La majorité de nos existences est constituée d'une suite de petits gestes qui se répètent, se déclinent, ponctués ici et là de moments forts, douloureux ou éblouissants, qui deviennent des jalons ou des cicatrices, que l'on contemple avec fierté ou que l'on caresse avec un léger pincement, des années après la blessure. Si l'on s'arrête à l'histoire d'une vie, on n'en retiendrait souvent pas grand chose, et pourtant...
Éric Simard a justement fait le pari dans son recueil de nouvelles Être de cibler certains de ces instants, ceux qu'on cache aux autres le plus souvent, mais qui finissent par nous définir. Vivre raconte la douleur d'un enfant mal-aimé, Apprendre celle d'une fillette qui veut découvrir le monde mais dont les parents - comme tant d'autres - lui imposent des limites qu'elle ne comprend pas, Communiquer pousse l'incompréhension jusqu'à son paroxysme. Souffrir bouleverse car l'auteur y questionne les flous qui entouraient les adoptions, qui enveloppent toujours la désinstitutionnalisation. L'adoption est au cœur également de Mentir. J'y ai reconnu un récit que l'on m'avait il y a quelques années confié, en réalisant que, dans le Québec de la Grande noirceur - et même quelques années encore après -, trop d'histoires semblables avaient été vécues. Aimer et Penser se veulent deux faces d'une histoire qui pourrait être partagée. Comment peut-on accepter de rester quand tout nous pousse ailleurs? Comment peut-on vivre avec le départ d'un être que l'on croyait connaître. Rêver frappe fort et hante l'esprit, de longues heures après l'avoir lue, à laquelle répondra, comme un écho, Vieillir.
De la naissance à la mort (Mourir se veut un touchant hommage à Pauline Julien), les personnages de ce recueil unique en son genre se battent, continuent de vouloir s'affirmer, de (se) prouver que la vie vaut la peine d'être vécue. En refermant le livre, on ne regarde plus ceux qu'on côtoie de loin tout à fait de la même manière. Et si c'était lui? Et si c'était moi?
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