dimanche 4 octobre 2009

L'énigme du retour


Je cours, je cours, histoire de boucler une foule de dossiers avant mon départ vers Paris, dans trois jours. Il m'est donc resté bien peu de temps pour lire des romans cette semaine, à mon grand déplaisir. (Par contre, j'en connais pas mal plus sur Frédéric le Grand, patron pendant un certain temps de Carl Philip Emanuel Bach... Mais, bon, on ne peut pas tout avoir dans la vie, n'est-ce pas?)

J'ai enfin complété hier la lecture de L'énigme du retour de Dany Laferrière, un roman à la forme assez inusitée, qui mélange (faux) haïku et narration plus traditionnelle, autofiction et roman, mais surtout superpose les regards que l'auteur porte (ou portait) sur son pays natal, Haïti. « Le dictateur m'avait jeté à la porte de mon pays. Pour y retourner, je suis passé par la fenêtre du roman. » (p. 156)

Il y a 23 ans, le narrateur (et auteur) a quitté cet Éden devenu purgatoire pour s'exiler dans une contrée où les hivers gomment les différences mieux que tout édit officiel. Devenu un homme mûr, il retourne au pays pour enterrer symboliquement un père qui avait choisi de s'exiler à New York mais surtout dans une certaine folie du quotidien. Il retrouve des lieux chéris lors de son enfance, des amis de jadis, des complices de son père, renoue des liens avec sa mère, sa soeur, son neveu, avec qui il discute de littérature (et qui donne lieu à quelques très belles pages, toutes en sobriété). Il s'approprie autrement un pays qui est le sien mais plus tout à fait, note, avec une certaine fébrilité, les gestes de cette vie qui bat, malgré les privations, les injustices, la violence.

La plume de Laferrière est alerte, elle saisit en quelques mots l'essence même de l'instant.
« Je descends dans la rue
pour un bain
dans ce fleuve humain
où plus d'un se noie

chaque jour. »
(p. 83)

Elle jette les amorces de dizaines d'histoires qui foisonnent et décloisonnent irrémédiablement ce périple vers hier mais aussi vers soi.
« Je crains qu'un événement si fort soit-il
ne puisse jamais bousculer

un homme dans ses habitudes.

La décision est prise bien longtemps avant

qu'on en ait véritablement conscience

et pour une raison qui nous échappera toujours.

L'instant du départ est si longtemps
inscrit en nous que le moment où il arrive

nous semblera toujours banal. »
(p. 43)

Pour pénétrer cet univers multiple, il faut accepter d'adopter un autre rythme de lecture, comme si l'indolence des journées tropicales nous atteignait, comme si nous devenions nous aussi témoins de ces destins qui croisent celui du narrateur et en altèrent irrévocablement le cours. La poésie de ce quotidien si éloigné du nôtre - mais l'est-il vraiment? - touchera alors au coeur.

2 commentaires:

Bénédicte a dit…

comme toi, j'ai été conquise par la poésie de ce récit autobiographique de ces souvenirs d'exil de dany Laferrière mais je te laisse découvrir mon avis et si comme je le souhaite tu passes me faire une petite visite merci de me laisser la trace de ton passage.
Ps je trouve ton avis intéressant M'autorises tu à le faire figurer en lien au bas de mon article ?

Lucie a dit…

N'hésite pas à faire un lien vers cet article. J'ai bien aimé ton site, surtout que j'aime bien les recettes aussi! :)