dimanche 15 juin 2008

Katia Bekhodja: La peau des doigts


Katia Belkhodja nous propose avec ce premier roman un billet simple pour l'ailleurs: vers le pays là-bas où l'on parle le kabyle, vers un Paris où le gris prime et les rêves déchus se ramassent au fond des fontaines, vers un Montréal qu'on découvre sous un jour entièrement différent, avec le regard de ceux qui restent en marge de la société, par nature, par hasard, par choix. Ce roman ne se dévore pas en deux heures à peine, malgré la minceur de la plaquette. Il doit s'apprivoiser, doucement. On doit laisser les bribes d'histoire se sédimenter, un peu mêle-mêle, dans un curieux assemblage qui ne ressemble à rien de connu. Certains passages rappellent les mystérieuses histoires arabes, d'autres découpent le langage, le morcellent, puis le déposent afin qu'on s'en approprie une parcelle.

Solitudes désenchantées qui se frôlent, s'enflamment à l'occasion mais jamais ne se fondent l'une dans l'autre, les personnages du roman sont esquissés à traits flous, ponctués ça et là d'éléments particulièrement vibrants. Si on cherche une cohésion narrative, une linéarité dans le récit, on devra abdiquer. Si on accepte de laisser l'histoire nous imprégner comme un songe éveillé, on entendra au détour le chant du muezzin, le clapotis de l'eau dans la fontaine, les crêpes qui sautent dans la poêle, le métro qui entre en gare, les insectes croqués sur le vif, les pensées des protagonistes, la vie qui bat, avec toutes ses désillusions. « À Montréal, des fois, il fait si bleu qu'il y en a partout, dans tous les coins. Du bleu. De la lumière. Il y a cette impression d'être Boris Vian. Que le ciel est un arrache-cœur. » (p. 44)

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