonyme de questionnements, de bouleversements, de gestes qui modifient éventuellement la trajectoire du spectateur, de l'auditeur, Polytechnique est une réussite. Néanmoins, tous ne seront peut-être pas prêts à y faire face.
Le 6 décembre 1989 reste une date marquée dans ma mémoire, comme peut l'être le 11 septembre 2001. Je compte dans mon entourage immédiat plusieurs ingénieurs, tous diplômés de l'institution. J'ai joué en concert-midi là-bas une fois mais y ai retrouvé des amis à deux ou trois reprises, fascinée par cet univers à des lieues du mien. Dans ce monde foncièrement machiste, on fumait à la chaîne, on buvait dès l'heure du lunch une quantité phénoménale de bières, la sono était toujours poussée à fond et on se provoquait en duel à coups de calculatrice et d'énoncés mathématiques ou, pour les plus placides, de joutes d'échecs. Parmi les victimes de la tuerie, se retrouvaient la soeur d'un pianiste avec lequel j'avais fait mes premières armes au concert, ainsi que l'amie proche de celle qui deviendrait la marraine de ma fille. On ne parle donc pas ici de six degrés de séparation mais plutôt d'une zone de confort minimal et j'hésitais donc à me replonger dans ce passé plus ou moins lointain.
Dès les premières secondes du film, on bascule, le sourire se fige, les images ressurgissent. La photographie absolument magnifique enveloppe aussi bien les personnages qu'elle dénude l'âme du spectateur. Les dialogues restent minimaux, la folie, l'horreur, la douleur, se glissant subrepticement entre deux silences, deux pages d'une musique minimaliste de Benoit Charest, aux échos de Ketil Björnstadt. On assiste, pétrifié, aux événements, les yeux gonflés de larmes, le coeur, le corps alourdis par la puissance de la narration. Pourtant, Villeneuve a su s'arrêter aux limites de l'insoutenable et la direction des acteurs a été faite avec doigté. On lit facilement sur les visages la folie, la tendresse, la peur brute, le désespoir, l'incompréhension, l'impossibilité de revenir en arrière.
Le film réussira-t-il à être catharsis pour une génération et leçon d'histoire pour une autre? J'ai rarement perçu un silence aussi épais dans une salle de cinéma. Quand le film s'est terminé - sur une note à la fois déchirante et optimiste -, les gestes des spectateurs étaient mesurés, lourds du poids des images reçues, des réflexions qu'elles suscitent. J'admets avoir eu de la difficulté à reprendre pied dans la réalité une fois la porte de la salle de projection franchie. Si l'on accepte la définition de l'art comme synonyme de questionnements, de bouleversements, de gestes qui modifient éventuellement la trajectoire du spectateur, de l'auditeur, Polytechnique est une réussite. Néanmoins, tous ne seront peut-être pas prêts à y faire face.
dimanche 15 février 2009
Le train pour Samarcande
Danielle Trussart propose avec ce premier roman une réflexion sur la vieillesse, la solitude, l’oubli. Blanche, la narratrice, se laisse des notes sur les murs et renomme ses voisins mais, avec l’ombre de la faucheuse qui plane dès les premières lignes, on ne peut que se demander dans combien d’années – de mois? – elle disparaîtra du souvenir de ceux qu’elle a fréquentés, de près ou de loin.
L’amorce du roman n’a pas été aisée pour moi, ne m’étant attachée au personnage principal que fort tardivement. Oui, elle va mourir, fait le tri, tant au figuré (dans ses souvenirs) qu'au propre (elle remplit ses boîtes pour simplifier la vie de ses héritiers). Si certains retours en arrière m’ont semblé assez bien rendus (la mort du fils, du mari), d'autres lieux communs m’ont exaspérée (l’évolution du rôle de la femme au cours des âges, la dichotomie un peu simpliste entre la campagne et la ville), tout comme le fait d’intégrer au passé de Blanche des « rencontres » avec Gabrielle Roy, Jean-Paul Lemieux ou Philippe Noiret. Les références littéraires restent néanmoins touchantes. J’ai par exemple apprécié la présence du plan de Paris sur les murs de la vieille dame, qui lui permet de suivre les périples des personnages de ses romans préférés.
Le style est parfois légèrement ampoulé, tantôt fort joliment travaillé. J’ai ainsi lu avec un plaisir entier les passages consacrés à la voisine de Blanche, la femme aux pinceaux (double de l’auteure, elle-même artiste-peintre). Les images suscitées fortes, les descriptions du geste créateur précises et l’émotion qui transparaissait de ces pages saisissantes m’ont remuée de façon bien plus profonde que le reste de l’ouvrage. J’aurais simplement souhaité que tout le roman fût de la même eau.
Mes collègues de La Recrue n'ont certes pas perçu le roman de la même façon que moi. Pour lire leurs commentaires, c'est ici...
vendredi 13 février 2009
Place du livre
Une nouvelle librairie en ligne a été lancée récemment: Place du livre.com. Le site propose 100 000 titres dont 25 000 nouveautés par an, dont de nombreux titres québécois, pas toujours faciles à trouver sur les sites tels Amazon ou Chapters/Indigo. On y retrouve aussi des conseils, des recommandations, des informations détaillées, ainsi qu’un blogue - né de l'association entre Placedulivre.com et Québec Loisirs - qui suit l'actualité littéraire de près et propose notamment des entrevues avec des auteurs plus « populaires », tels que Micheline Lachance ou Denis Monette, mais aussi des auteurs de premier roman, dont David Fitoussi (La Bar-Mitsva de Samuel). À découvrir ici...
jeudi 12 février 2009
Chopin le pédagogue
Si le nom de Frédéric Chopin nous projette aussitôt dans l’univers relativement tourmenté du pianiste romantique et fait jaillir des bribes de ses valses, études ou nocturnes, il évoque beaucoup moins souvent ses dons prodigieux d’instrumentiste mais surtout de professeur. Pourtant, les faits sont là : Chopin, pourtant autodidacte (son seul professeur de piano, Zywny, était violoniste!) a passé près du quart de son existence à l’enseignement, ce qui démontre éloquemment l’importance qu’il accordait à la profession.
Dans son Projet de Méthode, qui aurait pu s'avérer source d'inspiration inépuisable pour des générations de pianistes, il mentionne par exemple, au sujet de l'intonation:
Il s'est également penché attentivement sur les fondements techniques du piano:
Dans son Projet de Méthode, qui aurait pu s'avérer source d'inspiration inépuisable pour des générations de pianistes, il mentionne par exemple, au sujet de l'intonation:
« L’intonation étant le fait de l’accordeur, le piano est délivré d’une des plus grandes difficultés que l’on rencontre dans l’étude d’un instrument. Il ne reste donc à étudier qu’un certain arrangement de la main vis-à-vis les touches pour obtenir facilement la plus belle qualité possible de son; savoir jouer les notes longues et les notes courtes, et parvenir à une dextérité sans borne. »Il perçoit l'enseignement de l'art comme un défi constant:
« L’art étant infini dans ses moyens limités, il faut que son enseignement soit limité par ces mêmes moyens pour être exercé comme infini.
Il ne s’agit donc pas ici de théories plus ou moins ingénieuses, mais de ce qui va droit au but et aplanit la partie technique de l’art.
On a essayé beaucoup de pratiques inutiles et fastidieuses pour apprendre à jouer du piano, et qui n’ont rien de commun avec l’étude de cet instrument. Comme qui apprendrait par exemple à marcher sur la tête pour faire une promenade. De là vient que l’on ne sait plus marcher comme il faut sur les pieds, et pas trop bien non plus sur la tête. On ne sait pas jouer la musique proprement dite, et le genre de difficulté que l’on pratique n’est pas la difficulté de la bonne musique, la musique des grands maîtres. C’est une difficulté abstraite, un nouveau genre d’acrobatie. »
Il s'est également penché attentivement sur les fondements techniques du piano:
« Je divise en trois parties l’étude du mécanisme de piano :Ces mots restent source d'inspiration, aujourd'hui comme hier.
1. apprendre aux deux mains à jouer les notes à distance d’une touche (les notes à distance d’un demi-ton et d’un ton), c’est-à-dire les gammes chromatique, diatonique et les trilles. Ce que l’on pourra inventer pour jouer à distance des demi-tons et des tons n’existant pas, une quatrième forme abstraite à étudier dans cette catégorie ne sera qu’un composé ou une fraction des gammes ou trilles.
2. les notes distancées à plus d’un demi-ton et d’un ton, c’est-à-dire en partant de la distance d’un ton et demi : l’octave partagée en petites tierces, par conséquent chaque doigt occupant une touche, et l’accord parfait dans ses renversements (les notes sautées).
3. les notes doubles (à deux parties) : tierces, sixtes, octaves. (Quand on sait les tierces, sixtes et octaves, on sait jouer à trois parties – par conséquent, on connaît les accords que l’on saura briser sachant les notes distancées.
Les deux mains donneront quatre, cinq, six parties – et on n’inventera rien de plus pour étudier comme mécanisme du piano. »
lundi 9 février 2009
Énergie renouvelable
Cette année, j’ai dit au revoir à deux grands, le cours de leur vie respective s’accommodant plus difficilement d’une visite, fût-elle bimensuelle, chez moi, mais surtout d’un lien quotidien –négocions plutôt pour bihebdomadaire – avec l’instrument. Dans un premier cas, l’étudiante, que j’ai dû pousser, parfois de gré, parfois de force, à compléter son cursus pianistique – ses parents étant légèrement exigeants – a réalisé que le collégial en sciences pures n’était pas nécessairement de tout repos. Dans l’autre, ma Rach Star – qui avait causé tout un émoi auprès des fillettes il y a deux ans à peine – a réussi à se convaincre qu’il devrait peut-être plancher avec un tantinet plus de sérieux sur ses études universitaires. Je l’ai laissé partir sans hésitation, en me considérant privilégiée d’avoir pu assister à son éclosion de jeune musicien doué à pianiste convaincant mais surtout d’adolescent réservé et vaguement en marge à adulte ludique et charmant.
J’aurais pu regretter les échanges, les quelques fous rires mais peut-être pas les rappels, fermes mais gentils, assenés avec une régularité presque métronomique, sourire crispé à l’appui. « Cette semaine, pourrais-tu, s’il te plaît, trouver le temps de travailler ton instrument avec un peu plus de sérieux ? J’aimerais vraiment beaucoup. » Mais, franchement, je n’ai pas eu le temps. Par un heureux concours de circonstances, une fois ces places « libérées », le téléphone a sonné et, au fil des semaines, cinq plus jeunes ont remplacé les deux grands. Parmi eux, la sœur d’un élève pas plus motivé qu’il ne le faut (il préfère de beaucoup le hockey au piano) se languissait d’aborder l’instrument. Malgré ses six ans, sa faculté de concentration et son enthousiasme absolument contagieux m’épatent à chaque fois. Quand elle franchit le seuil de ma maison, je sens tout de suite qu’elle y est heureuse, sans réserve, et ce, même quand elle a de la difficulté à s’approprier de nouvelles notes.
Je ne cacherai pas la tendresse que je ressens pour cette autre, cinq ans et demi, que je connais depuis sa naissance puisqu’elle est ma nièce. Vous dire le plaisir d’avoir déposé sa petite main dans la mienne, la première semaine, pour l’amener à l’instrument… Elle habite loin de chez moi et l’horaire de ses parents un tantinet erratique l’empêche de venir de façon régulière. Peu importe. Je chéris ces instants de complicité et, hier, elle était si contente de jouer le duo de l’« Hymne à la joie » de Beethoven avec moi que j’en ai oublié tous mes tracas.
Il y a aussi cet autre, témoignage éloquent des volte-face possibles. Sa mère m’avait contactée en catastrophe, son professeur l’ayant laissé tomber, juste avant le début de l’année scolaire. J’ai réussi à lui trouver une plage horaire, juste avant son copain hockeyeur. Dès le premier cours, le contact s’est établi de façon assez exceptionnelle entre lui et moi, mais la partie était loin d’être gagnée. Vingt minutes après son départ, le téléphone sonnait. Sa mère venait d’ouvrir son calepin de notes et ne comprenait pas pourquoi je ne lui avais pas donné plus de pièces à étudier. Je lui ai expliqué qu’en 30 minutes, j’avais à peine eu le temps de l’évaluer et que je souhaitais qu’il retrouve doucement son rythme de travail. Le vendredi suivant, ayant saisi le message, j’ai donc alourdi considérablement sa charge. Nouvel appel : cette fois, je lui en avais trop proposé et c’était trop difficile ! Je commençais sérieusement à m’impatienter et presque à regretter d’avoir accepté le garçon, pourtant absolument craquant, dans ma classe. Nous avons joué au ping-pong ainsi jusqu’à ce que, une semaine d’octobre, sans crier gare, elle lâche prise et admette que, même si je travaillais de façon très différente du professeur précédent et que je poussais plus, que les résultats étaient plus que probants. Depuis, l’entente entre nous est devenue exemplaire et c’est avec un grand plaisir que j’attends le garçon chaque vendredi. La durée des leçons a été adaptée à la hausse et, même là, nous fixons toujours l’horloge d’un air incrédule quand nous réalisons que le cours aurait dû se terminer 10 minutes auparavant.
Oui, certaines semaines d’enseignement sont difficiles mais, parfois – souvent –, les élèves nous offrent une nouvelle dose d’énergie, de tendresse, de folie, d’inspiration. Il suffit d’y rester attentif.
J’aurais pu regretter les échanges, les quelques fous rires mais peut-être pas les rappels, fermes mais gentils, assenés avec une régularité presque métronomique, sourire crispé à l’appui. « Cette semaine, pourrais-tu, s’il te plaît, trouver le temps de travailler ton instrument avec un peu plus de sérieux ? J’aimerais vraiment beaucoup. » Mais, franchement, je n’ai pas eu le temps. Par un heureux concours de circonstances, une fois ces places « libérées », le téléphone a sonné et, au fil des semaines, cinq plus jeunes ont remplacé les deux grands. Parmi eux, la sœur d’un élève pas plus motivé qu’il ne le faut (il préfère de beaucoup le hockey au piano) se languissait d’aborder l’instrument. Malgré ses six ans, sa faculté de concentration et son enthousiasme absolument contagieux m’épatent à chaque fois. Quand elle franchit le seuil de ma maison, je sens tout de suite qu’elle y est heureuse, sans réserve, et ce, même quand elle a de la difficulté à s’approprier de nouvelles notes.
Je ne cacherai pas la tendresse que je ressens pour cette autre, cinq ans et demi, que je connais depuis sa naissance puisqu’elle est ma nièce. Vous dire le plaisir d’avoir déposé sa petite main dans la mienne, la première semaine, pour l’amener à l’instrument… Elle habite loin de chez moi et l’horaire de ses parents un tantinet erratique l’empêche de venir de façon régulière. Peu importe. Je chéris ces instants de complicité et, hier, elle était si contente de jouer le duo de l’« Hymne à la joie » de Beethoven avec moi que j’en ai oublié tous mes tracas.
Il y a aussi cet autre, témoignage éloquent des volte-face possibles. Sa mère m’avait contactée en catastrophe, son professeur l’ayant laissé tomber, juste avant le début de l’année scolaire. J’ai réussi à lui trouver une plage horaire, juste avant son copain hockeyeur. Dès le premier cours, le contact s’est établi de façon assez exceptionnelle entre lui et moi, mais la partie était loin d’être gagnée. Vingt minutes après son départ, le téléphone sonnait. Sa mère venait d’ouvrir son calepin de notes et ne comprenait pas pourquoi je ne lui avais pas donné plus de pièces à étudier. Je lui ai expliqué qu’en 30 minutes, j’avais à peine eu le temps de l’évaluer et que je souhaitais qu’il retrouve doucement son rythme de travail. Le vendredi suivant, ayant saisi le message, j’ai donc alourdi considérablement sa charge. Nouvel appel : cette fois, je lui en avais trop proposé et c’était trop difficile ! Je commençais sérieusement à m’impatienter et presque à regretter d’avoir accepté le garçon, pourtant absolument craquant, dans ma classe. Nous avons joué au ping-pong ainsi jusqu’à ce que, une semaine d’octobre, sans crier gare, elle lâche prise et admette que, même si je travaillais de façon très différente du professeur précédent et que je poussais plus, que les résultats étaient plus que probants. Depuis, l’entente entre nous est devenue exemplaire et c’est avec un grand plaisir que j’attends le garçon chaque vendredi. La durée des leçons a été adaptée à la hausse et, même là, nous fixons toujours l’horloge d’un air incrédule quand nous réalisons que le cours aurait dû se terminer 10 minutes auparavant.
Oui, certaines semaines d’enseignement sont difficiles mais, parfois – souvent –, les élèves nous offrent une nouvelle dose d’énergie, de tendresse, de folie, d’inspiration. Il suffit d’y rester attentif.
vendredi 6 février 2009
L'honneur perdu de Katharina Blum
Je ne crois pas avoir jamais pris autant de temps pour lire un roman aussi mince (136 pages à peine, fragmentées en 58 petits chapitres)... peut-être parce que, en parallèle, j'avais des lectures techniques à faire, des textes à compléter, mais aussi parce que je lisais ce livre « obligée ». En effet, les élèves de ma classe de journalisme se sont vus forcés d'acheter le dit livre en début d'année et un travail sur le sujet est donc attendu de ma part et de la leur. (Il est à noter que ce livre est le seul qu'ils aient eu à se procurer pour ce cours.)
Heinrich Böll a remporté le Nobel de littérature en 1972, quelques petites années à peine avant de commettre ce livre, qui tient plus du brûlot politique que du roman pur et simple. L'histoire narrée est d'une simplicité désarmante et, dès les premières pages, on en connaît le dénouement. Katharina, une gouvernante au doigté impeccable, joie de ses employeurs, réservée, presque ennuyeuse, rencontre Ludwig lors d'une soirée de carnaval. C'est le coup de foudre, pur et simple. Ce qu'elle ne sait pas - et dont elle se moque -, c'est que son chevalier servant est un bandit, recherché par la police. En s'y associant, elle devient la proie du JOURNAL, la publication à potins consommée goulûment par tout un chacun, qui tente de ternir sa réputation en interviewant son ex-mari, sa mère (qui en mourra), ses employeurs mais surtout en usant d'un peu trop de liberté dans la manipulation des informations. En cinq jours à peine, la vie de Katharina bascule, irrévocablement. Elle finira par tuer le journaliste qui la harcèle.
Avec une minutie presque maniaque, Böll remplit ensuite les interstices entre les faits, grâce à des retours en arrière, des précisions sur l'emploi du temps de l'un ou l'autre des personnages. Il en profite pour interpeller le lecteur, déposer ici et là des insinuations sur les techniques journalistiques plutôt douteuses, démontrant « citations » à l'appui comment une phrase relativement neutre peut devenir percutante et devenir titre sensationnaliste. On sait que Böll, en 1972, a dû faire face à nombre d'injures et de calomnies de la presse à sensation, notamment de la part du tristement célèbre Bild qui s'est insurgé contre sa campagne d'information (face à leur désinformation) pour clarifier le cas de la bande à Baader.
L'auteur décide donc de transcender son vécu en une fiction, qui permet au lecteur de se poser des questions intéressantes, il faut bien l'admettre. Jusqu'où peut aller la liberté d'expression, la sacro-sainte liberté de presse? Peut-on tout dire, tout admettre? Étiquement, le texte est séduisant. Ces questions restent d'une pertinence criante en ces jours troubles de la convergence. Dans sa forme, par contre, on perçoit une certaine lourdeur, on voit trop bien les fils manipulés par l'auteur. Si certains textes restent indémodables, certains jaunissent un peu avec le passage des ans. Celui-ci me semble malheureusement tomber dans la deuxième catégorie.
J'hésite encore à savoir comment je réussirai à présenter le roman, lecture « obligatoire » (dont pénible pour tout adolescent qui se respecte), de façon le moindrement séduisante. Accepterai-je de couper certains coins ronds qui permettront de survoler le texte lui-même pour se concentrer sur ses questionnements éthiques? Les aborderai-je par la transposition cinématographique qu'en a faite Volker Schlöndorff (et qu'il me reste à trouver)? Leur demanderai-je de commettre un commentaire ou un éditorial sur le sujet? Des questions pour l'instant sans réponse... mais auxquelles je réfléchirai.
mercredi 4 février 2009
Marc-André Hamelin: carte blanche
Soir de concert, foyer de la salle. Deux mélomanes échangent sur les pianistes qui occupent l’avant de la scène internationale. L’un avance le nom de Marc-André Hamelin. L’autre s’emballe, souligne sa technique herculéenne, défiant les lois les plus élémentaires de la physique. Il parle de répertoire méconnu ou contemporain, si pointu que seuls les initiés en connaissent les arcanes.
Quiconque évoquerait le pianiste canadien en ces termes démontrerait combien il a peu suivi son évolution artistique au fil des ans. Sans cesse, Hamelin tente de se dégager de cette étiquette de « supervirtuose », accolée par un critique du New York Times en 1988 et véhiculée depuis à tort et à travers. Il ne se considère aucunement comme un athlète du piano, mais compare plutôt son travail à celui d’un artiste-peintre qui doit, à travers une ligne, qu’elle soit mélodique ou esquissée au crayon, transmettre un message, un vécu, une émotion.
Vous pouvez lire la suite de l'article ici, en page 8, dans le numéro courant de La Scena Musicale. Hamelin y évoque notamment son lien avec le public, avec les instruments, la nécessité absolue de respecter le texte mais aussi les grandes lignes des quatre concerts qu'il donnera, tant comme soliste, récitaliste que chambriste, pour souligner le 60e anniversaire de la Société Pro Musica en mars.
dimanche 1 février 2009
Rencontre avec Danielle Trussart
Jour de tempête, je peine en arpentant les rues enneigées de la ville à la vitesse de la tortue. Je peste, je me désole d'être légèrement en retard à ce rendez-vous. Enfin, je rejoins Danielle Trussart chez Byblos, petit café sympathique du Plateau que je ne connaissais que de nom, presque aussi mythique pour moi que celui de Samarcande.
Les présentations sont complétées en quelques secondes, une poignée de main chaleureuse échangée. Je dépose mon sac, mon ordinateur, prends une seconde pour respirer, avale une gorgée d'eau et puis, presque sans préambule, je plonge. Plutôt, nous plongeons ensemble. En quelques phrases à peine, la connexion est établie avec la lauréate du Prix Robert-Cliche, également aubergiste et peintre, notre Recrue du mois. L'œil brillant, le sourire aux lèvres, le débit rapide, on la sent entière, multiple, à l'écoute de ses voix intérieures aussi, de celles de ses personnages.
Je vous propose ici une version condensée de la portion enregistrée de l'entrevue. (La prochaine fois, j'éliminerai même le bruit de fond... puisque j'aurais pu le faire, mais seulement si je l'avais enregistré en solo avant!)
Entrevue Danielle Trussart (court) -
Les présentations sont complétées en quelques secondes, une poignée de main chaleureuse échangée. Je dépose mon sac, mon ordinateur, prends une seconde pour respirer, avale une gorgée d'eau et puis, presque sans préambule, je plonge. Plutôt, nous plongeons ensemble. En quelques phrases à peine, la connexion est établie avec la lauréate du Prix Robert-Cliche, également aubergiste et peintre, notre Recrue du mois. L'œil brillant, le sourire aux lèvres, le débit rapide, on la sent entière, multiple, à l'écoute de ses voix intérieures aussi, de celles de ses personnages.
Je vous propose ici une version condensée de la portion enregistrée de l'entrevue. (La prochaine fois, j'éliminerai même le bruit de fond... puisque j'aurais pu le faire, mais seulement si je l'avais enregistré en solo avant!)
Entrevue Danielle Trussart (court) -
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