jeudi 27 août 2009

1 + 1 =

Parfois, j'ai l’impression de combattre dans les tranchées ou de faire partie d’une organisation secrète. Je me demande si je réussirai un jour à vaincre le géant, celui de l'ignorance, du nivellement vers le bas. Très rarement, je remets en question la pertinence de poursuivre le partage du répertoire classique toutes époques confondues avec des élèves (certains plus ou moins doués), mais ça ne dure jamais bien longtemps. J'ai encore trop de raison de m'indigner (merci à tous ceux qui ont réagi à ce billet, ici ou hors ligne), il y a encore trop de terrain à défricher, de partitions à déchiffrer. Les interrogations existentielles (Pourquoi avoir choisi cette voie semée d’embûches?), le retour sur soi (Suis-je encore capable de vivre ce choix jour après jour?), mes habiletés à transmettre le savoir (une véritable « mission » que cette trans-mission), le questionnement de mes motivations (Le fais-je par besoin financier ou par conviction?), l’idéalisme par moment romantique (Oui, je les convaincrai tous de la beauté du répertoire!) sont autant de facettes de ce travail de pédagogue que j'ai, volontairement, choisi, et que je reprendrai dans les prochains jours.

Ceux qui me lisent régulièrement le savent : je mène une vie parallèle d’écriture en plus de consacrer un certain nombre (ou un nombre certain) d’heures par semaine à l’enseignement. J’aurais pu faire le choix de me consacrer uniquement à la rédaction musicale, mais c’est plus fort que moi, je suis complètement accro à l’enseignement et je n’ai aucune intention de me rendre à une soirée de P.A. (professeurs anonymes), sauf bien évidemment si c’est pour partager ma fièvre pour l’enseignement. J’imagine ma première visite : « Bonjour, je m’appelle Lucie. J'enseigne depuis 20 ans et suis incapable de m’arrêter. » En fait, si j'y réfléchis attentivement, déjà, à l'école primaire, je me sentais investie d'une mission et cherchais à partager mes connaissances acquises sur les écureuils, le corps humain, l'imprimerie, etc., dont le « mal » est ancré encore plus profondément qu'il n'y paraît.

Oui, vraisemblablement, mon horaire fera un triple saut périlleux vers l’avant d'ici quelques jours mais il n'y a pas grand chose que j'aime plus que de plonger dans la découverte de nouveaux mondes étranges ou d'établir des liens tricotés serré avec des élèves (dont quelques-uns sont devenus, au fil des ans, des amis). Je me sens interpellée, personnellement, viscéralement. Peut-être ne réussirai-je pas à gagner la guerre contre l’ignorance ou même à renverser la vapeur mais je sais que j’aurai convaincu quelques dizaines (qui éventuellement se multiplieront en centaines) de jeunes (qui deviendront grands) que la musique classique, la littérature, l'art mais aussi la curiosité et une volonté de se dépasser constamment changent une vie pour toujours… Idéaliste? Peut-être un peu... Au fond, c'est tant mieux!

8 commentaires:

Venise a dit…

Je comprendrais bien pas qu'il faille se confesser d'aimer éveiller les autres à leurs possibilités. Aider à ouvrir la conscience. Les allumer à soi. Confessons-nous d'exister alors !

J'admire les coeurs qui palpitent devant leur mission de transmettre. J'admire les personnes qui me font réaliser qu'il y a le mot mission dans transmission.

Lucie a dit…

Merci!

http://adrienne.skynetblogs.be a dit…

je comprends tout à fait votre propos pare que je "souffre" absolument de la même "maladie", ou addiction (si je puis me permettre ce mot qui me paraît un peu trop anglais) au métier de prof ;-)
bonne rentrée!

Lucie a dit…

C'est une maladie grave? Tant pis, je l'assume... ;-)

Adrienne a dit…

Oui, assumons, c'est ce qu'il y a de mieux à faire dans ce cas, je pense ;-)
D'ailleurs c'est ce que nos élèves attendent de nous... Hier à un petit débat sur l'apprentissage un élève a dit "nous aimons mieux un prof vivant..." et on a un peu rigolé, j'ai osé ajouter "plutôt qu'un prof mort?"
Mais on a bien compris qu'il parlait de vie dans le sens enthousiasme, passion (le français est pour eux une langue étrangère)

Lucie a dit…

J'adore cette image de prof vivant! C'est tellement l'essentiel du propos!

[ Ben ] a dit…

On croise tellement de profs blasés... admiration, et intenses remerciements pour tes élèves !

Lucie a dit…

:-)