Il est bien sûr beaucoup question de musique dans Wunderkind de Nikolai Grozni qui, lui aussi a été pianiste prodige, mais l'auteur a su s'extraire de son expérience personnelle pour nous livrer un troublant portrait d'époque, de lieu, si dépaysant que l'on pourrait croire qu'il relate un passé lointain. Il sait surtout camper efficacement des personnages, que ce soit la galerie de jeunes musiciens à la sexualité bouillonnante ou des professeurs, aux surnoms lapidaires, tous plus grands que nature, qui briment autant la créativité des jeunes artistes qu'ils crient leur mal-être.
Un livre que j'ai dévoré, portée par les différentes pièces proposées en trame sonore (titres de chaque chapitre), mais surtout le souffle certain qui s'en découle.
« Tant que quelqu’un jouerait l’Allegro maestoso de cette huitième sonate sur un piano, le monde ne finirait jamais. C’était une certitude absolue. Le thème d’ouverture de l’Allegro maestoso et ses variations étaient tout simplement plus importants, plus fondamentaux que les caprices du temps ou toutes les lois gouvernant le monde physique. Ces cadences fatidiques! Le pouls accéléré des accords de la main gauche, la façon dont les croches se transformaient en doubles croches et passaient de la main droite à la gauche tel un roulement de tonnerre, le long crescendo de la transition avec la charge des cymbales, des contrebasses et des caisses claires à l’arrière-plan : du rock ‘n roll à l’état pur, et de la meilleure espèce. »