J'adore bouquiner, sentir les reliures glisser sous mes doigts, laisser mon regard être happé par une couverture, prendre le livre entre mes doigts pour lire le quatrième de couverture (remarquez, lire le Cinquième de couverture est sympa aussi!), ouvrir le livre au hasard, lire quelques lignes, reprendre au début pour savoir s'il réussira à me happer dès les premières lignes. Il y a un côté profondément révérencieux et en même temps ludique à cette manipulation, que dis-je, cette opération de séduction. Parfois, comme ça, au hasard complètement (c'est ainsi que j'ai acheté Jours de juin de Julia Glass et ne l'ai jamais regretté), un regard est échangé, un lien s'esquisse et on plonge dans un univers dont on ignorait tout quelques instants seulement auparavant. Le plus souvent, je suis seule quand le déclic se produit mais parfois j'aime bien partager cette étrange communion avec l'imprimé avec un ami mais il faut qu'il soit pratiquant aussi fervent que moi (et, surtout, qu'il n'ait pas lu le bestseller Le Secret dont l'employé au comptoir postal m'a encore parlé, en termes fleuris et élogieux, la semaine dernière... par contre, Le Secret d'Anna Enquist, c'est un plus!)
Même si j'entretiens une relation moins intense avec les disques (peut-être parce que, déformation professionnelle oblige, je dois souvent faire l'écoute attentive et la critique pour publication de disques classiques et que, malheureusement, je suis devenue blasée), j'ai un rituel un peu semblable d'écoute au hasard des postes mis à la disposition des clients (jamais ou presque par contre au département classique). Le plus souvent, j'y vais un peu au hasard et n'hésite pas, surtout si je ne connais pas l'artiste dont il est question. C'est ainsi que j'ai découvert, il y a une dizaine d'années, Ben Folds Five (devenu Ben Folds depuis, les membres du quintette s'étant mutés en chanteur accompagné d'un band régulier) et que j'ai écouté l'album Whatever and Ever Amen à répétition (et que, après plusieurs années loin de mes oreilles, j'aie encore cédé à d'autres titres du chanteur il y a quelques mois, avec plaisir).
Plus récemment, j'étais dans le département de jazz d'un disquaire du centre-ville et j'ai ainsi mis la main sur un classique réédité (un coffret vient d'être lancé pour souligner le 25e anniversaire de Setting Standards de Keith Jarrett, Gary Peacock et Jack Dejohnette) mais j'ai surtout craqué pour Devotions de Ketil Björnstadt, un autre touche-à-tout comme je les aime, compositeur (notamment de trames sonores de plusieurs films de Godard), pianiste classique de formation (il a joué comme soliste avec l'Orchestre symphonique d'Oslo notamment), jazzman, auteur multiforme: de théâtre, de nombreux romans - peu sont traduits pour l'instant - dont La Société des jeunes pianistes et d'une biographie romancée d'Edward Munch, peintre auquel il dédie d'ailleurs Dance of Life, une suite de trois pièces, « White (The Innocence) », « Red (The Passion) » et « Black (The Sorrow) » sur Devotions. Une écriture aérienne, souvent modale, une façon assez originale d'intégrer les autres membres de son quatuor (dans le cas de ce disque, flûtes et saxophone, contrebasse très fluide et batterie sublimée le plus souvent). Un univers envoûtant, original, qui transmet bien l'idée des grandes étendues neigeuses et des hivers sans fin.
Ici, en partage, le Prélude 13, dédié uniquement au piano (concentrez-vous sur la musique, l'image ne sera pas modifiée)...
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