Né en Pologne, ayant passé son enfance à Winnipeg, avant de poursuivre ses études à New York, en musique et en littérature française, mari de la pianiste japonaise Yoko Nozaki, Emanuel Ax pouvait être considéré citoyen du monde bien avant que le terme se retrouve sur toutes les lèvres. Pour lui, un artiste se doit d’intégrer origines, cultures et vécus et réussir à transmettre cet amalgame au public. Si l’interprète compte parmi les invités réguliers de l’Orchestre symphonique de Montréal, on ne l’a pas entendu en récital ici depuis 1976, deux ans à peine après qu’il soit devenu le lauréat du premier Concours international Arthur Rubinstein. Incapable de trancher entre les deux, récital ou concert, il considère les expériences complémentaires. « Je pense que la musique pour piano est la chose la plus excitante du monde, explique-t-il lors d’une entrevue téléphonique, et elle représente un défi bien particulier, constitué à la fois d’une peur terrible combinée à la décharge d’être seul sur scène. Bien sûr, nous avons l’habitude de répéter seuls, mais quand vous êtes sur scène avec un orchestre, vous êtes avec plusieurs amis, une conversation s’établit avec vos collègues. »
Je me suis entretenue il y a quelques semaines avec ce pianiste pour lequel j'éprouve beaucoup de respect, surnommé affectueusement dans le milieu « Manny ». Vous pouvez lire cet article en couverture du numéro de février de La Scena Musicale. Dans le même numéro, je parle également du pianiste John Newmark, l'un des plus grands accompagnateurs (pianistes collaborateurs, dirions-nous aujourd'hui) du 20e siècle, qui a notamment créé, à l'initiative de Wilfrid Pelletier, le premier cours d'accompagnement du Conservatoire de musique de Montréal.
Si vous me cherchez dans les prochains jours, vous pourriez fort bien me trouver... Cet après-midi, je serai au Gala des Prix Opus (les « Oscars » de la musique classique québécoise), demain soir à l'Opéra de Montréal (qui présente Werther de Massenet) et mardi soir au Conservatoire pour un concert des plus inusités. En effet, sous la direction artistique de Véronique Lacroix, l’Ensemble contemporain de Montréal (ECM+) propose une traversée imaginaire qui met la flûte en vedette avec son programme « D’un océan à l’autre ». On pourra notamment y entendre l’Ensemble de flûtes Alizé et un chœur de jeunes flûtistes, dans des œuvres des compositeurs canadiens Kati Agócs, Christopher Butterfield, Gordon Fitzell et Katia Makdissi-Warren. Cela tombe bien, j'ai un petit faible pour la flûte... Une occasion d'entendre la musique d'ici et d'aujourd'hui... ici et aujourd'hui!
La musique et l’écriture ont été de tout temps les deux pôles de la vie créatrice de l'auteure. Ce site se veut donc un hommage à la musique (particulièrement classique) et à la littérature, mais aussi au théâtre et aux autres manifestations artistiques.
dimanche 30 janvier 2011
vendredi 28 janvier 2011
Le bruit que fait la mort en tombant
Un jour fatal, un accident de la route lui ravit sa sœur. Que peut faire un auteur en de telles circonstances? Chercher à apprivoiser l'absence avec des mots.
La langue reste délicate, ouvragée, souvent poétique, invite par moments à la lecture à haute voix. À savourer à petites doses, parce que, parfois, il est nécessaire de s'arrêter un instant et de se souvenir.
« Cent fois, en pensée, j'ai glissé dans le ravin, emporté malgré moi dans un gouffre inventé par un appel irrésistible. Ce besoin irraisonné de savoir ta frayeur, de vivre avec toi ce moment horrible qui a précédé ta mort. Une attirance qui n'était pas du désespoir. Seulement ce besoin de sentir, de savoir. » (p. 71)Guy Lalancette propose un récit déconstruit, dans lequel on ne saura au final pas grand chose de cette sœur tant aimée, ce qui empêche le lecteur de devenir voyeur. Il préfère revivre des instants volés, des émotions diffuses, des rires partagés, transformant ce qui aurait pu n'être que travail de mémoire en catharsis, tant pour l'auteur que le lecteur qui, au détour d'une page, d'une allusion, d'un sourire teinté de tristesse, retrouve ses propres absents, et pense à tous ces autres destins broyés par la fatalité, comme l'évoque l'auteur dans le chapitre « Bien sûr, il y a d'autres morts », un florilège d'esquisses poignantes qui hantent l'esprit.
« Je ne peux pas toutes les nommer, mais je sais que toutes ont fait du bruit dans le silence qu'elles ont laissé en tombant. »
La langue reste délicate, ouvragée, souvent poétique, invite par moments à la lecture à haute voix. À savourer à petites doses, parce que, parfois, il est nécessaire de s'arrêter un instant et de se souvenir.
mercredi 26 janvier 2011
Sur mesure
Les professeurs qui utilisent la même méthode pour tous leurs élèves m'effraient. Je comprends certes que, lorsqu'on donne depuis 10 ans un cours de maths et que, vraisemblablement 1+1=2 (certains philosophes ont tenté de prouver le contraire, mais peu importe), on peut vivre sur ses réserves et, oui, pourquoi pas, proposer le même devoir trois, voire six années de suite. Par contre, quand on a devant soi un aspirant pianiste, je crois qu'il est impossible de concevoir que tous, en deuxième année de cursus, devront jouer le petit menuet de Petzold en sol majeur (faussement attribué à Bach). Nous disposons d'un répertoire quasi infini, dont nous n'aurons jamais fait le tour, alors, comment peut-on considérer s'embourber volontairement dans de telles ornières?
J'ai cette année dans ma classe beaucoup de jeunes débutants (entre 5 et 7 ans). Oui, cela exige des trésors d'invention pour assoir le plus jeune (« Quoi, tu veux que je recommence? Mais on vient de le jouer deux fois! Non, je veux pas! » ), de persuasion pour faire lire l'autre (qui a pris bien des mauvais plis en une année et se fie à son oreille ou sinon aux chiffres sur la partition), d'attention surtout, pour être certaine que l'édifice que nous construisons ne s'écroulera pas dans deux mois ou cinq ans - et ce, sans savoir si l'élève poursuivra ou non. Cela prend une certaine volonté (une volonté certaine même) pour viser l'excellence, un terme malheureusement galvaudé de nos jours.
Je ne suis pas une de ces profs tortionnaires (vous voyez le stéréotype, certain âge, cheveux gris, chignons, visage de bois) et donnerais plutôt l'impression contraire, mais j'ai beaucoup de difficulté à accepter les gens qui ne vont pas au bout de leurs limites et ce, peu importe celles-ci. J'ai quelques élèves doués que je peux pousser au maximum (« Tu me travailles les sections A à F pour la prochaine fois »), d'autres plus lents que j'encadre plutôt (« Je ne te sens pas très à l'aise; revoyons tout ça !»), un pur-sang un peu fou qui apprend à la vitesse de la lumière mais se rebiffe dès que je lui parle de discipline (« Oui, je comprends bien que tu es un interprète, mais cela ne t'empêche de respecter le texte et le compositeur! », un imaginatif qui a toujours des histoires incroyables à me raconter (« C'est super, tout ça, mais là, on joue ta pièce, d'accord? »). Il y a évidemment tous les autres. Il faut savoir être à l'écoute, comprendre ce dont l'élève a besoin, puiser dans son savoir (et idéalement une vaste bibliothèque de partitions) et proposer en conséquence. Il faut surtout refuser l'immobilisme et le statu quoi. Pourquoi ai-je l'impression que 99 % de la population se moquerait de moi si je leur lançais cette phrase dans une soirée mondaine? Peu importe. Il faut pouvoir assumer ses convictions.
J'ai cette année dans ma classe beaucoup de jeunes débutants (entre 5 et 7 ans). Oui, cela exige des trésors d'invention pour assoir le plus jeune (« Quoi, tu veux que je recommence? Mais on vient de le jouer deux fois! Non, je veux pas! » ), de persuasion pour faire lire l'autre (qui a pris bien des mauvais plis en une année et se fie à son oreille ou sinon aux chiffres sur la partition), d'attention surtout, pour être certaine que l'édifice que nous construisons ne s'écroulera pas dans deux mois ou cinq ans - et ce, sans savoir si l'élève poursuivra ou non. Cela prend une certaine volonté (une volonté certaine même) pour viser l'excellence, un terme malheureusement galvaudé de nos jours.
Je ne suis pas une de ces profs tortionnaires (vous voyez le stéréotype, certain âge, cheveux gris, chignons, visage de bois) et donnerais plutôt l'impression contraire, mais j'ai beaucoup de difficulté à accepter les gens qui ne vont pas au bout de leurs limites et ce, peu importe celles-ci. J'ai quelques élèves doués que je peux pousser au maximum (« Tu me travailles les sections A à F pour la prochaine fois »), d'autres plus lents que j'encadre plutôt (« Je ne te sens pas très à l'aise; revoyons tout ça !»), un pur-sang un peu fou qui apprend à la vitesse de la lumière mais se rebiffe dès que je lui parle de discipline (« Oui, je comprends bien que tu es un interprète, mais cela ne t'empêche de respecter le texte et le compositeur! », un imaginatif qui a toujours des histoires incroyables à me raconter (« C'est super, tout ça, mais là, on joue ta pièce, d'accord? »). Il y a évidemment tous les autres. Il faut savoir être à l'écoute, comprendre ce dont l'élève a besoin, puiser dans son savoir (et idéalement une vaste bibliothèque de partitions) et proposer en conséquence. Il faut surtout refuser l'immobilisme et le statu quoi. Pourquoi ai-je l'impression que 99 % de la population se moquerait de moi si je leur lançais cette phrase dans une soirée mondaine? Peu importe. Il faut pouvoir assumer ses convictions.
lundi 24 janvier 2011
Tous les matins du monde
Peut-être parce que je sais que le livre a été adapté au cinéma (film que je n'ai toujours pas vu après toutes ces années, haro sur moi!), mais rarement autant d'images et de musique ne m'auront envahie à la lecture d'un roman. Transparence des textures, délicatesse des lignes mélodiques, aucun doute ici, Quignard connait la musique.
En partage, une citation
et un court extrait du film, alors qu'il joue en rêvant à son épouse décédée.
En partage, une citation
« - Pourquoi ne publiez-vous pas les airs que vous jouez?
- Oh! mes enfants, je ne compose pas! Je n'ai jamais rien écrit. Ce sont des offrandes d'eau, des lentilles d 'eau, de l'armoise, des petites chenilles vivantes que j'invente parfois en me souvenant d'un nom ou des plaisirs.
- Mais où est la musique dans vos lentilles et vos chenilles?
- Quand je tire mon archet, c'est un petit morceau de mon cœur vivant que je déchire. Ce que je fais, ce n'est que la discipline d'une où aucun jour n'est férié. J'accomplis mon destin. » et un court extrait du film, alors qu'il joue en rêvant à son épouse décédée.
samedi 22 janvier 2011
Tom à la ferme
Il y a souvent quelque chose d'émouvant quand on assiste à l'une des premières représentations d'une nouvelle pièce, qui donne parfois l'impression que le texte n'est pas encore entièrement assumé, que le propos s'articule de façon différente chaque soir, que l'on est face à un objet essentiellement imparfait, avec ce que cela peut avoir à la fois d'émouvant et d'énervant. Ici, comme souvent avec le dramaturge Michel Marc Bouchard, le propos est d'une densité incroyable et une violence sublimée jamais totalement absente de la trame narrative.
Tom à la ferme aborde de façon fascinante la notion de mensonge. Doit-on apprendre à mentir quand notre réalité souhaite être tue selon d'autres? Tom vient de perdre son amant, fauché par un accident de motocyclette. Il se rend donc dans la famille du défunt pour assister aux obsèques. Là-bas, personne ne sait qu'il existe. La mère, envahie par des relents de catholicisme mystique (remarquable Lise Roy, à la fois fragile et lucide) possède une photo truquée, dans laquelle son fils enlace et embrasse Helen (en fait Sarah, une collègue de travail). Déchiré entre son homophobie et la douleur d'avoir perdu un frère, Francis (Eric Bruneau, terrifiant et ravageur, dans tous les sens du terme) savait quant à lui la confrontation inévitable.
L'auteur nous propose alors une rhumba à l'équilibre des plus instables, qui mêle pulsions et violence, tendresse et déni. Pour accepter de plonger dans cet univers, il faut toutefois accepter que nous sommes au théâtre, que les choses improbables peuvent s'y produire, devenir complices du deus ex machina. Selon moi, voilà le grain de sable de cet engrenage qui aurait pu sinon être redoutable d'efficacité. Quand, d'entrée de jeu, Tom multiplie les apartés, on a de la difficulté à s'accrocher. (Le procédé permettra néanmoins un des moments les plus forts de la pièce, alors qu'on « entend » Tom réfléchir à voix haute sur ce qu'il voit et ressent à l'église.) Il faut aussi accepter l'inacceptable. Pourquoi Tom (Alexandre Landry, troublant, mais dont le jeu est parfois forcé) ne fuit-il pas cette ferme malsaine, dès la première confrontation brutale avec Francis?
Néanmoins, quelques jours après, le propos continue de m'habiter, certains échanges me reviennent. Inutile de prétendre ici à l'indifférence. Je retiendrai également l'écoute particulièrement respectueuse du public, visiblement suspendu au texte et secoué par le propos.
Une entrevue avec auteur et metteur en scène...
Tom à la ferme aborde de façon fascinante la notion de mensonge. Doit-on apprendre à mentir quand notre réalité souhaite être tue selon d'autres? Tom vient de perdre son amant, fauché par un accident de motocyclette. Il se rend donc dans la famille du défunt pour assister aux obsèques. Là-bas, personne ne sait qu'il existe. La mère, envahie par des relents de catholicisme mystique (remarquable Lise Roy, à la fois fragile et lucide) possède une photo truquée, dans laquelle son fils enlace et embrasse Helen (en fait Sarah, une collègue de travail). Déchiré entre son homophobie et la douleur d'avoir perdu un frère, Francis (Eric Bruneau, terrifiant et ravageur, dans tous les sens du terme) savait quant à lui la confrontation inévitable.
L'auteur nous propose alors une rhumba à l'équilibre des plus instables, qui mêle pulsions et violence, tendresse et déni. Pour accepter de plonger dans cet univers, il faut toutefois accepter que nous sommes au théâtre, que les choses improbables peuvent s'y produire, devenir complices du deus ex machina. Selon moi, voilà le grain de sable de cet engrenage qui aurait pu sinon être redoutable d'efficacité. Quand, d'entrée de jeu, Tom multiplie les apartés, on a de la difficulté à s'accrocher. (Le procédé permettra néanmoins un des moments les plus forts de la pièce, alors qu'on « entend » Tom réfléchir à voix haute sur ce qu'il voit et ressent à l'église.) Il faut aussi accepter l'inacceptable. Pourquoi Tom (Alexandre Landry, troublant, mais dont le jeu est parfois forcé) ne fuit-il pas cette ferme malsaine, dès la première confrontation brutale avec Francis?
Néanmoins, quelques jours après, le propos continue de m'habiter, certains échanges me reviennent. Inutile de prétendre ici à l'indifférence. Je retiendrai également l'écoute particulièrement respectueuse du public, visiblement suspendu au texte et secoué par le propos.
Une entrevue avec auteur et metteur en scène...
jeudi 20 janvier 2011
À qui la faute?
Le titre m'avait intriguée lors de sa sortie, mais pas nécessairement assez pour faire un détour en librairie. Il faut croire qu'il aura aussi interpellé ma mère, qui me l'a offert pour Noël. Dans de telles conditions, difficile de résister plus longtemps...
J'ai lu il y a quelques années La sonate à Kreutzer de Tolstoï (un cadeau de Noël - décidément - d'une de mes étudiantes) et me souviens combien j'avais été tiraillée entre la beauté du style et la rudesse du propos. On ferme le livre en se disant qu'il est difficile de prétendre que le féminisme n'a rien changé à nos vies. Il semblerait bien que Sophie Tolstoï, bien évidemment première lectrice du grand homme, ait ressenti un inconfort semblable, alors qu'elle recopiait de larges passages - sinon l'entièreté - du texte avant de le confier à l'éditeur.
Elle décide donc d'offrir la contrepartie du récit de son mari (présenté ici pour la première fois en traduction française), opposant à la bestialité de l'amour charnel de la Sonate à Kreutzer un texte dans lequel elle aborde plutôt les aspirations disons moins incarnées de la femme, à travers le personnage d'Anna, une jeune artiste qui, par amour, lie son destin à celui du prince Prozorski, qui écrit des textes philosophiques. Plus âgé qu'elle, il a bien sûr vécu et donc connu de nombreuses aventures et, en digne représentant du genre, il continue bien évidemment de « garder l'œil ouvert », ce qui la torture de jalousie. (Difficile d'être plus transparent ici.) D'abord déchirée, elle finit par se faire une raison et trouve un exutoire auprès de ses enfants... jusqu'à ce qu'elle fasse la rencontre d'un vieil ami de son mari, Bekhmetiev, avec lequel elle entretient non pas une aventure extra-conjugale sulfureuse, mais bien plutôt un amour platonique qui favorise échanges, réflexions et même rires partagés avec les enfants.
Si le texte ne manque certes pas de souffle, il reste surtout fascinant comme témoignage d'une femme dont le talent romanesque aurait pu s'épanouir entièrement, si elle n'avait vécu à l'ombre d'un génie. Comme Anna, Sophie Tolstoï assumera son choix jusqu'au bout, et de lire ce roman à deux niveaux (ce qu'on appellerait aujourd'hui le filtre de l'autofiction) ne peut que laisser un goût douceâtre en bouche.
À noter: l'éditeur propose en deuxième partie une nouvelle traduction de La lettre à Kreutzer, qui prend une dimension encore plus troublante.
J'ai lu il y a quelques années La sonate à Kreutzer de Tolstoï (un cadeau de Noël - décidément - d'une de mes étudiantes) et me souviens combien j'avais été tiraillée entre la beauté du style et la rudesse du propos. On ferme le livre en se disant qu'il est difficile de prétendre que le féminisme n'a rien changé à nos vies. Il semblerait bien que Sophie Tolstoï, bien évidemment première lectrice du grand homme, ait ressenti un inconfort semblable, alors qu'elle recopiait de larges passages - sinon l'entièreté - du texte avant de le confier à l'éditeur.
Elle décide donc d'offrir la contrepartie du récit de son mari (présenté ici pour la première fois en traduction française), opposant à la bestialité de l'amour charnel de la Sonate à Kreutzer un texte dans lequel elle aborde plutôt les aspirations disons moins incarnées de la femme, à travers le personnage d'Anna, une jeune artiste qui, par amour, lie son destin à celui du prince Prozorski, qui écrit des textes philosophiques. Plus âgé qu'elle, il a bien sûr vécu et donc connu de nombreuses aventures et, en digne représentant du genre, il continue bien évidemment de « garder l'œil ouvert », ce qui la torture de jalousie. (Difficile d'être plus transparent ici.) D'abord déchirée, elle finit par se faire une raison et trouve un exutoire auprès de ses enfants... jusqu'à ce qu'elle fasse la rencontre d'un vieil ami de son mari, Bekhmetiev, avec lequel elle entretient non pas une aventure extra-conjugale sulfureuse, mais bien plutôt un amour platonique qui favorise échanges, réflexions et même rires partagés avec les enfants.
« La femme n'aime pour de bon qu'une seule fois. Elle chérit son amour, elle le préserve en attendant l'occasion de l'offrir. Et une fois qu'elle l'a accordé, elle veille sur lui et le place au-dessus de tout, fermant les yeux sur les défauts de celui qui en bénéficie. La répétition de ce sentiment germe toujours sur l'ancien, c'est la reprise d'un vieil idéal, et lorsqu'il arrive qu'une femme mariée aime un autre homme, c'est presque toujours le mari qui est fautif: il n'a pu satisfaire les exigences poétiques d'une nature jeune et pure, les a brisées, ne proposant en échange que l'aspect le plus trivial du mariage. Et malheur si un autre vient occuper la place vide que le mari n'a su combler, car c'est toujours le même - premier et unique - amour idéalisé qui se reporte sur son rival. » (p. 168-169)
Si le texte ne manque certes pas de souffle, il reste surtout fascinant comme témoignage d'une femme dont le talent romanesque aurait pu s'épanouir entièrement, si elle n'avait vécu à l'ombre d'un génie. Comme Anna, Sophie Tolstoï assumera son choix jusqu'au bout, et de lire ce roman à deux niveaux (ce qu'on appellerait aujourd'hui le filtre de l'autofiction) ne peut que laisser un goût douceâtre en bouche.
À noter: l'éditeur propose en deuxième partie une nouvelle traduction de La lettre à Kreutzer, qui prend une dimension encore plus troublante.
lundi 17 janvier 2011
La petite et le vieux
Hélène a trois sœurs, une mère qui en laisse parfois passer mais ponctue son discours de « C'é toute », un père professeur vaguement désabusé. Elle accumule les petits boulots malgré son jeune âge. (Au début du livre, elle a huit ans mais en admet plutôt dix.) Elle préfère qu'on l'appelle Joe, la féminité étant pour elle plus une tare qu'une qualité. Ce n'est pas pour rien que son idole est Lady Oscar, capitaine de la garde rapprochée de Marie-Antoinette.Si un tel résumé peut donner l'impression qu'il ne se passe presque rien dans ce premier roman de Marie-Renée Lavoie, ce serait avoir tout faux: le texte est d'une densité remarquable mais surtout empreint d'une grande tendresse.
Dès les premières pages, on s'attache à Joe, on aime découvrir son quartier à travers le regard de cette enfant qui, déjà, en a vu d'autres, mais, surtout, est ouverte aux rencontres, aux échanges, aux expériences, et rêve au quotidien. Qu'elle échange avec Roger, le voisin vaguement ronchon mais attachant qui attend plus ou moins patiemment de mourir, qu'elle discute littérature avec son père (on a sur le champ envie de découvrir ou redécouvrir Le vieil homme et la mer d'Hemingway), qu'elle s'indigne contre les injustices sociales ou qu'elle vibre tout simplement en suivant les aventures de son héroïne de dessins animés, on a l'impression d'y être, témoin silencieux et pourtant non passif.
Un peu comme Tremblay décrit le Plateau d'hier, Lavoie nous plonge dans le Limoilou des années 1980, alors que des désinstitutionnalisés arpentent les rues du quartier, cherchent des repères, réapprennent à vivre sans encadrement. Au fil des aventures (et mésaventures) de Joe, on sourit, on frémit, on s'interroge, complètement envoutés par la plume habile de l'auteure qui réussit à créer l'illusion d'un monde d'enfant dans une langue qui refuse pourtant d'être appauvrie.
On referme le livre, se demandant quelle femme Joe serait maintenant devenue. On s'inquiète une seconde à peine, en se disant que, bien sûr, l'émerveillement doit encore faire partie de sa vie...
Dès les premières pages, on s'attache à Joe, on aime découvrir son quartier à travers le regard de cette enfant qui, déjà, en a vu d'autres, mais, surtout, est ouverte aux rencontres, aux échanges, aux expériences, et rêve au quotidien. Qu'elle échange avec Roger, le voisin vaguement ronchon mais attachant qui attend plus ou moins patiemment de mourir, qu'elle discute littérature avec son père (on a sur le champ envie de découvrir ou redécouvrir Le vieil homme et la mer d'Hemingway), qu'elle s'indigne contre les injustices sociales ou qu'elle vibre tout simplement en suivant les aventures de son héroïne de dessins animés, on a l'impression d'y être, témoin silencieux et pourtant non passif.
Un peu comme Tremblay décrit le Plateau d'hier, Lavoie nous plonge dans le Limoilou des années 1980, alors que des désinstitutionnalisés arpentent les rues du quartier, cherchent des repères, réapprennent à vivre sans encadrement. Au fil des aventures (et mésaventures) de Joe, on sourit, on frémit, on s'interroge, complètement envoutés par la plume habile de l'auteure qui réussit à créer l'illusion d'un monde d'enfant dans une langue qui refuse pourtant d'être appauvrie.
« Elle ne pouvait pas comprendre qu'il est nécessaire quelquefois d'arranger les histoires, de leur donner un tour un peu différent, parce que si on laisse toujours la réalité s'imposer tout entière, sans nuances, sans coup de crayon, la mer n'est que de l'eau salée et les sauveurs d'enfants se pointent en retard. » (p. 124)
samedi 15 janvier 2011
C'est jour de recrue
J'étais cette fois lectrice « au cas où » et n'ai donc pas eu à produire une critique articulée de la Recrue de ce mois-ci, mais je ne peux que vous inviter à découvrir ce que mes collègues ont pensé de L'homme blanc de Perrine Leblanc, un premier roman fort convaincant. À lire ici...
vendredi 14 janvier 2011
Relation privilégiée
Les grands groupes ne m'intimident pas et je peux prononcer une conférence pré-concert devant 200 personnes sans friser la syncope. (Tenir 37 ados dans une classe, par contre, c'est autre chose, mais passons...) Pourtant, il n'y a rien que j'aime le plus au fond que le contact privilégié, le one on one, qui permet la transmission mais aussi le partage. Je le vis au quotidien avec les élèves, de façon régulière lors d'entrevues, qu'elles soient téléphoniques (souvent plus « glissantes » par nature) ou en personne. (Grâce à skype, on peut maintenant profiter d'un entre-deux plutôt sympa, il faut l'admettre, mais ce ne sont pas tous les artistes qui ont compris le maniement de la webcam.)
Je sais que plusieurs ouvrages de pédagogie « sérieux » préconisent une certaine distanciation entre le professeur et l'élève. Dans mon cas, il n'en a jamais été question. Je refuse d'être considérée comme l'autorité suprême, même si, forcément, mes multiples boulots impressionnent certains des plus jeunes, comme cet élève, tout fier de m'apporter quelques jours après avoir vu Casse-Noisette sa copie du Magazine Place des Arts, parce qu'il m'y avait lue, ou cet autre qui, alors que je terminais un appel avec un orchestre étranger, m'a demandé tout bonnement: « Es-tu célèbre? » (J'ai ri pendant un bon 20 secondes, avant d'expliquer que, en classique, pas de souci, tout le monde ou presque pouvait faire ses courses tranquille.) Je refuse aussi d'être perçue comme une figure parentale. Oui, je pourrais être la mère de plusieurs de mes élèves, mais pourrais aussi être la fille de quelques autres. J'essaie de définir un statut particulier, unique, qui devient souvent un atout important à l'adolescence quand, justement, l'élève est en rébellion contre ses parents.
J'aime qu'ils me confient des petits trucs sur leurs vies respectives, au début du cours. J'essaie de me tenir un peu à jour côté hockey, histoire de pouvoir entretenir une conversation ludique avec tous ces fans du Canadiens. Quand un m'a demandé avant-hier ce que le père Noël m'avait apporté, j'ai souri, ai réfléchi et ai répondu. (Quand j'ai mentionné que j'avais reçu un livre ou deux, il m'a d'ailleurs fixée avec un regard entendu: « On le sait que tu aimes les livres! ») Quand ils me parlent d'une chanson pop, généralement, je sais de quoi il est question. Quand ils me demandent d'en apprendre une, je ne fronce pas les sourcils. Tant qu'il n'est pas question de Justin Bieber, je dis oui. (Et encore, je cèderais peut-être...) Qu'on travaille Bach ou Coldplay, il y a matière à transmission, à découverte, à apprentissage. Et puis, on ne sait jamais quand les tables peuvent tourner et que ce soient eux qui m'enseignent quelque chose sans même s'en rendre compte, sur la façon d'aborder quelque chose, de le transmettre, de le partager. Il s'agit de demeurer alerte et de saisir l'instant. Carpe diem!
Je sais que plusieurs ouvrages de pédagogie « sérieux » préconisent une certaine distanciation entre le professeur et l'élève. Dans mon cas, il n'en a jamais été question. Je refuse d'être considérée comme l'autorité suprême, même si, forcément, mes multiples boulots impressionnent certains des plus jeunes, comme cet élève, tout fier de m'apporter quelques jours après avoir vu Casse-Noisette sa copie du Magazine Place des Arts, parce qu'il m'y avait lue, ou cet autre qui, alors que je terminais un appel avec un orchestre étranger, m'a demandé tout bonnement: « Es-tu célèbre? » (J'ai ri pendant un bon 20 secondes, avant d'expliquer que, en classique, pas de souci, tout le monde ou presque pouvait faire ses courses tranquille.) Je refuse aussi d'être perçue comme une figure parentale. Oui, je pourrais être la mère de plusieurs de mes élèves, mais pourrais aussi être la fille de quelques autres. J'essaie de définir un statut particulier, unique, qui devient souvent un atout important à l'adolescence quand, justement, l'élève est en rébellion contre ses parents.
J'aime qu'ils me confient des petits trucs sur leurs vies respectives, au début du cours. J'essaie de me tenir un peu à jour côté hockey, histoire de pouvoir entretenir une conversation ludique avec tous ces fans du Canadiens. Quand un m'a demandé avant-hier ce que le père Noël m'avait apporté, j'ai souri, ai réfléchi et ai répondu. (Quand j'ai mentionné que j'avais reçu un livre ou deux, il m'a d'ailleurs fixée avec un regard entendu: « On le sait que tu aimes les livres! ») Quand ils me parlent d'une chanson pop, généralement, je sais de quoi il est question. Quand ils me demandent d'en apprendre une, je ne fronce pas les sourcils. Tant qu'il n'est pas question de Justin Bieber, je dis oui. (Et encore, je cèderais peut-être...) Qu'on travaille Bach ou Coldplay, il y a matière à transmission, à découverte, à apprentissage. Et puis, on ne sait jamais quand les tables peuvent tourner et que ce soient eux qui m'enseignent quelque chose sans même s'en rendre compte, sur la façon d'aborder quelque chose, de le transmettre, de le partager. Il s'agit de demeurer alerte et de saisir l'instant. Carpe diem!
mercredi 12 janvier 2011
Se souvenir
Un an déjà que la terre tremblait en Haïti. Bien sûr, les actualités nous bombarderont aujourd'hui d'extraits de cérémonies officielles, de constats, pas toujours roses. Mais je vous propose d'aborder un autre registre, celui de la musique, avec cette chanson d'Emeline Michel, découverte grâce aux bons soins de Catherine lors du swap musique et littérature. Parce qu'Haïti, ce n'est pas que la désolation, ce peut aussi être la beauté, la créativité et l'exubérance.
lundi 10 janvier 2011
Plaisirs coupables
Tournant d'année, période de résolutions? Je n'y crois pas trop car, à moins de n'en choisir qu'une (et encore), il est bien difficile de s'y tenir. Néanmoins, ayant dû récemment réinstaller la petite bibliothèque dans laquelle ma PAL squattait deux sections et demie (on se calme, la tablette ne fait que 35 cm de long!) pour y intégrer le woofer de mon nouveau trio de haut-parleurs d'ordi. je me suis dit qu'il faudrait bien faire disparaître quelques titres des dits rayons. J'ai considéré la lâcheté (celui-là, je ne le lirai jamais, hop, on fait disparaître!), mais me suis finalement ravisée. Il faudrait quand même pouvoir donner une chance à chaque coureur qui attend là patiemment, non?
C'est ainsi que, pensant n'en lire que quelques pages, j'ai plongé samedi après-midi, dans Sous la toge 2 de Nathaly Dufour - eh oui, de la chick lit. J'avais trouvé amusantes la bande-annonce dans laquelle l'auteure s'immisçait dans le quotidien d'une lectrice (et de son amoureux) pour leur faire quelques recommandations, culinaires notamment, mais n'avais pas lu le premier tome. Fort astucieusement, un court résumé fait le tour de la question et nous permet de plonger directement dans l'action... parce que, oui, action il y aura.
Caroline est à Paris, dans l'espoir de se retrouver, fuir son milieu (en tant que stagiaire, elle a fourni de l'information à la partie adverse, scellant l'issue d'un procès, un faux pas majeur pour la profession, très Robin des bois néanmoins) mais aussi, pourquoi pas, voir si elle ne pourrait pas transformer ce one night stand avec le beau Guillaume en quelque chose de plus sérieux. Est-il encore, oui ou non, en amour avec la mère de sa puce? Question épineuse... Heureusement qu'il y a les fous rires partagés avec la nouvelle copine Geneviève pour relativiser tout cela. Après quelques mois, Caroline retrouve son appartement de Québec, ses deux amies fidèles, ainsi que son ex Daniel (devenu meilleur ami après qu'il lui ait avoué sa bisexualité), qui lui propose de l'aider dans une cause de prostitution juvénile. Si l'essentiel du propos pouvait se résumer jusque là en verres de champagne ou de vin rouge, bonne bouffe, rigolades avec les copines, le ton forcément bascule. Voilà la marque de commerce de l'auteure, elle même diplômée en droit, qui transforme un peu les codes sacrés d'un genre pour y intégrer une dose de conscience sociale. On aimerait qu'elle y plonge encore plus profondément mais, bien sûr, Sous la toge 2 reste essentiellement une littérature de divertissement, ce qui limite un peu la possibilité d'approfondir un sujet aussi dense. Malgré mes réserves initiales, j'ai dévoré le tout en quelques heures, vague plaisir coupable (déjà que, le même jour, j'avais avalé un hamburger d'une chaîne de fast food!), mais pas suffisamment pour ne pas être partagé. Il n'est pas dit que je ne retrouverai pas Caroline un jour ou l'autre...
C'est ainsi que, pensant n'en lire que quelques pages, j'ai plongé samedi après-midi, dans Sous la toge 2 de Nathaly Dufour - eh oui, de la chick lit. J'avais trouvé amusantes la bande-annonce dans laquelle l'auteure s'immisçait dans le quotidien d'une lectrice (et de son amoureux) pour leur faire quelques recommandations, culinaires notamment, mais n'avais pas lu le premier tome. Fort astucieusement, un court résumé fait le tour de la question et nous permet de plonger directement dans l'action... parce que, oui, action il y aura.
Caroline est à Paris, dans l'espoir de se retrouver, fuir son milieu (en tant que stagiaire, elle a fourni de l'information à la partie adverse, scellant l'issue d'un procès, un faux pas majeur pour la profession, très Robin des bois néanmoins) mais aussi, pourquoi pas, voir si elle ne pourrait pas transformer ce one night stand avec le beau Guillaume en quelque chose de plus sérieux. Est-il encore, oui ou non, en amour avec la mère de sa puce? Question épineuse... Heureusement qu'il y a les fous rires partagés avec la nouvelle copine Geneviève pour relativiser tout cela. Après quelques mois, Caroline retrouve son appartement de Québec, ses deux amies fidèles, ainsi que son ex Daniel (devenu meilleur ami après qu'il lui ait avoué sa bisexualité), qui lui propose de l'aider dans une cause de prostitution juvénile. Si l'essentiel du propos pouvait se résumer jusque là en verres de champagne ou de vin rouge, bonne bouffe, rigolades avec les copines, le ton forcément bascule. Voilà la marque de commerce de l'auteure, elle même diplômée en droit, qui transforme un peu les codes sacrés d'un genre pour y intégrer une dose de conscience sociale. On aimerait qu'elle y plonge encore plus profondément mais, bien sûr, Sous la toge 2 reste essentiellement une littérature de divertissement, ce qui limite un peu la possibilité d'approfondir un sujet aussi dense. Malgré mes réserves initiales, j'ai dévoré le tout en quelques heures, vague plaisir coupable (déjà que, le même jour, j'avais avalé un hamburger d'une chaîne de fast food!), mais pas suffisamment pour ne pas être partagé. Il n'est pas dit que je ne retrouverai pas Caroline un jour ou l'autre...
samedi 8 janvier 2011
Bach Panther
Un thème simple, court, facilement reconnaissable quand il se présente dans une voix ou une autre. Manipulez-le selon les bonnes vieilles règles de l'art, assez lourdes à gérer comme le constate ces jours-ci un de mes élèves tombe dans tous les chausse-trappes auxquels doivent faire face les débutants. Après tout, n'est pas Bach qui veut...
Le compositeur Stéphane Delplace nous offre ici une fugue bien ficelée, sur le thème de la Panthère rose. Comme quoi, un motif efficace peut faire des merveilles...
Le compositeur Stéphane Delplace nous offre ici une fugue bien ficelée, sur le thème de la Panthère rose. Comme quoi, un motif efficace peut faire des merveilles...
jeudi 6 janvier 2011
Leçons d'étiquette
Je dois être devenue trop vieille, ringarde, dépassée. Cela vient peut-être du fait que je fréquente la musique classique depuis que je suis née ou presque. Mais n'y aurait-il quand même pas moyen pour les professeurs de donner une ou deux leçons d'étiquette de concert à leurs élèves?
J'accompagnais un saxophoniste lors d'un récital-midi dans une polyvalente offrant une concentration musique, dans une banlieue relativement à l'aise. On s'entend que, en principe, à moins que je n'aie vraiment pas saisi ce que représentait une concentration musique, on devrait avoir affaire à des élèves qui sont sensibilisés à la pratique musicale, non? Est-ce rêver éveillé que de considérer une écoute minimale comme étant espérée? Je me doute bien qu'une sonatine de Schubert, pourtant remarquable d'ingéniosité, ne les comblera peut-être pas d'extase. Mais n'aurait-il pas été possible - ou même souhaitable - que le professeur responsable (parce que, oui, un professeur accompagnait les élèves au concert) explique de façon ludique mais ferme certaines règles de base?
Ce n'est pas la première - ni la dernière fois - que je jouerai dans des conditions d'écoute déplorables. Quiconque a dû « tapisser » un vernissage ou tout autre événement mondain (on accepte quelques compromis parfois pour mettre du beurre sur les nouilles) sait pertinemment que la musique ne devient alors qu'« ameublement ». Je me souviens d'avoir joué pour une amicale d'école primaire, il y a des années de cela, et d'avoir eu de la difficulté à me faire entendre au-dessus du babil (chahut serait peut-être un terme plus précis). Je me souviens aussi que la classe d'élèves de 10 ans qui attendait alors à l'arrière-scène de présenter une courte pièce de théâtre avaient été complètement révoltés que « les adultes n'écoutaient pas ».
En dépit de tout cela, j'ai réussi à bloquer de mon champ de vision et de mon espace mental tous ceux qui gigotaient comme des poux dans les premiers rangs. Je retiendrai plutôt des échanges musicaux réussis entre les deux instruments, le plaisir de défendre un répertoire dense et, pourquoi pas, les sifflets d'encouragement entre les pièces. « On vous aime! » Mais eux, qu'auront-ils retenu de l'expérience? Bien malin qui pourrait le dire.
J'accompagnais un saxophoniste lors d'un récital-midi dans une polyvalente offrant une concentration musique, dans une banlieue relativement à l'aise. On s'entend que, en principe, à moins que je n'aie vraiment pas saisi ce que représentait une concentration musique, on devrait avoir affaire à des élèves qui sont sensibilisés à la pratique musicale, non? Est-ce rêver éveillé que de considérer une écoute minimale comme étant espérée? Je me doute bien qu'une sonatine de Schubert, pourtant remarquable d'ingéniosité, ne les comblera peut-être pas d'extase. Mais n'aurait-il pas été possible - ou même souhaitable - que le professeur responsable (parce que, oui, un professeur accompagnait les élèves au concert) explique de façon ludique mais ferme certaines règles de base?
Ce n'est pas la première - ni la dernière fois - que je jouerai dans des conditions d'écoute déplorables. Quiconque a dû « tapisser » un vernissage ou tout autre événement mondain (on accepte quelques compromis parfois pour mettre du beurre sur les nouilles) sait pertinemment que la musique ne devient alors qu'« ameublement ». Je me souviens d'avoir joué pour une amicale d'école primaire, il y a des années de cela, et d'avoir eu de la difficulté à me faire entendre au-dessus du babil (chahut serait peut-être un terme plus précis). Je me souviens aussi que la classe d'élèves de 10 ans qui attendait alors à l'arrière-scène de présenter une courte pièce de théâtre avaient été complètement révoltés que « les adultes n'écoutaient pas ».
En dépit de tout cela, j'ai réussi à bloquer de mon champ de vision et de mon espace mental tous ceux qui gigotaient comme des poux dans les premiers rangs. Je retiendrai plutôt des échanges musicaux réussis entre les deux instruments, le plaisir de défendre un répertoire dense et, pourquoi pas, les sifflets d'encouragement entre les pièces. « On vous aime! » Mais eux, qu'auront-ils retenu de l'expérience? Bien malin qui pourrait le dire.
mardi 4 janvier 2011
Les déferlantes
Il y a des livres coups de poing, mais il y a aussi des livres cocons, dans lesquels on s'enveloppe, qu'on respire plus qu'on ne lit, qui évoquent plutôt qu'ils ne racontent. Les déferlantes de Claudie Gallay entre certes dans cette catégorie. Malgré ses plus de 500 pages, ce roman se veut farouchement intimiste. Par petites bribes, il dévoile - sans jamais entièrement révéler - les destins de la narratrice, une ornithologue qui se réfugie à La Hague pour éviter d'avoir à côtoyer les lieux mêmes d'un deuil dont on ne saura au final presque rien, et d'une poignée d'hommes et de femmes dont l'existence même est rythmée par la mer, aussi bien par sa générosité que par sa voracité. La vieille Nan arpente la grève, dans l'espoir que les vagues recracheront l'un ou l'autre de ses disparus. Lambert cherche à faire la paix avec lui-même mais continue de revivre cette nuit où, il y a près de 40 ans, la mer a avalé sa famille. Il y a aussi Théo et Lili, qui s'entredéchirent en un amour-haine qui ne fera que peu de quartiers, Max qui se consume pour la belle Morgane, Raphaël le sculpteur qui tente de saisir dans ses œuvres le moment où la réalité bascule, ou La Cigale, enfant sauvage qui pourtant a besoin des autres pour grandir.
Avec une plume délicate, à la fois simple et ouvragée, Claudie Gallay transmet la mer, avec une force qui nous la fait entendre et sentir. On referme le livre, les joues rosies, le cou enveloppé dans un large foulard, assourdis par sa puissance aussi bien qu'émus par ces destins qui se percutent, sans jamais totalement s'amalgamer. Un très beau moment de lecture...
Avec une plume délicate, à la fois simple et ouvragée, Claudie Gallay transmet la mer, avec une force qui nous la fait entendre et sentir. On referme le livre, les joues rosies, le cou enveloppé dans un large foulard, assourdis par sa puissance aussi bien qu'émus par ces destins qui se percutent, sans jamais totalement s'amalgamer. Un très beau moment de lecture...
dimanche 2 janvier 2011
Liste de lectures 2010
Prêts à basculer en 2011? Une dernière chose à faire avant: archiver! Voici la liste de mes lectures 2010. En cliquant sur les liens, vous aurez accès aux commentaires de lecture. Maintenant, on repart en neuf et la liste devient toute petite pour quelque temps...
Sept écrivains pour Mozart ***1/2
Olivier Adam, Des vents contraires ***1/2
Camille Allaire, Celle qui manque ***
Paul Auster, Invisible ****
Edem Awumey, Les pieds sales ***
Jean-François Beauchemin, Cette année s'envole ma jeunesse *** 1/2
Samuel Beckett, Le dépeupleur ***
Binet, Bas de gamme ***1/2
Nadine Bismuth, Les gens fidèles ne font pas les nouvelles ***
Ketil Bjornstad, L'appel de la rivière ****
Christian Bobin, Autoportrait au radiateur ***1/2
Gaëlle Boissonnard, L'oubliette ***
Roberto Bolano, Nocturne du Chili ***
Anne Bonhomme, Échecs et maths ***
Yves Bonnefoy, L'arrière-pays ***
Pierre Boulez, L'écriture du geste ***1/2
Jean-François Caron, Nos échoueries ***1/2
Cecil Castellucci, Beige ***
Éléonore Clovis, Échantillons ***1/2
Annie Cloutier, La chute du mur ***
Maxime Collins, Comme si de rien n'était ***
Normand Corbeil, Les années-tennis ***
Gil Courtemanche, Je ne veux pas mourir seul ****
Jean-Simon Desrochers, La canicule des pauvres ***
Jean-Simon Desrochers, Parle seul ***
Patrick Dion, Fol allié ***
Maxence Fermine, Neige ****
Maxence Fermine, Le violon noir ***
David Foenkinos, La délicatesse ***
Denis Fortier, La disparition du mercure ***
Véronique Fortin, Journal irrévérencieux d'une mère normale ***
Eric Fottorino, Baisers de cinéma ***1/2
Danielle Fournier, Effleurés de lumière ***
Romain Gary (Émile Ajar), La vie devant soi ****
Brigitte Giraud, L'amour est très surestimé ***1/2
Daniel Glattauer, Quand souffle le vent du Nord ***1/2
Valentine Goby, Nos corps en silence ***
Agnès Gruda, Onze petites trahisons ***
Herman Hesse, Poèmes choisis ***1/2
Nancy Huston, Infrarouge ***1/2
Siri Hustvedt, Élégie pour un Américain ***1/2
Michel Jean, Une vie à aimer ***1/2
Franz Kafka, Lettre au père ***1/2
Daniel Khelmann, La nuit de l'illusionniste ***
Vénus Khouri-Ghata, La maison aux orties ***1/2
Gidon Kremer, Une enfance balte ***1/2
Bïa Krieger, Les révolutions de Marina ***
Louise Lacasse, Éteignez, il n'y a plus personne **1/2
Jérôme Lafond, Brigitte des Colères ***
Robert Lalonde, Que vais-je devenir jusqu'à ce que je meure? ***
Réal Larochelle, Lenny Bernstein au parc La Fontaine **1/2
Ian Lauda, Ouvrir ***
Dominique Lauzon, Un livre, une fois ***1/2
Perrine Leblanc, L'homme blanc ***1/2
Michèle Lesbre, Le canapé rouge ****
Stéphane Libertad, La trajectoire ***
Évelyne Loew, Le banquet des utopies ***
Alberto Manguel, Chez Borges ***
Louise Marois, ,qui boit l'encre. ***1/2
Jean-Sébastien Marsan, Le petit Wazoo ***
Yann Martel, Béatrice et Virgile ***
Martin Michaud, Il ne faut pas parler dans l'ascenseur ***1/2
Wadji Mouawad, Incendies ****
Guy Mouton, Confidences en trompe-l'oeil ***
François Noudelmann, Le toucher des philosophes ***1/2
Marc Ory, Zanipolo ***
Anie Ouellet, Ton nom dans ma main ***1/2
Emmanuelle Pagano, L'absence d'oiseaux d'eau ***1/2
Fernando Pessoa, Le marin ***
Marcel Proust, La fin de la jalousie ***
Daniel Rondeau, J'écris parce que je chante mal ***
Philippe Saimbert, L'héritage de Tata Lucie ***
Hector de Saint-Denys Garneau, Regards et jeux dans l'espace ****
José Saramago, Carnets ***
Elif Shafak, Lait noir ***
Mary Ann Shaffer et Annie Barrows, Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates ***
Aki Shimazaki, Tsubaki ***1/2
Tarek, Aurélien Morinière et Svart, Les trois petits cochons ***1/2
Catherine Ternynck, Chambre à part ***1/2
Vincent Thibault, La pureté ***
Kim Thuy, Ru ***1/2
Lyonel Trouillot, L'amour avant que j'oublie ***1/2
Vercros, Le silence de la mer ***
Louise Warren, Attachements. Observation d'une bibliothèque ***1/2
Louise Warren, Bleu de Delft. Archives de solitude ***
Thierry Wojciak, Thomas s'en fout ***
Sept écrivains pour Mozart ***1/2
Olivier Adam, Des vents contraires ***1/2
Camille Allaire, Celle qui manque ***
Paul Auster, Invisible ****
Edem Awumey, Les pieds sales ***
Jean-François Beauchemin, Cette année s'envole ma jeunesse *** 1/2
Samuel Beckett, Le dépeupleur ***
Binet, Bas de gamme ***1/2
Nadine Bismuth, Les gens fidèles ne font pas les nouvelles ***
Ketil Bjornstad, L'appel de la rivière ****
Christian Bobin, Autoportrait au radiateur ***1/2
Gaëlle Boissonnard, L'oubliette ***
Roberto Bolano, Nocturne du Chili ***
Anne Bonhomme, Échecs et maths ***
Yves Bonnefoy, L'arrière-pays ***
Pierre Boulez, L'écriture du geste ***1/2
Jean-François Caron, Nos échoueries ***1/2
Cecil Castellucci, Beige ***
Éléonore Clovis, Échantillons ***1/2
Annie Cloutier, La chute du mur ***
Maxime Collins, Comme si de rien n'était ***
Normand Corbeil, Les années-tennis ***
Gil Courtemanche, Je ne veux pas mourir seul ****
Jean-Simon Desrochers, La canicule des pauvres ***
Jean-Simon Desrochers, Parle seul ***
Patrick Dion, Fol allié ***
Maxence Fermine, Neige ****
Maxence Fermine, Le violon noir ***
David Foenkinos, La délicatesse ***
Denis Fortier, La disparition du mercure ***
Véronique Fortin, Journal irrévérencieux d'une mère normale ***
Eric Fottorino, Baisers de cinéma ***1/2
Danielle Fournier, Effleurés de lumière ***
Romain Gary (Émile Ajar), La vie devant soi ****
Brigitte Giraud, L'amour est très surestimé ***1/2
Daniel Glattauer, Quand souffle le vent du Nord ***1/2
Valentine Goby, Nos corps en silence ***
Agnès Gruda, Onze petites trahisons ***
Herman Hesse, Poèmes choisis ***1/2
Nancy Huston, Infrarouge ***1/2
Siri Hustvedt, Élégie pour un Américain ***1/2
Michel Jean, Une vie à aimer ***1/2
Franz Kafka, Lettre au père ***1/2
Daniel Khelmann, La nuit de l'illusionniste ***
Vénus Khouri-Ghata, La maison aux orties ***1/2
Gidon Kremer, Une enfance balte ***1/2
Bïa Krieger, Les révolutions de Marina ***
Louise Lacasse, Éteignez, il n'y a plus personne **1/2
Jérôme Lafond, Brigitte des Colères ***
Robert Lalonde, Que vais-je devenir jusqu'à ce que je meure? ***
Réal Larochelle, Lenny Bernstein au parc La Fontaine **1/2
Ian Lauda, Ouvrir ***
Dominique Lauzon, Un livre, une fois ***1/2
Perrine Leblanc, L'homme blanc ***1/2
Michèle Lesbre, Le canapé rouge ****
Stéphane Libertad, La trajectoire ***
Évelyne Loew, Le banquet des utopies ***
Alberto Manguel, Chez Borges ***
Louise Marois, ,qui boit l'encre. ***1/2
Jean-Sébastien Marsan, Le petit Wazoo ***
Yann Martel, Béatrice et Virgile ***
Martin Michaud, Il ne faut pas parler dans l'ascenseur ***1/2
Wadji Mouawad, Incendies ****
Guy Mouton, Confidences en trompe-l'oeil ***
François Noudelmann, Le toucher des philosophes ***1/2
Marc Ory, Zanipolo ***
Anie Ouellet, Ton nom dans ma main ***1/2
Emmanuelle Pagano, L'absence d'oiseaux d'eau ***1/2
Fernando Pessoa, Le marin ***
Marcel Proust, La fin de la jalousie ***
Daniel Rondeau, J'écris parce que je chante mal ***
Philippe Saimbert, L'héritage de Tata Lucie ***
Hector de Saint-Denys Garneau, Regards et jeux dans l'espace ****
José Saramago, Carnets ***
Elif Shafak, Lait noir ***
Mary Ann Shaffer et Annie Barrows, Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates ***
Aki Shimazaki, Tsubaki ***1/2
Tarek, Aurélien Morinière et Svart, Les trois petits cochons ***1/2
Catherine Ternynck, Chambre à part ***1/2
Vincent Thibault, La pureté ***
Kim Thuy, Ru ***1/2
Lyonel Trouillot, L'amour avant que j'oublie ***1/2
Vercros, Le silence de la mer ***
Louise Warren, Attachements. Observation d'une bibliothèque ***1/2
Louise Warren, Bleu de Delft. Archives de solitude ***
Thierry Wojciak, Thomas s'en fout ***
samedi 1 janvier 2011
Somewhere...
Parce que, quelle meilleure façon d'aborder la nouvelle année en douceur qu'en musique...
Que l'année qui se dessine soit remplie de tendresse, de musique, de lectures, de découvertes, d'amitié, d'amour.
En partage, le grand Keith, aussi pertinent aujourd'hui qu'hier...
Que l'année qui se dessine soit remplie de tendresse, de musique, de lectures, de découvertes, d'amitié, d'amour.
En partage, le grand Keith, aussi pertinent aujourd'hui qu'hier...
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