Dix jours de moiteur insupportable, 26 paumés, un auteur diaboliquement efficace qui sait s’effacer derrière l’histoire ou plutôt la petite histoire : La Canicule des pauvres frappe fort. On se demande d’abord si on saura entrer dans autant d’univers sans se sentir spolié d’une certaine profondeur, avant de réaliser que le regard d’entomologiste que Jean-Simon Desrochers a su poser sur les habitants du Galant est si acéré qu’on ne pourra que contempler les scènes avec une véritable fascination.
Revendeur de drogue complètement éclaté, pornographe dangereusement terre-à-terre, journaliste has been, quinquagénaire liftée à répétition, tueuse à gages blasée, bédéiste particulièrement charognard et une galerie de personnages typés se côtoient sans jamais accéder à une certaine intimité. Plutôt que de faire face au néant qui ronge, on se gèle aux substances illicites, boit pour effacer les amours perdues, baise de façon compulsive et clinique. Surtout, oublier que nous ne sommes que de vulgaires pions sur un échiquier qui nous dépasse. « Les détails sont plus supportables que l’ensemble… il y a une philosophie troublante derrière cette idée… » (p. 405)
L’auteur aurait-il dû se concentrer sur quelques destins et y pénétrer plus en profondeur? Peut-être que oui. Bien sûr, on s’attachera à certains personnages plus qu’à d’autres, selon les affinités. Mais au fond, ne nous propose-t-il pas sa propre version du jeu de Stills, évoqué en cours de roman, qui consiste à inventer un vécu à des inconnus côtoyés dans une salle d’attente? Nous y avons tous joué, un jour ou l’autre. Les déclinaisons sexuelles à répétition sont-elles toutes pertinentes? Peut-être que non. Il faut néanmoins saluer les multiples registres qu’il a su aborder ici. Une chose est certaine : l’auteur possède une voix unique. Dans le monde souvent préformaté dans lequel nous vivons, cela mérite d’être salué.
Pour lire les autres points de vue sur ce premier roman pareil à aucun autre, c'est ici...
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