Les voyages ont ceci de particulier (et de formidable) qu'ils déstabilisent entièrement votre horaire, que ce soit la semaine de votre périple lui-même, celle qui précède (passée à courir) ou celle qui suit (passée à rattraper les impondérables). Cela donne une drôle d'impression de compression ou de dilatation du temps, selon le moment de la journée choisi pour s'y arrêter.
Alors, cinq jours plus tard, qu'en reste-t-il? Des images d'expos (Munch à Pompidou, Beauté, morale et volupté dans l'Angleterre d'Oscar Wilde au Quai d'Orsay, Cézanne et Paris au Palais du Luxembourg, Les expressionnistes allemands à la Pinacothèque, le Musée des instruments de musique à la Cité de la musique), des lieux, des sourires d'amis plein la tête, auxquelles se superposent des trames sonores typées, de Beethoven à Reich, en passant par Lulu de Berg, Chopin, Schumann, Elvis et Quilapayun), différentes selon les jours et heures. J'extraie ici deux moments forts, histoire de prolonger un tant soit peu l'instant.
Quelques heures à peine après mon arrivée en sol français - et après une sieste de 45 minutes -, je me suis dirigée vers la salle Pleyel pour entendre Pollini. J'avais déjà fait le voyage plus ou moins pour lui il y a deux ans, il me semblait naturel d'une certaine façon de le retrouver, dans son cycle « Perspectives ». D'entrée de jeu, il a fait preuve d’une belle poésie dans la création de Manzoni (pour voix, alto, clarinette, piano et percussions) qui comprenait plusieurs solos en douceur du piano, mais ce n'était là qu'une entrée en matière, avant la traversée de trois sonates de Beethoven, opus 53, 54 et 57. Un instant ou deux, j'ai eu peur que le rendez-vous ne soit raté. En effet, son premier mouvement de la « Waldstein » était précipité et nous avons eu droit à quelques glissements et imprécisions (Pollini qui avale les notes plutôt qu'il ne les partage) puis tout s’est replacé dans le mouvement lent, particulièrement expressif. Le finale était subtil et, encore et toujours, d’une facilité déconcertante (notamment les glissandis de sixtes à la fin).
J’ai ensuite découvert la très courte sonate opus 54, que - haro sur moi! - je n’avais apparemment jamais entendu en entier (seulement le premier mouvement) et ai pu apprécier une énergie digne de Scarlatti dans le second mouvement. Malgré son expression plus concentrée, j'ai été renversée de découvrir qu'on y retrouvait le même travail sur la décomposition d’accords, si typique du compositeur (et toujours aussi maîtrisée), que dans ses voisines.
L’Appassionata restera le moment fort du concert. J’aurais aimé que Pollini prenne le mouvement central un peu moins rapidement, mais sinon, c’était là du grand Beethoven, qui justifiait le prix du billet, le voyage et l’absence de sommeil. Quel grand artiste, encore et toujours, malgré son côté parfois un peu plus froid, reproché bien souvent et quelle élégance racée. De longues minutes d’ovation (il est revenu cinq fois sur scène saluer) mais pas de rappel. En même temps, que peut-on ajouter après une telle somme? Toute note supplémentaire aurait probablement été de trop.
Dans un tout autre registre, je dois parler de ma visite du domaine de
George Sand à Nohant. Quelle émotion de fouler le sol même qui avait
accueilli Chopin, Delacroix, Flaubert, Dumas fils, tous invités de
George Sand. En compagnie d'une guide passionnée par l'histoire d'amour
entre George et Frédéric - et d'un car rempli de Polonais, venus sans
doute d'une certaine façon en pèlerinage -, j'ai ainsi visité le salon,
la salle à manger, la cuisine, la chambre de George, celle des
petites-filles de George (qui continuait de l’habiter même dans la
trentaine), les deux théâtres (dont un de marionnettes), la chambre
qu'occupait Delacroix quand il venait en visite.
Celle de Chopin (bien
plus grande que celle de George, mais qui contenait deux pianos Pleyel),
avec sa porte traitée au crin de cheval pour couper les sons ambiants
de la maisonnée, a été scindée en deux par après coup et transformée en
bureau de travail et bibliothèque, mais elle possédait deux immenses
fenêtres (photo), qui donnaient sur le sud, desquelles il pouvait entendre la
diligence passer et rêver par exemple que sa sœur débarquait. (Elle a
passé un mois à Nohant avec son mari après la mort de leur mère mais n’y
est jamais retournée.) Je me suis ensuite promenée dans le verger, ai
avalé une pomme (provenait-elle d'un arme qui avait donné des fruits il y
a près de 200 ans?), en ai profité pour faire quelques clichés et suis
revenue autre, consciente que ce détour par la campagne berrichonne
était impératif.
4 commentaires:
aaahhh mais quel magnifique programme! ces expos, Pollini en concert, cette balade... c'est super!
Non, rien, je ne regrette rien ;-)
Magnifique moment... Je rêve, maintenant!
Rêve, Lali, rêve! :)
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