J'admets ne pas être particulièrement fascinée par cette avalanche de films en 3D qui semblent dévaler sur nos écrans récemment, mais quand une amie m'a proposé d'aller voir le dernier documentaire de l'inclassable Werner Herzog, je n'ai pas hésité longtemps. Cave of Forgotten Dreams demeure certes une rêverie imparfaite du grand réalisateur, mais comment ne pas être troublé par ces images peintes il y a près de 35,000 ans, d'une fluidité étonnante, qui transmettent admirablement le notion du mouvement chez l'animal représenté. Rien de primitif ici, plutôt un geste d'une profondeur touchante. Herzog nous les donne à voir, bien évidemment, mais s'entretient aussi avec anthropologues, archéologues et autres spécialistes qui tentent de percer les mystères de la grotte de Chauvet, découverte en décembre 1994.
D'entendre cet artiste de cirque devenu archéologue évoquer en toute simplicité ces rêves de lions en mouvement, pendant les cinq nuits ayant suivi ses premiers contacts avec les beautés de la grotte, relève de l'intimité pure du geste artistique. D'entendre ce spécialiste jouer quelques mélodies sur une flûte en os, reconstruite d'après des fragments trouvés sur les lieux, relève du registre émotif. En découvrant la perfection de certaines des sculptures de l'époque, on ne peut que questionner le lien que nos sociétés entretiennent avec l'art. Si des hommes que l'on considère aujourd'hui « primitifs », qui auraient pu en principe se concentrer sur leur seule survie (la démonstration de l'utilisation potentielle d'une arme de l'époque semblait ici délicieusement décalée, le spécialiste se révélant incapable de diriger avec adresse sa lance), aient choisi de peindre de tels sujets, de transmettre leur vécu en musique, de représenter leur conception d'une certaine spiritualité à travers des figurines de pierre, comment peut-on considérer aujourd'hui le rôle de l'art comme superflu, comme le minuscule sommet d'une pyramide de besoins?
La narration d'Herzog demeure peut-être un peu trop linéaire et sage, son post-scriptum apocalyptique (alors que l'on contemple des crocodiles albinos, mutants d'une centrale nucléaire non loin de Chauvet) absolument inutile (à la rigueur, le réalisateur aurait pu en tirer un autre film). Pourtant, les yeux écarquillés face à ce témoignage venu d'un passé oublié, les oreilles agréablement enveloppées par la musique du Néerlandais Ernst Reijseger (sauf peut-être lors de la dernière séquence globale dans la cave, trop surlignée dans son effervescence vocale plutôt médiévale), je suis sortie de la production envoutée, des questions plein la tête, mais toujours et encore plus convaincue de la pertinence du geste artistique.
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