mardi 5 juin 2012

Sauver Mozart

Étrange objet littéraire que Sauver Mozart, premier roman de Raphaël Jerusalmy, ancien agent des services secrets israéliens reconverti dans l'humanitaire, maintenant marchand de livres anciens à Tel-Aviv. On y suit Otto Steiner, ancien critique et musicologue, Autrichien tuberculeux qui attend la mort dans un sanatorium, à travers son journal, du 7 juillet 1939 au 2 août 1940, d'un festival de Salzbourg à un autre, alors que la carte géopolitique est en profonde mutation. Il écrit, sur son quotidien, les privations, les parties d'échecs avec d'autres malades, ceux qui gravitent autour de l'organisation, les concerts qu'ils rêvent d'entendre, les interprétations charcutées d'œuvres pour lui sacrées, celles de Mozart en particulier.
« Je comprends le désarroi de Hans. Cette ingérence des nazis dans le programme du Festpiele est inadmissible. Révoltante. Faire du festival un vulgaire outil de propagande, un amusement troupier, c’est un comble. Prendre Mozart en otage. L’avilir ainsi. N’y a-t-il donc personne pour empêcher un tel outrage? »

Il consigne la chute du monde, de son monde: invasion de la Pologne, ouverture de la chasse aux Juifs et aux Gitans, capitulation de Paris... Il songe même à tuer Hitler, mais la futilité de son geste ne lui échappe pas. Doit-il se suicider? Que peut-il transmettre à son fils, parti en Palestine? De plus en plus malade, il se bat néanmoins,  la concrétisation de son ultime geste de résistance (musical, que je tairai ici) devenant implacable revanche.
« Je me souviens de centaines d’airs, des paroles de tous les grands opéras, en italien, en allemand, en français, des noms des maestros et des divas, des applaudissements. Ils résonnent dans ma tête. Ils me battent les tympans. S’ils me prennent la musique… »

Une écriture revêche plus que mélodique, fracturée comme le souffle de son narrateur, qui ne laisse aucunement indifférent.  
« Je n’ai jamais aussi bien compris la musique depuis que je n’en écoute plus… Pas besoin de gramophone. Ni de partition. Le génie musical, c’est le souffle qui traverse La Flûte enchantée avant même qu’elle n’émette un seul son. L’attente qui précède l’entente. C’est le geste, l’attitude, l’émotion. Rien à voir avec les notes. »

4 commentaires:

Karine:) a dit…

Je ne sais trop si c'est pour moi même si je suis tentée. J'ai peur de trouver cela un peu hermétique...

Lucie a dit…

Ce n'est pas le livre le plus « facile » (ni même le plus musical), c'est vrai. Je pense qu'il faut accepter la fragmentation du récit (à un moment, on a vraiment l'impression de lire un « vrai » journal!) et l'époque.

lewerentz a dit…

Etant donné qu'il est en rapport avec la musique, il me tentait bien. Mais as-tu aimé ?

Lucie a dit…

Ce n'est peut-être pas « le » livre musical de mon année (Nos vies désaccordées m'a plus convaincue notamment), mais c'est intéressant... et c'est Mozart. :)