Combien de professionnels de la musique ont oublié le simple plaisir de faire de la musique? Le chiffre reste sans doute bien trop astronomique pour que j'ose l'écrire ici. Combien faut-il de regards blasés de musiciens d'orchestre ou de grimaces de choristes désillusionnés avant que nous réagissions?
Samedi soir, je suis passée de l'autre côté du miroir d'une certaine façon. J'étais invitée à une soirée entre amis par une amie, pianiste et pédagogue selon son statut « officiel ». Le repas se prenant au jardin, une guitare est bientôt sortie de son étui. Quelques airs de Pink Floyd, un extrait d'Hotel California, fort attrayants, ont été esquissés. Chose plus étrange peut-être, les violoncelles ont bientôt envahi le jardin! En effet, cette amie « pianiste » s'est mise à l'instrument il y a quelques mois et s'acharne maintenant à le mater, avec la fièvre et la diligence d'une nouvelle amoureuse. Bien sûr, elle n'a pas encore atteint le niveau d'interprétation qu'elle peut transmettre au piano. Pourtant, malgré les petits glissements, les légères imprécisions, ce qui frappait le plus, c'était la joie évidente qu'elle avait de partager avec nous ces quelques instants de musique, de vraie communication, de réel plaisir. De la regarder si transportée, en communion avec son professeur, faisait basculer dans l'univers ludique des premières années de travail, quand on n'avait aucune conscience des difficultés à combattre et des défis à surpasser. Il faudrait tous ré-apprendre notre instrument, l'apprivoiser comme si c'était la première fois, se laisser séduire par ses possibilités, redécouvrir l'essence même de la noblesse du mot « amateur », celui qui aime, qui pardonne, qui s'abandonne.
Tout aussi ludique, je vous propose ce vidéo des King's Singers, Deconstructing Johann.
2 commentaires:
Merci, Lucie, pour ce bel hommage, discret et si finement exprimé.
Depuis quelques mois, le mot "amateur" a repris pour moi du sens, un sens profond parce que vécu de l’intérieur, avec une certaine noblesse – celle de celui qui aime, viscéralement, profondément – et beaucoup de considération.
Après une vie de pianiste, c’est au violoncelle que je me suis mise.
Changer d'instrument était pour moi le moyen de retrouver cette spontanéité jadis naissante au piano, plus tard bridée par le traumatisme toujours présent des années de stress, des examens annuels, des concours de haute voltige, des obligations professionnelles... À en oublier parfois le plaisir de jouer… juste pour le plaisir.
Avec le temps, mon piano est devenu plus silencieux.
Ma musique intérieure était-elle si forte qu’elle se suffisait à elle-même, au point de pouvoir se passer de l’instrument pour être ? Même dans le silence de mon piano, la musique continuait d'être, là, en moi, toujours présente, intérieurement, comme un potentiel d'expression qui ne demandait qu’à s’exprimer.
C’est ce que je commençais à croire.
Commencer un deuxième instrument a eu la conséquence étonnante de réveiller en moi une fureur de pratiquer que je crois n’avoir jamais été aussi volontaire et acharnée sur mon premier instrument. Je redécouvre par ce nouveau statut d’amateur un véritable amour du cheminement, où chaque progrès est palpable, où chaque étape est une victoire, un enrichissement, une promesse que le meilleur est à venir. Avec cela a rejailli en moi, presque malgré moi, ce désir de partager. Partager cette musique – que je sais éminemment perfectible – mais surtout partager le plaisir de mon apprentissage, simplement, sans avoir trop peur du regard des autres, avec toutefois la conscience aiguë du chemin qu’il reste à parcourir pour qu’un jour la musique entendue soit aussi belle et intense que ma musique intérieure. Le projet de tout une vie.
Vivre le double statut de professionnel et d’amateur c’est ainsi multiplier les expériences de vie, vivre deux vies en une, avec humilité et tolérance pour soi-même.
* Hors propos
Bonjour Lucie,
Je t'ai choisi pour jouer au jeu du chat, c'est par ici :
http://carolebeaudoin.net/?2007/06/19/686-le-jeu-du-chat
Miaouw !
Enregistrer un commentaire