lundi 25 janvier 2010

Écrire au féminin


Peut-on parler d'écritures féminines et masculines? Peut-être bien... du moins dans certains cas. J'ai passé la journée d'hier plongée dans deux univers féminins, tout d'abord avec un court recueil de nouvelles, L'amour est très surestimé, Prix Goncourt de la nouvelle 2007, un cadeau d'une amie qui pratique le genre avec un bel enthousiasme. Brigitte Giraud (que je découvre ici) traite de l'amour, non pas dans son effervescence ou son flamboiement mais dans sa chute, quand il y a séparation, deuil, quand on doit réapprendre à vivre seule, à adopter de nouveaux codes, apprivoiser de nouveaux repères. D'entrée de jeu, avec La fin de l'histoire, le ton est donné. « On dit que la fin est inscrite dans le commencement. » (p. 11) J'ai été plutôt séduite par le ton intimiste du recueil et son unité, sauf pour L'été de l'attente qui, même si elle traite de la fin d'un amour (l'assassinat de Marie Trintignant par son amant) m'a semblé hors propos ici. Il ne se passe presque rien dans ces petites histoires qui ressemblent à tant d'autres, et pourtant, on y entre sans hésitation, porté par un certain spleen et une élégance du ton.

Je me demandais dans quoi j'allais pouvoir plonger après ces récits fragmentaires quand j'ai été interpellée par , qui boit l'encre. de Louise Marois. (Oui, la virgule et le point font partie du titre, ce membre de phrase étant extrait d'un passage particulièrement fort du récit que je tairai ici.) Depuis la mort de son mari, Élise souffre. Elle vit retirée de tout, a scié le lit conjugal en deux, contrôle la lumière entrante dans la pièce pour que celle-ci ne soit éclairée qu'à moitié. Le mal l'attaque, jusque dans ses entrailles. « La mort d'Auguste était un trou, dont nulle corde ne pouvait atteindre le fond. Apprendre à faire des nœuds devenait inutile. » (p.59) Son voisin, Victor, est envoûté par elle, tente de l'atteindre, de lui offrir un nouveau souffle. « Il connaissait bien ces états de tristesse qui la secouaient violemment. Détestait ces tempêtes qu'il ne comprenait pas. N'y pouvait rien. » (p. 67)

Aucun geste ne pourra réellement apaiser ces deux écorchés qui dansent un poétique pas de deux, entre le souvenir et le présent, la mort et la vie, la folie et la lucidité. À travers un texte qui fait alterner poèmes en prose et en vers, Louise Marois nous mène dans un univers onirique qui démultiplie le vertige face à la perte. Un périple à la fois douloureux et apaisant.

t'écrire sur les châteaux du jour
sur la lumière que fait ta joie
sur la terrible absence
sur ses secondes qui émiettent
le temps
elle qui écrit sur la mie blanche
que l'éphémère est un jeu d'enfant (p. 67)

2 commentaires:

Venise a dit…

Deux écritures féminines consécutives ! Moi, en tout cas, je suis à réaliser une différence entre les deux. Mais je ne deviens pas sexiste pour autant. Parce que certains hommes écrivent parfois comme des femmes et vice et versa.

Autrement dit, je ne catégorise pas, mais je vois certaines constantes dans l'écriture féminine ou masculine. Quand on dit, j'aime le cinéma italien par exemple, ça veut dire qu'on y voit des caractéristiques. Même chose pour les écritures de femmes.

Le dernier titre semble très intériorisé, poétique même. J'aime bien ce titre mystérieux et sa couverture.

Lucie a dit…

Et je poursuis avec une autre, ma quatrième en ligne(mais c'est une pièce de théâtre, ce qui rend le tout différent). Si certaines écritures sont moins typiques (les hommes qui écrivent des histoires d'amour par exemple), c'est vrai qu'il y a une sensibilité différente et une autre façon de manipuler les mots et de transmettre les mots. Après, je bascule de l'autre côté, histoire de voir!