Ayant récemment eu à rédiger les notes d'un disque de Romances de Rachmaninov et de quelques mélodies de Liszt (à paraître bientôt, sous étiquette Analekta), j'ai découvert un univers fascinant. J'ai notamment appris que, historiquement, la romance a d’abord été un genre épique littéraire, déclamé en espagnol et en vers octosyllabiques. Elle a rapidement été adoptée par d’autres auteurs européens avant de se transformer en genre musical. Très en faveur en France à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle jusqu’au milieu du XIXe siècle (Chateaubriand signera notamment plusieurs textes), la romance se veut le trait d’union entre la musique populaire et la musique de concert (sommes-nous si loin de l'univers des Romances sans paroles de Mendelssohn... pas tant que ça, finalement!).
En héritier de Glinka mais surtout de Tchaïkovski qui porta le genre vers de nouveaux sommets, Sergueï Rachmaninov (1873-1943) devait composer plus de 80 romances entre 1890 (il avait 17 ans et complétait ses études au Conservatoire de Moscou) et 1917, moment du départ de Russie du compositeur (il ne retouchera plus jamais au genre, comme si le souvenir de sa terre natale restait trop douloureux). Rachmaninov devait renouveler la richesse mélodique de ces tableaux intimistes en les habillant d’une expressive éloquence et, en virtuose exceptionnel, confiant une part importante du contenu musical au piano. Le piano devient tour à tour narrateur en devançant la ligne mélodique chantée, confident reprenant l’une ou l’autre des phrases, peintre qui conjure avec maestria des visions de torrents ruisselants, de vents d’automne ou l’immensité des plaines géorgiennes, amant timide ou impétueux. Comme pianiste, ce répertoire est particulièrement jouissif et j'ai eu plaisir à déchiffrer certaines des partitions. On plaindrait presque les chanteurs de n'avoir qu'un rôle « minimal » ici si le mariage entre voix et piano n'était si réussi.
Rachmaninov choisit les textes qu’il mettra en musique avec une grande sensibilité littéraire: le dieu de la poésie Pouchkine bien sûr mais aussi Balmont, G. Galina (nom de plume de la comtesse Einerling), le poète égo-futuriste Igor Severyanin, même Shelley (dans une traducton libre de Balmont). Ces mélodies serviront d’abord et avant tout d’exutoire à son tempérament volontiers inquiet. Comme Tchaïkovski, il ne peut que se sentir interpellé par les atmosphères pessimistes évoquées par les vers et chercher à en transmettre les subtilités musicalement. Un répertoire à découvrir absolument!
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