dimanche 24 octobre 2010

De l'arrogance

Au quotidien, j'écoute aussi bien de très grandes interprétations que les balbutiements d'apprentis pianistes. Bien sûr, mon oreille ne réagit pas de la même manière, qu'elle doive analyser le souffle d'un jeu inspiré ou la rectitude d'un passage d'une sonate de Mozart. (L'exemple est peut-être boiteux, mes élèves avancés vous avoueront qu'ils craignent de jouer Mozart devant moi, car je ne tolère aucun écart... Que voulez-vous,«  je l'aime trop, cet homme », comme disait Haydn.) Tout cela pour dire que, oui, parfois, je peux apprécier un travail imparfait et suis capable de me concentrer sur les passages réussis plutôt que sur le travail à accomplir et que, bien sûr, même les amateurs peuvent me faire vibrer.

L'autre soir, je suis allée au concert avec un ami. Non, je ne vous dirai pas où, ni qui, simplement ceci: on parle d'un nom, de quelqu'un qui a remporté des prix. Je ne l'avais jamais entendu, me préparais à une rencontre, à la découverte. Et là, choc brutal. Il n'a de musicien que le nom, ou du moins celui qu'il essaie de nous faire croire sien. Aucune complicité, aucun dialogue avec les musiciens qui l'accompagnent, un vague dégout pour le public, une technique approximative, une intelligence musicale déficiente, une sonorité quelconque. Mais surtout, une arrogance crasse, inexplicable, inacceptable. Les premières minutes, on se dit qu'il n'est pas réchauffé, que le trac le paralyse. Après deux pièces, on réalise que, non, c'est vraiment son jeu, que la structure musicale ne s'érigera pas, que nous sommes captifs d'une étrange et malsaine séance de voyeurisme, à la limite de l'indécence. A-t-on besoin d'assister à une séance de masturbation musicale quand tant d'autres interprètes ont quelque chose à dire, à transmettre, à partager? Dépités, nous nous sommes joints à l'exode massif entre deux pièces. La musique n'a rien à voir avec cette démonstration stérile, vile, inutile.

5 commentaires:

Unknown a dit…

Il a quand même eu droit à un billet !

Lucie a dit…

Tu as raison, peut-être aurais-je dû l'ignorer... mais je ne lui ferai certes pas le plaisir de dévoiler son nom.

Adrienne a dit…

pourquoi ne pas dire le nom de quelqu'un qui a été très mauvais? tu crois que tu lui ferais "plaisir" ou de la publicité en le disant?

Klari a dit…

Je crois qu'on se sent un peu sali quand on critique un musicien vraiment trop mauvais. Surtout quand il est si mauvais que c'est plus un imposteur qu'autre chose ?

Je sors d'un concerto pr piano de Mozart (le 20!!) tellement massacré que j'ai été soulagée quand il s'est terminé. TU décris très très bien ce que j'ai ressenti aussi. Mais le reste du concert était excellent !!

Lucie a dit…

Adrienne: je t'avais répondu il y a des jours déjà mais ça n'apparait pas. :(
J'ai choisi de ne pas donner son nom car il est tout à fait du genre à se vanter que, comme d'habitude, les médias n'ont rien compris à sa « démarche artistique ». Son site Internet est particulièrement explicite là-dessus.

Klari: tu as raison, on se sent sali. Floué, d'abord, puis comme si on subissait le tout (ça me fait penser à Orange mécanique). J'étais tellement sidérée que j'ai sorti mon calepin pour noter mon état d'esprit et le faire passer à l'ami qui m'accompagnait qui ressentait l'« affront » exactement de la même façon. C'était la première fois de ma vie que je sortais d'un concert en plein milieu, c'est dire.