De retour depuis 36 heures à peine de la mer, la vraie, celle au sable doux, à l'eau suffisamment chaude pour qu'on puisse s'y baigner (autour de 23 degrés). Du soleil toute la semaine, sauf lors d'une mini-averse (45 minutes), d'une averse de nuit (mais on s'en fiche) et d'un orage suffisamment spectaculaire pour que l'on ait besoin de trouver les chandelles dans la maison louée. Plus de 2100 kilomètres aller-retour au compteur et six livres et demi de terminés! Comme cela fait du bien de se perdre dans les histoires des autres, sous le parasol ou sur la véranda... Comme d'habitude, j'étais partie avec une pile de livres impressionnante, indécise face à l'état d'esprit qui m'animerait là-bas. Certains pourraient trouver que c'est un peu inutile de se promener avec sa mini-bibliothèque ambulante mais les lecteurs compulsifs sauront me comprendre. (Et, pour la petite histoire, ma fille et mon mari ont fait pareil pendant que mon fils était plongé dans le célèbre Millénium.)
Alors, dans l'ordre, j'ai d'abord lu Le lion de Joseph Kessel, une histoire d'initiation bien particulière, de passage de l'enfance à l'adolescence, sise dans les magnifiques paysages d'une réserve au Kenya. Ce livre traînait sur ma PAL depuis un bon moment déjà, en fait, depuis que ma fille en avait terminé la lecture (à l'école) il y a un an. Elle ne semblait pas enthousiasmée par le tout mais semblait croire que je serais interpellée par les descriptions. (Les livres que je lis habituellement sont-ils dénués de dialogues à ce point? Curieuse association.) Kessel possède en effet une maîtrise assez saisissante du portrait d'atmosphères et on ne sent pas ici (même si le livre date de 1958) la condescendance de l'Européen face au « sauvage » africain. À se plonger dans les mots, j'avais presque (j'arrivais à la mer, rappelons-le!) envie de planifier un voyage là-bas.
Autre univers entièrement, Un monde de papier de François Désalliers nous fait basculer dans une histoire rocambolesque d'homme qui tombe dans les pages d'un magazine féminin. Il s'amourache d'une top-modèle, donne à manger à une mannequin anorexique, est poursuivi par le méchant ogre (l'éditeur), se fait secourir par Hugo (Boss), doit faire face à tempêtes monumentales et séismes multiples. C'est léger, totalement frivole, écrit dans un style pas particulièrement recherché mais sympa: le genre de livres aussitôt lu et presque aussitôt oublié. Un ami m'a néanmoins recommandé du même auteur, L'homme-café.
Suffisamment éméchée par ce punch pétillant, j'étais prête à passer à quelque chose de plus consistant, This is not a love song de Jean-Philippe Blondel, que j'avais reluqué à sa sortie en septembre dernier mais que j'attendais de croiser en bibliothèque. Cette histoire en apparence toute simple (Vincent passe une semaine en célibataire dans sa ville natale, dix ans après l'avoir quittée, alors que sa femme anglaise et ses deux filles prennent une semaine de vacances) se complexifie au fur et à mesure de la lecture et m'a complètement happée. Le protagoniste doit faire face à ses démons, tant familiaux (ses liens avec ses parents et son frère sont assez alambiqués) qu'amicaux ou amoureux. Quand on quitte comme ça, sur un coup de tête, et change diamétralement de vie, forcément, on doit s'attendre à des séquelles, certaines plus douloureuses que d'autres. Je ne révélerai pas les punchs mais ils sont bien amenés et portent à la réflexion sur les choix de vie auxquels chacun doit faire face mais aussi aux choix de société que nous devrions assumer collectivement. Un texte âpre mais percutant. Pour lire une entrevue avec l'auteur, c'est ici.
Je ne l'ai pas crié sur les toits mais, quelques jours avant le départ, j'avais fait un saut dans une bouquinerie (c'était trois fois rien, quoi, trois livres seulement). Parmi ces achats, j'avais glissé L'histoire de l'amour de Nicole Krauss, dont on avait beaucoup parlé à sa sortie, dans mes bagages. Oui, le titre fait un peu roman de midinette et le rose de la couverture (j'ai acheté l'édition originale, publiée chez Gallimard, dans un état neuf) fera grincer certains. En le cataloguant ainsi, on n'aurait rien compris du propos du livre. Deux destins parallèles (Leo, vieillard, en apparence d'une discrétion absolue et Alma, ado, orpheline de père) se croisent, se complètent, finiront par se chevaucher. Très habilement, Krauss alterne les narrations de Leo, le journal intime d'Alma, quelques bribes de celui de son petit frère messianique, des extraits du fameux livre L'histoire de l'amour (que la mère d'Alma, elle aussi légèrement décalée, traduit). Au début, on se demande où tout ceci s'en va mais, très rapidement, on s'attache fortement aux personnages, on laisse décanter les réflexions sur l'écriture, on voudrait à la fois se rendre à la fin d'un souffle et retarder le moment de fermer le livre. Un coup de cœur. D'autres commentaires de lecture ici, ici et ici.
Incapable de m'approprier immédiatement d'autres personnages, j'ai ensuite fait un détour poétique, en découvrant José Angel Valente et ses Trois leçons de ténèbres suivi de Mandorle et de L'éclat (publié dans la très belle collection nrf Poésie/Gallimard). Une écriture très particulière, évocatrice, qui oscille entre l'éthéré et le profondément ancré. Certains textes se déclinent en longues strophes, d'autres sont des concentrés d'émotions.
« Nous ne sommes à la surface que pour inspirer profondément et pouvoir regagner le fond. Nostalgie des branchies. » (Il tuffatore) ou encore
« Sur l'horizontale du labyrinthe tu traças l'axe de la hauteur et de la profondeur. Tomber ne fut que monter vers le fond. » (Icare)
À déguster à petites gorgées.
J'ai finalement enchaîné deux livres de Claude Vaillancourt, romancier, essayiste et professeur de littérature au cégep mais aussi musicien de jazz, qui se veulent un pont entre les mondes de la littérature et de la musique. Dans son recueil de nouvelles L'Eunuque à la voix d'or, l'auteur aborde les mondes de la musique classique dans la nouvelle-titre, plus élaborée, de la littérature dans Le don de Judith (l'auteure a une curieuse façon de transformer la fiction en réalité), de l'histoire de l'art dans Sous la feuille de vigne ou Femme au clavecin. Il nous propose aussi le portrait d'un curieux personnage, lecteur professionnel (L'homme de connaissances) et d'un professeur de français dépassée par les coïncidences (La jeune fille et le professeur). L'écriture est précise, concise, les personnages suffisamment typés et atypiques pour qu'on apprécie les découvrir. Dans Réversibilité, Émilien, poète parisien, tente de retrouver la trace de Julie, jeune pianiste montréalaise. Vous comprendrez tout de suite pourquoi le livre m'a interpellée... Je vous en reparle...
3 commentaires:
J'ai beaucoup aimé l'histoire de l'amour, comme tu as pu le constater!! Pas du tout ce que la couverture française annonce, en effet. "Le lion" m'attend dans ma PAL et je note aussitôt les deux livres de Claude Vaillancourt, qui risquent de m'intéresser!!!
De belles images et de beaux textes à ce que je peux lire! J'ai aussi aimé l'histoire de l'amour... Bon retour au pays de la pluie que le ciel a enfin un peu oublié ces jours-ci!
Bonjour, j'ai dit tout le bien que je pensais de "L'histoire de l'Amour", le 12/12/07. Cela a été une révélation. Pour un premier roman, quelle maîtrise! J'attends son prochain. Bonne fin d'après-midi.
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