Sous-titré « Initiation rapide, efficace et sans douleur à l'œuvre de Frank Zappa », Le Petit Wazoo de Jean-Sébastien Marsan se veut un portrait de celui que plusieurs érudits n'ont pas hésité à qualifier de « plus important compositeur américain de la seconde moitié du 20e siècle ». Déformation professionnelle oblige peut-être, je connaissais essentiellement le Zappa symphonique, celui de l'iconoclaste album Yellow Shark, qui repousse les limites du langage très loin, tout en s'éloignant du côté trop cérébral souvent associé à la musique contemporaine (même si Times Beach II pourrait évoquer Varèse). « L'orchestre, c'est l'instrument ultime, écrit-il dans son autobiographie. Le conduire procure une sensation incroyable, que rien ne peut approcher - sauf, peut-être, celle qui naît du chant des harmonies doo-wop, quand les accords sonnent juste. » Je connaissais de réputation son album Apostrophe, son opéra rock Joe's Garage, bien peu de choses au fond, quand on considère que Zappa a composé dans tous les genres, du rock à la musique symphonique en passant par le jazz (qui n'a peut-être jamais été aussi imprévisible que sous sa direction), l'électronique, sans oublier certains collages assez audacieux.
À l'heure où les puristes se cloîtrent dans des tours d'ivoire (impossible pour un musicien classique d'apprécier le jazz ou pour un jazzman d'admettre écouter de la pop), il est particulièrement jouissif d'apprendre à mieux connaître un musicien qui n'avait que faire des étiquettes. Pour lui, la musique restait la musique, et il pigeait dans l'un ou l'autre de sous-ensembles pour en extraire la couleur, la forme, l'instrumentation dont il avait besoin à ce moment précis pour transmettre son message, tout simplement.
L'ouvrage, des plus accessibles, se scinde en deux sections à la fois indépendantes et complémentaires. Dans la première, Jean-Sébastien Marsan aborde les diverses facettes du compositeur: le rocker, le guitariste, le révolutionnaire, le jazzman, le DJ, le père de Mothers of Invention, l'orchestrateur et le cinéaste. L'écriture est alerte, affable, et aussi bien fans que curieux auront plaisir à découvrir le multiple Zappa. Dans la seconde, il nous propose une chronologie complète qui ne tombe pourtant jamais dans l'aridité. Une fois l'essai refermé, une seule envie: assimiler les repères proposés pour en faire fi et, au hasard des découvertes, s'approprier le langage musical de cet être inclassable.
Deux visages complémentaires de Zappa en partage. Le classique (dans tous les sens du terme) G-Spot Tornado
et son City of Tiny Lites
3 commentaires:
si jamais tu es en manque d'idée pour mon kdo de Noêl, j'aime bcp Zappa, j'aime ces intelligences sans frontières. Dans un autre style (complet), j'avais lu un livre sur Darwin, ses observations qui l'ont amener à la mise en place de sa théorie... et c'était fascinant.
ce que tu dis sur ces "clivages" m'étonne beaucoup parce que moi j'ai l'impression contraire, aussi bien quand j'écoute des interviews de musiciens classiques que quand ce sont "ceux de la pop" qui sont interviewés sur radio Klara (la chaîne classique néerlandophone, www.klara.be )et qui parlent des oeuvres qui les ont marqués ou qu'ils aiment...
et oui caro_carito, je sais quoi offrir à ma belle-soeur ;-)
merci Lucie!
Caro: subtile comme un éléphant...
Adrienne: tant mieux si, en Belgique, c'est différent... Ici, on a droit à de multiples excès de crossover (le chanteur d'opéra qui se met à la pop par exemple) mais peu d'esprits vraiment ouverts à tous les genres. Quand je parle de classique à ceux qui écoutent de la pop, ils me regardent systématiquement comme si je parlais latin. Quand je parle de jazz aux puristes classique, ils prennent un air vaguement blasé (« Mais c'est pas de la vraie musique, ça! ») et inutile de te dire qu'ils n'ont aucune notion de qui est populaire en ce moment. (« Justin qui? »... remarque, de celui-là, on pourrait s'en passer sans problème!)
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