dimanche 15 août 2010

Onze petites trahisons

On possède souvent les défauts de ses qualités. Agnès Gruda démontre depuis des années la maîtrise qu’elle a atteinte dans son travail de journaliste : saisir l’élément déclencheur, structurer un texte, transmettre le message de façon directe et précise, interpeller, convaincre, toucher le lecteur. Ces qualités se prêtent-elles à l’univers de la nouvelle? Pas toujours, si l’on se fie à son premier recueil, Onze petites trahisons.

À n’en pas douter, Agnès Gruda sait, avec une précision remarquable, toucher au point de bascule (pour citer le titre d’une de ses nouvelles à la prémisse assez originale). Tapie dans l’ombre, elle attend la chute, le moment charnière, après lequel plus rien ne sera jamais pareil. Elle dissèque, articule, laisse parfois pantoise comme dans Un prénom simple (d’une redoutable efficacité) ou place sous une loupe grossissante comme dans Un collier de perles (à la fois triste et tendre) ou Le jeu des statues (qui m’a rappelé l’atmosphère du film d’Ang Lee The Ice Storm). Dans d’autres cas, pourtant, elle laisse le lecteur sur le pont.

En ouverture de recueil,  L’attente (dans laquelle une femme guette, avec un certain égoïsme, la mort de sa mère) m’a laissée vaguement indifférente et Le regard extérieur m’a paru cousue de fils blancs. La promesse, certes charmante pour tout propriétaire d’animal de compagnie, n’avait pas vraiment sa place ici, ni Pour qui elle se prend, derrière laquelle j’ai beaucoup trop senti la journaliste indignée. (Oui, notre système de santé est perclus de failles, mais pourquoi tenter de défendre cette thèse à l’aide de personnages aussi antipathiques?) Des nouvelles de la haine m’a suffisamment happée par contre pour souhaiter que l’auteure ait tiré du sujet un roman. Dans ce texte plus long, foisonnant, Agnès Gruda démontre qu’elle a du souffle mais surtout qu’elle sait jumeler avec succès petite et grande histoires. Peut-être devrait-elle plutôt fouler cette route lors de son deuxième opus…

Les autres collaborateurs de La Recrue y ont été plus sensibles. Vous pouvez lire leurs commentaires ici...

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