mercredi 18 juillet 2012

Rue Saint-Olivier

Il faut se méfier des quatrièmes de couverture, car parfois, ils orientent faussement notre lecture. « On a trouvé David pendu à la branche d’un arbre dans le parc du Cavalier-du-Moulin à Québec. Suicide ou meurtre? » En plongeant dans le livre, on s’attend à un roman policier, possiblement sociologique. Dès les premières pages, on perd pied, on ne comprend pas le rôle des narrateurs multiples, comment rattraper cet écheveau en apparence incohérent. Peut-être aurait-on simplement dû citer : « Un matin de novembre, David devint la trentième branche d’un chêne dans le parc du Cavalier-du-Moulin.  » On aurait alors accepté d’emblée que les questions demeureraient plus importantes que les réponses, qu’une histoire de vie ne peut jamais s’énoncer dans la linéarité, que l’essentiel ne relève pas ici de la compréhension d’une situation, mais de l’apprivoisement d’un univers, nous fût-il étranger.

La langue d’André Carrier coule, sauf lorsqu’elle bute sur un jeu de mots qui n’avait nul besoin d’être explicité. Elle sait devenir méandres, reflets éclatés d’un kaléidoscope, voix multiples, superpositions de couches de sens. « Il affirma que l’on détenait un certain nombre de mots en soi et que l’on pouvait même les compter. Qu’on ne pouvait penser au-delà de ses mots. Qu’alors, pour vivre selon les lois et les mesures de qui on veut devenir, il fallait en inventer de nouveaux.  » Elle se révèle la plus puissante dans l’ellipse, quand l’auteur plonge le plus profondément dans le sens.  « On perd un être comme une série de mots que le hasard a fait naître et n’alignera jamais plus de la même manière. » On aimerait l’entendre dans un dépouillement pleinement assumé; un recueil de poèmes en vers libres peut-être?

4 commentaires:

Adrienne a dit…

on ne le dira jamais asez: enfants, méfiez-vous des baobabs en quatrième de couverture ;-)

Lucie a dit…

J'adore ton commentaire :)
J'ai vraiment ri à haute voix en le lisant.

Anne a dit…

Ma PAL te remercie, dirait-on ! Je vois que tu lis Opéra sérieux, je suis curieuse de lire ton avis, je suppose que tu le mettras dans le challenge musical...

Lucie a dit…

On ne peut rien te cacher :)