Marie-Christine Arbour possède une voix narrative bien particulière, une écriture qui détaille, effeuille, aussi acérée qu'un scalpel par moments, pourtant jamais dépourvue d'une certaine tendresse nostalgique. Elle retrouve dans Chinetoque le Vancouver de Drag, ainsi que cette impossibilité pour les personnages principaux d'accepter entièrement leur identité sexuelle et leur pouvoir créateur. Alors qu'un pianiste s'habillant en femme tombait amoureux d'une femme gommant toute trace de sa féminité dans Drag, les deux protagonistes de Chinetoque sont esquissés à traits moins tranchés. Certes, Alice, qui a aimé un disciple de Krishna ne possédant qu'une seule mèche de cheveux et portant le pagne dans sa jeunesse, finira par couper sa longue tresse blonde, empruntera à l'occasion les vêtements de son amoureux chinois Will, mais à travers cette relation, elle apprendra à accepter entièrement son corps, n'hésitant pas à se transformer en poupée orientale, à porter des talons aiguilles ou à se laisser maquiller les lèvres d'un rouge incendiaire.
Plus essentiel peut-être, on redécouvre ce rapport troublant que semble entretenir Arbour avec les mots, qu'elle transmet ici à son héroïne, elle aussi traductrice, qui préfère rêver à la fenêtre que de se révéler, de s'accepter à travers eux. Will compose des poèmes, qu'il traduit pour Alice, mais se sent incapable de partager ses vers avec la masse anonyme du lectorat. La relation avec la mère sert également de contrepoint, écho à son deuxième roman, le très sobre mais touchant Une mère, ainsi que les secrets du corps, ceux que l'on tait pour ne pas blesser, ceux qui nous hantent pendant des années. Si la musique joue un rôle moins vital que dans Drag, il faut néanmoins souligner combien Marie-Christine Arbour possède une plume habile quand vient le temps d'évoquer un mouvement de Chostakovitch ou l'acte même de composition. « – Mais bien sûr, pour moi, le silence n’existe pas. Le bruit n’est qu’une question d’organisation. Écrire de la musique, c’est faire des mathématiques avec de l’éther, a-t-il expliqué. » On sent chez elle une compréhension intime, presque viscérale du médium, peut-être parce qu'elle a déjà elle-même travaillé un instrument ou tout simplement parce que la musicalité est si intrinsèque à son souffle narratif. « Ils observent la stupéfiante montée de la nuit, laquelle prépare à la mort, ou à l’écriture. Voilà une trêve pour la mémoire. »
La musique et l’écriture ont été de tout temps les deux pôles de la vie créatrice de l'auteure. Ce site se veut donc un hommage à la musique (particulièrement classique) et à la littérature, mais aussi au théâtre et aux autres manifestations artistiques.
mardi 30 avril 2013
dimanche 28 avril 2013
Composer's Kitchen
Que trouve-t-on dans la cuisine d'un compositeur? Des sons, des expériences, des idées; autant de potions plus ou moins magiques qui, si correctement utilisées, peuvent mener l'auditeur ailleurs. Et si on pouvait se tapir dans un coin du laboratoire et être témoin des essais et parfois erreurs, alors qu'une œuvre en est encore à ses balbutiements, qu'interprètes et compositeur cherche la voie pour transmettre l'émotion efficacement. Lors de la 9e édition de leur Composer's Kitchen, le Quatuor Bozzini invitait hier les curieux à entrer dans l'antre de la création, à humer ce qui bouillonnait dans le chaudron, en proposant quatre pièces de jeunes compositeurs (deux du Canada, deux du Royaume-Uni) qui, toute la semaine, avaient travaillé en collaboration avec les musiciens, sous la houlette de leurs parrains compositeurs, Michael Oesterle et Laurence Crane.
Amber Priestley a proposé avec And Yest Something Shines, Something Sings in That Silence une page ludique, les membres du quatuor retournant leur partition après chaque bref mouvement, piochant dans les motifs proposés, assemblant le tout au fur et à mesure. Même si nous avions affaire ici à une narration ne relevant aucunement de la linéarité, le pièce dégageait néanmoins une impression de cohérence, les intentions se trouvant cernées en quelques gestes, souvent habiles.
Neue Kraft Fühlend de Sean Clancy se voulait le négatif du mouvement central du Quatuor opus 132 de Beethoven (de la partition duquel est tirée la citation du titre), les sections plus intenses se trouvant allégées, les passages effervescents devenant concentrés, comme si la structure même du mouvement de Beethoven se trouvait évidée et que Clancy y réarrangeait le matériau, y intégrant bien évidemment de larges pans de son univers. Sans pouvoir obtenir une image claire de la « photographie » d'origine à l'écoute, on peut néanmoins reconnaître le côté obstiné du Beethoven tardif et cette maîtrise imparable avec laquelle il peut échafauder un édifice cohérent à partir d'une simple cellule mélodique ou rythmique. Le tout s'est terminé dans la fatalité la plus pure, les pizzicatos des violons et de l'alto, presque féroces, s'opposant au chant du violoncelle. Une œuvre que je prendrai plaisir à réentendre, qui m'a paru particulièrement achevée.
Les deux compositeurs canadiens ont proposé quant à eux des esquisses, des explorations. Marielle Groven, qu'on avait pu découvrir avec l'ECM+ il y a quelques mois lors du concert Génération 2012, semble continuer son exploration organique, décomposant les sons de la nature, du chant d'oiseau au craquement des branches sans oublier le souffle du vent pour les transmettre en musique. On reconnaissait ici et là des battements d'ailes, des superpositions de sonorités qui semblaient se déformer (un peu comme l'effet Doppler) et le tout m'a semblé un intéressant prolongement (même si la matière était traitée différemment) de la pièce Warblework de Cassandra Miller, présentée il y a deux semaines par le Quatuor Bozzini, qui explorait les différentes possibilités offertes par le chant des grives.
Simon Martin a expliqué en être encore à la phase exploratoire dans son traitement des textures du quatuor à cordes, dont il cherche à maximiser les pouvoirs expressifs, vocaux aussi bien qu'à détourner les fonctions premières des instruments. Ainsi, les archets glissaient sur le corps ou les chevilles des instruments, les musiciens intégraient de menus objets métalliques aux cordes pour obtenir un timbre qui rappelait par moments la guitare électrique par instants et la pression excessive des archets sur les cordes semblaient dématérialiser le son, rendant l'expérience très proche de l'acousmatique. Il faudrait sans doute ramasser tout cela, mais déjà, j'ai aimé ce passage de l'inaudible à l'audible et cette ellipse qui permettait de revenir au point de départ (juste avant les sections avec objets ajoutés et le traitement forcé des sonorités).
Amber Priestley a proposé avec And Yest Something Shines, Something Sings in That Silence une page ludique, les membres du quatuor retournant leur partition après chaque bref mouvement, piochant dans les motifs proposés, assemblant le tout au fur et à mesure. Même si nous avions affaire ici à une narration ne relevant aucunement de la linéarité, le pièce dégageait néanmoins une impression de cohérence, les intentions se trouvant cernées en quelques gestes, souvent habiles.
Neue Kraft Fühlend de Sean Clancy se voulait le négatif du mouvement central du Quatuor opus 132 de Beethoven (de la partition duquel est tirée la citation du titre), les sections plus intenses se trouvant allégées, les passages effervescents devenant concentrés, comme si la structure même du mouvement de Beethoven se trouvait évidée et que Clancy y réarrangeait le matériau, y intégrant bien évidemment de larges pans de son univers. Sans pouvoir obtenir une image claire de la « photographie » d'origine à l'écoute, on peut néanmoins reconnaître le côté obstiné du Beethoven tardif et cette maîtrise imparable avec laquelle il peut échafauder un édifice cohérent à partir d'une simple cellule mélodique ou rythmique. Le tout s'est terminé dans la fatalité la plus pure, les pizzicatos des violons et de l'alto, presque féroces, s'opposant au chant du violoncelle. Une œuvre que je prendrai plaisir à réentendre, qui m'a paru particulièrement achevée.
Les deux compositeurs canadiens ont proposé quant à eux des esquisses, des explorations. Marielle Groven, qu'on avait pu découvrir avec l'ECM+ il y a quelques mois lors du concert Génération 2012, semble continuer son exploration organique, décomposant les sons de la nature, du chant d'oiseau au craquement des branches sans oublier le souffle du vent pour les transmettre en musique. On reconnaissait ici et là des battements d'ailes, des superpositions de sonorités qui semblaient se déformer (un peu comme l'effet Doppler) et le tout m'a semblé un intéressant prolongement (même si la matière était traitée différemment) de la pièce Warblework de Cassandra Miller, présentée il y a deux semaines par le Quatuor Bozzini, qui explorait les différentes possibilités offertes par le chant des grives.
Simon Martin a expliqué en être encore à la phase exploratoire dans son traitement des textures du quatuor à cordes, dont il cherche à maximiser les pouvoirs expressifs, vocaux aussi bien qu'à détourner les fonctions premières des instruments. Ainsi, les archets glissaient sur le corps ou les chevilles des instruments, les musiciens intégraient de menus objets métalliques aux cordes pour obtenir un timbre qui rappelait par moments la guitare électrique par instants et la pression excessive des archets sur les cordes semblaient dématérialiser le son, rendant l'expérience très proche de l'acousmatique. Il faudrait sans doute ramasser tout cela, mais déjà, j'ai aimé ce passage de l'inaudible à l'audible et cette ellipse qui permettait de revenir au point de départ (juste avant les sections avec objets ajoutés et le traitement forcé des sonorités).
vendredi 26 avril 2013
Kiss & Cry: démultiplier l'émotion
Un texte de Thomas Gunzig nostalgique, parfois caustique, des pages
musicales porteuses qui nous font voyager de Vivaldi à Gorecki, des
maquettes qui semblent prendre vie sous le regard habile de la caméra de
Jaco Van Dormeal, des mains qui racontent, se métamorphosent, émeuvent,
chorégraphiées par Michèle Anne De Mey et Gregory Grosjean. Même si on a
lu au sujet du spectacle, visionné quelques extraits, rien ne nous
prépare entièrement à ce voyage sur le fil, entre rêve et réalité, hier
et aujourd’hui, le geste de création et sa réception.
Collaboration autant que confrontation entre les univers en apparence parallèles du cinéma, de la danse, du théâtre et de la littérature, Kiss & Cry reste un objet protéiforme par nature, néanmoins organique, presque magique.
Pour lire la suite de ma critique sur le site de Jeu...
En complément, un des numéros de ce spectacle que l'on peut découvrir ces jours-ci à l'Usine C.
Une plage de Carlos Paredes, découvert lors de ce spectacle, qui me hante depuis.
Collaboration autant que confrontation entre les univers en apparence parallèles du cinéma, de la danse, du théâtre et de la littérature, Kiss & Cry reste un objet protéiforme par nature, néanmoins organique, presque magique.
Pour lire la suite de ma critique sur le site de Jeu...
En complément, un des numéros de ce spectacle que l'on peut découvrir ces jours-ci à l'Usine C.
Une plage de Carlos Paredes, découvert lors de ce spectacle, qui me hante depuis.
jeudi 25 avril 2013
Opér'actuel
Je m'en voudrais de ne pas revenir sur l'expérience immersive proposée par Chants libres le weekend dernier, qui a permis à un public nombreux et très attentif de découvrir des extraits de quatre opéras en cours de réalisation. En un peu moins de deux heures, nous avons pu voyager à travers des univers distincts et découvrir des esthétiques non pas tant contradictoires que complémentaires. Je m'attendais à assister à une lecture tout au plus, avec des segments disons moins en place, des scories à gommer. Rien de tout cela. Nous avons eu droit à une version certes concert des extraits (outre la présence sur scène d'une pinata dans l'opéra du même nom ou de projections, plus suggestives qu'invasives dans Médéa sparagmata), transmises avec un grand professionnalisme, tant par les chanteurs que les musiciens (membres de l'Atelier de musique contemporaine de l'Université de Montréal, sous la direction de Christian Gort, de l'Atelier de musique de chambre de l'Université de Montréal sous la direction de Jean-Loup Gagnon ou des Salons de l'ombre jaune).
La présentation s'est ouverte sur La pinata de Marie-Pierre Brasset, en apparence ludique, mais dont le propos finit par devenir plus sombre. Un embouteillage monstre sur le pont, des passagers prisonniers de leurs voitures, dont certains, en situation de crise, finissent par céder aux démons du passé. Musicalement, le tout m'a semblé d'un niveau relevé, mais j'ai eu peine à imaginer comment traiter la mise en scène. Peut-être l'extrait ne nous a-t-il permis que connaître uniquement les passagers de deux des véhicules, mais qu'en réalité ils sont plus nombreux? Peut-être parle-t-on d'ici d'un opéra d'une trentaine de minutes?
Trials of Patricia Isasa de Kristin Nordeval nous a fait basculer dans un univers autre. Drame à la fois politique et humain, cet opéra ne demande qu'à être monté. Articulé autour du personnage de Patricia Isasa, enlevée et emprisonnée à 16 ans par des policiers à la solde de la dictature argentine qui a trainé ses bourreaux en justice des années après, l'opéra semble plonger aussi bien dans la psyché de Patricia qu'évoquer les événements dont elle a été victime. Troublant.
Médéa sparagmata du très prolifique Nickos Harizanos (on parle ici d'un opus 135 pour ce compositeur né en 1969!), en grec ancien, se veut une page incantatoire, d'après une histoire aussi actuelle au 21e siècle que lorsqu'elle a été écrite par Euripide, brillamment servie par la mezzo-soprano Marie-Annick Béliveau. Souhaitons que Chants libres ou les Salons de l'ombre jaune céderont à la tentation de monter le tout à Montréal, en prenant soin de nous offrir des surtitres plus lisibles.
Le rêve de Grégoire de Pierre Michaud sera monté au printemps 2014 par Chants libres et les extraits entendus donnaient envie de voir le temps s'accélérer de façon exponentielle. Librement inspiré de La métamorphose de Kafka, ce voyage dans l'imaginaire et à travers les époques, dans lequel Grégoire croise Prométhée aussi bien que des caractères sortis de La Bruyère (l'autorité, l'ignorance) dispose de tous les atouts pour devenir un objet théâtral et musical mémorable.
La présentation s'est ouverte sur La pinata de Marie-Pierre Brasset, en apparence ludique, mais dont le propos finit par devenir plus sombre. Un embouteillage monstre sur le pont, des passagers prisonniers de leurs voitures, dont certains, en situation de crise, finissent par céder aux démons du passé. Musicalement, le tout m'a semblé d'un niveau relevé, mais j'ai eu peine à imaginer comment traiter la mise en scène. Peut-être l'extrait ne nous a-t-il permis que connaître uniquement les passagers de deux des véhicules, mais qu'en réalité ils sont plus nombreux? Peut-être parle-t-on d'ici d'un opéra d'une trentaine de minutes?
Trials of Patricia Isasa de Kristin Nordeval nous a fait basculer dans un univers autre. Drame à la fois politique et humain, cet opéra ne demande qu'à être monté. Articulé autour du personnage de Patricia Isasa, enlevée et emprisonnée à 16 ans par des policiers à la solde de la dictature argentine qui a trainé ses bourreaux en justice des années après, l'opéra semble plonger aussi bien dans la psyché de Patricia qu'évoquer les événements dont elle a été victime. Troublant.
Médéa sparagmata du très prolifique Nickos Harizanos (on parle ici d'un opus 135 pour ce compositeur né en 1969!), en grec ancien, se veut une page incantatoire, d'après une histoire aussi actuelle au 21e siècle que lorsqu'elle a été écrite par Euripide, brillamment servie par la mezzo-soprano Marie-Annick Béliveau. Souhaitons que Chants libres ou les Salons de l'ombre jaune céderont à la tentation de monter le tout à Montréal, en prenant soin de nous offrir des surtitres plus lisibles.
Le rêve de Grégoire de Pierre Michaud sera monté au printemps 2014 par Chants libres et les extraits entendus donnaient envie de voir le temps s'accélérer de façon exponentielle. Librement inspiré de La métamorphose de Kafka, ce voyage dans l'imaginaire et à travers les époques, dans lequel Grégoire croise Prométhée aussi bien que des caractères sortis de La Bruyère (l'autorité, l'ignorance) dispose de tous les atouts pour devenir un objet théâtral et musical mémorable.
mardi 23 avril 2013
Les Atrides: s'abreuver à la source
Une épopée mythique, sanglante, aux multiples rebondissements,
transmise par la parole de quatre
auteurs grecs anciens. Un lieu au passé chargé d’histoire, somptueusement mis en valeur par des éclairages spectaculaires. Une mise en scène brillante. Un habillage musical particulièrement prégnant. Les Atrides, dans l’assemblage proposé par le Théâtre Point d’orgue, mis en scène par Louis-Karl Tremblay, présenté dans divers lieux de l’Église Saint-Jean-Baptiste par 26 comédiens et 7 concepteurs, pourrait bien se révéler l’événement coup de poing et coup de cœur de la saison.
En près de quatre heures (entracte incluse) qui passent à toute vitesse, le spectateur suit l’histoire de cette famille maudite. Régicide, matricide, inceste, vengeance, guerre, folie, rien ne lui sera épargné. Librement adaptée d’Euripide, d’Eschyle, de Sophocle et de Sénèque, la saga possède un souffle d’une rare cohérence.
Pour lire le reste de ma critique sur le site de Jeu...
auteurs grecs anciens. Un lieu au passé chargé d’histoire, somptueusement mis en valeur par des éclairages spectaculaires. Une mise en scène brillante. Un habillage musical particulièrement prégnant. Les Atrides, dans l’assemblage proposé par le Théâtre Point d’orgue, mis en scène par Louis-Karl Tremblay, présenté dans divers lieux de l’Église Saint-Jean-Baptiste par 26 comédiens et 7 concepteurs, pourrait bien se révéler l’événement coup de poing et coup de cœur de la saison.
En près de quatre heures (entracte incluse) qui passent à toute vitesse, le spectateur suit l’histoire de cette famille maudite. Régicide, matricide, inceste, vengeance, guerre, folie, rien ne lui sera épargné. Librement adaptée d’Euripide, d’Eschyle, de Sophocle et de Sénèque, la saga possède un souffle d’une rare cohérence.
Pour lire le reste de ma critique sur le site de Jeu...
dimanche 21 avril 2013
Sorta comme si on était déjà là
« Kilométrage », texte qui ouvre le premier recueil d’« errances » de
Pierre-André Doucet, avait valu à son auteur le prix
Antonine-Maillet-Acadie Vie, volet jeunesse, en 2009; on comprend sans
peine l’enthousiasme du jury. Porté par un souffle réel, construisant et
déconstruisant la langue, entre français et chiac, ce voyage au pays
des racines se lit en effet à plusieurs niveaux. Une petite musique
s’insinue avec grande délicatesse dans cette collection de portraits
d’hommes (et de quelques femmes qui croisent leurs routes) qui cherchent
à se redéfinir, sachant pertinemment qu’ils ne ressentiront plus jamais
les choses de la même manière, que ce soit Ahmed, ne sachant plus
comment s’ancrer dans sa terre natale, Jean, qui doit apprendre à dire
adieu à son épouse, placée en résidence, ou ce soldat qui revient
d’Afghanistan, incapable d’oublier ce qu’il y a vécu. « Le soleil afghan est poussiéreux et fade. Une ampoule flétrie dans le grenier d’une demeure autrefois opulente. »
Le jeune auteur complète également son doctorat en piano (il est d’ailleurs l’un des six demi-finalistes du prestigieux Concours national Eckhardt-Gramatté début mai) et cet amour de la musique se décline dans plusieurs de ses titres de sections : « Mess : Credo », « Images I » et « Images II », en référence à Debussy, chaque sous-section reprenant un des mouvements des triptyques, « Préludes pour voix seule, opus posthume » ou encore « Arabesques et Estampes : carnet de voyage », autre référence à Debussy. Le choix ne s’avère aucunement gratuit, Doucet appliquant, comme le compositeur français, couleurs et émotions avec parcimonie, autant de touches qui ne prennent leur sens qu’une fois mises en contexte. « Le jour où l’on commence à se rapprocher davantage de la mort que de la naissance, je l’ai senti. Ce jour-là, le soleil se couche à l’horizon, et pour la première fois, on craint qu’il ne se relève pas. Son rituel prend une toute autre dimension, le cycle journalier s’efface peu à peu. On vit d’heure en heure. Depuis, les instants figés dans ma tête perdent leurs couleurs, ils deviennent des taches asymétriques, détraquées. »
Quelle structure musicale inspirera son prochain ouvrage? Nous avons hâte de le découvrir.
Le jeune auteur complète également son doctorat en piano (il est d’ailleurs l’un des six demi-finalistes du prestigieux Concours national Eckhardt-Gramatté début mai) et cet amour de la musique se décline dans plusieurs de ses titres de sections : « Mess : Credo », « Images I » et « Images II », en référence à Debussy, chaque sous-section reprenant un des mouvements des triptyques, « Préludes pour voix seule, opus posthume » ou encore « Arabesques et Estampes : carnet de voyage », autre référence à Debussy. Le choix ne s’avère aucunement gratuit, Doucet appliquant, comme le compositeur français, couleurs et émotions avec parcimonie, autant de touches qui ne prennent leur sens qu’une fois mises en contexte. « Le jour où l’on commence à se rapprocher davantage de la mort que de la naissance, je l’ai senti. Ce jour-là, le soleil se couche à l’horizon, et pour la première fois, on craint qu’il ne se relève pas. Son rituel prend une toute autre dimension, le cycle journalier s’efface peu à peu. On vit d’heure en heure. Depuis, les instants figés dans ma tête perdent leurs couleurs, ils deviennent des taches asymétriques, détraquées. »
Quelle structure musicale inspirera son prochain ouvrage? Nous avons hâte de le découvrir.
samedi 20 avril 2013
Par le feu
Incapable de réellement s’investir dans l’écriture de son roman,
Dimitri mène une vie sans grand intérêt. Ses journées s’étirent entre
séances de pose et discussions plus ou moins vides de substance avec sa
copine Hélène et des virées avec ses deux amis, Alex, petit délinquant
devant l’éternel, son frère de sang, et Christian, homosexuel, qui lui
voue un amour impossible, le « raisonnable » du groupe. Sans réelle
attache dans la métropole, les trois comparses (bientôt rejoints par
Hélène, qui débarque avec toiles et pinceaux) décident de s’installer
dans un bled perdu, croisement entre Amytiville et Le Village,
et reprennent le commerce d’assistant-croquemort du défunt père de
Dimitri, qu’il a à peine connu. Tous les métiers se valent, non?
À n’en point douter, ce premier roman de Marie-Ève Bourassa se décline dans un camaïeu de noirs, tout au plus ponctué par le jaune des jonquilles qui poussent sur les tombes ou le rouge et le bleu que Christian s’entête à appliquer sur les murs de la bicoque, lentement mais sûrement envahie par une vigne non dépourvue de personnalité, qui finira par étouffer tous ceux qui oseront y vivre. D’entrée de jeu, on devine le quatuor condamné; pourtant, presque fasciné, on accepte de devenir témoin de leurs erreurs, de leur déchéance, de leurs pulsions les plus sombres. Sang, sperme, boue, violence, déviations de toutes sortes : rien ne nous sera épargné. « Il y avait littéralement quelque chose de pourri dans le royaume de Courtval. » On voudrait pouvoir détourner le regard, se détacher entièrement de cette bande de paumés, mais l’auteure, qui a étudié en théâtre et en scénarisation, possède une plume habile et un don manifeste pour les dialogues. On se laisse prendre au jeu, comme lorsque l’on assiste à un film de Série B et l’on tente d’avertir l’innocente victime en invectivant – bien inutilement – l’écran. J’ose d’ailleurs à peine imaginer ce que donnerait ici une adaptation cinématographique… signée PodZ, par exemple?
À n’en point douter, ce premier roman de Marie-Ève Bourassa se décline dans un camaïeu de noirs, tout au plus ponctué par le jaune des jonquilles qui poussent sur les tombes ou le rouge et le bleu que Christian s’entête à appliquer sur les murs de la bicoque, lentement mais sûrement envahie par une vigne non dépourvue de personnalité, qui finira par étouffer tous ceux qui oseront y vivre. D’entrée de jeu, on devine le quatuor condamné; pourtant, presque fasciné, on accepte de devenir témoin de leurs erreurs, de leur déchéance, de leurs pulsions les plus sombres. Sang, sperme, boue, violence, déviations de toutes sortes : rien ne nous sera épargné. « Il y avait littéralement quelque chose de pourri dans le royaume de Courtval. » On voudrait pouvoir détourner le regard, se détacher entièrement de cette bande de paumés, mais l’auteure, qui a étudié en théâtre et en scénarisation, possède une plume habile et un don manifeste pour les dialogues. On se laisse prendre au jeu, comme lorsque l’on assiste à un film de Série B et l’on tente d’avertir l’innocente victime en invectivant – bien inutilement – l’écran. J’ose d’ailleurs à peine imaginer ce que donnerait ici une adaptation cinématographique… signée PodZ, par exemple?
vendredi 19 avril 2013
Les passions de l'âme: évolution ou révolution?
Rassurez-vous. Je n'ai pas l'intention de vous parler d'un essai psycho pop - encore moins d'en rédiger un. Je parle plutôt ici des passions comme on les entendait jadis, avant que le terme ne devienne franchement galvaudé. Pour l’homme du 18e siècle, la rhétorique - autre terme perçu de façon négative aujourd’hui - n’était pas seulement l’art de bien parler, mais surtout celui de faire naître les émotions grâce à la parole. La « théorie des émotions » ou le « traité des passions » permettait de transmettre émotions et passions, grâce à un agencement particulier de mots, de phrases, que l’on appelait figures, dont l’ensemble constituait le discours.
À cette époque, tous ceux qui parlent de musique le font aussi en termes de discours musical. Le but ultime de la musique est, à travers les sons et les rythmes, de susciter toutes les passions, aussi bien que le meilleur orateur. Le compositeur cherche donc consciemment à prendre possession d’une certaine façon de l’auditeur. On peut considérer que de se soumettre aux passions de la musique devient synonyme d’« écoute authentique ».
La notion de « passion » a-t-elle évolué à l'époque classique? Disons qu'elle s'est plutôt assouplie. C'est ce que je démontrerai, exemples musicaux à l'appui, lors de mes conférences pré-concert, données avant les trois représentations du dernier programme de la saison de l'Orchestre baroque Arion , consacré à Mozart et Haydn (ce soir, demain et dimanche après-midi, salle Bourgie). Les détails ici...
À cette époque, tous ceux qui parlent de musique le font aussi en termes de discours musical. Le but ultime de la musique est, à travers les sons et les rythmes, de susciter toutes les passions, aussi bien que le meilleur orateur. Le compositeur cherche donc consciemment à prendre possession d’une certaine façon de l’auditeur. On peut considérer que de se soumettre aux passions de la musique devient synonyme d’« écoute authentique ».
La notion de « passion » a-t-elle évolué à l'époque classique? Disons qu'elle s'est plutôt assouplie. C'est ce que je démontrerai, exemples musicaux à l'appui, lors de mes conférences pré-concert, données avant les trois représentations du dernier programme de la saison de l'Orchestre baroque Arion , consacré à Mozart et Haydn (ce soir, demain et dimanche après-midi, salle Bourgie). Les détails ici...
jeudi 18 avril 2013
Lettres à une jeune pianiste
En écho au célèbre texte de Rilke, Gidon Kremer propose un essai de forme épistolaire, en
apparence adressé à une jeune musicienne (que certains pourront sans
doute identifier, mais qui se révèle emblématique de toute une
génération), dans lequel il s'insurge contre le star system, jeu
dangereux auquel plusieurs musiciens doivent maintenant se frotter.
« Ne soyons pas trop personnel. Après tout, Aurelia est juste une des nombreux/ses destinataires de mon essai. J'espère qu'“elle” est suffisamment douée pour en tirer quelque leçon. Non seulement à travers mes mots, mais aussi par son expérience. »Celui qui n'a pourtant pas hésité à participer à quelques expériences que certains qualifieraient de crossover livre un vibrant déployer en faveur de la liberté d'interprétation, mais aussi la nécessité de maintenir une personnalité distincte, seule assurance au final peut-être de passer à la postérité, mais surtout de demeurer en paix avec soi-même.
« On oublie facilement qu'une parole sincère – tout comme une interprétation authentique – n'exige pas seulement un effort et un engagement véritables, mais aussi une autocritique. L'indépendance implique de la compréhension et la capacité de se remettre en question, soi-même et ce qu'on a fait. Tout cela vaut pour les compositeurs aussi bien que pour les interprètes. La quantité de notes que renferme une partition ne dit encore rien de sa qualité. »Cela fait réfléchir, sans contredit, que l'on soit interprète ou simple mélomane. Les consommateurs ne sont-ils pas eux aussi responsables de la situation?
mercredi 17 avril 2013
Le Café Maure
Entre conte oral et récit d’initiation, témoignage d’une époque
révolue, celle de l’Algérie des années 1950, juste avant que ne se
déclenche la Guerre d’Indépendance, Le Café Maure possède un
parfum réel de nostalgie. L’auteur a su mêler avec une rare habilité la
petite histoire à la grande, grâce à une galerie de personnages forts et
une réelle maîtrise de l’image. « Une lumière ocre diffuse,
traversait les persiennes calcinées par la poussière d’or du sirocco.
Les rayons se posaient tendrement sur ces ombres chuchotantes. Vapeur
parfumée. Odeur de menthe. Chaleur enivrante du café à l’eau de fleur.
Le sifflement du vent fou à l’ombre des murs du Café Maure, peints à la
chaux, figeait les lieux. »
Au fil des pages, le lecteur a presque l’impression d’être assis au milieu de ces hommes, dépossédés de leurs biens mais pas de leur dignité, qui discutent politique entre deux gorgées. Il vouera sans doute une tendresse réelle à Fekkir, jeune apprenti qui découvre le monde du travail en même temps qu’il s’initie à l’amour. Malgré leurs idéologies divergentes, les clients du Café sauront s’unir pour célébrer le mariage de Fekkir, transformant le tout en une journée que le jeune « roi des pauvres » ne pourra jamais oublier. Série de petits gestes, de paroles qui n’attendent que le chergui pour se disperser, mais qui pourtant se fichent dans le cœur de ceux qui les ont prononcées, nous rejoignent autrement, quelques décennies plus tard. Et si l’extrémisme que l’on reproche aujourd’hui à l’Algérie avait au fond pris naissance dans celui des « Roomis », des colons français?
Pour entrer dans le roman, il faut accepter de vivre à un autre rythme, laisser le sable se déposer entre chaque chapitre, brouiller les souvenirs. Pourtant, en habile homme de théâtre qu’il était, Mazouz OuldAbderrahmane, les trois derniers chapitres se bousculent, nous bousculent, nous rappelant peut-être que, côté drames, l’Histoire n’a rien à envier à la scène. On ne pourra que regretter que ce premier roman, complété en 1997, s’avère aussi le dernier de son auteur, décédé à l’automne dernier. Il faut souligner le travail impeccable de révision, ultime geste d’amour, réalisé par la veuve de l’artiste, Sylvie Melançon.
Au fil des pages, le lecteur a presque l’impression d’être assis au milieu de ces hommes, dépossédés de leurs biens mais pas de leur dignité, qui discutent politique entre deux gorgées. Il vouera sans doute une tendresse réelle à Fekkir, jeune apprenti qui découvre le monde du travail en même temps qu’il s’initie à l’amour. Malgré leurs idéologies divergentes, les clients du Café sauront s’unir pour célébrer le mariage de Fekkir, transformant le tout en une journée que le jeune « roi des pauvres » ne pourra jamais oublier. Série de petits gestes, de paroles qui n’attendent que le chergui pour se disperser, mais qui pourtant se fichent dans le cœur de ceux qui les ont prononcées, nous rejoignent autrement, quelques décennies plus tard. Et si l’extrémisme que l’on reproche aujourd’hui à l’Algérie avait au fond pris naissance dans celui des « Roomis », des colons français?
Pour entrer dans le roman, il faut accepter de vivre à un autre rythme, laisser le sable se déposer entre chaque chapitre, brouiller les souvenirs. Pourtant, en habile homme de théâtre qu’il était, Mazouz OuldAbderrahmane, les trois derniers chapitres se bousculent, nous bousculent, nous rappelant peut-être que, côté drames, l’Histoire n’a rien à envier à la scène. On ne pourra que regretter que ce premier roman, complété en 1997, s’avère aussi le dernier de son auteur, décédé à l’automne dernier. Il faut souligner le travail impeccable de révision, ultime geste d’amour, réalisé par la veuve de l’artiste, Sylvie Melançon.
mardi 16 avril 2013
Oper’Actuel 2013
Vous aimez l'opéra, la musique contemporaine? Vous aimez être le premier à découvrir ce qui sera monté la saison prochaine, dans cinq ans? Vous n'avez pas froid aux yeux? Glissez-vous en salle, à la Maison de la culture Frontenac, vendredi 20 h ou samedi 16 h (et ce, gratuitement), pour la quatrième édition de Oper’Actuel 2013 Works In Progress.
Vous pourrez alors entendre des extraits de quatre œuvres « en chantier », signées par la Québécoise Marie-Pierre Brasset (La piñata, qui traite d'un « drame » quotidien de la vie contemporaine), la Norvégienne Kristin Norderval (Trials of Patricia Isasa, un opéra politique), le Grec Nickos Harizanos (Médéa Sparagmata opus 135, sur un livret d’Euripide) et le Néo-Brunswickois Pierre Michaud (Le Rêve de Grégoire, livret de Pierre Michaud, opéra qui sera créé en mai 2014).
Les quatre œuvres (parmi trente-trois soumises) ont été sélectionnées suite à un concours international lancé en 2012 par Chants Libres. Les extraits seront interprétés par de jeunes chanteurs solistes et des musiciens de l’Atelier de musique contemporaine de l’Université de Montréal, sous la direction de Cristian Gort, de l’Atelier de musique de chambre de l’Université de Montréal, sous la direction de Jean-Loup Gagnon et de l’ensemble Les salons de l’ombre jaune. Les deux représentations seront animées par la soprano et metteur en scène Pauline Vaillancourt, directrice artistique et cofondatrice de Chants Libres.
Vous pourrez alors entendre des extraits de quatre œuvres « en chantier », signées par la Québécoise Marie-Pierre Brasset (La piñata, qui traite d'un « drame » quotidien de la vie contemporaine), la Norvégienne Kristin Norderval (Trials of Patricia Isasa, un opéra politique), le Grec Nickos Harizanos (Médéa Sparagmata opus 135, sur un livret d’Euripide) et le Néo-Brunswickois Pierre Michaud (Le Rêve de Grégoire, livret de Pierre Michaud, opéra qui sera créé en mai 2014).
Les quatre œuvres (parmi trente-trois soumises) ont été sélectionnées suite à un concours international lancé en 2012 par Chants Libres. Les extraits seront interprétés par de jeunes chanteurs solistes et des musiciens de l’Atelier de musique contemporaine de l’Université de Montréal, sous la direction de Cristian Gort, de l’Atelier de musique de chambre de l’Université de Montréal, sous la direction de Jean-Loup Gagnon et de l’ensemble Les salons de l’ombre jaune. Les deux représentations seront animées par la soprano et metteur en scène Pauline Vaillancourt, directrice artistique et cofondatrice de Chants Libres.
lundi 15 avril 2013
La fureur de ce que je pense
Impossible de ne pas sortir ébranlé de La Fureur de ce que je pense, collage de textes de Nelly Arcan, projet engendré et développé par la comédienne Sophie Cadieux dans le cadre de sa résidence à l’Espace Go. Impossible d’oublier la scénographie éblouissante d’Antonin Sorel, la robe sculpturale de Catherine Gagnon portée par Évelyne de la Chenelière, la musique particulièrement riche d’Alexander MacSween, les éclairages de Mikko Hynninen, qui tantôt enveloppent, tantôt dénudent. Impossible surtout d’ignorer les mots de Nelly Arcan, aussi tranchants quatre ans après sa mort que lorsqu’ils ont été écrits – crachés –, autant de coups au plexus, de constats parfois froids, mais jamais cliniques, sur l’impossibilité pour l’auteure, pour la femme contemporaine, de s’inscrire entièrement dans cette société régie par l’image.
On comprend que, dès le « je » initial posé sur la page, le destin de Nelly Arcan était scellé.
Pour lire le reste de ma critique sur le site de Jeu...
On comprend que, dès le « je » initial posé sur la page, le destin de Nelly Arcan était scellé.
Pour lire le reste de ma critique sur le site de Jeu...
C'est le printemps
Marie-Ève Bourassa,l’auteure de Par le feu,
notre Recrue ce mois-ci, possède certainement une voix distincte et
invite ceux qui n’auront pas froid aux yeux à la suivre à Courtval, un
petit village dans lequel les protagonistes risquent bien de perdre
leurs âmes. « Je suis formée en scénarisation, nous explique-t-elle dans le questionnaire.
C’est une forme beaucoup plus restrictive, parfois un peu plus ingrate
que le roman, mais j’aime écrire des scénarios. Ça me pousse à aller à
l’essentiel, pas de flafla. J’adore construire des dialogues, donner une
voix à un personnage. J’imagine que c’est une conséquence de ma
déformation théâtrale. »
Si vous hésitez à prendre l’autobus en direction de Courtval, vous préfèrerez peut-être un aller simple vers le passé, que ce soit avec Novembre veut ma peau d'Hélène Rompré, Le Café Maure de Mazouz OuldAbderrahmane ou Si tu passes la rivière de Geneviève Damas, auteure belge, femme de théâtre comme OuldAbderrahmane, lauréate du Prix des Cinq Continents 2012. Vous pourriez aussi souhaiter faire un crochet par l’Acadie avec Sorta comme si on était déjà là de Pierre-André Doucet ou monter à bord d’un train en partance avec l’un des personnages du recueil de nouvelles de Juan Joseph Ollu, Un balcon à Cannes. Pourquoi ne pas viser un univers parallèle avec L’étoile enfant, conte de philosophique du chanteur Nicola Ciccone? Il ne faudrait pas oublier le deuxième roman de notre toute première Recrue, Dany Leclair, Le Saint-Christophe, un portrait des années 1990 dans ce qu’elles ont de mythique.
En attendant les fleurs, heureusement qu’il reste les livres! Vous pouvez lire le numéro complet ici...
Si vous hésitez à prendre l’autobus en direction de Courtval, vous préfèrerez peut-être un aller simple vers le passé, que ce soit avec Novembre veut ma peau d'Hélène Rompré, Le Café Maure de Mazouz OuldAbderrahmane ou Si tu passes la rivière de Geneviève Damas, auteure belge, femme de théâtre comme OuldAbderrahmane, lauréate du Prix des Cinq Continents 2012. Vous pourriez aussi souhaiter faire un crochet par l’Acadie avec Sorta comme si on était déjà là de Pierre-André Doucet ou monter à bord d’un train en partance avec l’un des personnages du recueil de nouvelles de Juan Joseph Ollu, Un balcon à Cannes. Pourquoi ne pas viser un univers parallèle avec L’étoile enfant, conte de philosophique du chanteur Nicola Ciccone? Il ne faudrait pas oublier le deuxième roman de notre toute première Recrue, Dany Leclair, Le Saint-Christophe, un portrait des années 1990 dans ce qu’elles ont de mythique.
En attendant les fleurs, heureusement qu’il reste les livres! Vous pouvez lire le numéro complet ici...
dimanche 14 avril 2013
Découvrir Aperghis et Françoise Rivalland
L’Ensemble Transmission (qui amorce à partir de l'automne 2013 une résidences de 3 saisons à la Chapelle historique du Bon-Pasteur) proposait un programme éclectique vendredi, centré autour de Georges Aperghis, né à Athènes en 1945, installé à Paris depuis 1963. Compositeur prolifique et polyvalent, il est particulièrement célébré pour ses opéras et son théâtre musical, dont Commentaires, pierre angulaire du genre, dont on a entendu avec grand plaisir des fragments.
Celui qui a choisi de « faire musique de tout » porte à la voix un amour certain. Il décortique les mots pour en extraire les phonèmes, les réagençant de façon souvent ludique. Grâce aux répétitions, à une grande vitesse et un travail sur les intonations, il transforme le propos en haute voltige. Comme Claude Gauvreau avec son exploréen, il invente une langue qui, malgré ses improbabilités, demeure toujours intelligible au niveau des intentions, comme si de ce matériau brut, de cette syntaxe originelle, naîtraient demain ou dans cent ans les mots. L'auditeur respire avec l'interprète, sourit des détours pris par le langage, ne peut être que soufflé par le côté parfaitement organique de ces compositions. Portés par une interprète telle Françoise Rivalland, ces œuvres prennent une dimension tantôt poétique, tantôt humoristique, autant de poésies minimalistes, d'histoires qui naissent et meurent sous le souffle et les doigts de l'interprète. Totalement habitée par la rythmique et les intonations des textes, Rivalland nous a présenté des extraits de Zig-Bang, ainsi que l'essentiel Corps à corps, pour zarb et voix (onomatopées et textes), l'une des œuvres du compositeur les plus données.
En prélude aux œuvres d'Aperghis, elle a également interprété le premier mouvement d'Ursonate de Kurt Schwitters, une page absolument fascinante, datant de 1927, entre sculpture sonore et beatbox. Les motifs s'articulent, se décuplent, permettant l'érection d'une structure sonore parfaitement cohérente qui ne perd jamais l'auditeur dans ses méandres. (Le compositeur en interprète ici un extrait en 1932.)
Le concert permettait également de découvrir la musique instrumentale d'Aperghis, son Trio pour clarinette, violoncelle et piano, galerie d'instants, autant de micronouvelles qui réussissent à capter (souvent en 140 notes ou moins) une émotion, un personnage, de la mégère au penseur, du soliloque minimaliste au débat fougueux. Comme son compatriote Xenakis, Aperghis travaille le son dans toute l'étendue de la palette, du pianissimo au fortissimo presque brutal, la beauté se trouvant si proche de la laideur.
Deux jeunes musiciens de la relève, Émilie Girard-Charest (violoncelle) et Felix Del Tredici (trombone) se sont également joints à Transmission dans Volo Solo de Cornelius Cardew, pour combinaison flexible d'instruments. Si j'ai eu l'impression que la pièce rompait un fil narratif habilement tendu jusque là, on ne peut que saluer la volonté de l'ensemble d'offrir une telle passerelle à ceux qui défendront la musique d'aujourd'hui demain.
Celui qui a choisi de « faire musique de tout » porte à la voix un amour certain. Il décortique les mots pour en extraire les phonèmes, les réagençant de façon souvent ludique. Grâce aux répétitions, à une grande vitesse et un travail sur les intonations, il transforme le propos en haute voltige. Comme Claude Gauvreau avec son exploréen, il invente une langue qui, malgré ses improbabilités, demeure toujours intelligible au niveau des intentions, comme si de ce matériau brut, de cette syntaxe originelle, naîtraient demain ou dans cent ans les mots. L'auditeur respire avec l'interprète, sourit des détours pris par le langage, ne peut être que soufflé par le côté parfaitement organique de ces compositions. Portés par une interprète telle Françoise Rivalland, ces œuvres prennent une dimension tantôt poétique, tantôt humoristique, autant de poésies minimalistes, d'histoires qui naissent et meurent sous le souffle et les doigts de l'interprète. Totalement habitée par la rythmique et les intonations des textes, Rivalland nous a présenté des extraits de Zig-Bang, ainsi que l'essentiel Corps à corps, pour zarb et voix (onomatopées et textes), l'une des œuvres du compositeur les plus données.
En prélude aux œuvres d'Aperghis, elle a également interprété le premier mouvement d'Ursonate de Kurt Schwitters, une page absolument fascinante, datant de 1927, entre sculpture sonore et beatbox. Les motifs s'articulent, se décuplent, permettant l'érection d'une structure sonore parfaitement cohérente qui ne perd jamais l'auditeur dans ses méandres. (Le compositeur en interprète ici un extrait en 1932.)
Le concert permettait également de découvrir la musique instrumentale d'Aperghis, son Trio pour clarinette, violoncelle et piano, galerie d'instants, autant de micronouvelles qui réussissent à capter (souvent en 140 notes ou moins) une émotion, un personnage, de la mégère au penseur, du soliloque minimaliste au débat fougueux. Comme son compatriote Xenakis, Aperghis travaille le son dans toute l'étendue de la palette, du pianissimo au fortissimo presque brutal, la beauté se trouvant si proche de la laideur.
Deux jeunes musiciens de la relève, Émilie Girard-Charest (violoncelle) et Felix Del Tredici (trombone) se sont également joints à Transmission dans Volo Solo de Cornelius Cardew, pour combinaison flexible d'instruments. Si j'ai eu l'impression que la pièce rompait un fil narratif habilement tendu jusque là, on ne peut que saluer la volonté de l'ensemble d'offrir une telle passerelle à ceux qui défendront la musique d'aujourd'hui demain.
samedi 13 avril 2013
Poésie et chants de grives
J'aime ma librairie indépendante, que ce soit pour y bouquiner, pour investir une table de son café lors d'une rencontre du club de lecture, pour échanger avec un vrai libraire, qui sait nous proposer des titres auxquels on n'aurait pas pensé. J'aime aussi quand elle propose des rencontres d'auteurs ou, comme demain, un concert... de musique contemporaine en plus!
Le Quatuor Bozzini (en couverture du numéro courant de La Scena Musicale) sera chez Olivieri à 14 h, notamment dans Daydreams Mechanics V de Michael Oesterle, librement inspiré du recueil Mécanique jongleuse de la poétesse Nicole Brossard et Warblework de Cassandra Miller, qui y explore les différentes possibilités offertes par le chant des grives.Plus de détails ici...
Le Quatuor Bozzini (en couverture du numéro courant de La Scena Musicale) sera chez Olivieri à 14 h, notamment dans Daydreams Mechanics V de Michael Oesterle, librement inspiré du recueil Mécanique jongleuse de la poétesse Nicole Brossard et Warblework de Cassandra Miller, qui y explore les différentes possibilités offertes par le chant des grives.Plus de détails ici...
vendredi 12 avril 2013
Modèle vivant
Que voilà une façon inusitée - mais totalement convaincante - d'attirer l'attention sur la réouverture du Rijksmuseum d'Amsterdam demain...
jeudi 11 avril 2013
Rencontres virtuoses
Andrew Wan et Jonathan Crow |
Michael Osterle |
Le programme misait sur la multiplicité du genre. Qui eût cru que deux instruments identiques, habitués de surcroit à se mêler dans une masse orchestrale, puissent démontrer une personnalité aussi vibrante, une fois juxtaposés? Les instruments semblaient se métamorphoser d'un compositeur à l'autre. Du violon plus folklorique de Bartók, nous sommes passés au registre atmosphérique de Rocking Mirror Daybreak de Takemitsu, page qui arrête le temps, nous forçant à apprivoiser le langage autrement, non pas en tant qu'élément narratif ou directionnel, mais simplement contemplatif. Michael Oesterle est ensuite venu mettre sa pièce en contexte, ne s'attardant pas à sa structure ou même à la théorie des graphes au cœur même de ses Eulerian Dances, mais en revisitant des souvenirs de duos de Bartók justement, joués avec son professeur, et de sa toute première œuvre, écrite pour la formation. Un détour par l'émotion ressentie, plutôt que par l'analyse, qui n'a pas empêché de tracer certains prolongements avec le Bartók (l'aspect rythmique de la deuxième section du deuxième mouvement par exemple) ou le Takemitsu (la fin du premier mouvement, valse dont la pulsation semble se dissoudre, élément repris dans le finale). Si le travail instrumental était en partie articulé autour d'un certain déphasage, toujours organique cependant, les deux solistes demeuraient intimement liés dans cette démonstration mathématique, en rien désincarnée. La première partie s'est terminée par le collage décalé de Schnittke, Moz-Art, souvent jouissif.
Maxime McKinley |
En une belle symétrie, la deuxième s'amorçait par des duos de Bério, pédagogiques eux aussi, dédiés à des amis, autant de façons pour le musicien en herbe de se frotter au langage contemporain. Sept proximités de Maxime McKinley jouait ensuite avec le concept même du pareil/pas pareil. Et si les deux instruments représentaient deux humains,en apparence semblables, pourtant uniques? « Qu'est-ce que c'est que le monde, examiné, pratiqué et vécu à partir de la différence et non pas de l'identité? », demande Alain Badiou dans Éloge de l'amour. Les deux violons tantôt se rapprochent, tantôt s'éloignent. Dans « Unisson », la pulsation donne la mesure de l'écart grandissant, alors que dans « Antiphonie », l'opposition entre pizzicato et legato permet instantanément de cerner les deux personnalités. « Diaphonie », dans laquelle les deux musiciens, soudés par le rythme, une respiration commune, mais complémentaires au niveau des registres, semble redéfinir l'équation 1 + 1 = 1. « Contrepoint » met en scène un Jonathan Crow presque obsessif retravaillant un motif, pendant qu'Andrew Wan multiplie les montées de doubles cordes. « Hétérophonie » mise de nouveau sur une certaine tendresse entre les deux, « Mélodie accompagnée » évoque la collaboration, avant que « Hoquet » ne mène la pièce vers un apex explosif de virtuosité.
Le concert se terminait en un arc parfait (la première œuvre du programme aaynt été composée en 1931, la dernière en 1932) sur l’exigeante, mais essentielle Sonate pour deux violons de Prokofiev, pierre angulaire du répertoire, impeccablement rendue elle aussi. Un bonbon a été offert en guise de rappel, clin d’œil au Schnittke, un arrangement du célèbre Rondo alla turca. Malgré les horaires surchargés des deux violonistes, on ne peut que souhaiter que ce programme parte en tournée. Rarement un récital se sera révélé aussi gratifiant à tous les plans.
mercredi 10 avril 2013
Quartett: noir sur blanc
Les liaisons dangereuses ont, au fil des ans, suscité plusieurs adaptations, tant romanesques que cinématographiques, mais Quartett,
la relecture d’Heiner Müller, demeure peut-être celle qui a su le mieux
aller au cœur même du roman épistolaire de Laclos. Même si l’auteur
allemand a admis n’avoir jamais lu entièrement l’ouvrage et qu’il l’a
plutôt apprivoisé à coups de méditations sur le sujet, il a su en
extraire l’essence même : les jeux de masques, l’amour qui devient champ
de bataille, l’implacabilité du passage du temps, indissociable de
l’inéluctabilité de la mort.
Florent Siaud offre ici une mise en scène qui pousse plus loin cette réflexion, en noir et blanc, deux pôles à peine réchauffés par le rouge rubis du vin dans les verres, les dorures sur un plastron sinon translucide et le bois pâle du lit effondré, qui m’a tout de suite rappelé le bateau d’un autre couple maudit, Tristan et Isolde. (Müller détourne d’ailleurs à son profit une phrase de l’opéra de Wagner sur ce sujet, « La mer s’étend, déserte et vide »; le parallèle ne s’avère sans doute en rien fortuit.) Si la Marquise de Merteuil est habillée de blanc et Valmont de noir, rien n’est aussi simple. En confiant le rôle des amants maudits à deux femmes, le metteur en scène rend d’emblée encore plus floue la ligne entre masculin et féminin. L’identité sexuelle ne relève-t-elle pas de toute façon du masque? « Je crois que je pourrais m’habituer à être une femme, Marquise », affirme d’ailleurs Valmont en nous offrant la clé de la pièce. « Je voudrais le pouvoir », répond l’autre. Une pause. « Alors quoi? Continuons à jouer. »
Pour lire la suite de ma critique sur le site de Jeu...
Florent Siaud offre ici une mise en scène qui pousse plus loin cette réflexion, en noir et blanc, deux pôles à peine réchauffés par le rouge rubis du vin dans les verres, les dorures sur un plastron sinon translucide et le bois pâle du lit effondré, qui m’a tout de suite rappelé le bateau d’un autre couple maudit, Tristan et Isolde. (Müller détourne d’ailleurs à son profit une phrase de l’opéra de Wagner sur ce sujet, « La mer s’étend, déserte et vide »; le parallèle ne s’avère sans doute en rien fortuit.) Si la Marquise de Merteuil est habillée de blanc et Valmont de noir, rien n’est aussi simple. En confiant le rôle des amants maudits à deux femmes, le metteur en scène rend d’emblée encore plus floue la ligne entre masculin et féminin. L’identité sexuelle ne relève-t-elle pas de toute façon du masque? « Je crois que je pourrais m’habituer à être une femme, Marquise », affirme d’ailleurs Valmont en nous offrant la clé de la pièce. « Je voudrais le pouvoir », répond l’autre. Une pause. « Alors quoi? Continuons à jouer. »
Pour lire la suite de ma critique sur le site de Jeu...
mardi 9 avril 2013
Quai no 5 : collection en partance
Tristan Malavoy-Racine se définirait sans doute comme un homme-orchestre. Chroniqueur littéraire et rédacteur en chef de Voir, auteur (on lui doit trois recueils de poésie), parolier, musicien, cet infatigable globe-trotter a eu envie cette fois de privilégier un voyage intérieur, à travers les mots des autres, en devenant directeur chez XYZ d’une toute nouvelle collection consacrée aux découvertes littéraires, lancée officiellement en septembre prochain.
Musique et littérature s’inscrivaient au cœur même de la carte blanche que lui avait confiée le Festival international de littérature en 2007. Celle-ci avait alors juxtaposé huit univers, notamment ceux de Yann Perreau, Stéphanie Lapointe, Mara Tremblay et de la poète Renée Gagnon, Prix Émile-Nelligan 2006. Quai no 5, titre du spectacle, devient celui de la collection et prolongera d’une certaine façon cette volonté de rendre floues les frontières entre les genres, tout en privilégiant des voix fortes, uniques, qui refusent de se fondre dans la masse. « Quai no 5 évoque bien sûr l’idée du voyage, explique Tristan Malavoy en entrevue exclusive, aussi bien les départs que les retours. » Le nom se veut également un clin d’œil au cinquième art, celui de la littérature et de la poésie. « C’est un cadeau inouï que l’on m’a fait. Je souhaitais disposer de plus de temps pour des projets personnels, mais voulais aussi tâter de l’édition. On m’offre un terrain de jeu fabuleux, une belle liberté. »
Quai no 5 s’érigera un titre à la fois, à raison de quatre ou cinq publications par année. Son directeur se fait une joie de pouvoir côtoyer au quotidien les jeunes auteurs d’ici : « Ce que j’aime le plus, c’est fréquenter une nouvelle voix. » Déjà, des manuscrits s’accumulent sur son bureau et il espère susciter d’autres marques d’intérêt, une fois que la collection aura pris son envol. « Cela relève de l’acte de foi d’envoyer un manuscrit! » Malavoy souhaite mettre au monde des livres, mais aussi des auteurs, en misant sur les médias alternatifs, les réseaux sociaux et en établissant des liens rapprochés avec les libraires. « Il faut faire vivre livres et auteurs sur le long terme », souligne-t-il. Souvent invité à animer des causeries, il considère ces dernières des cadres propices à une rencontre réelle avec l’auteur : « Peu importe combien de personnes y assistent, elles en conserveront assurément un souvenir marquant. »
Après avoir articulé une pensée critique et révisé un nombre incalculable de textes lors de ses années passées au Voir, Tristan Malavoy peut cerner les caractéristiques des auteurs avec lesquels il aura envie de travailler. « J’aime une langue musicale, qui évite les détours inutiles, affirme-t-il. Depuis quelques années, nous sommes malheureusement souvent dans des registres fonctionnels et nous nous privons de tonalités qui dérangent. Je souhaite encourager les écritures trempées. La littérature demeure une célébration de la différence; c’est une erreur de chercher à l’aseptiser. Nous avons besoin d’être ensorcelés. » Il se fait une joie de retravailler en profondeur avec les auteurs : « Très souvent, la solution, l’auteur la porte en lui. Il suffit de l’aider à la percevoir » Il ne croit pas au mythe du primoromancier refusant systématiquement les modifications. Il suffit souvent d’un court temps d’arrêt pour permettre au textede se développer autrement : « Quand on pointe une faiblesse, l’auteur vient bien sûr la corriger. Les mots restent une matière malléable. »
La collection disposera d’une relative indépendance par rapport aux autres sous la bannière XYZ, s’en dissociant même au niveau graphique. Les couvertures seront signées David Drummond, dont le travail a notamment été salué par l’American Institute of Graphics Arts et l’American Association of University Presses Cover and Jackets Competition. Le logo, dévoilé lors du Salon du livre de Québec, permettra déjà d’établir une signature, qui se prête à de multiples lectures, convoquant aussi bien l’ancien que le nouveau, le Paris des années folles que le Québec aujourd’hui. Quai no 5 souhaite également faire découvrir certaines personnalités œuvrant dans des domaines artistiques connexes autrement. « Je veux que soient convoquées d’autres formes d’art, par exemple, faire une large place à la musique et aux arts visuels. Cette tangente se dégagera dans les prochaines années. » Une belle invitation au voyage…
Musique et littérature s’inscrivaient au cœur même de la carte blanche que lui avait confiée le Festival international de littérature en 2007. Celle-ci avait alors juxtaposé huit univers, notamment ceux de Yann Perreau, Stéphanie Lapointe, Mara Tremblay et de la poète Renée Gagnon, Prix Émile-Nelligan 2006. Quai no 5, titre du spectacle, devient celui de la collection et prolongera d’une certaine façon cette volonté de rendre floues les frontières entre les genres, tout en privilégiant des voix fortes, uniques, qui refusent de se fondre dans la masse. « Quai no 5 évoque bien sûr l’idée du voyage, explique Tristan Malavoy en entrevue exclusive, aussi bien les départs que les retours. » Le nom se veut également un clin d’œil au cinquième art, celui de la littérature et de la poésie. « C’est un cadeau inouï que l’on m’a fait. Je souhaitais disposer de plus de temps pour des projets personnels, mais voulais aussi tâter de l’édition. On m’offre un terrain de jeu fabuleux, une belle liberté. »
Quai no 5 s’érigera un titre à la fois, à raison de quatre ou cinq publications par année. Son directeur se fait une joie de pouvoir côtoyer au quotidien les jeunes auteurs d’ici : « Ce que j’aime le plus, c’est fréquenter une nouvelle voix. » Déjà, des manuscrits s’accumulent sur son bureau et il espère susciter d’autres marques d’intérêt, une fois que la collection aura pris son envol. « Cela relève de l’acte de foi d’envoyer un manuscrit! » Malavoy souhaite mettre au monde des livres, mais aussi des auteurs, en misant sur les médias alternatifs, les réseaux sociaux et en établissant des liens rapprochés avec les libraires. « Il faut faire vivre livres et auteurs sur le long terme », souligne-t-il. Souvent invité à animer des causeries, il considère ces dernières des cadres propices à une rencontre réelle avec l’auteur : « Peu importe combien de personnes y assistent, elles en conserveront assurément un souvenir marquant. »
Après avoir articulé une pensée critique et révisé un nombre incalculable de textes lors de ses années passées au Voir, Tristan Malavoy peut cerner les caractéristiques des auteurs avec lesquels il aura envie de travailler. « J’aime une langue musicale, qui évite les détours inutiles, affirme-t-il. Depuis quelques années, nous sommes malheureusement souvent dans des registres fonctionnels et nous nous privons de tonalités qui dérangent. Je souhaite encourager les écritures trempées. La littérature demeure une célébration de la différence; c’est une erreur de chercher à l’aseptiser. Nous avons besoin d’être ensorcelés. » Il se fait une joie de retravailler en profondeur avec les auteurs : « Très souvent, la solution, l’auteur la porte en lui. Il suffit de l’aider à la percevoir » Il ne croit pas au mythe du primoromancier refusant systématiquement les modifications. Il suffit souvent d’un court temps d’arrêt pour permettre au textede se développer autrement : « Quand on pointe une faiblesse, l’auteur vient bien sûr la corriger. Les mots restent une matière malléable. »
La collection disposera d’une relative indépendance par rapport aux autres sous la bannière XYZ, s’en dissociant même au niveau graphique. Les couvertures seront signées David Drummond, dont le travail a notamment été salué par l’American Institute of Graphics Arts et l’American Association of University Presses Cover and Jackets Competition. Le logo, dévoilé lors du Salon du livre de Québec, permettra déjà d’établir une signature, qui se prête à de multiples lectures, convoquant aussi bien l’ancien que le nouveau, le Paris des années folles que le Québec aujourd’hui. Quai no 5 souhaite également faire découvrir certaines personnalités œuvrant dans des domaines artistiques connexes autrement. « Je veux que soient convoquées d’autres formes d’art, par exemple, faire une large place à la musique et aux arts visuels. Cette tangente se dégagera dans les prochaines années. » Une belle invitation au voyage…
lundi 8 avril 2013
Le P'tit Jourdain: un Bourgeois saveur locale
Et si Monsieur Jourdain n’en était pas à ses premières tentatives
d’acquérir les manières des gens de qualité quand nous le rencontrons
sous la plume de Molière? Et s’il avait vécu en Nouvelle-France à
l’enfance et à l’adolescence, son père drapier ayant confectionné là-bas
des tenues pour la haute société? Et si, déjà, ayant négligé ses études
parce qu’il préférait jouer avec ses amis hurons, il avait eu besoin de
s’entourer de professeurs en tout genre, histoire d’être un tant soit
peu dégrossi? Voilà la prémisse de cette adaptation du Bourgeois
gentilhomme, écrite et mise en scène par Hubert Fielden, conçue sur
mesure pour la Troupe du Panache, formée en grande partie de finissants
2012 du Conservatoire d’art dramatique de Montréal.
D’abord présentée dans le cadre du Festival du Mois Molière à Versailles, cette relecture à forte odeur du terroir a certes dû ravir nos cousins français.
Lire le reste de ma critique sur le site de Jeu...
D’abord présentée dans le cadre du Festival du Mois Molière à Versailles, cette relecture à forte odeur du terroir a certes dû ravir nos cousins français.
Lire le reste de ma critique sur le site de Jeu...
samedi 6 avril 2013
Still Untitled / Encore sans titre
Crédit photo: Annie Zielinski |
Hantée par les photographies de Sherman, Catherine Dumas a choisi non seulement d'intégrer ou détourner certains des clichés de la série, mais de s'en servir comme de matériau, de thème jamais entièrement énoncé à une série de variations, de « recréations ». Ici, dans le confort d'une chambre blanche, comme toute petite fille qui aime se déguiser, la performeuse joue à être Cindy Sherman qui joue à être une série de personnages, avec la complicité de ses trois amies, qui la soutiennent au niveau musical (Léa-Corinne Bolduc), pictural (Éliane Berdat) ou des éclairages (Audrey-Anne Bouchard). Certaines des photographies sont reproduites avec une précision étonnante, d'autres se veulent moteur d'une nouvelle déclinaison. Dans un postmodernisme entièrement assumé, références visuelles, culturelles, historiques et sonores sont tissées les unes aux autres en une étonnante courtepointe (motif que l'on retrouve d'ailleurs indirectement sur les voilages blancs des trois panneaux qui délimitent l'espace de jeu. Dumas parle parfois au micro, parfois par-dessus une trame sonore pré-enregistrée. À d'autres moments, elle « décroche » pour redevenir elle-même, s'adressant à ses copines comme si nous les attrapions au milieu d'une répétition.
Crédit photo: Annie Zielinski |
L'objet n'est peut-être pas parfait, mais la prémisse en reste des plus pertinentes. On sort du Centre des arts contemporains du Québec à Montréal avec des images plein la tête, un désir de se réapproprier le travail de Sherman (à qui le Dallas Museum of Art consacre justement ces jours-ci une rétrospective), mais aussi des questions toujours actuelles sur notre société soi-disant évoluée, dans laquelle chacun se voit décerner un rôle, qu'il jouera avec plus ou moins de naturel selon les circonstances.
jeudi 4 avril 2013
La dernière interview: faire basculer la donne
Connaît-on Jean Genet? Il est étudié, analysé, ses pièces continuent d’être montées, mais, au fond, que sait-on vraiment de l’homme derrière l’auteur, qui n’avait de cesse que de bousculer le lecteur, le spectateur, son entourage? Catherine Boskowitz a choisi de se servir de sa dernière entrevue, accordée à la BBC, Genet se positionnant de son plein gré comme acteur de cette ultime comédie, « créée » en juillet 1985, un an avant sa mort, pour articuler sa pièce – son collage? –, créée à Confluences à Paris en 2010, objet théâtral qui voyage depuis, aussi bien en Europe que sur le continent africain. Elle se met elle-même en scène, dans le rôle de Nigel Williams, journaliste de la BBC, feuilles de notes au poing, caméra braquée sur son sujet, dont l’image se retrouve parfois projetée sur un vieux téléviseur.
D’entrée de jeu, Boskowitz ne refuse pas le malaise, souhaitant redéfinir le rôle même du spectateur, face à lui-même aussi bien qu’aux mots des autres tout au long du spectacle. Le public, dans des estrades distribuées sur deux axes perpendiculaires, s’assoit au son de la voix de Genêt et une projection partielle, qui permet aux sous-titres (traduction anglaise du propos) de retenir l’attention, sur quatre panneaux (référence sans doute aux Paravents du dramaturge) placés légèrement de guingois. Le silence s’installe ensuite, voile diffus qui devient peu à peu plus oppressant, en un 4’33’’ nouveau genre et puis, enfin, une voix s’élève, on ne comprend pas tout de suite d’où, grâce à la semi-obscurité ambiante. Dieudonné Niangouna s’incarne, se mêle aux spectateurs, qu’il frôle, déstabilise, qui ne réalisent pas encore que le maître du jeu n’est pas celui que l’on croit, que les rôles peuvent basculer à tout moment, les digressions intégrées à la trame narrative se fondre en dérapages.
Boskowitz commence son interrogatoire, précautionneusement. Genet se rebiffe, mais accepte de se révéler en partie. Il évoquera avec réticence la colonie pénitentiaire de Mettray, première cellule qui l’accueillera au cours d’une série de larcins, où il découvrira l’amour – ou serait-ce plutôt la mort? – et l’écriture. L’homme de théâtre Niangouna entre bientôt en scène dans le premier de trois segments improvisés, interpellant un spectateur qui deviendra participant indirect du spectacle, établissant des liens entre la colonie pénitentiaire et la colonie tout court en une lecture décapante – mais jamais frustrée – du colonialisme, mais aussi un parallèle entre le bateau dans lequel de Brazza a débarqué (et pris possession) des lieux et le bateau que demeure tout geste créateur. Le soir de la première (les sujets variant selon l’inspiration du moment), Niangouna a également traité avec finesse de la question de la langue française, outil de communication à s’approprier plutôt qu’à rejeter en bloc. Il révèlera plus tard de grands dons de conteur quand il évoquera les histoires d’auteurs, tangente prise à partir des souvenirs de Genet réécrivant Notre-Dame des fleurs. Pour que le lecteur lie un auteur à son œuvre, ce dernier n’est-il pas condamné à réinventer le geste même qui a mené à cette création? « On ne peut pas retirer la langue française; il faut s’inventer soi-même. On écrit pour parler au monde, c’est une manière d’être avec les gens ».
Entre les segments, toujours, encore, le silence, qui gruge, qui fragilise. Lorsque Genet/Niangouna fracasse une barre de métal et se sauve dans la rue, laissant journaliste/metteure en scène et public en plan, les questions fusent. Serions-nous arrivés à la fin de l’histoire? De cette interprétation de celle-ci? Après ce qui paraît une éternité, les pas de Niangouna résonnent, en une série d’allers-retours derrière le rideau. Le jeu semble étalé sur la table, mais au fond, ne suffit-il pas de le jeter en l’air pour tout redéfinir? « Si j’ai peur d’entrer dans la norme? Bien sûr que j’ai peur d’y entrer et si j’ai en ce moment des éclats de voix, c’est parce que je suis en train d’entrer dans la norme… » Genet refusait les carcans; ce spectacle aussi. Il aurait sans doute accepté l’hommage grinçant ici rendu.
Jusqu'au 6 avril à l'Espace libre.
D’entrée de jeu, Boskowitz ne refuse pas le malaise, souhaitant redéfinir le rôle même du spectateur, face à lui-même aussi bien qu’aux mots des autres tout au long du spectacle. Le public, dans des estrades distribuées sur deux axes perpendiculaires, s’assoit au son de la voix de Genêt et une projection partielle, qui permet aux sous-titres (traduction anglaise du propos) de retenir l’attention, sur quatre panneaux (référence sans doute aux Paravents du dramaturge) placés légèrement de guingois. Le silence s’installe ensuite, voile diffus qui devient peu à peu plus oppressant, en un 4’33’’ nouveau genre et puis, enfin, une voix s’élève, on ne comprend pas tout de suite d’où, grâce à la semi-obscurité ambiante. Dieudonné Niangouna s’incarne, se mêle aux spectateurs, qu’il frôle, déstabilise, qui ne réalisent pas encore que le maître du jeu n’est pas celui que l’on croit, que les rôles peuvent basculer à tout moment, les digressions intégrées à la trame narrative se fondre en dérapages.
Boskowitz commence son interrogatoire, précautionneusement. Genet se rebiffe, mais accepte de se révéler en partie. Il évoquera avec réticence la colonie pénitentiaire de Mettray, première cellule qui l’accueillera au cours d’une série de larcins, où il découvrira l’amour – ou serait-ce plutôt la mort? – et l’écriture. L’homme de théâtre Niangouna entre bientôt en scène dans le premier de trois segments improvisés, interpellant un spectateur qui deviendra participant indirect du spectacle, établissant des liens entre la colonie pénitentiaire et la colonie tout court en une lecture décapante – mais jamais frustrée – du colonialisme, mais aussi un parallèle entre le bateau dans lequel de Brazza a débarqué (et pris possession) des lieux et le bateau que demeure tout geste créateur. Le soir de la première (les sujets variant selon l’inspiration du moment), Niangouna a également traité avec finesse de la question de la langue française, outil de communication à s’approprier plutôt qu’à rejeter en bloc. Il révèlera plus tard de grands dons de conteur quand il évoquera les histoires d’auteurs, tangente prise à partir des souvenirs de Genet réécrivant Notre-Dame des fleurs. Pour que le lecteur lie un auteur à son œuvre, ce dernier n’est-il pas condamné à réinventer le geste même qui a mené à cette création? « On ne peut pas retirer la langue française; il faut s’inventer soi-même. On écrit pour parler au monde, c’est une manière d’être avec les gens ».
Entre les segments, toujours, encore, le silence, qui gruge, qui fragilise. Lorsque Genet/Niangouna fracasse une barre de métal et se sauve dans la rue, laissant journaliste/metteure en scène et public en plan, les questions fusent. Serions-nous arrivés à la fin de l’histoire? De cette interprétation de celle-ci? Après ce qui paraît une éternité, les pas de Niangouna résonnent, en une série d’allers-retours derrière le rideau. Le jeu semble étalé sur la table, mais au fond, ne suffit-il pas de le jeter en l’air pour tout redéfinir? « Si j’ai peur d’entrer dans la norme? Bien sûr que j’ai peur d’y entrer et si j’ai en ce moment des éclats de voix, c’est parce que je suis en train d’entrer dans la norme… » Genet refusait les carcans; ce spectacle aussi. Il aurait sans doute accepté l’hommage grinçant ici rendu.
Jusqu'au 6 avril à l'Espace libre.
lundi 1 avril 2013
Homme de mots
Une amie a entrepris de me faire découvrir toutes les maisons de la culture de la ville, un spectacle à la fois. Soirée de conte, de théâtre, de textes inédits, concert, causerie; cette fois, c'était soirée de poésie au Studio 1 de la Maison de culture Rosemont-La Petite-Patrie. Aucune recherche préalable, aucune attente. Elle m'avait dit avoir été charmée
par la voix du poète, découvert il y a quelques années; cela me suffisait. Je connaissais tout au plus le titre de spectacle: L'agenda du ressuscité.
Quelques minutes après l'heure prévue, celui qui a intitulé sa série de récitals « le poète en robe de chambre », s'est avancé d'un pas sautillant d'adolescent, à la fois heureux et nerveux de retrouver les planches. Refusant le confort, il avait choisi de nous présenter des textes qu'il n'avait jamais fait en public ou qu'il avait négligés depuis plusieurs années. Au fil de la soirée, ce poète, chanteur, comédien, conteur, homme de mots dans son sens le plus pur du terme, nous a fait découvrir des textes signés Albert Cohen (un extrait du Livre de ma mère), Michel Garneau (un poème qui donnait envie d'avoir de nouveau 15 ans, dans sa tête sinon dans son corps), Boris Vian (notamment le bouleversant Je voudrais pas crever) ou Nazim Hikmet (L'évidence), mis en contexte de façon limpide, toujours rendu avec grande justesse, mais aussi quelques-uns des siens, dont certains déclamés sur sa musique ou celle de Yannick Plamondon. Je retiendrai particulièrement cette scène de vente de garage savoureuse, la volupté de cette femme ronde, mais magnifique... et de son tout petit mari.
Avec un naturel désarmant, il a aussi glissé quelques anecdotes sur ses enfants (instants de vie croqués devenant poèmes du quotidien), certains des auteurs transmis, a partagé quelques souvenirs, comme s'il échangeait avec chacun des membres du public de façon impromptue. Il a terminé son tour de mots par Ludwig de Léo Ferré, texte magistral que je ne connaissais pas, long poème scandé sur l'Ouverture Egmont qu'il a rendu de si intense façon (dans une lecture qui n'avait absolument rien à envier à l'original) que je me suis mise à rêver à une version en concert, avec un orchestre symphonique, mots et musique résonnant en troublante symbiose.
Christian Vézina remet le tout le 18 avril, cette fois lors d'À bâtons rompus, une soirée en compagnie de Robert Lalonde. (En plus, c'est tout à fait gratuit.) J'y serai, bien sûr...
par la voix du poète, découvert il y a quelques années; cela me suffisait. Je connaissais tout au plus le titre de spectacle: L'agenda du ressuscité.
Quelques minutes après l'heure prévue, celui qui a intitulé sa série de récitals « le poète en robe de chambre », s'est avancé d'un pas sautillant d'adolescent, à la fois heureux et nerveux de retrouver les planches. Refusant le confort, il avait choisi de nous présenter des textes qu'il n'avait jamais fait en public ou qu'il avait négligés depuis plusieurs années. Au fil de la soirée, ce poète, chanteur, comédien, conteur, homme de mots dans son sens le plus pur du terme, nous a fait découvrir des textes signés Albert Cohen (un extrait du Livre de ma mère), Michel Garneau (un poème qui donnait envie d'avoir de nouveau 15 ans, dans sa tête sinon dans son corps), Boris Vian (notamment le bouleversant Je voudrais pas crever) ou Nazim Hikmet (L'évidence), mis en contexte de façon limpide, toujours rendu avec grande justesse, mais aussi quelques-uns des siens, dont certains déclamés sur sa musique ou celle de Yannick Plamondon. Je retiendrai particulièrement cette scène de vente de garage savoureuse, la volupté de cette femme ronde, mais magnifique... et de son tout petit mari.
Avec un naturel désarmant, il a aussi glissé quelques anecdotes sur ses enfants (instants de vie croqués devenant poèmes du quotidien), certains des auteurs transmis, a partagé quelques souvenirs, comme s'il échangeait avec chacun des membres du public de façon impromptue. Il a terminé son tour de mots par Ludwig de Léo Ferré, texte magistral que je ne connaissais pas, long poème scandé sur l'Ouverture Egmont qu'il a rendu de si intense façon (dans une lecture qui n'avait absolument rien à envier à l'original) que je me suis mise à rêver à une version en concert, avec un orchestre symphonique, mots et musique résonnant en troublante symbiose.
Christian Vézina remet le tout le 18 avril, cette fois lors d'À bâtons rompus, une soirée en compagnie de Robert Lalonde. (En plus, c'est tout à fait gratuit.) J'y serai, bien sûr...
Inscription à :
Articles (Atom)