J'adore quand j'amorce ma journée et que je ne sais pas ce que j'y découvrirai. J'ai commencé par écouter un disque d'œuvres pour piano russes et ai eu le plaisir d'entendre quelques pièces de Bortkiewicz interprétées par un pianiste français au jeu très sensible, Didier Castell-Jacomin, dont je n'avais jamais entendu parler auparavant.
Pendant que je faisais le tour des blogues musicaux, histoire de me tenir à jour - et de maintenir à jour le blogue Analekta -, je suis tombée vers un lien sur un texte remarquable écrit par le pianiste jazz Brad Mehldau qui traite de la présence du mystique - ou du divin ou d'une force supérieure, appelez ça comme vous voulez dans le quotidien. Il y traite notamment de certains de ses émois musicaux adolescents (notamment à l'écoute du disque A Love Supreme de John Coltrane mais il évoque aussi bien Beethoven) et de la puissance de nombreuses révélations musicales. Suffisamment séduite par les mots de Mehldau, j'ai donc décidé de le laisser s'exprimer autrement, en musique, et suis maintenant plongée avec ravissement dans son dernier opus, Highway Rider, dont j'ignorais tout quand je me suis levée ce matin... Je ne suis pas chiche, je partage. (Pour l'album entier...)
La musique et l’écriture ont été de tout temps les deux pôles de la vie créatrice de l'auteure. Ce site se veut donc un hommage à la musique (particulièrement classique) et à la littérature, mais aussi au théâtre et aux autres manifestations artistiques.
mardi 31 août 2010
dimanche 29 août 2010
Lait noir
J'avais commencé à lire cet essai, offert par une amie avec la dédicace « Tu ne peux pas ne pas le lire! » juste avant de partir en vacances. En fait, je m'étais frottée à l'avant-propos, aux méthodes de lecture et au premier chapitre. Croyant plonger dans un essai assez chargé sur les difficultés pour l'écrivaine de marier maternité (tout particulièrement dépression post-partum) et écriture, j'avais jugé que le propos et le sable ne feraient pas nécessairement bon ménage. Pourtant, rétrospectivement, le ton n'a rien d'ardu.
Le livre aborde essentiellement deux axes. Le premier est celui de la crise d'identité quand une femme souhaite à la fois être mère et créatrice (on pourrait remplacer écrivaine par musicienne, peintre, danseuse, etc.). Partant de sa propre expérience, alors qu'Elif Shafak repoussait volontairement la possibilité d'une maternité - qui, croyait-elle, la « couperait » de sa force intellectuelle et créatrice -, elle évoque aussi certaines figures marquantes de la littérature, dont Virginia Woolf, Simone de Beauvoir, Doris Lessing, Zelda Fitzgerald ou Sylvia Plath, et les choix qu'elles ont su (ou ne pas su) assumer. L'autre axe, plus personnel, raconte ce même combat vers la maternité, en compagnie de son chœur de voix intérieures constitué de petites créatures qui l'accompagnent: Miss Cynique Intello, Miss Ego Ambition, Miss Intelligence Pratique, Dame Derviche, Miss Satin Volupté et Maman Gâteau. De façon absolument délicieuse, elle relate ce combat, le putsch de Miss Cynique Intello et Miss Ego Ambition qui décident de la « forcer » à accepter une résidence universitaire au Massachusetts, la rencontre surprise avec Maman Gâteau dans les toilettes de l'avion qui l'y mène, le pacte de non-maternité qu'elle prononcera sous l'Arbre-Cerveau mais aussi, bien sûr, la défaite quand elle rencontre l'homme de sa vie et qu'elle finit par accepter la maternité (sous le régime totalitaire de Maman Gâteau d'abord, puis de façon plus nuancée).
Un détail: elle n'avait pas prévu être visitée par Lord Poton, le djinn de la dépression post-partum, qui la maintiendra sous sa coupe pendant une dizaine de mois. J'admets que, à ce moment du récit, j'ai un peu décroché. Pas que la question de la dépression ne soit pertinente ou que je veuille minimiser les affres dans lesquelles elle peut plonger. Tout simplement parce que j'ai eu tout à coup l'impression d'une rupture de ton évidente qui, pendant trois chapitres, nous plonge dans un livre psycho-pop (ce qu'est la dépression, test pour la reconnaître, les traitements). Cette réserve étant émise, j'ai dévoré le tout, souriant à de nombreuses reprises et souhaitant me plonger dans les pages des auteures évoquées (dont malheureusement aucune ne figure en ce moment dans ma PAL tour de Pise, soupir...).
Le livre aborde essentiellement deux axes. Le premier est celui de la crise d'identité quand une femme souhaite à la fois être mère et créatrice (on pourrait remplacer écrivaine par musicienne, peintre, danseuse, etc.). Partant de sa propre expérience, alors qu'Elif Shafak repoussait volontairement la possibilité d'une maternité - qui, croyait-elle, la « couperait » de sa force intellectuelle et créatrice -, elle évoque aussi certaines figures marquantes de la littérature, dont Virginia Woolf, Simone de Beauvoir, Doris Lessing, Zelda Fitzgerald ou Sylvia Plath, et les choix qu'elles ont su (ou ne pas su) assumer. L'autre axe, plus personnel, raconte ce même combat vers la maternité, en compagnie de son chœur de voix intérieures constitué de petites créatures qui l'accompagnent: Miss Cynique Intello, Miss Ego Ambition, Miss Intelligence Pratique, Dame Derviche, Miss Satin Volupté et Maman Gâteau. De façon absolument délicieuse, elle relate ce combat, le putsch de Miss Cynique Intello et Miss Ego Ambition qui décident de la « forcer » à accepter une résidence universitaire au Massachusetts, la rencontre surprise avec Maman Gâteau dans les toilettes de l'avion qui l'y mène, le pacte de non-maternité qu'elle prononcera sous l'Arbre-Cerveau mais aussi, bien sûr, la défaite quand elle rencontre l'homme de sa vie et qu'elle finit par accepter la maternité (sous le régime totalitaire de Maman Gâteau d'abord, puis de façon plus nuancée).
Un détail: elle n'avait pas prévu être visitée par Lord Poton, le djinn de la dépression post-partum, qui la maintiendra sous sa coupe pendant une dizaine de mois. J'admets que, à ce moment du récit, j'ai un peu décroché. Pas que la question de la dépression ne soit pertinente ou que je veuille minimiser les affres dans lesquelles elle peut plonger. Tout simplement parce que j'ai eu tout à coup l'impression d'une rupture de ton évidente qui, pendant trois chapitres, nous plonge dans un livre psycho-pop (ce qu'est la dépression, test pour la reconnaître, les traitements). Cette réserve étant émise, j'ai dévoré le tout, souriant à de nombreuses reprises et souhaitant me plonger dans les pages des auteures évoquées (dont malheureusement aucune ne figure en ce moment dans ma PAL tour de Pise, soupir...).
jeudi 26 août 2010
La rentrée
Oui, le téléphone a déjà sonné... L'autre cousine de deux cousins à qui j'enseigne pourrait bien se joindre à ma classe, cette petite fille qui habite à quelques pas de chez moi aussi. L'autre soir, la voisine qui ne m'avait jamais adressé la parole auparavant m'a houspillée alors que je promenais le chien: « C'est vous, le professeur de piano, non? » J'admets que j'en suis restée la mâchoire décrochée quatre ou cinq secondes. Euh? ma vie est-elle une sitcom suivie dont je suis l'héroïne plus ou moins consentante, comme dans le Truman Show? Réfléchissons quelques secondes... Eh bien, oui, on entend de la musique qui se déverse de mes fenêtres à l'occasion. Pendant l'année scolaire, il y a un va-et-vient assez impressionnant à certaines heures de pointe et on croise les mêmes visages à la même heure toutes les semaines. En plus, son fils est dans la même classe qu'un des jumeaux à qui j'enseigne. Dah, qu'en penses-tu, Watson?
Je vous confie un secret: je ne suis pas encore tout à fait prête à rentrer. Il me semble que j'aurais besoin d'un sas de décompression entre l'horaire plus flexible de l'été (même si je suis débordée côté contrats ces temps-ci) qui me permet de rencontrer un ami au café sur un coup de tête à quinze minutes d'avis, ne serait-ce que pour un passage éclair (nous parlons vite, voilà le secret!) et celui, quand même passablement plus régimenté de la « vraie vie ». Je sais pas, moi... trois ou quatre jours tout au plus, presque rien, quoi.
En même temps, j'admets volontiers que j'ai très hâte de retrouver les élèves, d'entendre parler de leur été, de réaliser combien ils ont grandi (l'eau de piscine et de mer fait grandir les enfants plus rapidement, tout le monde sait cela!), de m'assoir au piano avec eux et de leur proposer de nouvelles pièces. On pourrait croire que j'ai quelques chouchous. Ce n'est même pas vrai. Plutôt, je n'ai (presque) que des chouchous. Certains (très rares) pratiquent de façon admirable, la plupart en dilettante. Peu importe! Je les aime. Voilà, c'est dit... et sans rougir en plus. J'aime être cette présence dans leur vie, qui les écoute, vraiment, sans porter de jugement sur leur personne, car il n'y a pas grand chose de plus intime qu'une conversation musicale, quand on doit enlever l'armure pour transmettre le message (de joie, de tristesse, d'amour, de désespoir...) d'un compositeur, parfois mort il y a des siècles.
Bon, alors, je négocie deux jours symboliques de répit, un week-end, pour jouer du piano, lire (Walden à petites doses et la prochaine recrue en parallèle), faire de la cuisine (mon congélateur n'est pas prêt lui non plus pour la rentrée), compléter doucement mon paquet pour le swap de Kikine, essayer d'oublier que l'été s'achève, que les températures rafraîchissent. Après, je suis prête à remballer. Les élèves le savent: chez moi, la porte est toujours ouverte.
Je vous confie un secret: je ne suis pas encore tout à fait prête à rentrer. Il me semble que j'aurais besoin d'un sas de décompression entre l'horaire plus flexible de l'été (même si je suis débordée côté contrats ces temps-ci) qui me permet de rencontrer un ami au café sur un coup de tête à quinze minutes d'avis, ne serait-ce que pour un passage éclair (nous parlons vite, voilà le secret!) et celui, quand même passablement plus régimenté de la « vraie vie ». Je sais pas, moi... trois ou quatre jours tout au plus, presque rien, quoi.
En même temps, j'admets volontiers que j'ai très hâte de retrouver les élèves, d'entendre parler de leur été, de réaliser combien ils ont grandi (l'eau de piscine et de mer fait grandir les enfants plus rapidement, tout le monde sait cela!), de m'assoir au piano avec eux et de leur proposer de nouvelles pièces. On pourrait croire que j'ai quelques chouchous. Ce n'est même pas vrai. Plutôt, je n'ai (presque) que des chouchous. Certains (très rares) pratiquent de façon admirable, la plupart en dilettante. Peu importe! Je les aime. Voilà, c'est dit... et sans rougir en plus. J'aime être cette présence dans leur vie, qui les écoute, vraiment, sans porter de jugement sur leur personne, car il n'y a pas grand chose de plus intime qu'une conversation musicale, quand on doit enlever l'armure pour transmettre le message (de joie, de tristesse, d'amour, de désespoir...) d'un compositeur, parfois mort il y a des siècles.
Bon, alors, je négocie deux jours symboliques de répit, un week-end, pour jouer du piano, lire (Walden à petites doses et la prochaine recrue en parallèle), faire de la cuisine (mon congélateur n'est pas prêt lui non plus pour la rentrée), compléter doucement mon paquet pour le swap de Kikine, essayer d'oublier que l'été s'achève, que les températures rafraîchissent. Après, je suis prête à remballer. Les élèves le savent: chez moi, la porte est toujours ouverte.
mardi 24 août 2010
Détour par la librairie d'Harvard
Par un samedi radieux, nous sommes partis explorer Cambridge (ville dans laquelle se trouve les très prestigieux Harvard University et MIT). Après avoir arpenté pendant quelques minutes les campus verdoyants, nous avons opté pour une visite détendue de la ville qui a inclus, je l'admets, un détour obligé par le Harvard Book Store, un croisement entre la bibliothèque universitaire à l'air raréfié et la librairie indépendante gorgée de trésors. Difficile de résister, surtout à la section musique assez touffue (j'aurais aussi bien pu céder à la section philosophie, histoire de l'art, études anciennes... vous avez compris le principe, je pense!).
Comme je ne prévois pas d'arrêt à Harvard dans les prochains mois, il fallait donc saisir l'occasion au vol et mettre la main sur quelques titres. Côté pratique, j'ai opté pour Note by Note, A Celebration of the Piano Lesson de Tricia Tunstall. Après tout, c'est la rentrée dans quelques jours, tout ressourcement ne peut être que positif. Côté inspiration, j'ai opté pour l'essai de Daniel Barenboïm, Music Quickens Time, qui traite de l'importance que la musique devrait avoir dans nos vie. J'ai aussi ramassé pour un ami une biographie d'un de ses compositeurs favoris (au cas où il passe ici, je n'en dis pas plus pour l'instant) et, histoire de rigoler un peu (jaune parfois), Lexicon of Musical Invective de Nicolas Slonimsky, un livre qui répertorie certaines critiques incendiaires.
Un exemple, au sujet de Debussy (en plus, le livre propose les citations dans la langue originale et en traduction, je vois déjà là une mine d'or potentielle pour mes notes de programme futures), pour vous donner le ton.
Comme je ne prévois pas d'arrêt à Harvard dans les prochains mois, il fallait donc saisir l'occasion au vol et mettre la main sur quelques titres. Côté pratique, j'ai opté pour Note by Note, A Celebration of the Piano Lesson de Tricia Tunstall. Après tout, c'est la rentrée dans quelques jours, tout ressourcement ne peut être que positif. Côté inspiration, j'ai opté pour l'essai de Daniel Barenboïm, Music Quickens Time, qui traite de l'importance que la musique devrait avoir dans nos vie. J'ai aussi ramassé pour un ami une biographie d'un de ses compositeurs favoris (au cas où il passe ici, je n'en dis pas plus pour l'instant) et, histoire de rigoler un peu (jaune parfois), Lexicon of Musical Invective de Nicolas Slonimsky, un livre qui répertorie certaines critiques incendiaires.
Un exemple, au sujet de Debussy (en plus, le livre propose les citations dans la langue originale et en traduction, je vois déjà là une mine d'or potentielle pour mes notes de programme futures), pour vous donner le ton.
« La musique récente me fait l'effet d'une momie richement ornée, mais ne gardant l'apparence humaine qu'à grand renfort d'ingrédients. Ce n'est de la composition, c'est de la décomposition. La musique de Debussy a la grâce d'une jolie poitrinaire, aux regards languissants, aux gestes anémiés et dont la perversité a le charme de ce qui est frappé de mort. Une symphonie, un morceau, sont un organisme. L'organisme Debussy rappelle celui de méduses dont la substance translucide s'irise brillamment aux rais du soleil à fleur de la vague, mais qui ne seront jamais que des protozoaires. » (Alfred Mortier, Rubriques Nouvelles, Paris, décembre 1909)Le lendemain, j'étais dans un tout autre registre, puisque je suis allée à Concord (oui, comme dans la Concord Sonata de Charles Ives), là où le mouvement transcendantaliste américain a pris naissance. J'ai pu visiter la cabane qui a abrité Henry David Thoreau lors de la rédaction de son mythique Walden et le dit lac (nommé Walden Pound mais qui n'a rien d'un étang), qui vient de remonter illico au top niveau dans ma PAL. (Je vous glisse ici quelques photos du home de l'auteur.)
vendredi 20 août 2010
Il n'y a pas de hasard...
Après quelques heures de route, je suis arrivée chez mon amie qui habite en banlieue de Boston. Je n'ai pu m'empêcher de sourire en découvrant la chambre qu'elle m'avait assignée pour mon séjour: une grande pièce ouverte, séparée en son centre... par une immense bibliothèque, des livres et des partitions la couvrant des deux côtés. Oui, bien sûr, le deux tiers des livres sont en allemand (et l'autre en anglais) mais, je ne sais pas pourquoi, je me sens parfaitement chez moi. Dans mes bagages, outre le livre de Fottorino: les textes sur la musique de Hesse. Dans de telles conditions, impossible de croire au hasard...
mercredi 18 août 2010
Bleu de Delft
Parfois, la lecture nous permet de nous évader. À d'autres moments, elle nous fait réfléchir. Dans Bleu de Delft. Archives de solitude, un séduisant abécédaire qui n'a rien de contraint, Louise Warren nous fait voyager dans les méandres de la création, du geste. Si elle emprunte parfois des sentiers balisés, elle préfère de beaucoup saisir l'instant au vol, le décortiquer, lui rendre une autre dimension, le sortir de sa gangue pour en offrir la quintessence. On a ainsi droit à une dissertation très touffue sur la présence de Van Gogh dans l'œuvre de Jacques Poulin, de jolies pages sur la mélancolie comme moteur d'inspiration, sur l'importance de privilégier la lenteur, aussi bien dans l'écriture que dans la façon dont on perçoit le monde qui nous entoure...
J'ai dispersé ici et là plusieurs post-it de passages à recopier, à méditer. J'en partage un avec vous ici.
J'ai dispersé ici et là plusieurs post-it de passages à recopier, à méditer. J'en partage un avec vous ici.
MATIÈRE
Ce que je lis, je pourrais le comparer à du compost. De la philosophie, de la poésie, des albums pour enfants, des essais, des mystiques, des baroques, tout cela j'en suis certaine se dépose au fond de moi, se mélange à ma langue.
J'ai toujours cru que toute cette matière invisible que nous laisse la lecture s'organise, se transforme, afin de se préparer au lent travail de transfiguration que produit la pensée.
dimanche 15 août 2010
Onze petites trahisons
On possède souvent les défauts de ses qualités. Agnès Gruda démontre depuis des années la maîtrise qu’elle a atteinte dans son travail de journaliste : saisir l’élément déclencheur, structurer un texte, transmettre le message de façon directe et précise, interpeller, convaincre, toucher le lecteur. Ces qualités se prêtent-elles à l’univers de la nouvelle? Pas toujours, si l’on se fie à son premier recueil, Onze petites trahisons.
À n’en pas douter, Agnès Gruda sait, avec une précision remarquable, toucher au point de bascule (pour citer le titre d’une de ses nouvelles à la prémisse assez originale). Tapie dans l’ombre, elle attend la chute, le moment charnière, après lequel plus rien ne sera jamais pareil. Elle dissèque, articule, laisse parfois pantoise comme dans Un prénom simple (d’une redoutable efficacité) ou place sous une loupe grossissante comme dans Un collier de perles (à la fois triste et tendre) ou Le jeu des statues (qui m’a rappelé l’atmosphère du film d’Ang Lee The Ice Storm). Dans d’autres cas, pourtant, elle laisse le lecteur sur le pont.
En ouverture de recueil, L’attente (dans laquelle une femme guette, avec un certain égoïsme, la mort de sa mère) m’a laissée vaguement indifférente et Le regard extérieur m’a paru cousue de fils blancs. La promesse, certes charmante pour tout propriétaire d’animal de compagnie, n’avait pas vraiment sa place ici, ni Pour qui elle se prend, derrière laquelle j’ai beaucoup trop senti la journaliste indignée. (Oui, notre système de santé est perclus de failles, mais pourquoi tenter de défendre cette thèse à l’aide de personnages aussi antipathiques?) Des nouvelles de la haine m’a suffisamment happée par contre pour souhaiter que l’auteure ait tiré du sujet un roman. Dans ce texte plus long, foisonnant, Agnès Gruda démontre qu’elle a du souffle mais surtout qu’elle sait jumeler avec succès petite et grande histoires. Peut-être devrait-elle plutôt fouler cette route lors de son deuxième opus…
Les autres collaborateurs de La Recrue y ont été plus sensibles. Vous pouvez lire leurs commentaires ici...
À n’en pas douter, Agnès Gruda sait, avec une précision remarquable, toucher au point de bascule (pour citer le titre d’une de ses nouvelles à la prémisse assez originale). Tapie dans l’ombre, elle attend la chute, le moment charnière, après lequel plus rien ne sera jamais pareil. Elle dissèque, articule, laisse parfois pantoise comme dans Un prénom simple (d’une redoutable efficacité) ou place sous une loupe grossissante comme dans Un collier de perles (à la fois triste et tendre) ou Le jeu des statues (qui m’a rappelé l’atmosphère du film d’Ang Lee The Ice Storm). Dans d’autres cas, pourtant, elle laisse le lecteur sur le pont.
En ouverture de recueil, L’attente (dans laquelle une femme guette, avec un certain égoïsme, la mort de sa mère) m’a laissée vaguement indifférente et Le regard extérieur m’a paru cousue de fils blancs. La promesse, certes charmante pour tout propriétaire d’animal de compagnie, n’avait pas vraiment sa place ici, ni Pour qui elle se prend, derrière laquelle j’ai beaucoup trop senti la journaliste indignée. (Oui, notre système de santé est perclus de failles, mais pourquoi tenter de défendre cette thèse à l’aide de personnages aussi antipathiques?) Des nouvelles de la haine m’a suffisamment happée par contre pour souhaiter que l’auteure ait tiré du sujet un roman. Dans ce texte plus long, foisonnant, Agnès Gruda démontre qu’elle a du souffle mais surtout qu’elle sait jumeler avec succès petite et grande histoires. Peut-être devrait-elle plutôt fouler cette route lors de son deuxième opus…
Les autres collaborateurs de La Recrue y ont été plus sensibles. Vous pouvez lire leurs commentaires ici...
vendredi 13 août 2010
Le violon noir
Neige m'a suffisamment envoûtée que j'ai fait un détour par le rayon des F lors de ma dernière visite à la Bibliothèque Nationale pour mettre la main sur Le violon noir. Après tout, comment résister à une histoire « musicale », dans laquelle les deux personnages principaux sont un violoniste prodige et un luthier, dans la Venise de la fin du 18e siècle?
Déjà, après le premier paragraphe, j'étais sous le charme.
J'étais donc prête à plonger dans cet univers de musique, de questionnement face à elle (le violoniste doit abandonner l'instrument pour devenir militaire), d'amours sublimées par l'art (le luthier a souhaité rendre hommage à la femme aimée en créant ce violon noir, dont la sonorité se rapprochait de la voix humaine), en chapitres courts, série d'amorces de phrases musicales qui laissent plus de place au silence qu'au mot.
Mais - parce qu'il y a un mais - l'enchantement n'a pas totalement fonctionné ou, du moins, de façon beaucoup moins organique qu'avec Neige. Peut-être attendais-je trop du livre? S'il avait été lu avant Neige, aurais-je été aussi critique? Peut-être aussi que le souvenir du style bien particulier de l'auteur était encore trop présent en mon esprit? J'ai aimé l'histoire, j'ai adoré me plonger dans les ors et les fastes de la Venise soumise au contrôle de Napoléon, de nombreuses images me sont venues à l'esprit en lisant ces pages mais je n'ai pas entendu cette petite musique, celle qui ensorcelle, qui berce, qui continue de résonner une fois le livre refermé.
Par contre, cette lecture confirme mon souhait de mettre sur pied un swap musique et littérature pour la Sainte-Cécile (22 novembre). J'aime quand la musique joue un rôle dans les livres autant que quand les mots inspirent les musiciens. En seriez-vous?
Déjà, après le premier paragraphe, j'étais sous le charme.
« Par une curieuse inclination d'esprit qui confinait parfois à la folie, Johannes Karelsky n'eut jamais d'autre but dans l'existence que de changer sa vie en musique. En d'autres termes, son âme était une partition inachevée qu'il déchiffrait chaque jour avec un peu plus de génie. »
J'étais donc prête à plonger dans cet univers de musique, de questionnement face à elle (le violoniste doit abandonner l'instrument pour devenir militaire), d'amours sublimées par l'art (le luthier a souhaité rendre hommage à la femme aimée en créant ce violon noir, dont la sonorité se rapprochait de la voix humaine), en chapitres courts, série d'amorces de phrases musicales qui laissent plus de place au silence qu'au mot.
Mais - parce qu'il y a un mais - l'enchantement n'a pas totalement fonctionné ou, du moins, de façon beaucoup moins organique qu'avec Neige. Peut-être attendais-je trop du livre? S'il avait été lu avant Neige, aurais-je été aussi critique? Peut-être aussi que le souvenir du style bien particulier de l'auteur était encore trop présent en mon esprit? J'ai aimé l'histoire, j'ai adoré me plonger dans les ors et les fastes de la Venise soumise au contrôle de Napoléon, de nombreuses images me sont venues à l'esprit en lisant ces pages mais je n'ai pas entendu cette petite musique, celle qui ensorcelle, qui berce, qui continue de résonner une fois le livre refermé.
Par contre, cette lecture confirme mon souhait de mettre sur pied un swap musique et littérature pour la Sainte-Cécile (22 novembre). J'aime quand la musique joue un rôle dans les livres autant que quand les mots inspirent les musiciens. En seriez-vous?
mardi 10 août 2010
Le Concert
Le film avait beaucoup fait parler de lui lors de sa sortie européenne et j’avais très hâte de découvrir si les vivats étaient mérités. (Je me méfie parfois des engouements massifs.) J’ai donc saisi la première occasion possible au retour de mes vacances pour me glisser en salle pour voir Le Concert, film de Radu Mihaileanu. J'admets que, le moment venu d'acheter mon billet, j'ai trouvé particulièrement délicieux le paradoxe d'annoncer « un billet pour le concert ». En tout autre circonstance, je me serais fait demander: « Oui, bien sûr, mais lequel? »
Vous pouvez lire ma critique du film sur le blogue Analekta, ici...
Vous pouvez lire ma critique du film sur le blogue Analekta, ici...
dimanche 8 août 2010
Autoportrait au radiateur
Les relectures, à dix ans d'écart, ont ceci de fascinant qu'elles offrent un tout autre regard sur un livre. J'ai toujours lu Christian Bobin. (Peut-être devrais-je plutôt écrire « je lis Christian Bobin depuis toujours. ») Même quand, autrefois, je diluais certaines de mes lectures dans un certain registre disons plus mièvre (oui, j'ai eu ma phase Paulo Coehlo, je plaide coupable), j'ai toujours savouré les pages de Bobin, parce qu'elles permettaient de revenir à un essentiel, à quelque chose qui ressemble à la quintessence du quotidien même. Je connais peu d'auteurs qui soient capables en aussi peu de mots de saisir l'instant dans sa magie. On ne lit pas Bobin pour plonger dans une trame narrative mais pour ces moments bénis où il façonne les phrases comme un joaillier manie les métaux précieux.
Juste avant que je parte en vacances, il a été question de Bobin, alors que deux amis partageaient lors d'une soirée leur livre préféré de l'auteur. Une entente immédiate, une reconnaissance d'une certaine façon: « Autoportrait au radiateur », suivi d'un profond soupir de part et d'autre. Je me rappelais l'avoir lu mais le souvenir demeurait des plus ténus (contrairement par exemple à Geai ou à La plus que vive). Quand un des deux a glissé sa copie du livre catharsis écrit après la mort de son aimée dans mon sac, je me suis dit que j'avais besoin de le relire.
Avec les années, le côté « chrétien » de Bobin me laisse de marbre (je n'avais pas besoin ici de référence à Ste-Thérèse d'Avila ou à la puissance de Dieu, même s'il est question de vie après la mort, non pas résurrection mais vie de ceux qui restent) mais son regard sur le quotidien, la vie, la mort, l'art, Mozart, jamais... Je viens de retranscrire deux pleines pages de citations, que je viens de transmettre à mon ami qui, lui aussi, d'une certaine façon, ainsi, pourra relire le livre... mais à travers mon regard.
Juste avant que je parte en vacances, il a été question de Bobin, alors que deux amis partageaient lors d'une soirée leur livre préféré de l'auteur. Une entente immédiate, une reconnaissance d'une certaine façon: « Autoportrait au radiateur », suivi d'un profond soupir de part et d'autre. Je me rappelais l'avoir lu mais le souvenir demeurait des plus ténus (contrairement par exemple à Geai ou à La plus que vive). Quand un des deux a glissé sa copie du livre catharsis écrit après la mort de son aimée dans mon sac, je me suis dit que j'avais besoin de le relire.
Avec les années, le côté « chrétien » de Bobin me laisse de marbre (je n'avais pas besoin ici de référence à Ste-Thérèse d'Avila ou à la puissance de Dieu, même s'il est question de vie après la mort, non pas résurrection mais vie de ceux qui restent) mais son regard sur le quotidien, la vie, la mort, l'art, Mozart, jamais... Je viens de retranscrire deux pleines pages de citations, que je viens de transmettre à mon ami qui, lui aussi, d'une certaine façon, ainsi, pourra relire le livre... mais à travers mon regard.
« Bienfaisante est la littérature éternelle et cette manie qu’elle a de nous parler à bas bruit, à bruit de source. Merveilleuse la croyance autour de laquelle elle sécrète ses histoires, comme le lierre autour de son arbre : tant que quelqu’un nous parle, mourir est impossible. » (p. 159)
jeudi 5 août 2010
Changer de tempo
Le temps file à une vitesse folle, qu'on s'amuse beaucoup... ou un peu moins, comme mon retour au travail me le fait sentir depuis un peu plus de 24 heures (les joies du travailleur autonome en demande, j'imagine). C'est un peu comme si tous mes contacts professionnels s'étaient réveillés d'un plus ou long sommeil d'un seul coup. Un alignement de planètes bien particulier peut-être? On m'a notamment déjà réservée pour décembre (un concert saxophone et piano) et... mai (trois conférences pré-concert)! Étrange impression d'entrer dans un tunnel temporel...
Depuis mon retour, beaucoup moins de temps pour lire, bien sûr, mais j'ai quand même pris le temps de retrouver mon piano qui, après une bouderie d'une journée, semble m'avoir pardonné ma désertion, heureusement! (Après les premières tentatives d'« approche », j'avais craint le pire.) Je l'admets humblement: j'aime la mer (énormément) , le soleil (jusqu'à un certain point, ma peau appréciant beaucoup moins les excès que jadis autrefois), la lecture sans pression (sans aucune réserve), le farniente (mais pas trop longtemps), les bons repas de poisson frais (miam...) mais... je m'ennuyais (beaucoup) de mon piano, peut-être pour la première fois de façon aussi criante. Je serais tentée de paraphraser Jean-Pierre Ferland: « Eh, boule de gomme, serais-tu devenue... une musicienne? »
Depuis mon retour, beaucoup moins de temps pour lire, bien sûr, mais j'ai quand même pris le temps de retrouver mon piano qui, après une bouderie d'une journée, semble m'avoir pardonné ma désertion, heureusement! (Après les premières tentatives d'« approche », j'avais craint le pire.) Je l'admets humblement: j'aime la mer (énormément) , le soleil (jusqu'à un certain point, ma peau appréciant beaucoup moins les excès que jadis autrefois), la lecture sans pression (sans aucune réserve), le farniente (mais pas trop longtemps), les bons repas de poisson frais (miam...) mais... je m'ennuyais (beaucoup) de mon piano, peut-être pour la première fois de façon aussi criante. Je serais tentée de paraphraser Jean-Pierre Ferland: « Eh, boule de gomme, serais-tu devenue... une musicienne? »
lundi 2 août 2010
Mer et livres
De retour de dix jours particulièrement ensoleillés et chauds à se brûler la plante des pieds sur le sable (le mercure ayant affiché jusqu'à 44 avec l'index Humidex, malgré les vents marins). La température de l'eau semblait aussi imprévisible que le cours de l'essence, passant de la morsure au mollet au très agréable, parfois même à l'intérieur de quelques heures.
Alors, au final, qu'aurais-je eu le temps de lire? La question vous a sans aucun doute traversé l'esprit. J'ai amorcé le périple avec un livre « maritime » signé Olivier Adam, Des vents contraires, qui sentait bon le vent du large, celui de Saint-Malo plus précisément. L'histoire est tragique (un père de deux jeunes enfants doit réapprendre à vivre après le départ inexpliqué de sa femme) mais narrée avec une tendresse remarquable. J'ai dû m'adapter au style de l'auteur (une manipulation qui laisse parfois perplexe de la ponctuation notamment) mais, rapidement, je m'y suis coulée et me suis laissée emporter par cette histoire toute en demi-teintes. (Et, fait amusant, une énorme vague a littéralement ramassé mon exemplaire, heureusement en poche et pas un livre de la bibliothèque. Il a conservé un gondolement presque sympathique, surtout considérant l'importance de l'océan dans le propos. Quand la réalité dépasse la fiction...)
Je suis passée ensuite à un registre autre, celui des nouvelles de Les gens fidèles ne font pas les nouvelles (quel titre savoureux!) de Nadine Bismuth, dont j'avais beaucoup aimé jadis Scrapbook. J'ai retrouvé l'œil alerte de l'auteure, très forte pour capter les infimes changements dans une situation en apparence statique. Elle traite ici aussi bien des doutes amoureux enfantins que des non-dits de couples dans la cinquantaine ou du quotidien d'un vieux couple dont la femme attend de façon presque désespérée la visite des enfants devenus grands en farcissant le congélateur de petits plats. Un livre mémorable? Peut-être pas mais un agréable moment néanmoins.
Après cet opus en (relative) légèreté, j'étais prête à attaquer un livre plus dense, repéré à sa sortie il y a deux ans, qui a croisé ma route « par hasard » lors d'un périple à la Bibliothèque nationale récemment, Élégie pour Américain de Siri Hustvedt. J'avais beaucoup aimé Tout ce que j'aimais mais je me rappelais que j'avais dû m'accrocher avant de pouvoir plonger réellement, l'auteure optant pour le foisonnement, les références fouillées (ici, psychanalytiques, le narrateur pratiquant ce métier), les histoires emboitées et un rythme qui tient plus du ressac que de la ligne droite. Oui, un effort est exigé du lecteur mais, une fois celui-ci assumé, le voyage intérieur au cœur des tiroirs secrets de cette famille du Midwest américain en vaut amplement la peine et force aux questionnements.
J'ai opté pour un petit livre après, Le canapé rouge de Michèle Lesbre, dont j'avais lu beaucoup de bien à sa sortie et qui s'était retrouvé dans ma PAL en format poche il y a quelques mois. Grand coup de cœur pour ce voyage aux niveaux multiples, aussi bien physique (alors que la narratrice se rend au Lac Baïkal sur les traces d'un ancien amant) que moral (alors qu'elle revisite amitiés et amours) qu'historique (puisqu'elle raconte quelques pans de la vie de femmes importantes à l'une de ses voisines).
Transition qui m'a semblé « naturelle » ensuite, puisqu'il était question de Milena Jesensk, je suis passée à la Lettre au père de Kafka, que je terminerai aujourd'hui, livre qu'un ami proche avait glissé (à ma requête) dans mes bagages. Il est fascinant de lire un texte qu'un ami considère essentiel dans son parcours parce que, bien sûr, la lecture en est teintée, chargée même. En me glissant dans les lignes de Kafka, je peux deviner sans aucune difficulté quels passages ont dû l'interpeller plus particulièrement, l'ont même bouleversé. De plus, la lecture de ce texte lui avait été suggérée par une connaissance commune, ce qui me permet là aussi d'établir d'autres projections, nettement plus floues, puisque mon lien avec cette personne n'a été qu'épisodique.
Je reprends le boulot après-demain et profiterai de l'entre-deux pour retrouver mon piano, pas exactement ravi de me retrouver hier après l'absence. Mais, une chose à la fois...
Alors, au final, qu'aurais-je eu le temps de lire? La question vous a sans aucun doute traversé l'esprit. J'ai amorcé le périple avec un livre « maritime » signé Olivier Adam, Des vents contraires, qui sentait bon le vent du large, celui de Saint-Malo plus précisément. L'histoire est tragique (un père de deux jeunes enfants doit réapprendre à vivre après le départ inexpliqué de sa femme) mais narrée avec une tendresse remarquable. J'ai dû m'adapter au style de l'auteur (une manipulation qui laisse parfois perplexe de la ponctuation notamment) mais, rapidement, je m'y suis coulée et me suis laissée emporter par cette histoire toute en demi-teintes. (Et, fait amusant, une énorme vague a littéralement ramassé mon exemplaire, heureusement en poche et pas un livre de la bibliothèque. Il a conservé un gondolement presque sympathique, surtout considérant l'importance de l'océan dans le propos. Quand la réalité dépasse la fiction...)
Je suis passée ensuite à un registre autre, celui des nouvelles de Les gens fidèles ne font pas les nouvelles (quel titre savoureux!) de Nadine Bismuth, dont j'avais beaucoup aimé jadis Scrapbook. J'ai retrouvé l'œil alerte de l'auteure, très forte pour capter les infimes changements dans une situation en apparence statique. Elle traite ici aussi bien des doutes amoureux enfantins que des non-dits de couples dans la cinquantaine ou du quotidien d'un vieux couple dont la femme attend de façon presque désespérée la visite des enfants devenus grands en farcissant le congélateur de petits plats. Un livre mémorable? Peut-être pas mais un agréable moment néanmoins.
Après cet opus en (relative) légèreté, j'étais prête à attaquer un livre plus dense, repéré à sa sortie il y a deux ans, qui a croisé ma route « par hasard » lors d'un périple à la Bibliothèque nationale récemment, Élégie pour Américain de Siri Hustvedt. J'avais beaucoup aimé Tout ce que j'aimais mais je me rappelais que j'avais dû m'accrocher avant de pouvoir plonger réellement, l'auteure optant pour le foisonnement, les références fouillées (ici, psychanalytiques, le narrateur pratiquant ce métier), les histoires emboitées et un rythme qui tient plus du ressac que de la ligne droite. Oui, un effort est exigé du lecteur mais, une fois celui-ci assumé, le voyage intérieur au cœur des tiroirs secrets de cette famille du Midwest américain en vaut amplement la peine et force aux questionnements.
J'ai opté pour un petit livre après, Le canapé rouge de Michèle Lesbre, dont j'avais lu beaucoup de bien à sa sortie et qui s'était retrouvé dans ma PAL en format poche il y a quelques mois. Grand coup de cœur pour ce voyage aux niveaux multiples, aussi bien physique (alors que la narratrice se rend au Lac Baïkal sur les traces d'un ancien amant) que moral (alors qu'elle revisite amitiés et amours) qu'historique (puisqu'elle raconte quelques pans de la vie de femmes importantes à l'une de ses voisines).
Transition qui m'a semblé « naturelle » ensuite, puisqu'il était question de Milena Jesensk, je suis passée à la Lettre au père de Kafka, que je terminerai aujourd'hui, livre qu'un ami proche avait glissé (à ma requête) dans mes bagages. Il est fascinant de lire un texte qu'un ami considère essentiel dans son parcours parce que, bien sûr, la lecture en est teintée, chargée même. En me glissant dans les lignes de Kafka, je peux deviner sans aucune difficulté quels passages ont dû l'interpeller plus particulièrement, l'ont même bouleversé. De plus, la lecture de ce texte lui avait été suggérée par une connaissance commune, ce qui me permet là aussi d'établir d'autres projections, nettement plus floues, puisque mon lien avec cette personne n'a été qu'épisodique.
Je reprends le boulot après-demain et profiterai de l'entre-deux pour retrouver mon piano, pas exactement ravi de me retrouver hier après l'absence. Mais, une chose à la fois...
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