On peut compter sur les doigts d'une main les jours avant la rentrée scolaire. Mais où est donc passé l'été? Ah oui, c'est vrai, je m'en souviens, il a duré, quoi, une semaine où soleil et chaleur se sont enfin entendus qu'ils pouvaient vivre ensemble.
Malgré tout, j'entrevois avec une certaine fébrilité la rentrée. Tout d'abord, bien sûr, parce la semaine en question sera chargée en jongleries d'horaire. Les étudiants me feront part de leurs disponibilités (dans certains cas, c'est mince, considérant les nombreuses activités parascolaires) et là, j'essaierai de maintenir tout ceci suffisamment longtemps dans les airs pour que, quand je décide de laisser tomber les balles, elles se retrouvent toutes dans la bonne case.
Ne vous méprenez pas, malgré mon air la-vie-de-bohème-c'est-extra-en-été, j'ai hâte de les retrouver, de savoir où ils ont passé les vacances, de constater que (non, mais dis donc!) ils ont encore grandi, de sourire en attendant la voix devenue plus profonde des uns, de remarquer sans avoir l'air le nouveau soin maniaque avec lequel celle-ci place maintenant ses cheveux, me laisser séduire par le sourire contagieux de cet autre, sentir la bouffée d'amour pur d'un troisième. Je considère mes étudiants comme des membres de ma famille. Non, non! je refuse de jouer à la mère avec eux (même si j'aurais l'âge). Je préfère un rôle plus neutre et plus attrayant de grande-soeur-cool. Je sais, la plupart des professeurs de la vieille école hausseront ici les sourcils. Nous offrons un service, nous nous devons de rester professionnels en tout temps, nous devons les faire progresser vers le beau et le parfait. Là-dessus, je l'avoue, je m'inscris férocement en marge. Pour moi, le plus important, c'est de développer l'amour de la musique, l'« opération séduction » comme je l'appelle lors des premières années. Les convaincre d'abord que la musique est ludique, qu'ils sont capables de jouer des tas de trucs; ensuite, il sera toujours temps d'insister pour que la position de la main soit plus adéquate ou que le rythme soit toujours précis. Quand ils sont devenus ados et que souvent la musique devient un refuge, le piano un ami silencieux qui pardonne tout, c'est essentiel de se rappeler que, malgré les heures de travail parfois ingrates, l'instrument nous récompense, nous comprend, nous aime... et puis un peu (beaucoup) le prof aussi. Entre musiciens, il faut bien s'épauler. Nous sommes si peu à parler la langue au bout du compte...
Alors, oui, j'ai hâte de les retrouver, de faire des chatouilles aux plus jeunes, d'installer mon schtroumpf chef d'orchestre au pupitre (une mignonne figurine), de leur présenter mon grand Schtroumpf format giga (trouvé dans une poubelle il y a quelques semaines), de sentir la fragilité latente des plus grands, de prendre le temps de les écouter (même quand il n'est pas question de musique), de m'émerveiller quand je réalise qu'ils sont devenus des pianistes et que, quoi qu'il arrive dans leur vie future, ils le resteront.
6 commentaires:
"L'instrument est un ami silencieux qui pardonne tout". J'aime cette phrase, pleine de vérité. Je me suis permis de remplacer "piano" par "instrument", puisque je suis très mauvais sur un piano (le plus beau son que je connaisse, pourtant) mais que je ressens bien le sens de ce que tu as écrit avec d'autres instruments.
Quelle belle mission que la tienne : faire des pianistes ! Et qu'elle belle récompense de pouvoir t'en émerveiller.
Bon courage pour cette nouvelle année qui débute.
Merci Seb! Bien sûr, l'instrument, quel qu'il soit, est un ami. Je reste persuadée que chacun peut trouver son instrument s'il le souhaite vraiment. Parfois, on est chanceux et on le trouve tout de suite, parfois il faut plus de patience. L'important, c'est de le trouver...
Un billet-lumière. Quoi de mieux que la musique pour nous sortir de la torpeur. Merci pour tes mots.
coucou Lucie. quelles paroles réconfortantes! la belle relation prof-élève ou la communauté des musiciens, c'est tellement plus que la musique!
à bientôt...
Mais c'est LA musique !
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