mercredi 17 novembre 2010

Zanipolo

Venise, 18e siècle, âge d'or d'une certaine effervescence musicale, où les chanteurs sont rois et les ensembles de jeunes orphelines légion. Un mystérieux couple de jumeaux siamois, Giovanni (Zani) et Paolo (Polo), enchante autant qu'il révulse. Doit-on conspuer le monstre, encenser les artistes? Paolo est un libertin homosexuel qui multiplie les conquêtes alors que Giovanni semble effrayé par les plaisirs de la chair... jusqu'à ce qu'il chante avec la belle Maddalena. Mais rien ne sera simple pour les amoureux qui auront à déjouer jalousie, embrouilles politiques et incompréhension de leurs concitoyens.

Marc Ory privilégie une langue fluide, toujours très musicale (même si, somme toute, les références directes à la musique se révèlent assez peu nombreuses).
« Galuppi, le Buranello, n'avait-il pas l'habitude de dire que sa musique, on devait la voir. Regarder une peinture avec les yeux, c'était bon pour les aveugles. Écouter la musique avec les oreilles, c'était bon pour les sourds. Il pensa à sa femme, la belle Maria, morte en couches. Lorsqu'il la caressait, ne lisait-il pas sa peau comme une partition de musique? » (p. 12) 
Avec doigté, il réussit à aborder avec autant de grâce les registres du mystère, de l'humour que de la passion, tout en réussissant à dresser un portrait d'une Venise qui vit à la fois à l'heure des joutes de pouvoir et d'une certaine luxure assumée. (Chapeau ici à l'auteur qui réussit à ne pas franchir la très mince ligne entre l'évocateur et le scabreux.) On entend, on voit, on sent, on ressent l'époque et on devient témoin fasciné de ce combat non pas tant pour la reconnaissance (les jumeaux deviennent de véritables vedettes) mais pour la pleine acceptation de la différence. L'auteur a d'ailleurs lui-même évoqué en entrevue:
« Cet être double, c'est un peu ce que nous sommes tous. Une part d'ombre, une part de lumière, un côté rationnel et un côté échevelé, hybride, baroque. »

2 commentaires:

Karine:) a dit…

Je n'avais pas encore lu ton billet... mais le thème me tente beaucoup, et bizarrement, je sens que je vais le lire! ;)) Merci encore!

Lucie a dit…

Vraiment? ;-)