vendredi 15 juillet 2011

Xman est back en Huronie

On évoque souvent les deux solitudes, qui se côtoient, tentent de s’apprivoiser, mais au fond se connaissent assez mal. Rares sont les Québécois qui fréquentent les auteurs canadiens-anglais,  le contraire se révélant tout aussi vrai, la quantité de titres traduits demeurant fort minime. Et la littérature francophone hors Québec? Peut-on la considérer parente ou possède-t-elle ses codes, ses ancrages spécifiques? Après avoir lu Xman est back en Huronie, premier roman de l’interprète, productrice, enseignante, animatrice culturelle et radiophonique Joëlle Roy, originaire du Temiskaming, mais résidant en Huronie depuis plusieurs années, on constate que la réponse ne peut être articulée de façon simpliste.

Xavier, le Xman du titre, vient de terminer ses études à l’Université d’Ottawa. On lui propose de retrouver les lieux qui l’ont vu grandir et on lui confie le mandat d’installer un musée de la francophonie à Penetanguishene, dans la Baie Georgienne. Inspiré par le défi de pouvoir enfin offrir un espace vivant à sa communauté, il fonce. Plus, il défonce. À une présentation statique, il préfère une approche communautaire de la muséologie, multipliant les rencontres avec les aînés, histoire de redonner ses lettres de noblesse à « la Patente », l’Ordre de Jacques-Cartier, société secrète ayant œuvré pendant près de 40 ans aux intérêts des Canadiens-Français. Enveloppé dans le cocon d’un certain confort, on oublie trop facilement  peut-être l’époque du Speak White et les luttes de nos voisins pour obtenir une école secondaire française ou disposer d’une seule heure de diffusion radiophonique francophone par semaine.

Alors qu’il travaille à la mise sur pied d’un lieu où l’histoire de la francophonie huronne reprendrait enfin ses droits, Xavier se heurte bien évidemment au conservatisme de ses collègues. 
« Un de mes profs disait qu’un des traits communs aux citoyens issus de communautés minoritaires, c’est l’incapacité d’envisager le succès, c’est-à-dire de savoir que faire après avoir gagné la guerre. Le dada des minoritaires, c’est de faire la guerre, de se défendre, de revendiquer, de se plaindre. Tant qu’il faudra. Jusqu’à ce qu’ils gagnent. Après? Euh… Le bonheur, c’est de se battre plus que de gagner. Je me demande pour la première fois si je suis atteint de ce syndrome? » (p. 147)  
Comme il ne souhaite pas devenir esclave de son travail, il renouera aussi des liens avec son meilleur ami Mathieu et sa famille, bâtira une relation amoureuse avec la belle Sarah, deviendra indispensable au vieux Willie, et surtout parviendra à se redéfinir au cœur d’une petite ville où tout le monde se connaît.

Joëlle Roy a opté ici pour une langue fluide, riche en dialogues, proche de l’oralité, qui juxtapose avec naturel français et anglais, rappelant l’univers des chansons country, dans lesquelles l’amour des grands espaces, le romantisme et le drame se veulent faces d’un même prisme.  Fort habilement, The Gambler devient ici soutien à la trame narrative, Xavier tentant d’en retranscrire les strophes lors d’un voyage en train vers Kelowna et le lecteur ne pouvant s’empêcher de tracer quelques parallèles entre le parcours du narrateur et celui du personnage de la chanson.

Je vous invite à consulter le numéro courant de La Recrue du mois, qui met en lumière ce mois-ci La marche en forêt de Catherine Leroux

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