samedi 28 novembre 2009

Rendez-vous manqués



Parfois, on sort emballé du visionnement d'un film, de la lecture d'un livre. Parfois, à l'opposé, on déteste la pièce, on exècre une exposition que l'on considère inutile. Entre les deux, il y a cette zone trouble, celle des rendez-vous manqués, quand on a l'impression que tous les éléments étaient pourtant en place pour que l'objet artistique nous rejoigne mais que, pour une raison ou une autre, la connexion ne s'est pas établie, ou sinon, de façon sporadique.

Dans la même semaine, j'ai vécu deux de ces rendez-vous manqués. Peut-être étais-je dans un univers parallèle et cela m'a empêchée de céder aux charmes d'une œuvre, je ne sais pas. La surcharge de travail aurait-elle suffi à me faire basculer de l'exaltation ressentie après avoir vu, entendu et ressenti par toutes les pores de ma peau l'opéra de Gilles Tremblay? Je cherche encore... Hier soir, j'étais au TNM. Au programme: L'imposture d'Evelyne de la Chenelière. Le résumé me laissait présager un moment de communion lumineuse: Ève, une auteure égocentrique, offre à son fils Léo son roman, pour qu'il lui serve de prête-nom, que le texte connaisse une gloire - fût-elle éphémère. J'attendais avec impatience les phrases magnifiques sur le geste d'écrire, une toile tissée de façon subtile entre les personnages, des jeux de pouvoir, de fragilité aussi. Certes, j'ai vibré lors de certains passages (ceux qui traitaient de l'écriture mais aussi certaines images mère-fils) mais ai ressenti un agacement certain pour cette histoire de Justine (soeur de Léo) qui devient esclave plus ou moins consentante d'un gang de rue. Souhaitant peut-être opter pour un traitement postmoderne du propos, l'auteure nous a arrosés de poncifs sur les jeunes Noirs qui ont fait déraper le texte vers un univers parallèle qui n'avait que peu à voir avec la (déjà touffue) trame principale. Je suis donc sortie du théâtre perplexe, emballée par le jeu d'acteur du jeune Francis Ducharme, énervée par la caricature du personnage d'Ève transmise par Violette Chauveau et avec le sentiment que le texte aurait eu avantage à être resserré, élagué. Less is more...

Quelques jours auparavant, j'avais terminé la lecture de L'hiver retrouvé, premier roman de Marie-Noëlle Gagnon, un diptyque assez intrigant. En première partie, on assiste à la quête d'un jeune homme qui souhaite oublier son passé et se réinventer dans le petit village de Sili, duquel la mer s'est retiré il y a des années. Il y tombe amoureux de Cerise, s'intègre avec plus ou moins de facilité au quotidien du village, tente de devenir sans succès celui qui y ramènera la mer. Un conte pour grands enfants, servi par une écriture assez directe, mais qui s'égare parfois. J'aimais bien l'idée de cette quête impossible, qui mènerait irrémédiablement à l'exil du narrateur. Je me suis laissée convaincre par plusieurs histoires parallèles, comme celle de la fille laide. Pourtant, j'avais l'impression de ne pas entièrement saisir où l'auteure souhaitait me mener.

En deuxième partie, rupture de ton, de lieu, d'atmosphère. Le jeune homme débarque sur une île où règne en maître l'hiver... et une ogresse, qui a dévoré tous les habitants de son village, dont son ancien amant. Un troublant pas de deux s'initie entre les deux, porté par un dialogue poétique, puissant, envoûtant. La narration de l'histoire passe de l'un à l'autre: d'abord l'apprivoisement, puis la passion, puis la réalisation que cet amour ne peut en être de contes de fées. Ceci donne lieu à des pages vraiment magnifiques, mais dont on cherche le lien avec l'atmosphère plus bon enfant de la première partie. Aurait-il été souhaitable de lire les deux sections comme deux novellas indépendantes, mettant en lumière le même personnage? Peut-être. Aurait-il fallu se concentrer sur l'une ou l'autre des histoires? Je ne sais pas. Une chose est certaine: je ne ressens aucune indifférence face à ce curieux objet littéraire. Mieux: il y a suffisamment de qualités pour que je lise le deuxième opus de l'auteur. Le rendez-vous n'est peut-être pas tout à fait manqué, maintenant que j'y pense...

2 commentaires:

Mylène a dit…

J'ai lu L'hiver retrouvé avec, moi aussi, une certaine réserve... et ai été tout autant perdue dans cette fable qui ne m'a pas emportée. Je ne me suis pas attachée aux personnages... remarquez, cela est un commentaire très personnel. Je ne suis pas très sensible aux fables de ce type. Je vois que la critique reçoit très bien ce livre. L'écriture est belle, maîtrisée. Contrairement à l'histoire, le fond, qui selon moi se perd, s'embrouille dans les images et les significations... cela va dans tous les sens.

Lucie a dit…

Je commençais vraiment à me demander si j'étais toute seule à avoir des réserves...