Après une journée ou deux en suspension entre deux états, me revoici. Semaine ensoleillée (sauf quelques petites averses en tout début de semaine), soleil cuisant (j'ai réussi à me taper un coup de chaleur au parc d'attractions mais deux litres d'eau plus tard, je respirais mieux!), mer fantasque mais inspirante. Je n'ai pas lu autant que je l'aurais voulu, à peine quatre livres, dont deux la dernière journée, histoire de me « rattraper ». Je vous vois ébaucher un sourire... Si ma famille est composée de fervents lecteurs (ma fille avait fait une razzia à la bibliothèque elle aussi avant de partir et mon fils a lu deux fois plutôt qu'une le dernier Harry Potter, en anglais s'il vous plaît, avant de le prêter à sa soeur pour le long voyage de retour), les deux amis qui nous accompagnaient n'ont pas feuilleté une seule page de toute la semaine. Embêtant quand on ne veut pas paraître trop sauvage...
J'aurai donc lu Perdu le paradis de Cees Nooteboom (un auteur néerlandais), un curieux livre qui nous mène dans un univers presque parallèle où anges (faux et vrais?) côtoient les simples mortels dont l'auteur lui-même (il faut pas se perdre en chemin!), le premier Robert Lalonde, La belle épouvante, sympathique mais pas aussi renversant que les autres livres que j'ai lus de lui (on sent les tics du jeune auteur et le propos est terriblement narcissique) et La bulle de Tiepolo de Philippe Delerm, un petit livre magnifique dans lequel s'entrecroise l'histoire d'une amitié particulière (amour presque platonique?), considérations sur l'art et tranches de vie.
Mon coup de coeur du voyage, je l'accorde toutefois à Robert Millet et La voix d'alto, un ouvrage déniché tout à fait par hasard (je n'en avais jamais entendu parler) dans une bouquinerie (datant de 2001). Deux tourmentés qui se rencontrent, s'aiment, se déchirent. Lui, Philippe, altiste, Français, séducteur presque malgré lui, profondément incapable de s'ancrer. Elle, Nicole, radiologiste, Québécoise, écorchée vive, qui craint de sombrer dans la folie comme sa mère et qui prendra des moyens extrêmes pour y parvenir, incapable de se poser suffisamment longtemps pour s'attacher réellement. Millet sait comment décortiquer les émotions, peindre les atmosphères, nous mener vers des profondeurs presque insoupçonnées. Ses descriptions du Québec sont d'une justesse surprenante (a-t-il lui-même eu une aventure avec une Québécoise? A-t-il séjourné ici?) qui dépassent la recherche approfondie. On ressent l'immensité des lieux, la démesure des paysages, l'ampleur des folies qui y prennent parfois racine. Ses commentaires sur la musique sont percutants, d'une justesse que seuls les musiciens pourront peut-être apprécier (dix citations ont été recopiées dans mon carnet, toutes portant sur la musique!). « Je suis un interprète, un passeur, quelqu'un qui cherche à accorder le sonore et le visible, qui transforme le son en lumière et restitue les évidences sonores au mystère de l'ombre et de la nuit » ou encore « Nous sommes surtout, pour reprendre une expression de Tobias, des racleurs de temps: nous raclons du temps sur du temps, nous cherchons à l'étrangler avec des cordes en boyau ou en métal, à le pacifier par le contrepoint et l'harmonie, à le réduire en quarts de ton et en micro-intervalles, à l'éventer à travers du bois, du cuivre, des marteaux, de l'or. Le plus sonore des arts n'est pas le plus bruyant, mais bien le plus silencieux, le plus immatériel. » Un auteur dont je découvrirai avec plaisir d'autres titres, dont le fortement recommandé Le goût des femmes laides. En faisant quelques recherches, je suis tombée sur cet article qui parle de l'auteur, pianiste amateur...
Petit détail amusant. J'ai découvert dans ce livre un joli signet de La belle Hortense, une cave/librairie/bar littéraire de Paris, située dans Le Marais (une visite s'impose lors d'un prochain passage!). J'aime bien l'idée que ce livre ait traversé l'Atlantique avant de se retrouver dans une bouquinerie de Montréal puis parsemé de grains de sable dans la tranche, rendant ses pages légèrement craquantes au toucher. Un beau voyage littéraire quand on y pense...
3 commentaires:
J'aime bien le titre de ton commentaire, en fait, cela pourrait être le titre d'un roman ... le roman d'un livre qui traverse l'Atlantique. Il s'agit de laisser voler son imaginaire au-dessus des deux continents et j'ai bien l'impression que c'est ce qu'a fait ce Millet.
Quand on fait de telles trouvailles, cela mesure combien de livres sont écrits dont on n'entend jamais parler. De petites perles cachées au fond des mers.
"Le goût des femmes laides", très attirant ce titre (décidément, moi et les titres !), surtout que l'auteur annonce des couleurs franches avec son titre, si on se fie à Voix d'alto qui parle musique, ce qui n'est pas toujours le cas. Je veux dire, il arrive que les titres soient plus métaphoriques ou symboliques.
J'ai hâte de faire glisser du sable entre mes pages ... bientôt, bientôt ce 18 août !
Je ne savais pas que Richard Millet était musicien amateur.
Sur le site de Gallimard, j'ai aperçu que «Le goût des femmes laides» sortira très bientôt en poche. L'occasion idéale pour moi de relire ce magnifique roman.
Claudio
Tu me donnes envie de découvrir ces pages...Le hic c'est qu'il est plus difficile de lire que d'écouter Chopin en faisant du vélo:-)))
Michel
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