Dès sa sortie, ce livre m'avait fait des clins d'oeil. De ci, de là, je croisais des critiques, toutes élogieuses, sur des blogues de lecture. Dans une salle d'attente de dentiste, il y a quelques semaines, je feuilletais distraitement un vieux Paris Match et un article était consacré au « sous-phénomène » L'élégance du hérisson (selon l'article, ce livre serait l'un des seuls à être sorti plus ou moins indemne du tsunami des Bienveillantes). Un ami m'en a parlé la semaine suivante avec emphase. Quand je l'ai trouvé à la bibliothèque, je n'ai donc pas résisté plus longtemps, je me suis dit que les signes étaient là, il suffisait de les accepter.
Ce livre se lit comme on savoure un thé accompagné de madeleines ou de financiers, avec délectation. Madame Michel (Renée) est concierge d'un immeuble chic et de bon goût. Elle est une intellectuelle, au sens noble du terme, mais elle croit nécessaire de se cacher et adopte donc le ton bourru, les vêtements informes et les habitudes prolétairiennes que l'on attend d'une femme de son statut. Son chat s'appelle Léon (comme Tolstoï, elle est fanatique de littérature russe), elle emprunte des livres savants à la bibliothèque, nous fait part de ses découvertes, partage son regard acéré mais jamais complaisant sur les habitants de son immeuble. Paloma a douze ans, une intelligence forcenée, et a décidé qu'elle avalerait une dose mortelle de somnifères le jour de ses treize ans et mettrait le feu à l'appartement... à moins qu'elle ne découvre d'ici là le sens profond du mouvement du monde. Elle note ses pensées dans un journal (présentés dans une typographie différente, pour facilité de lecture), critiques percutantes de la vie qui ne tourne pas rond, chez elle d'abord (son père est politicien, sa mère en analyse depuis dix ans, sa soeur semble une pimbêche de première) mais aussi dans le monde qui l'entoure. Arrive monsieur Ozu, un nouveau locataire raffiné qui perce presque immédiatement à jour la façade de Renée et devient l'ami de Paloma. Les trois s'uniront et transformeront irrévocablement la vie de leur entourage. La galerie de personnages est particulièrement attachante (Manuela, l'amie portugaise de Renée, est magnifique) et à la lecture, on ressent un peu le même genre d'émotion qu'avec Ensemble et c'est tout: une chaleur diffuse, une tendresse profonde, un lien plus intime face aux choses importantes de la vie: l'amitié, l'acceptation de l'autre, l'art comme nécessité plutôt que luxe. Muriel Barbery en profite en passant pour partager avec les lecteurs quelques belles réflexions sur la peinture, la littérature et la philosophie. On regrettera peut-être que certains passages deviennent un peu didactiques (la critique de la thèse de Colombe sur Guillaume d'Ockham par exemple) mais cela ne justifie pas que l'on boude son plaisir.
1 commentaire:
À mon dernier jour de travail avant l'arrivée de mes vacances, une dame a commandé le livre de Muriel Barbery. Je lui ai dis «ça ira à dans un mois car nous fermons pour une période de deux semaines», mais elle accepta quand même de passer sa commande et retourna dans les rayons pour choisir d'autres livres, histoire de ne pas partir les mains vide et d'avoir un livre ou deux sous la main durant les vacances de la construction.
En lisant ton article, je regrette soudainement de n'avoir pas eu L'élégance du hérisson en magasin pour fournir à cette gentille dame une lecture qui lui aurait certes procuré des instants de bonheur.
Dès mon retour de vacance, je m'en réserve une copie pour moi!
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