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vendredi 6 février 2009
L'honneur perdu de Katharina Blum
Je ne crois pas avoir jamais pris autant de temps pour lire un roman aussi mince (136 pages à peine, fragmentées en 58 petits chapitres)... peut-être parce que, en parallèle, j'avais des lectures techniques à faire, des textes à compléter, mais aussi parce que je lisais ce livre « obligée ». En effet, les élèves de ma classe de journalisme se sont vus forcés d'acheter le dit livre en début d'année et un travail sur le sujet est donc attendu de ma part et de la leur. (Il est à noter que ce livre est le seul qu'ils aient eu à se procurer pour ce cours.)
Heinrich Böll a remporté le Nobel de littérature en 1972, quelques petites années à peine avant de commettre ce livre, qui tient plus du brûlot politique que du roman pur et simple. L'histoire narrée est d'une simplicité désarmante et, dès les premières pages, on en connaît le dénouement. Katharina, une gouvernante au doigté impeccable, joie de ses employeurs, réservée, presque ennuyeuse, rencontre Ludwig lors d'une soirée de carnaval. C'est le coup de foudre, pur et simple. Ce qu'elle ne sait pas - et dont elle se moque -, c'est que son chevalier servant est un bandit, recherché par la police. En s'y associant, elle devient la proie du JOURNAL, la publication à potins consommée goulûment par tout un chacun, qui tente de ternir sa réputation en interviewant son ex-mari, sa mère (qui en mourra), ses employeurs mais surtout en usant d'un peu trop de liberté dans la manipulation des informations. En cinq jours à peine, la vie de Katharina bascule, irrévocablement. Elle finira par tuer le journaliste qui la harcèle.
Avec une minutie presque maniaque, Böll remplit ensuite les interstices entre les faits, grâce à des retours en arrière, des précisions sur l'emploi du temps de l'un ou l'autre des personnages. Il en profite pour interpeller le lecteur, déposer ici et là des insinuations sur les techniques journalistiques plutôt douteuses, démontrant « citations » à l'appui comment une phrase relativement neutre peut devenir percutante et devenir titre sensationnaliste. On sait que Böll, en 1972, a dû faire face à nombre d'injures et de calomnies de la presse à sensation, notamment de la part du tristement célèbre Bild qui s'est insurgé contre sa campagne d'information (face à leur désinformation) pour clarifier le cas de la bande à Baader.
L'auteur décide donc de transcender son vécu en une fiction, qui permet au lecteur de se poser des questions intéressantes, il faut bien l'admettre. Jusqu'où peut aller la liberté d'expression, la sacro-sainte liberté de presse? Peut-on tout dire, tout admettre? Étiquement, le texte est séduisant. Ces questions restent d'une pertinence criante en ces jours troubles de la convergence. Dans sa forme, par contre, on perçoit une certaine lourdeur, on voit trop bien les fils manipulés par l'auteur. Si certains textes restent indémodables, certains jaunissent un peu avec le passage des ans. Celui-ci me semble malheureusement tomber dans la deuxième catégorie.
J'hésite encore à savoir comment je réussirai à présenter le roman, lecture « obligatoire » (dont pénible pour tout adolescent qui se respecte), de façon le moindrement séduisante. Accepterai-je de couper certains coins ronds qui permettront de survoler le texte lui-même pour se concentrer sur ses questionnements éthiques? Les aborderai-je par la transposition cinématographique qu'en a faite Volker Schlöndorff (et qu'il me reste à trouver)? Leur demanderai-je de commettre un commentaire ou un éditorial sur le sujet? Des questions pour l'instant sans réponse... mais auxquelles je réfléchirai.
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3 commentaires:
Pas évident de devoir vendre un ouvrage qui ne nous convainc pas entièrement, surtout à des étudiants... Mais je suis pas mal certaine que tu trouveras quelque chose! Ceci dit, je ne crois pas le lire!
Nous sommes plusieurs à lire ton blogue. Nous sommes par centaines tes élèves. Merci de partager autant, et avec constance.
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Claudio
Karine: Je ne pensais pas être très convaincante là-dessus!
Claudio: Je suis troublée par ces mots. Merci!
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