lundi 18 février 2013

Musique absolue. Une répétition avec Carlos Kleiber

Dans son premier roman Musique absolue, Bruno Le Maire inscrit Carlos Kleiber au cœur d'une fiction. Bouleversé par une interprétation dirigée par Kleiber entendue à la radio, un journaliste français décide d'écrire une biographie du grand chef d'orchestre, qui nous a quittés en 2004. Par un hasard heureux, il pourra s'entretenir avec un vieux musicien,  Nikolaus, vaguement ronchon et excentrique, qui lui parle du chef, mais se révèle surtout lui, à travers le propos. Certes, on retrouve quelques pans de la vie du chef (l'auteur revient notamment brièvement sur la relation que Carlos entretenait avec son père, Erich Kleiber, qui lui aussi a signé nombre d'enregistrements mythiques), mais on plonge surtout dans les souvenirs du violoniste qui, disposant d'un public captif, se vide le cœur sur ses propres relations avec son père, sa vie sentimentale avec son amant ou les aléas des répétitions.

La formule aurait pu être intéressante, si seulement le lecteur avait pu d'une certaine façon s'attacher au personnage ou finir par oublier la narration « parlée », avec multiples admonestations et détournements de propos, plutôt nombriliste. Du début à la fin, on sent la formule, on se crispe par moments, tout en espérant avoir quelque révélation musicale, comme par exemple « Ce jour-là, en écoutant Carlos, je compris que la musique était l’inquiétude et la réponse à cette inquiétude, l’une et l’autre confondues, inextricablement enlacées. » Celles-ci s'avéreront au final fort peut nombreuses, comme si l'auteur n'avait pas osé entrer dans le vif de ce qu'était Kleiber en tant que chef. Pourtant, il suffit d'écouter huit mesures de sa lecture du mouvement lent de la Septième Symphonie de Beethoven avec le Philharmonique de Vienne pour comprendre que son approche à la musique était des plus organiques, presque viscérale, que bien peu savaient aussi bien que lui maitriser le souffle d'un orchestre, mener l'auditeur au bord du gouffre. Peut-être l'auteur n'a-t-il pas su comment transmettre la vague d'émotion en mots...
« “Vous allez me prendre pour cinglé, Nikolaus, mais la musique, je la mange, elle a un goût, un goût amer.”  Oui, un goût autrement plus amer que celui des mots, vous pouvez me croire sur parole. Les mots ont un sens auquel on peut se raccrocher, la musique, non, aucun sens, pas de signification. Vous ne pouvez vous raccrochez à rien. Les mots rampent, ils vous tirent vers le bas.  Alors la musique? Que voulez-vous dire de sensé sur la musique? »


2 commentaires:

Anne a dit…

Je l'ai lu il y a quelques mois. Introduction au sujet complètement téléphonée, roman assez plein de clichés (les Français comparés aux Allemands par exemple), titre trompeur sur le contenu du roman... Le tout manque de souffle, justement, tandis que le vrai Carlos Kleiber, non ;-)

Lucie a dit…

J'étais contente de l'avoir pioché en bibliothèque et de ne pas l'avoir acheté, en tout cas! Rendez-vous manqué, dommage!