vendredi 22 octobre 2010

Une enfance balte

Je ne suis pas très autobiographie, autant l'admettre ici, sauf en de très rares occasions. Ayant à rédiger un article sur Gidon Kremer, j'ai souhaité me documenter et ai constaté qu'un de ses quatre livres, Une enfance balte, était traduit en français... et disponible à la Bibliothèque nationale! Je pensais faire une lecture très en diagonale de la chose, repérer quelques moments-clé de son enfance musicale, peut-être tomber sur un passage où il parlait d'Oïstrakh mais j'ai fini par succomber entièrement au récit et ai avalé le tout comme si c'était un roman.

La première partie du récit s'arrête aux premières années du jeune Gidon (de 3 à 18 ans), la seconde reprend des extraits de son journal d'adolescence. Si, bien évidemment, les passages plus anciens ne possèdent peut-être pas une très grande valeur littéraire, il est tout de même fascinant de tomber sur les interrogations artistiques de Kremer qui, si j'en crois l'entretien qu'il m'a accordé, est vraiment resté très proche de ses convictions.

Par exemple, le 9 juillet 1963 (il a alors 16 ans), il réfléchit sur la place qu'un travail constant doit occuper dans une vie d'artiste.
« a) On ne peut atteindre que par le travail cet état dans lequel on ressent les grandes visions. Pour moi, la vie est dans ce que l’on ressent.
b)Travailler dans le domaine artistique signifie faire preuve d’une grande énergie. Si elle fait défaut, on doit se consacrer à une autre activité.
Je ne pourrais vivre sans le violon, mais peut-être n’est-ce que le fruit de l’habitude? … Mais être fait d’habitudes est grave (pas de fleurs, pas d’admirateurs, etc.)
Mais puis-je vraiment devenir un artiste? Les grands artistes sont-ils satisfaits d’eux-mêmes? Vraisemblablement, mais rarement (moi, en tout cas), et même ces rares instants exigent un travail colossal. En qu’en est-il quand on devient vieux? Non, il vaut mieux ne pas y penser. Je dois tendre, de tout mon Moi, vers ce qu’il y a de plus haut, sinon, j’en mourrai!
 Quelques mois plus tard, le 24 octobre, il écrit:
« J’aime chaque jour davantage la musique et l’art. (Seulement, je ne devrais pas oublier que je ne suis pas le seul à les aimer!)
Il faut arriver à dépasser ce qui est difficile pour atteindre la simplicité, autrement dit le naturel, non la simplification.
Des œuvres qui ne reflètent que des interrogations propres à leur temps (même bonnes) ont une longévité limitée et deviennent des œuvres de musée. C’est plutôt la vie qui émeut les gens.
Le 8 octobre, mon premier concert animé d’une véritable émotion créative. Quel régal de jouer lorsqu’on vous écoute, lorsqu’on est capable d’exprimer ce que l’on ressent! »
 J'aime ces artistes qui dénoncent le statu quo et refusent l'immobilisme...

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