mercredi 3 octobre 2007

Hommage à McLaren: mariage réussi entre images et musique

Hier soir, grand moment: faire (re)découvrir la musique classique à des jeunes de 14 et 15 ans, essayer de les convaincre que ce n'était pas aussi ringard qu'ils ne le croyaient, que l'expérience pouvait être enrichissante, que le langage n'était pas devenu obsolète. Même si la sortie n'était pas obligatoire, plus de la moitié (des 39) avait répondu présent. Je les avais préparés le mieux possible en leur parlant de Norman McLaren, les avais avertis que la première partie serait peut-être moins « cool » (la Première de Beethoven n'est pas exactement un chef-d'oeuvre) mais que, selon moi, ils apprécieraient le mariage images et musique de la seconde partie. Avant le concert, une fois qu'ils furent installés dans leurs sièges (superbement situés, merci G.!), j'ai fait un tour rapide pour leur rappeler ce que j'attendais d'eux (essentiellement une critique d'environ 350 mots du concert, travail soutenu par quelques pistes élaborées au cours précédent) et les inciter à prendre des notes avant qu'ils n'aient tout oublié. J'ai fait de même mais je suis persuadée que je n'aurai certainement pas retenu les mêmes éléments.



Malgré une attaque plus qu'approximative et quelques imprécisions dans les descentes des vents, la richesse des couleurs orchestrales assemblées par Kent Nagano m'a rapidement convaincue dans la Première Symphonie de Beethoven. Pour une fois, le choix de tempo du chef permettait à la phrase de respirer, de s'articuler de façon cohérente. Si le deuxième mouvement m'a semblé un peu précipité, le troisième, le premier vrai scherzo beethovénien, témoignait d'une belle énergie. On aurait par contre apprécié un peu plus de précision de la part des cornistes lors des quelques interventions et dans l'ouverture de Rossini, choix pétillant qui m'a semblé un excellent prélude à une soirée cinéma.

La deuxième partie du concert, plus substantielle, liait les images de quatre films de McLaren à des musiques interprétées par l'OSM. Saluons ici le remarquable travail du compositeur et pianiste improvisateur Gabriel Thibaudeau qui a bien su saisir l'essence des deux films qu'il a mis en musique. Dans Blinkity Blank, une oeuvre où se jumellent images abstraites et personnages à peine esquissés, catalyseurs d'un récit embryonnaire mais présenté de façon très rythmée, la partition s'est avérée très efficace. Dans Voisins, fable antimilitariste d'une grande portée, Gabriel Thibaudeau s'est réellement surpassé, nous offrant une partition encore plus puissante que la trame originale de McLaren, où se mêlaient l'humour caustique de Chostakovitch, certaines atmosphères à la Scriabine, des orchestrations tantôt limpides, tantôt somptueuses et des improvisations relevées. Kent Nagano avait choisi d'entrelacer des contredanses et une allemande de Mozart aux présentations des quatre films, choix qui me paraissait quelque peu excentrique sur papier mais qui convaincait plutôt (malgré l'interprétation qui manquait de précision et les contours parfois flous). Les petites pièces de Mozart devenaient des friandises acidulées qui laissaient le temps aux images de McLaren de s'imprégner dans le conscient du spectateur. L'exubérante Danse allemande m'a fait penser à ces fameux trous normands servis dans les restaurants raffinés et qui nettoie le palais avant la poursuite d'un repas fastueux. Ici, elle servait de pause bienvenue entre la violence brutale des dernières séquences de Voisins (qui en quelques secondes, nous fait passer du sourire bon enfant au rire grinçant puis au silence pantois) et l'horreur pure de Hell Unlimited, film pacifiste qui démontre et démonte les mécanismes de la guerre (essentiellement économiques) grâce à des images particulièrement lourdes de sens, avant de proposer une résistance passive du peuple qui, en unissant ses forces, pourrait (peut?) renverser la vapeur. Les deux célèbres adagios (ceux d'Albinoni et de Barber) accompagnaient les images du film, choix peut-être pas le plus original mais néanmoins efficace. On aurait souhaité que le concert s'achève sur ces images plutôt que de nous proposer un dessert presque décadent, le « Prélude et Liebestod » du Tristan und Isolde de Wagner. Timbres magnifiques, découpages subtils et profondeur de l'interprétation n'ont toutefois pas réussi à me convaincre (ni les élèves) de la nécessité de présenter cette oeuvre en conclusion de programme.



Alors, l'opération charme aura-t-elle réussi? Exclusion faite du Wagner (de trop), tous semblaient convaincus par l'expérience et m'ont remerciée chaleureusement. J'ai hâte de lire leurs critiques la semaine prochaine. J'en reproduirai ici quelques extraits car ce n'est pas tous les jours qu'on peut compter sur la présence de plus de 20 critiques dans la salle!

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