« Ce qu'on ne peut perdre, c'est le souvenir. » Avant la retraite, texte massue de Thomas Bernhard est présenté ces jours-ci au Théâtre Prospero. Une histoire d'horreur ordinaire, dans laquelle on découvre un frère et deux sœurs qui, comme tous les 7 octobre, s'apprêtent à célébrer l'anniversaire d'Himmler.
Le texte a eu l'effet d'une bombe lors de sa création en 1979 et l'on comprend aisément pourquoi. Profondément politique, il jette un regard sans concessions sur la montée - ou le maintien diront certains - du national-socialisme en Autriche. Ici, la culture ne sauve de rien, comme en témoigne le piano à queue déglingué au cœur de la scénographie de Geneviève Lizotte ou les remontrances de Vera à sa sœur invalide qui l'« empêche » d'aller au concert et au théâtre (ou plutôt d'y être vue). « Chacun son costume, chacun son rôle » et la vie pourra continuer, un jour de plus, une année encore, même si elle est synonyme de subversion et de haine la plus létale.
Égaux à eux-mêmes, Gabriel Arcand, Violette Chauveau et Marie-France Lambert tirent adroitement leur épingle du jeu et réussissent à ne pas se perdre dans les méandres parfois sinueux du texte. Histoire de faciliter une meilleure réception du propos, certaines coupes supplémentaires auraient sans doute dû être envisagées par la metteure en scène Catherine Vidal dont la relecture du Grand cahier (un autre texte parfois à la limite du supportable) m'avait pourtant envoûtée. Peut-être a-t-elle sciemment choisi de nous servir l'horreur jusqu'à ce que celle-ci nous étouffe.
Jusqu'au 13 décembre au Prospero.
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