jeudi 16 octobre 2008

Crise-talliser?

Les élections fédérales ont été fortement teintées du parfum vaguement nauséabond de la crise financière qui se profile. Pas une journée sans qu'on ne nous propose une nouvelle analyse des déboires ou des poussées de croissance explosives du Dow Jones et des divers indices boursiers pendant que les politiciens d'ici et d'ailleurs y vont tous de propositions lumineuses pour nous sauver de ce gouffre financier.

Il y a quelques jours, Julie Wilson, nouvelle collaboratrice de La Muse affiliée, professeur de français langue seconde, pianiste amateure passionnée mais surtout citoyenne du monde concernée, envoyait un courriel enflammé à ses amis. Comme elle ne dispose pas de blogue, je lui ai proposé de reproduire ici son propos.

«Le message qui suit est une réflexion acerbe sur la crise économique! En fait, tout est parti d’une remarque d’une amie que j’ai toujours beaucoup appréciée pour son franc-parler « Et si moi je n’avais pas envie d’acheter le dernier écran plasma à la mode… » Une remarque qui vous plonge tout de suite dans le vif du sujet! Tout le problème est là. On en vient presque à nous faire culpabiliser d’avoir un porte-monnaie percé. On nous appauvrit chaque jour davantage alors que nous sommes beaucoup à avoir choisi délibérément de ne pas consommer. On est encore un certain nombre à avoir des valeurs non quantitatives, n'en déplaise aux médias!

Je n’ai pas de blog mais j’avais un énorme besoin de soulever le problème, d’ouvrir un débat collectif et de susciter des réactions. Une manière aussi de faire bloc contre les médias. Alors tous à votre clavier si vous voulez ajouter votre grain de sel ! La page est ouverte !


Précarité, chômage, crise économique, baisse de pouvoir d’achat... C’est le leitmotiv du JT de 2008. Avez-vous déjà compté le nombre de fois où nous entendons à notre insue tous ces termes réjouissants ? Vous seriez étonné ? Combien parmi vous ont éteint leur poste de télé et n’allument plus leur radio pour ne plus être parasité ? Car on nous distille la dite « crise économique » comme on nous injecte un poison dans les veines. C’est limite si on ne nous oblige pas à manger du pain raci à 20h alors qu’on peut encore se faire cuire de la viande, merci!


Il faut donc trouver toute affaire cessante l’antidote. Pour ma part, le vrai fléau ce n’est pas tant cette crise planétaire mais un pessimisme qui, lui, est en pleine croissance. La vraie galère ce n’est pas d’être au chômage mais d’entendre des discours aussi noirs à longueur de journée. Je caricature mais ces gens-là ont aussi leur part de responsabilité. Et si le monde va aussi mal (comme ils disent) c’est aussi à cause d’eux et de leur négativisme. Fuyons ! Fuyons ! Ils sont partout…


Pour l’anecdote, il y a deux jours, un soixante-huitard frustré entre dans le point internet où j’envoyais des CV. Il commence à s’entretenir sur la crise économique avec le tout venant. « Qu’est-ce que vous faites ? Combien vous êtes payé ? Quels sont vos avantages ? »… Si bien qu’un quart d’heure après on se serait cru au cœur d’un débat télévisé sur les retraites. Une femme disait « On travaille comme des cons », lui de renchérir « On ne sait plus pourquoi on travaille. » Et c’était reparti pour une bouffée d’optimisme.


Le même jour je prends un livre de FLE (Français Langue Etrangère) pour travailler sur le résumé. Horreur ! Le premier texte porte sur la drogue, un autre explique les causes du chômage, le troisième fait un constat cinglant et sanglant sur la montée de la violence en France. Bienvenue dans notre beau pays ! Je dis STOOOOOP ! et referme le livre d’un coup sec. Je me souviens d’avoir gardé un article sur le génie d’Yves Saint Laurent. Ouf ! Merci Yves ! Mon public dans cette association est composé essentiellement de femmes de ménage. Comment peut-on demander à des femmes dans une situation précaire de lire à haute voix des textes pareils. Ce serait de l’auto-flagellation ! Il en est hors de question !


Pour couronner le tout, en fin de soirée, on me demande à la sortie du Leclerc si j’ai du temps pour répondre à un questionnaire sur « l’efficacité client » de mon supermarché. Ben non, je n’ai pas le temps pour ces choses-là. D’ailleurs j’aurais fait bouffer à ce type mon paquet de serviettes hygiéniques que je tenais encore à la main. On ne vous laisse même plus ranger vos petites affaires en paix à la caisse…


Alors oui, je n’ai pas peur de le dire, ce qui me déprime ce n’est pas la crise mais le fait qu’on en parle tout le temps, comme si les gens avaient épuisé tous les autres sujets sur terre. Ce qui me révolte c’est le pouvoir de l’argent, les matérialistes, les radins, l’individualisme, l’égocentrisme, l’indifférence, l’égoïsme humain, c'est le voisin qui va vous dire la première fois de sa vie bonjour dans l'ascenseur parce que vous tenez un avis de taxe d'habitation dans les mains : 'Un petit cadeau?' Depuis quand le trésor public est-il un lien entre les peuples? Ce qui est insupportable c’est de penser à ces milliers de gens dans une ville comme Paris qui s’enferment chez eux le soir dans une terrible solitude. L'importance qu'on attache à la CRISE est proportionnelle à celle qu'on accorde à la société de consommation. Peut-être que si la crise économique explose on reviendra aux choses vraies et essentielles à notre bonheur. On vit dans un monde où on se trompe complètement de priorités. Quand il n’y aura plus de produits de consommation pour remplacer l’être humain, il ne restera plus que lui dans sa vérité la plus nue et on sera bien obligé alors de le regarder « en face »…


En guise de conclusion, et pour reprendre à nouveau les dires de mon amie, « On s’en balance de la crise ! » Tu as bien raison Sandrine! Histoire de lui faire un beau pied de nez, d’autant que toute personne ayant fait un peu d’économie à l’école sait qu’une récession précède toujours une période de croissance !


Gardons espoir et n’oubliez pas, dans les moments de désespoir… « Avec Carrefour, je positive ! » (à prendre bien évidemment au dernier degré...) »


(Julie Wilson)

En post-scriptum... le vidéo qui vient de se mériter le Grand Prix au Festival des Très courts 2008

The job
Uploaded by trescourt

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Oula! C'est exactement ce que je pense. Juste le mot "pouvoir d’achat" me fait grincer des dents : comment peut-on prendre le pouls des sociétés en considérant comme seul critère leur aptitude à consommer. Consommer plus, toujours.

Et quand le président Sarcozy parle de réformer le capitalisme, tous, y compris lui, s'empressent de dire qu'évidemment, ils n'ont rien contre le capitalisme, que c'est le système économique le plus efficace, etc. etc. C'est qu'ils ne savent peut-être pas qu'actuellement on utilise l'équivalent de une terre et quart en ressources naturelles par an, et qu'en 2050, on en utilisera deux! Je connais peu de systèmes économiques qui détruisent ainsi le fondement de leur propre édifice. Pourrait-on se réveiller s'il-vous-plaît? La consommation ne devrait pas être la nouvelle religion moderne! En quoi consommer donne un sens, en quoi c'est la qualité d'un peuple?

Ça m'exaspère.

Lucie a dit…

Ça me rassure de ne pas être la seule à être exaspérée.