dimanche 3 novembre 2013

Ludwig

Une BD symphonique autour de l'un des compositeurs les plus mythiques... que voilà une offrande originale et combien magistralement réalisée. En janvier dernier, je m'entretenais avec Christian Quesnel, l'auteur et illustrateur, lors d'un vernissage mettant notamment en lumière quelques-unes des planches qui constitueraient l'album publié ces jours-ci par Art Gloobal et Neige-galerie. J'avais été frappée par la fougue avec laquelle il me parlait de cet amour qu'il portait - qu'il semble avoir porté de tout temps ou presque - à Beethoven, de la façon dont son récit s'articulerait de façon musicale, que les images répondraient à la partition, que celle-ci deviendrait au fond souffle narrateur.

Sur le coup, l'explication m'avait laissée perplexe. Comment un lecteur pourrait-il comprendre instinctivement le rythme que l'auteur avait souhaité insuffler à son album? Quand saurait-on qu'il fallait  tourner la page? Comment pouvait-on garder un lecteur captif d'une musique? La réponse est de fait beaucoup plus simple que je n'aurais pu l'imaginer: tout simplement grâce à des minutages inscrits en bas de page, qui nous servent d'indicateurs!

Bien sûr, le lecteur a le loisir de feuilleter la bande dessinée à son rythme, de se perdre dans une analyse concertée de chaque page, peut même lire l'album sans son support musical. Il peut aussi se faire son propre parcours, en laissant la musique lui inspirer sa prochaine tourne de page, lors de l'entrée du piano, lors du traitement orchestral en demi-teintes. L'extrait choisi, le premier mouvement du Concerto no 5 de Beethoven, « Empereur », interprété par l'Orchestre symphonique de Gatineau et la pianiste Marie-Charline Foccroulle, sous la direction d'Yves Léveillé, se prête admirablement au propos, avec sa multiplicité de textures, sa force dynamique, ses instants de poésie suspendue (propice à des dessins plus atmosphériques), la façon dont le tout relève plus de la symphonie avec piano (comme les concertos de Brahms) que du combat entre soliste et masse orchestrale.

L'esthétique du dessin de Quesnel se veut volontairement steampunk et son Beethoven n'est nullement un être désincarné, que l'on ne peut extraire de son époque, qui perdrait pied dans le 21e siècle.  Après tout, la musique du maître de Bonn reste aussi pertinente aujourd'hui que lors de sa création. Révolutionnaire alors, elle n'en est pas pour autant devenue banale aujourd'hui. Rares sont les compositeurs qui ont su ériger un édifice entier sur un simple accord comme sait le faire Beethoven. En même temps, ceux qui connaissent la vie du Grand Sourd retrouveront certains moments-clé: le dialogue Goethe-Beethoven lors du passage du roi (Goethe se courbant, mais Beethoven, trop fier, refusant de plier l'échine), l'enfance plus ou moins heureuse du compositeur, la présence de l'Immortelle bien-aimée (les musicologues et exégètes continuent de proposer l'une ou l'autre théorie pour éclaircir le mystère)... On y croise même Mozart en rock star (clin d’œil à Rock me Amadeus), le propos s'articulant plutôt de façon intemporelle qu'anachronique.

Le livre demeure un objet d'une grande beauté, entre la BD et le livre d'art, à la couverture rigide, que l'on voudrait peut-être laisser traîner sur la table en café, mais auquel on voudra revenir encore et encore, que l'on souhaitera mettre entre toutes les mains. Les textes, minimaux, histoire de laisser parler les œuvres d'art de Quesnel (difficile ici d'y référer seulement en termes de « planches ») sont également proposés en annexe en anglais et en allemand, ce qui permettra au livre de voyager plus facilement.


En attendant, ceux qui habitent Ottawa ou Gatineau pourront vivre l'expérience de Ludwig en concert samedi soir le 9 novembre à la Maison de la culture de Gatineau, lors d'un concert multimédia qui comprend l'interprétation du Cinquième Concerto (dans son intégralité) par Marie-Charline Foccroule et projection d'une série de 120 œuvres inédites intitulées La lettre à l’immortelle Bien-aimée, ainsi que la création d'une symphonie du compositeur Sébastien Tremblay, évocation de ce qu'aurait pu être la Dixième Symphonie de Beethoven. Plus de renseignements ici...

Une entrevue de Christian Quesnel à l'émission Catherine et Laurent peut être écoutée ici...


3 commentaires:

Anne a dit…

Bonjour, Lucie, je me permets d'insister pour que, quand tu déposes un lien sur l'article du challenge Des notes et des mots, tu notes bien aussi en entier le nom de l'auteur (ou artiste) et le titre de l'ouvrage (roman, BD, CD...). Tu ne le notes pas non plus dans ton propre billet, et j'ai bien du mal, comme pour cette BD, à déchiffrer le titre exact et le ou les auteurs. Et j'aime bien noter cela de manière claire (par respect pour les oeuvres et auteurs et pour ceux qui voudraient les références précises) Merci beaucoup !

Anne a dit…

Pardon, j'ai bien repéré l'auteur, Christian Quesnel,mais le titre exact ??? C'est "Ludwig" (indéchiffrable sur la couverture pour moi) ?

Lucie a dit…

Le titre de mon billet est le titre du livre: Ludwig. Désolée si ce n'était pas clair. L'image n'est pas la couverture du livre de fait, mais une des planches...