Quel plaisir de retrouver un contact privilégié avec les livres, enfin ceux qu'on lit pour le plaisir... Des voix différentes, mais toutes fort pertinentes, ont accompagné ma semaine.
Tout d'abord, j'ai plongé avec un réel bonheur dans Ce que le jour doit à la nuit de Yasmina Khadra, fresque qui s'étale sur plus d'une cinquantaine d'années et qui nous trace le portrait de l'intérieur de l'Algérie à travers le regard de Younes (ou Jonas), jeune Arabe élevé par son oncle dans un milieu chrétien mais qui devra éventuellement accepter puis prendre sa place dans un pays en mutation. Dans une langue limpide, qui suscite des images vives mais qui n'est jamais dénuée d'une certaine tendresse, Khadra signe un grand livre ici, de la même trempe que L'Attentat, livre-choc qui m'avait initiée au style de l'auteur. En complément, un texte intéressant qui traite du sens de son oeuvre, à lire sur son site officiel.
J'ai ensuite retrouvé la poésie si particulière de Robbert Fortin. Dans son recueil posthume, Personne n'a trouvé d'angle à la beauté, Fortin nous amène en voyage avec lui, dans son Montréal tout d'abord puis dans un périple européen inoubliable au coeur des monuments incontournables (tour de Pise, Tour Eiffel, Musée Rodin, Louvre, etc.) qui prennent sous ses mots une toute autre dimension.
« les mots tirent leur arcane / de la douleur qui les chevauche / incitant imaginaire à changer de position / comme audace du cri / rayonnant dans tous les mots qui rêvent », écrit-il par exemple devant le tombeau d'Éluard. On sort de la lecture du recueil transformé, un brin nostalgique de ces lieux fréquentés, saisis dans leur quintessence par un poète magnifique, trop tôt disparu.
Il faudrait aussi mentionner, dans un registre lui aussi poétique, Geai de Chritian Bobin, autre voix unique, presque magique, qui réussit à extraire d'un quotidien en apparence banale une pureté et une beauté propres à l'autre monde.
Je ne pouvais conclure ma semaine de lecture sans avoir retrouvé un de mes auteurs fétiches, Paul Auster. J'avais été profondément déçue - ou peut-être devrais-je plutôt écrire déstablisée - par Dans le scriptorium, à tel point que, après l'avoir prêté à un ami, j'en avais de nouveau relu quelques pages, me disant que j'avais raté quelque chose, que je n'étais pas dans l'état d'esprit propice au moment de la première lecture. Dans ce cas-ci, pas d'hésitation - et ce, même si plusieurs critiques ont écorché le dernier opus du plus français des auteurs américains.
Seul dans le noir raconte l'histoire d'une nuit d'insomnie, pendant laquelle August Brill, le narrateur, critique littéraire à la retraite, cherche à tuer le temps, l'angoisse, la vague de souvenirs doux-amers, en inventant une histoire, pas si improbable qu'elle ne l'est en apparence, qui se passe en 2007 mais dans laquelle les États-Unis sont en guerre, certains états ayant choisi de déclarer leur indépendance. La violence de la guerre ne se joue plus en Irak, en Afghanistan, mais au coeur même de cette Amérique troublée, déchirée, qui se cherche, qui hésite, qui a besoin de se redéfinir. On sait combien les événements du 11 septembre ont ébranlé Auster mais il délaisse ici la polémique pour nous livrer une histoire troublante mais aussi terriblement attachante, comme il sait en signer. On regrettera peut-être à peine quelques raccourcis (l'histoire dans l'histoire se conclut de façon particulièrement abrupte!) mais l'émotion reste, palpable. On reconnaîtra aussi, clin d'oeil charmant, Hubert Nyssen, l'éditeur d'Actes Sud (dont la femme, Christine LeBoeuf, traduit les livres d'Auster), qui devient personnage de roman pendant quelques paragraphes et on souhaitera se plonger dans certains films essentiels, relus par l'oeil aiguisé du romancier.
6 commentaires:
C'est vilain ça... il me reste plein de livres d'Auster à lire et avec tous les billets, j'ai le goût de lire celui-ci... qui n'est aps sorti en poche!!
Ce n'est peut-être pas le meilleur mais il vaut quand même le détour je pense. Si tu as en réserve « Le livre des illusions » ou « La nuit de l'oracle », n'hésite pas par contre à plonger dans ta PAL.
Seul dans le noir, encore une preuve qu'il ne faut pas conclure trop vite, l'appréciation, une histoire d'individualité et d'affinités.
Je regarde ta liste 2009, il y a comme une affinité de titres aussi :
Seul (2 fois) noir silence décombres nuit jour beauté (2 fois) rouge ...
Les arts plumitifs, le titre m'attire comme de l'aimant.
Ici, Auster a utilisé le même procédé que dans La nuit de l'oracle en racontant une histoire dans une histoire... qui se finit très abruptement. J'ai été extrêmement frustré, car j'aimais beaucoup l'histoire de ce pauvre homme qui devait aller tuer quelqu'un... Le reste m'a semblé plutôt anecdotique. N'empêche que Auster a un style fluide qui me plaît et il raconte bien.
Réjean: oui, moi aussi, j'aurais bien aimé savoir comment « l'autre » histoire se terminait!
J'avais l'impression qu'il manquait 40 pages au roman pour qu'il se tienne bien.
J'ai de loin préféré La nuit de l'oracle mais, après l'amère déception de l'opus précédent, j'étais heureuse de retrouver le Paul Auster que j'aime.
On est sur la même longueur d'ondes.
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