mercredi 20 juin 2007

Si j'étais une oeuvre...

Un ami m'a raconté ce matin qu'il serait éventuellement invité à une soirée musicale bien particulière. Plutôt que de se présenter ou d'entamer une discussion un peu au hasard, il a été proposé que chaque personne présente (tous des pianistes dans ce cas-ci) choisisse une oeuvre à interpréter. Une carte de visite musicale, en somme...
Concept intrigant mais profondément stimulant aussi que de trouver « la » pièce à jouer, celle qui nous décrit parfaitement sans qu'on n'ait non plus l'impression d'être nu face à ces inconnus (même si le Rondo en la mineur de Mozart me dépeint à merveille, je n'oserais jamais jouer cette oeuvre lors d'une première rencontre), celle qui ne fait pas trop « people » (on oublie le « Clair de lune » de Debussy) mais pas trop puriste (pas besoin d'attaquer l'« Hammerklavier » de Beethoven non plus... choix vaguement pédant), celle qui n'est pas trop facile techniquement (il faut tout de même démontrer ses capacités) mais qui ne tombe pas dans l'esbrouffe (se tenir loin de la Valse « Méphisto » ou des Rapsodies hongroises de Liszt).
Choix déchirant qui varie sans doute d'une journée à l'autre (là est toute la beauté de la chose sans doute). Si j'étais invitée ce soir, j'hésiterais entre la Romance en fa dièse mineur de Schumann (sublime de simplicité apparente mais d'une riche profondeur, ode à sa tendre moitié), « Les Cyprès à la Villa d'Este » extrait des Années de pélerinage de Liszt ou un mouvement de sonate de Mozart (déchirant choix ici, la K. 333 en si bémol, le mouvement lent de la K. 576, la Fantaisie en do mineur ou le premier mouvement de la sonate qui lui est apposé, le mouvement lent de la K. 332?).
Curieusement, j'aurais beaucoup plus de difficulté à opter pour un livre ou même un personnage littéraire qui pourrait me servir de carte de visite, possiblement parce que je me retrouve dans plusieurs et que, ne relisant que très rarement un livre, je n'ai pas approfondi sa structure avec autant d'attention que lorsque je me plonge dans une oeuvre musicale. Étrange paradoxe...

1 commentaire:

Claudio Pinto a dit…

Parce que je t'ai entendu la jouer pour moi un jour, je trouve que la Romance en fa dièse mineur t'irait à merveille pour cette soirée imaginaire (qui se réalisera très bientôt j'en suis sûr), et ce pour toutes ces occasions où traînent à quelque part dans l'une des pièces de la maison un ou deux poètes écorchés ou quelque alcoolique en proie à un désir incontrôlable d'entendre de la musique.

Qui sait, après avoir interprété cette Romance, l'un de ces poètes, un homme au visage doux et chaleureux, et que personne n'avait jamais vu auparavant, s'approcherait de toi et lancerait un discret mais affirmé : «C'était très beau. Je m'appelle Robert.»

Claudio